Chapitre 28 : Amitiés
- Bonjour... souffle la secrétaire.
Je lui lance un sourire rassurant. Comme tous les lundis matins depuis la sixième, je demande un billet de retard à l'administration.
- Comme d'habitude ? demande-t-elle d'une voix lasse.
J'opine du bonnet en scrutant ses boucles de cheveux blanches. Ses petites lunettes ovales posées sur son nez lui donne un air dur. Le parfait cliché de la secrétaire.
- Merci, murmuré-je lorsqu'elle me donne le papier vert.
Je me dépêche d'ouvrir la porte pour sortir. Je débouche sur la cour. Je dois aller dans le bâtiment à ma gauche... J'ai déjà cinq minutes de retard...
Je souffle en commençant à accélérer. J'espère ne pas perdre cinq minutes en retard de plus... Les yeux rivés au sol, j'essaie d'avancer rapidement.
Soudainement, je m'arrête. Une sensation assez étrange m'a fait sursauter. Une espèce de brulure au nez... Comme si des flammes rentraient dans mes narines. Je sais que la comparaison est bizarre, mais c'est exactement ce à quoi cela m'a fait penser. De légères flammes titillant le bout de mon nez.
Je le frotte, essayant d'effacer cette impression. Sans comprendre pourquoi, j'ai le besoin de me retourner. Je suis mon instinct et m'exécute. Je viens de croiser un homme. Il se dirige vers le bâtiment dont je viens de sortir. Une tête blonde avec des papiers dans la main.
Je ne perds pas plus de temps en futilité et cours jusque dans mon couloir d'histoire. Ce même couloir où je m'étais évanouie pour je ne sais quelle raison... La mémoire me fait vraiment défaut en ce moment. Je suis sûre d'avoir oublié des choses importantes...
Je toque à la porte de M. Atodo, mon professeur. Je pousse la porte en entendant son approbation. La vingtaine d'élèves de la classe me dévisage. J'ai l'habitude, c'est comme ça tous les lundis matins.
Je dépose le billet de retard sur le bureau de M. Atodo -qui d'ailleurs n'avait pas interrompu son cours pour m'accueillir- et me glisse sur ma chaise au dernier rang, au côté de Nina.
- Ça va ? murmuré-je à cette dernière en sortant mes affaires de cours.
- Aussi bien que d'habitude, me répond-elle avec un clin d'œil.
- Tu as fait quoi hier ? chuchoté-je en feignant l'innocence.
- Les boutiques au centre-ville ! Et toi ?
- Pas grand chose... Tu as fait les boutiques seule ? Ça ne te ressemble pas, remarqué-je.
J'admets que la curiosité est vraiment un vilain défaut... Mais je veux absolument savoir avec qui elle était... Nous n'avons aucun secret l'une pour l'autre, elle connait les personnes que je fréquente et vice-versa.
Réprimant une grimace, je constate que ce n'est plus vrai. Elle ne connait ni Adriel ni Sarah... Et elle ne sait pas tout le temps que j'ai passé avec Hakan... Peut-être va-t-il falloir que je lui présente mes nouveaux acolytes...
- Avec un ami, souffle-t-elle.
- Qui ? dis-je avec malice.
Elle ouvre la bouche pour parler, mais une personne toque à la porte. M. Atodo se tourne vers cette dernière. Je l'entends distinctement grommeler :
- J'en ai assez de ces élèves perturbateurs.
Il me coule en regard en biais. Quant à moi, je ne respire même plus. Je l'ai entendu alors que je suis au fond de la classe ! Enfin mes pouvoirs de métamorphe se manifestent ? J'accueille cette nouvelle avec excitation.
La porte s'ouvre sur, visiblement, un nouvel élève. Un grand blond aux yeux verts étincelants et à la peau légèrement halée. C'est ce garçon que j'ai croisé tout à l'heure ! Mon Dieu, mon cerveau raisonne à deux à l'heure, aujourd'hui... !
Un sourire en coin apparait sur son visage lorsqu'il croise le regard de Nina. Sur les dires du professeur, il s'assoit à une place libre au premier rang.
- C'est qui, ça ? j'interroge Sarah, sûre qu'elle détient la réponse.
Sans surprise, elle me donne un petit résumé.
- C'est avec lui que je suis allée faire du shopping, hier. Il s'appelle Isaac, c'est un vieil ami. Il va bientôt avoir dix-huit ans, ses parents l'ont laissé venir étudier ici. Pour l'instant il habite chez moi, le temps que ses parents rénovent un appartement près du centre-ville.
Chez elle ? Et les parents de Nina sont d'accord ? D'un côté, il est vrai qu'elle a une grande maison, de quoi loger plusieurs invités.
- D'accord...
