Chapitre 19 : Réconciliation
- Kami, ça va ?
Ma mère se penche vers moi, et me touche l'épaule. Je reste pétrifiée devant l'homme qui se tient derrière elle. Ses chaussures, je les ai déjà vues. Je n'arrive pas à me souvenir où, mais une chose est sûre : Je dois me méfier de cet homme. Il est dangereux. C'est une certitude.
- Oui, ça va, dis-je en affichant un grand sourire.
Ma mère me couve d'un regard inquiet, et déclare :
- C'était ça, Kami, la surprise.
Je fronce les sourcils et la regarde, sans comprendre.
- Je te présente Franck, ton beau-père.
Là, je crois que je vais faire une crise cardiaque.
- Vous vous êtes mariés ?! je m'exclame.
- Non, non, s'empresse de dire ma mère. C'est mon petit ami si tu préfères.
La scène en est presque comique. Normalement, c'est à moi de présenter mon petit ami à ma mère. Pas le contraire. Moi, cela aurait été normal. Je lance un regard à Hakan, puis à Adriel. Ils ont compris que quelque chose n'allait pas.
- Kami, et si tu nous présentais tes amis ?
Je ne quitte pas des yeux le sourire de Franck. Cet homme est louche. Vêtu d'un jean bleu foncé, et d'un col roulé noir, il est clairement charmant. Mais ce n'est qu'une apparence. Je le sens. Je me tourne vers Adriel, et commence la présentation.
- Voici Adriel, mon employeur. Et son frère, Hakan.
Je finis ma phrase en me tournant vers Hakan. Ça me fait bizarre de le présenter comme son frère.
Ma mère les regarde l'un après l'autre, puis ses yeux se posent sur moi.
- Vous voulez peut-être rentrer ?
Je m'empresse de répondre.
- Non, je ne pense pas que ce soit une bonne i...
- Oui, nous allons rentrer quelques minutes, m'interrompt Hakan.
Je lui lance un regard surpris. Mais qu'est ce qu'il fait ? Il rentre, et Adriel le suit en s'excusant d'un regard.
- Vous avez une très belle maison, madame, dit Hakan en examinant les lieux.
Je lève les yeux au ciel. Ce n'est pas comme s'il n'était jamais venu. Mais, ce n'est pas le premier à nous faire ce compliment. Notre maison est assez... atypique.
J'habite dans une grande maison, avec beaucoup de bois. Un plancher, des murs en plaques de bois, des meubles en bois. Tout n'est pas en bois, heureusement. Mais, c'est mon environnement quotidien. C'est ma maison.
- Allons, ne m'appelle pas madame ! dit-elle en riant. Appelle-moi Sandrine.
Je rentre chez moi en soufflant. Je ne la sens pas cette soirée. Entre mon beau-père qui débarque, et les deux frangins qui s'incrustent chez moi, je suis en totale panique. Il faut que je fasse quelque chose.
- Maman, je monte dans ma chambre deux minutes, je dois montrer quelque chose à Hakan et Adriel.
Sans attendre son consentement, je monte les escaliers en bois brut. Adriel et Hakan sur les talons, j'entre dans ma chambre. Je ferme lentement la porte derrière eux, me retourne et explose.
- T'es sérieux ? Tu t'incrustes comme ça chez les gens, toi ? dis-je en m'adressant à Hakan. D'un autre côté, ton frère entre par les fenêtres, ajouté-je en me prenant la tête entre les mains.
Hakan interroge Adriel du regard. Ce dernier sourit bêtement. Ils sont incroyables ces deux-là. Je commence à faire les cents pas en réfléchissant.
- J'ai senti que tu n'étais pas bien, s'excuse Hakan. Tu as déjà vu ce type ?
J'expire un bon coup, et me tourne vers lui.
- Oui, mais je ne me souviens pas où. Quand je pense à lui, tout ce qui en ressort est de la peur, et une douleur à la nuque.
Sans parler de ses chaussures, je pense silencieusement.
- Je ne comprends rien, dis-je nerveusement.
Je passe une main dans mes cheveux, et regarde Adriel prendre la parole.
- Un coup des Brumeurs, j'en suis sûr.
Hakan s'assoit sur mon lit en fronçant les sourcils.
- Oui, mais pourquoi ? déclare-t-il.
Personne ne répond. Les Bumeurs m'auraient-t-ils vraiment pris un souvenir ? Je déteste les questions sans réponse. Pourtant, j'en ai constamment autour de moi. Des tas de questions sans réponse, triturant mon cerveau. Et c'est Hakan qui détient la plupart des réponses.