J'essaie de me concentrer sur le cours, essayant de ne pas perdre une miette de ce que raconte le professeur.
J'allais commencer à prendre des notes lorsque je sens -encore une fois- une sensation inhabituelle. Mais ce n'est pas la même que tout à l'heure. Celle-ci est plus douce et effleure le sommet de mon crâne, telle une caresse. Ayant perdue le contrôle de mes mouvements, je tourne la tête à gauche. En diagonale de moi, son bureau collé contre le mur, Hakan me regarde calmement. Brusquement je reprends mes esprits -et mes gestes, par la même occasion.
Ce n'est pas vrai ! Il a recommencé à me manipuler. Je lui lance un regard noir, furieuse qu'il ait osé me prendre pour sa marionnette. Comme pour me rendre encore plus en colère, il me sourit de toutes ses dents, en me faisant un clin d'œil.
Je vais le tuer... Il a intérêt à courir vite.
- Ne sois pas méchante avec lui, tu ne l'as même pas calculé quand tu es rentrée en classe, me susurre Victor.
Tiens, te voilà, toi.
Je vais essayer de lui répondre. Depuis le temps que je veux le faire. J'ai totalement oublié le cours d'histoire qui se déroule sans mon écoute. Je fais le vide et me concentre sur ma réponse.
- Je ne l'avais pas vu, je me défends.
- Tu as enfin compris comment fonctionnait tes pouvoirs ? Il serait temps, j'en avais marre de parler tout seul.
Mon cœur rate un battement. Je lui parle. Il me répond. Par la pensée. Incroyable... Je refais le vide et ne pense plus à rien sauf à sa voix.
- Qui es-tu ? Tu n'es pas une voix dans ma tête, hein ? Parce que si ce n'est pas le cas, pourrais-tu m'aider à comprendre l'histoire des métamorphes ?
- J'existe. Je ne suis pas autorisé à te dire où. Je n'ai même pas le droit de te parler. Mais je le fais quand même, tu as besoin de quelqu'un pour t'apprendre tes origines. Je peux t'aider.
Je soupire de soulagement. Enfin une personne raisonnable.
Je jette un coup d'œil à Nina, qui est trop concentrée sur le cours pour s'apercevoir que je ne suis pas réellement dans mon état normal. J'ai l'impression d'être totalement en train de flotter... Sans oublier le feu que je pourrais presque sentir passer dans mes veines. Je relève le manche de mon pull gris et glisse une main sur ma peau. Elle n'est pas chaude. Donc ce n'est qu'une sensation. La journée des sensations... !
Je commence à comprendre comment fonctionne ma télépathie avec Victor, et réponds :
- J'accepte ton aide.
Avant d'avoir pu redire quoi que ce soit, je ressens la caresse sur mon crâne. Ma tête se tourne d'elle-même vers Hakan. Il me regarde, les yeux comme des soucoupes. Je le fixe en fronçant les sourcils, sans comprendre sa réaction.
- Tes yeux, articule-t-il en silence.
Il n'est qu'à quelques pas de moi, je peux lire aisément sur ses lèvres. Mon visage désormais crispé par l'incompréhension, je fouille dans ma trousse pour trouver mon miroir de poche. Je l'ouvre avec fébrilité. Je découvre mes yeux d'une couleur... différente. Passés de bleu turquoise à... du bleu électrique fluorescent, presque blanc.
Je relève la tête vers Hakan, apeurée par la chose que je viens de voir. C'est quoi ce délire ?!
- Calme-toi, dit-il toujours silencieusement.
L'inquiétude imprimée sur ses traits m'angoisse. J'essaie de réguler ma respiration, consciente que si je panique trop, mes oreilles vont ressurgir. Et là ce sera le pompon. Je ne vois qu'une seule chose à faire.
- Monsieur ? clamé-je, la tête baissée.
- Oui ? dit-il en se détournant de ses élèves pour écrire au tableau.
- Puis-je aller aux toilettes ?
Un court silence me répond. Je ne sais pas s'il m'a entendue.
- Ne lève pas la tête, sinon on va voir tes yeux, chuchote Victor dans ma tête.
Waouh. Merci Einstein.
Je ne prends pas la peine de lui répondre, sachant que ça ne ferait qu'aggraver les choses. Je suppose que c'est à cause de la télépathie si mes yeux luisent. Je me souviens que lorsqu'Hakan utilise son pouvoir de persuasion, ses yeux deviennent rouge rubis...
- Oui, bien sûr, rétorque enfin le professeur.
Ni une ni deux, je me précipite vers la porte, les yeux baissés sur mes chaussures. Je traverse le couloir pour atteindre la cour. Une fois dehors, je tourne à droite. Je déboule dans les toilettes des filles, le miroir me sautant aux yeux. Je fixe mon reflet pendant de longues secondes. Mes cheveux ébouriffés par la course que je viens de faire, mon visage tordu par la peur et l'angoisse et pour finir, mes yeux bleus, maintenant fluorescents.
Je les ferme et canalise toute mon attention pour me calmer. Je suis beaucoup trop agitée... Je n'arrive plus à réfléchir convenablement.
Les yeux toujours fermés, je jure à voix basse. Les poings serrés, je tente de retrouver une inspiration normale.
- Calme-toi, murmure une voix grave.
Je sursaute en ouvrant les yeux. Hakan se tient devant moi. Je soupire de soulagement. Il va m'aider. Je n'y serais jamais arrivée toute seule...
- Tu crois que c'est facile ?! m'exclamè-je, à la limite de l'hystérie.
Hakan s'approche de moi et soulève mon menton. Ses yeux cherchent les miens. Ils commencent eux aussi à luire.
- Que fais-tu ? chuchoté-je, fascinée par ses yeux rouge vif.
- Je vais te montrer comment faire. Respire longuement en fermant les yeux. En expirant, essaie d'imaginer tes yeux qui perdent petit à petit leur lueur. Compris ?
Il exécute ses paroles. Ses yeux redeviennent bordeaux foncé. Je commence à fermer les yeux.
- À toi.
Je fais exactement comme lui. Au bout d'un dizaine de secondes, je rouvre les yeux.
- Alors ? m'enquis-je, pleine d'espoir.
- Recommence, m'encourage-t-il en secouant la tête.
C'est ce que j'ai fait. Plusieurs fois, sans aucun résultat. Mes yeux s'obstinent à rester aussi lumineux.
- Ça ne marche pas ! gémis-je. Pourquoi ça ne fonctionne pas ? Je ne peux pas rester comme ça ! Imagine la tête des professeurs ! J'aurais l'air d'un monstre ! Et puis, je ne peux...
Hakan me coupe en me prenant brutalement dans ses bras. Je hoquète, surprise.
- Qu'est-ce que tu fais ? dis-je, avec stupéfaction.
- Chut, murmure-t-il.
Le menton posé sur son épaule, je ne bouge pas. Ses bras encerclent ma taille et une de ses mains chatouillent mes cheveux. Son odeur de cèdre me fait rabattre les paupières et inspirer lentement.
Puis, doucement, il commence à se balancer d'un pied sur l'autre, d'un mouvement presque imperceptible. Je suis la cadence, apaisée. Sa main qui caressait mes cheveux passe à mon dos, décrivant de petits cercles sur mes omoplates. Je soupire de bien-être. Je ne le repousse pas, sachant qu'il essaie de m'apaiser.
Ma respiration se calme et ralentit. Je rouvre mes yeux et croise mon visage dans le miroir. Mes yeux perdent doucement leur lueur surnaturelle. Je ne le dis pas à Hakan. Je ne me sens pas prête psychologiquement à le quitter, à laisser mon pilier.
Pourtant, au bout d'à peine deux minutes, il s'écarte de moi et pose un regard doux sur mes yeux.
- On dirait bien que ça a marché, remarque-t-il.
- Je crois bien...
Je laisse le silence me réveiller. J'ai soudainement froid, sans son corps contre le mien.
- Merci, murmuré-je, les yeux baissés. Je n'y serais jamais arrivée sans toi.
- C'est normal, je suis encore ton Exploiteur après tout, non ?
Je crois entendre un sourire dans sa voix. Je relève la tête. Effectivement, il dégaine un léger sourire qui adoucit son visage.
- Pourquoi mes yeux ont-ils brillé ainsi ? Je... je n'ai pas compris, bredouillé-je.
- Je ne sais pas... Tu as dû ressentir une émotion forte ou utilisé un de tes pouvoirs. Logiquement, si tu as vraiment utilisé l'un de tes pouvoirs, ça voudrait dire que tu as une nouvelle capacité, comme moi avec mon "hypnose". Sais-tu lequel ?
Je scrute attentivement son visage. J'esquive intelligemment sa question en lui en posant une autre :
- C'est possible de ne pas savoir quand l'on utilise nos dons ?
- Oui... Ça peut arriver... Après, ça dépend du pouvoir en question et de l'humeur du métamorphe.
- Comment as-tu fait pour sortir de la classe ? demandé-je de but en blanc. M. Atodo ne laisse sortir qu'une seule personne à la fois...
Un petit sourire en coin se créé.
- Juste une petite phrase de suggestion, et le tour est joué.
Je hausse les sourcils, sidérée. Son pouvoir est vraiment extraordinaire.
- Allez viens, sinon il va se demander ce qu'on fait tous les deux.
Je m'empourpre légèrement en comprenant l'allusion. Nous nous dirigeons côte à côte vers le couloir d'histoire.