- Quand vas-tu enfin me dire ce que je dois savoir, déclaré-je brusquement, en regardant Hakan.
Je ne lui laisse pas le temps de répondre, j'enchaîne.
- Tu es mon Exploiteur, tu dois t'occuper de moi, non ?
Adriel hausse les sourcils, et m'interroge.
- Hakan est ton Exploiteur ? Ça va pas être de la tarte avec lui.
Le concerné lui lance un regard assassin. Adriel lui fait un grand sourire. Un remue-ménage se fait entendre en bas.
- Vous avez entendu ? dis-je la voix tendue.
- Oui, répondent Hakan et Adriel à l'unisson.
Je me précipite dans les escaliers, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, je me retrouve en bas.
- Que se passe-t-il ? je demande.
Ma mère et Franck ne se trouve pas dans le salon. J'accoure dans la cuisine. Je retrouve ma mère au petit soin avec Franck. Ce dernier se fait mettre un bandage sur le doigt par ma mère.
- Que se passe-t-il ? je répète.
Adriel et Hakan entrent dans la cuisine.
- Rien, répond Franck en me souriant, je me suis coupé avec le couteau.
Le couteau est sur le parquet, légèrement taché de sang. La cuisine doit être la seule pièce avec la salle de bain, à avoir des murs entièrement blancs.
Franck est assis sur une chaise, autour de la table de la cuisine, au milieu de la pièce. Ma mère lui passe un coton d'alcool sur sa blessure, et je le vois serrer les dents.
Ça me rappelle lorsque je m'étais blessée au coude et que Hakan me soignait. Je tourne la tête vers lui. Il me sourit tendrement en me faisant un clin d'œil. Il a pensé à la même chose que moi. Je lui souris à mon tour, et m'apprête à poser une question à ma mère quand un éclat attire mon attention. Il disparaît aussi vite qu'il était venu. Je ne sais pas d'où ça venait, mais c'était près de ma mère et de Franck. C'était deux points rouges qui brillaient.
En fouillant des yeux la pièce, je ne m'aperçois qu'ils ne sont plus là. Mon imagination, sûrement.
Ma mère lève les yeux du doigt de Franck, et déclare :
- Voilà, c'est fini.
Je me baisse et ramasse le couteau sur le sol.
- C'est tout ce qui est tombé ? je demande, abasourdie.
- Oui, pourquoi ? répond ma mère.
- Non, comme ça.
Je lance un regard empli d'angoisse à Hakan. Celui-ci me répond en hochant la tête. Il a compris.
- Maman, je raccompagne mes amis à la porte.
En posant le couteau dans l'évier, je ferme un instant les yeux. Ce n'est tout simplement pas possible...
Je me dépêche de sortir de cette pièce, et accoure vers la porte. Je l'ouvre, et sors. Adriel et Hakan m'observe, attendant que je m'explique.
- Tout à l'heure, j'ai entendu un raffut pas possible en bas, alors que ce n'était que le couteau. Comment est-ce possible ?
Adriel devance Hakan et me répond.
- Tu commences à recevoir tes dons, c'est normal.
- Explique-moi, je demande en croisant la bras devant ma poitrine.
- Ton ouïe, ta vue et ton odorat vont considérablement s'améliorer, répond Hakan.
- C'est gentil de m'avoir prévenue ! m'exasperé-je.
- Écoute, commence Hakan, il faut absolument que je t'explique. Mais pas maintenant. Il me faut plus de temps. Quand peut-on se voir ?
Je réfléchis quelques secondes. Connaissant ma mère, elle ne voudra pas que je sorte après ce que j'ai fait ces dernières nuits. J'ai une idée.
- Je serai sûrement punie. Viens vers quatorze heures, si tu peux. Passe par la fenêtre.
Il lève la tête vers la fenêtre de ma chambre, au dessus de lui.
- Cette fenêtre ? dit-il avec désarroi.
- Oui, mais emmène Adriel avec toi, il saura comment faire.
Hakan fronce les sourcils, mais ne cherche pas à comprendre.
Je préfère qu'Adriel vienne. Je ne peux pas rester toute seule avec Hakan. Je vais le harceler de questions, cela va l'énerver, et je n'aurai pas toutes mes réponses. Alors que si Adriel est là, je pourrai repartir mes demandes équitablement entre les deux. Enfin, bref. En plus, j'ai quelques questions à poser à Adriel.
- Kami !
J'entends ma mère m'appeler, aussi distinctement que si elle était à côté de moi. Je me bouche les oreilles.
Sa voix aigu est trop forte pour mes pauvres oreilles. Je souffle un coup, et je vois Adriel et Hakan qui me regarde, inquiets. Je hoche la tête pour dire que je vais bien.