- Comment fais-tu pour éviter de faire luire tes yeux trop longtemps ? Lorsque tu utilises ton don, la plupart du temps, ils ne brillent qu'à peine deux secondes... Voire moins...
Il sourit en passant doucement un bras autour de mes épaules et chuchote à mon oreille :
- Ça, c'est parce que je suis le plus fort.
* * *
En sortant des cours pour aller manger, je rejoins Nina et Isaac en compagnie d'Hakan. Je les retrouve en train de faire la queue pour rentrer dans le réfectoire. Nina fait rapidement les présentations.
- Isaac, je te présente ma meilleure amie, Kami. Kami, voici un vieil ami d'enfance, Isaac.
Isaac me sourit chaleureusement et je fais de même.
- Enchantée, dis-je en riant.
- Moi de même, répond-il.
Je me tourne vers Hakan pour le présenter, mais sa tête ne me plait pas du tout.
- Et le ronchon là, c'est Hakan, ajouté-je avec un clin d'œil à Isaac.
Nina commence à discuter avec Isaac sur je ne sais quel sujet, mais j'en profite et glisse quelques mots à l'oreille d'Hakan :
- Qu'est-ce qui ne va pas ? lui chuchoté-je.
- Ce type ne m'inspire pas confiance, grommèle-t-il.
- Comment ça ? soufflé-je, étonnée. Il m'a l'air sympa.
- Ne te fie pas au apparences, murmure-t-il tandis que nous avançons.
Nous mangeons assez rapidement. La conversation tourne surtout autour d'Isaac : d'où vient-il ? Comment a-t-il rencontré Nina ? Pourquoi avoir décidé de partir de sa ville en plein milieu de l'année scolaire ?
Des dizaines de questions du même genre. Au final, il s'avère être très gentil et amical. Hakan ne semble pourtant pas convaincu. Je n'y fais pas plus attention que ça. Hakan a un caractère bien à lui... Je me demande encore s'il n'est pas bipolaire...
- On va vous laisser, commence Nina tandis que nous sortions du self, on a des trucs à se dire avec Isaac.
Isaac feigne un regard suppliant pour ne pas que je le laisse partir avec elle. Je lui fais un sourire encourageant. Je les regarde s'éloigner, la main dans la main.
- Elle m'abandonne... lâché-je malgré moi à voix basse.
- Tu parles de Nina ? me demande Hakan alors que nous nous asseyons sur un banc libre.
- Oui...
Le banc en question se trouve sous un grand arbre qui laisse filer, de temps à autre, des rais de lumière solaire. Hakan reprend, sérieux :
- Tu dis ça, mais as-tu pensé à elle une seule fois depuis ton Déclenchement ? Ce n'est pas toi qui ne lui as pas parlé pendant cinq jours ?
J'avoue que là, il m'en bouche un coin. Je le regarde, choquée. Hakan, fier de lui, étend ses longues jambes devant lui et croise ses mains derrière sa tête.
- C'est vrai, tu as raison... Mais...
- J'ai toujours raison, me coupe-t-il.
- Alors déjà d'une, non, tu n'as pas tout le temps raison, et de deux, ce serait cool que l'homme modeste en toi se manifeste, soufflé-je en croisant les bras sur ma poitrine.
- C'est bon, je te taquine, ajoute-t-il en souriant.
Je ferme les yeux un instant, réfléchissant. Je vais forcement m'éloigner de Nina... Ma nouvelle condition de métamorphe oblige... Je vois déjà les week-ends que l'on passait ensemble dans les cafés disparaitre... Puis, une question qui me taraude depuis un moment passe en flèche devant mes yeux.
- Hakan, on ne peut rien dire aux Ordinaires, n'est-ce pas ? demandé-je en me souvenant du terme qu'il avait employé pour parler des humains sans pouvoirs.
- Tu veux dire... leur dire que nous nous ne sommes pas comme les autres ?
J'approuve de la tête.
- Non, on ne peut pas... Tu peux être punie pour ça.
- Punie ? Par qui ? m'enquis-je.
- La sorcière Originelle.
Je me souviens qu'il m'avait déjà parlé de cette sorcière... C'était pour l'histoire des feuilles que l'on glisse dans le boitier pour rentrer dans le Rocher, je crois...
- Hakan, tu sembles oublier que je n'y connais rien. Précise chacune de tes explications, s'il te plait.
Il laisse les rayons du soleil tomber sur son visage, les yeux clos. Ils donnent à ses cheveux noirs des reflets argentés. Il prend la parole, restant ainsi.
- La sorcière Originelle est celle qui a crée le Rocher. On dit que c'est une des premières sorcières qui est apparue sur Terre. C'est également elle qui a aménagé la montagne Originelle -d'où son nom. La montagne Originelle est la montagne où vivent les Elkatars, tu sais, la toute première tribu de loups.
- Des métamorphes loups habitent encore dedans ? réalisé-je.
- Oui...Nous sommes censés tous y vivre, normalement -enfin, les loups, uniquement.
- Mais, la sorcière Originelle est morte, non ? Si c'est elle qui a aménagé la montagne Originelle... Tu m'as dit que l'histoire de l'homme s'appelant "Katars" date de plusieurs milliers d'année...
- Je t'arrête tout de suite, m'interrompt-il. Ne pars pas trop loin dans ton raisonnement, tu vas te mélanger les pinceaux. La sorcière Originelle est immortelle. Elle dirige un conseil de métamorphes, sorcières et autres créatures au Nord de l'Espagne.
- Justement, en parlant de créatures... Qu'est-ce qui existe, au juste ?
Alors qu'Hakan allait me répondre, je me sens soulevée du banc. Quelqu'un me tient dans ses bras, une main sous mes genoux, l'autre dans mon dos. Je lâche un cri de surprise et Hakan se retrouve debout, sur le qui-vive, en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire.
- Relax mec, dit une voix d'homme, celui qui me portait, je ne ferai rien à ma Kami.
Je reconnais la voix. Il n'y qu'une seule personne qui m'appelle "ma Kami". Je lève la tête. Des dreadlocks et une peau mate. Peut-être que ma meilleure amie ne veut plus de moi, autant mon meilleur ami est encore là.
- Jam ! Ne me refais plus une peur pareille, enfin ! m'exclamè-je en riant.
Il me repose délicatement sur le sol, avant de toiser Hakan qui le regarde avec une animosité évidente. Je remarque quelques-uns des amis de Jam, non loin d'ici, à l'attendre.
- C'est ton copain ? me demande sans gêne Jam.
- Non, je réponds vivement en piquant un fard, c'est un bon ami.
- Tant mieux, parce qu'il n'est pas commode, rétorque-t-il en ignorant superbement Hakan.
J'entends légèrement Hakan grogner, mais ce n'est pas un grognement très humain. J'aperçois ses yeux devenir dangereusement rouges.
Excédée par la situation, je me plante face à Hakan et lui murmure :
- Tes yeux...
Heureusement que Jam ne le regardait pas,sinon il aurait été fichu. Je pivote sur moi-même et fais face à Jam.
- Il est très gentil... Juste un peu surprotecteur, avoué-je en faisant mon plus beau sourire à Jam.
- Je vois ça, dit-il en lorgnant Hakan par dessus mon épaule avant de reporter son attention sur moi. Et toi, ça va ? Tu n'étais pas là jeudi... T'étais malade ?
- Heu... Non, juste un peu trop occupée pour aller en cours, dis-je en mentant.
Bon, d'un côté, ce n'est pas vraiment un mensonge... J'étais réellement trop occupée pour aller au lycée.
- Et toi, je ne t'ai pas vu, vendredi ? m'enquis-je.
- J'étais parti chez mes grands-parents pour le week-end. Je suis parti jeudi soir.
- Je vois... C'était cool ?
- Bah, ouais ça va, j'ai surfé un peu ! me dit-il en riant.
Je sens Hakan se poster à mes côtés et poser sa main dans le creux de mes reins. Je retiens un sursaut. Ce geste me parait tellement décalé vis-à-vis de notre relation d'ami, que je ne sais pas quoi faire.
- C'est bon, vous avez fini ? Je dois parler à Kami, intervient Hakan en tirant légèrement sur mon haut.
- C'est bon, je te laisse avec ma Kami, crache Jam.
Il ajoute plus doucement à mon encontre :
- A bientôt, ma belle.
Je souris en comprenant son manège. Rien qu'en voyant son sourire en coin et ses yeux moqueurs, je sais qu'il veut faire tourner Hakan en bourrique et ça marche. Hakan en est presque rouge de colère. Sa main agrippant ma taille me serre.
- Tu me fais mal, lui fais-je remarquer calmement alors que Jam partait.
- Désolé, marmonne-t-il en me lâchant.
- Je rêve mais tu es jaloux ! dis-je en riant.
- Non, juste un peu possessif, avoue-t-il en serrant les dents.
- Un peu ? T'exagères à peine, non ? dis-je en partant dans un fou rire.
A force de rigoler, mon rire à réussi à le faire sourire.
- Tu fais partie de la "meute", maintenant, dit-il en haussant les épaules. La meute c'est comme une seconde famille, il faut prendre soin de ses membres. Et je n'aime pas trop quand on y touche.
Je hoche la tête, dubitative. C'est vrai que les loups fonctionnent en meute... Je ne sais pas exactement combien il y a de métamorphes loups chez les Midas, mais je ne connais qu'Adriel et Hakan.