- On t'apprendra à contrôler ça, ne t'inquiète pas, me rassure Adriel.
Je me tourne vers Hakan, et je remarque qu'il fixe ma tête avec insistance.
- Quoi ? dis-je, légèrement sur les nerfs.
- Tes oreilles sont revenues.
- Oh, non !
Je me prends la tête entre les mains, sentant leurs doux poils sous mes paumes, et essaie de les faire disparaître. Plus facile à dire qu'à faire. Je n'ai fait ça qu'une fois.
- Kami, je ne veux surtout pas te faire paniquer, mais j'entends ta mère arriver, déclare Adriel.
J'écarquille grands les yeux.
- Quoi ?!
Là, je panique. Je n'ose même pas imaginer les dégâts que ça ferait si ma mère me voit avec mes oreilles.
Concentre-toi.
J'arrête automatiquement de paniquer, souffle un coup, et me concentre. Je ferme les yeux, et imagine mes oreilles rentrer dans mon crâne. Je rouvre un œil, et examine les deux frères.
- Alors ?
- C'est bon, me répond Hakan, une mine soucieuse sur le visage.
Allons bon, qu'est ce qu'il a encore ? Je n'ai pas eu le temps de lui poser la question, ma mère intervenant.
- Tu viens, Kami ? dit-elle en posant une main sur mon épaule.
- Oui, j'arrive, dis-je en souriant.
- À lundi ! s'exclame Hakan en se retournant pour partir.
- À lundi, je lui réponds.
En voyant marcher côte à côte Hakan et Adriel, je constate qu'ils ont vraiment l'air proches.
- Viens Kami, tu dois avoir faim.
Ma mère rentre dans la maison, et disparaît dans la cuisine. Je referme la porte, et suis ma mère. Je suis une nouvelle fois troublée en voyant Franck. Une douleur à la nuque ressurgit au moment où je pose les yeux sur ses chaussures.
Une chose assez étrange se produit. Un souvenir repasse dans mon cerveau. Mais, avant que je ne le vois, une fumée épaisse envahit mes yeux. Je titube légèrement en faisant quelques pas en avant.
- Tu vas bien ?
La voix grave de Franck retentit. Je hoche la tête, et attrape la première chaise qui me tombe sous la main.
- Sandrine ? Je crois que Kami ne se sent pas très bien.
Je retiens un grognement. J'ai dit que j'allais bien, idiot.
- Tu vas bien, ma chérie ?
Elle lâche le plat qu'elle tenait dans ses mains, et se précipite vers moi.
- Oui, je vais bien. J'ai juste besoin de m'assoir un peu.
Je m'installe dans la chaise que je tenais, et ferme les yeux. La fumée noire que je vois à travers mes yeux ne s'estompe pas pour autant.
Mais qu'est ce qu'il se passe ? C'est quand j'ai essayé de me souvenir où j'avais vu ses chaussures.
Je l'ai sur le bout de la langue, mais c'est comme si quelque chose gardait étouffé ce souvenir, le forçait à rester enfoui.
Ma mère me caresse les cheveux, comme lorsque j'étais petite. Dès que je me faisais mal, elle venait me réconforter en me caressant les cheveux.
Ce geste fait apparaître des larmes aux coins de mes yeux. J'ai l'impression de retrouver la personne adorable qu'était ma mère avant l'annonce de la mort de mon père. Elle me l'avait dit la veille de mes quinze ans, du jour au lendemain, sans aucune raison. Et depuis, elle a changé, comme si elle avait enfin réalisé qu'il était mort.
Il serait temps, j'ai envie de dire. Quinze ans à se faire croire qu'il l'avait laissée seule élever un enfant, et trois ans pour se rendre compte qu'il était mort. Mais maintenant, elle semble revenir à la normale.
Et tout dans ses gestes, me rappelle ma maman d'avant. Ma maman qui m'avait tant manqué. Je la prends dans mes bras, et lui chuchote :
- Ça fait du bien de te retrouver...
D'abord surprise, elle me serre sans rien dire, puis déclare :
- Ça me fait du bien aussi.
La fumée commence tout juste à s'estomper. Alors que je cligne des yeux plusieurs fois, je regarde par dessus l'épaule de ma mère.
Un rictus de méchanceté déforme le visage de Franck. Un sourire sadique s'étale sur ses lèvres. La fumée revient brusquement, et je ne vois plus rien. Elle me fait terriblement mal aux yeux. Je lâche un cri de douleur.
Ma mère me relâche soudainement.
- Kami, qu'est ce que tu as