D'ailleurs, je n'ai pas de nouvelles d'Adriel. Je questionne rapidement Hakan à ce sujet.
- Il va mieux, me répond-il les dents serrés, suivant encore des yeux chacun des mouvements de Jam, reparti avec ses amis.
Je l'observe regarder Jam, riant sous cape. C'est clairement de la jalousie, même s'il ne l'avoue pas. Avec un gloussement, je me mets à espérer que nous ne soyons pas nombreux dans la meute, car s'il est aussi "protecteur" avec tous les occupants, on n'est pas rendu ! J'insiste un peu sur le sujet, joueuse :
- Je ne vois pas pourquoi tu serais jaloux, tu sais. Jam est mon meilleur ami. A moins que tu ne veuilles sa place ? le taquiné-je.
- Peut-être, mais il faut savoir que peu importe les circonstances, je vise toujours plus haut.
Avant que je n'ai le temps de comprendre sa phrase, il m'empoigne la taille et me soulève de terre avant de me déposer sur son épaule.
- Lâche-moi !!! hurlé-je en riant de bon cœur.
- Jamais !
Il parcourt le bout de cour qu'il reste jusqu'au préau, sous l'œil des plus curieux. Il me dépose au sol pile au moment où la sonnerie retentit. Alors que nous prenions nos sacs, je croise Jam qui me fait un clin d'œil. Hakan le remarque et sans raison particulière, ses yeux se remettent à luire. Sauf que sous le préau, la luminosité est faible, donc la lumière surnaturelle qui sort de ses iris sont largement plus visibles qu'en plein jour. Je me dépêche d'intervenir avant que quelqu'un ne le remarque.
- Hakan, le grondé-je doucement.
Ses yeux redeviennent normaux. Il me lance un regard indéchiffrable.
- Le plus fort, hein ? le titillé-je avec malice.
* * *
- Pas de devoirs pour demain, je vous laisse réviser vos leçons, déclare le professeur.
J'accueille cette nouvelle avec un soupir de soulagement. J'en ai par dessus la tête des travaux à rendre. J'aurai au moins le temps de rédiger la dissertation que j'ai à rendre pour mercredi...
Lorsque je sors dans la cour, je découvre Hakan et Isaac en grande conversation à côté d'un poteau. Ils sont déjà sortis de la classe ? Bon, il est vrai que Nina et moi sommes souvent les dernières à ranger nos affaires...
- Ils font quoi les deux, là ? me demande Nina qui marchait à côté de moi.
- Je ne sais pas... Viens, il n'y a qu'un seul moyen de le savoir !
Avant même que je prenne la direction pour les rejoindre, Hakan se tourne vers moi. Ses yeux rencontrent les miens une seconde avant qu'il ne chuchote quelques mots à Isaac.
J'accélère la cadence pour capter leur échange, mais j'arrive trop tard. Les deux garçons se regardent les yeux dans les yeux, menaçants. Il y a de l'électricité dans l'air, à ce que je vois.
- De quoi parliez-vous ? les interrogé-je en toute innocence, Nina arrivant derrière moi.
- De rien, grince Hakan, les dents serrés.
Je n'insiste pas. Je ne vois pas quelle conversation ils auraient pu avoir qu'ils les mettent à ce point dans cet état d'hostilité.
- Rien du tout, lâche Hakan en foudroyant Isaac du regard.
Ce dernier le fixe, interdit. Hakan part vers le portail, tendu. Je salue mes deux amis, m'excuse rapidement de la conduite d'Hakan auprès d'Isaac et cours rejoindre le grognon de service.
J'arrive enfin à sa hauteur lorsqu'il passe la sortie. Je l'attrape par le bras pour le freiner. Je pose une question, les yeux plongés dans les siens :
- Quelque chose ne va pas ?
- Non, tout va bien.
De la colère. Voilà l'émotion qui assombrit ses iris. Et je ne comprends pas pourquoi. Comment une conversation avec une personne qu'il ne connait pas peut le mettre dans une telle fureur ?
- Hakan... soufflé-je.
- Quoi ? s'exclame-t-il si fort que je sursaute.
Il le remarque et passe une main sur ses yeux en fronçant les sourcils.
- Désolé, dit-il en soupirant doucement, je suis un peu sur les nerfs... Avec les révisions en plus...
Je compatis totalement. Il y a beaucoup à apprendre avant le bac qui approche dangereusement...
Je lâche son épaule et réajuste mon sac sur mon épaule. Je viens d'avoir une idée.
- Dis, Hakan, ça te dit de venir à la maison pour qu'on révise ensemble ? On est deux à galérer, alors autant s'entraider ! Non ?
Une petite étincelle s'est mise à briller dans ses yeux. Sa voix est pleine de malice lorsqu'il déclare, en commençant à marcher :
- Qui t'a dit que je galérais ?
Je marche à côté de lui, silencieuse. Je lève les yeux vers lui, et lui réponds, railleuse :
- Bah justement alors, tu pourras m'aider à comprendre.
Il souffle en levant les yeux au ciel. Un petit sourire nait sur son visage.
- On commence quand, alors ? me dit-il en croisant les bras sur son torse.
- Pourquoi pas maintenant ? Tu as quelque chose de prévu, là, tout de suite ?
- Non, je n'ai rien à faire... Va pour maintenant alors !
Je souris doucement. Hakan m'emboite le pas jusqu'à ma voiture.
- C'est moi qui conduis, cette fois ! je lui fais remarquer.
- Si ça peut te faire plaisir, soupire-t-il en riant.
Nous grimpons dans la voiture et bouclons notre ceinture. Je m'engage sur la route, prenant bien garde à respecter tous les panneaux que je croise, pour éviter les moqueries d'Hakan.
Mais lorsqu'un conducteur me coupe la priorité dans un rond-point près de chez moi, Hakan ne peut visiblement pas se retenir.
- Ta conduite laisse encore à désirer... Pauvre faisans..., murmure-t-il dans un souffle, le sourire aux lèvres.
- Déjà, c'est lui qui m'a coupé la priorité, commencé-je en sortant du rond-point. Et, ce n'est pas de ma faute si les faisans sont des oiseaux stupides !
- C'est ça, trouve-toi des excuses....
- Pff...
Je me gare dans l'allée devant ma maison, et retire mes clefs du contact. Hakan se détache et, juste avant de sortir de la voiture, grommelle ces quelques mots à mon attention :
- La prochaine fois, c'est moi qui prends le volant. Je suis sûre que ma grand-mère conduit plus vite !
- Eh ! m'écriè-je.
Je veux lui donner une tape sur l'épaule, mais Hakan l'esquive en riant. Je ris légèrement à mon tour avant de sortir.
Alors que je monte les marches menant au perron, je sens une odeur bien caractérielle. Une douce senteur sucré de vanille. Je me retourne le cœur battant. A quelques mètres de là, dans le coin de la rue, marche tranquillement Adriel.
Abandonnant mon sac de cours sur le sol, je me précipite vers lui, en criant son nom. Quand il me voit, son visage s'éclaire d'un sourire éblouissant. Il a l'air bien rétabli, comme s'il n'avait jamais manipulé d'aconit tue-loup.
Il ouvre les bras et je me jette dedans en riant. Je le serre un peu contre moi avant de m'écarter, tout de même inquiète.
- Tu vas bien ? Tu... tu es guéri ?
- Oui, ne t'inquiète pas pour ça. Ce n'était pas si grave que ça en avait l'air.
Je me retiens de protester. Pour qu'il ait été aussi blanc et qu'il ait perdu connaissance, si, je trouve ça grave... Mais je n'insiste pas, profitant de l'instant.
- J'ai eu tellement peur qu'il y aie des complications... C'est ma faute si tu t'es retrouvé dans cet état...
- Ta faute ? me demande-t-il, perplexe.
- Indirectement, oui... Si je t'avais prévenu mercredi, tu n'aurais pas eu besoin de te servir d'aconit...
- Ce n'est pas ta faute, clarifie-t-il. C'est de la mienne. J'aurais dû faire plus attention lorsque je l'ai administré à la louve. Je n'aurais même pas dû lui faire boire ça.
Je réagis au quart de tour.
- Pourquoi ? Elle va bien, hein ? Tu m'avais dit qu'elle allait bien !
- Calme-toi, me dit-il en posant ses mains sur mes épaules, elle va bien. C'est juste que je n'avais pas besoin de courir le risque de me blesser -c'est trop tard, maintenant- en utilisant de l'aconit. J'aurais dû demander à Hakan où tu te trouvais. Même si je ne savais pas que tu le connaissais, à ce moment-là, m'avoue-t-il.
Comme une illumination, je me rappelle nettement la fois où nous étions rentrés de la Veillée, avec Hakan. Adriel avait clairement voulu me sortir du tunnel...
- C'est pour ça que tu as essayé de me faire sortir du tunnel, le soir de la Veillée... Je me trompe ? Tu pensais que j'étais seule ?
Il se gratte la nuque, réfléchissant à ses prochaines paroles. Il met plusieurs secondes avant de me répondre. Et moi, je me pose des questions. Si ce n'est pas pour cette raison, pourquoi ne voulait-il pas que je rentre dans le Rocher ?
- C'était pour ça, mais pas que..., admet-t-il.
Je crois lire de la honte sur ses traits.
- Pour quoi, alors ? j'insiste.
- Je ne savais pas que les Midas t'avait transformée. Je pensais que les Noths s'étaient chargé de ton Déclenchement...
Sa déclaration me donne un coup au cœur. Il pense comme son père, M. Seilmand.
- Mais tu sais que ce n'est pas le cas, maintenant, n'est-ce pas ? m'enquis-je.
- Bien sûr, Hakan m'a dit la vérité.
Je me sens rassurée. Il pensait comme M. Seilmand, alors. Je comprends alors pourquoi il était si froid et aussi peu avenant à mon encontre, dans le tunnel. Il pensait que j'espionnais les Midas... Ou que je m'apprêtais à le faire.
Je me souviens tout à coup d'Hakan, qui doit suivre notre échange depuis tout à l'heure. Je me détourne d'Adriel pour vérifier où il se trouve.
A ma grande surprise, je le retrouve collé à la porte d'entrée, l'oreille sur le bois.
J'étouffe un rire en me rappelant cette position. Sarah et moi avions eu exactement la même, samedi soir, pour vérifier si ma mère était à la maison.
Cette constatation me donne une bouffée d'anxiété. Si Hakan est dans une telle position, c'est qu'il se passe quelque chose dans la maison... Hakan, l'air sérieux, les sourcils froncés sous le coup de la concentration, ne semble pas vouloir s'écarter de la porte.
- Hakan, qui a-t-il ?
- J'entends du bruit.
- Je sais, je réponds du tac au tac, ma mère doit être débauchée.
Son chef de travail lui a demandé de venir plus tard le matin et de rentrer plus tôt, car elle a trop travaillé ce mois-ci pour être rémunérée convenablement. Et évidemment, ça n'arrange pas son patron.
- Elle fait beaucoup trop de bruit, nous confie Hakan en serrant ses mains sur la porte.
- Tu as raison, je l'entends, murmure Adriel, attentif.
Hakan lève brusquement l'index en l'air, nous faisant signe de nous taire, et fronce encore plus les sourcils. Il déclare, l'air grave :
- Elle n'est pas seule.
Sans me le dire deux fois, je parcoure les quelques pas qui me séparent d'Hakan, ramasse mon sac, attrape mes clefs et ouvre la porte.
Je l'ouvre en grand, sentant Hakan et Adriel se tendre derrière moi. La maison est sens dessus dessous. Les coussins du canapé sont posés ça et là sur le sol. Des papiers de toutes sortes sont éparpillés dans tout le salon. Des marques de cirage de chaussures raient le parquet.
- Des traces de lutte, murmuré-je pour moi-même.
Soudainement, une explosion cristalline se fait entendre. On aurait dit du verre qui se brisait sur le sol... Ça a l'air de venir de la cuisine.
- Arrête de te débattre, maugrée une voix masculine.
- Lâche-moi ! hurle ma mère.
Cela suffit pour me faire accourir en quatrième vitesse vers la cuisine, les deux frères sur les talons.
- Comment oses-tu revenir ici ? crie-t-elle à l'homme qui tient les bras de ma mère derrière elle.
Je me fige. Je ne vois pas le visage de la personne à qui elle s'adresse. Elle se cache ostensiblement derrière ma mère en lui tordant les bras.
J'entends Hakan et Adriel grogner tout près de moi. Leurs yeux se mettent à scintiller, teintant leurs iris pour l'un de rouge rubis, et pour l'autre d'un orange vif, légèrement cuivré.
- Oh, clame la voix de l'homme avec un fort accent espagnol, des métamorphes. Ça risque d'être plus compliqué que prévu... Mais également beaucoup plus drôle.
••••••••••
Hey ! Je m'excuse d'avance pour l'heure à laquelle je poste, j'ai eu quelques petits problèmes techniques avec ce chapitre, mais je voulais absolument le poster aujourd'hui ! x)
Alors, qu'avez-vous pensé de ce chapitre ? Un nouveau dans la classe ? Kami qui dialogue maintenant avec Victor ? Un léger rapprochement entre Kami et Hakan ? Adriel est sur pied ! J'espère que vous ça vous fait plaisir ! Alors finalement, qui est donc cette personne, qui s'est introduite chez Kami ? Un nouveau personnage ? Et qui, au passage, s'est apparemment battue avec sa mère ? Dites-moi toutes vos propositions et votre avis ! :)
Je dédicace ce chapitre à @Tootsie2002 qui vote et commente toujours mes chapitres ! Merci à toi ! J'espère que l'histoire continuera à te plaire ! <3
N'hésitez pas à voter et à commenter, ça me fait tellement plaisir ! Je poste la suite dès qu'elle est écrite ! ;) (Sûrement la semaine prochaine !)
❤️❤️❤️
••••••••••
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro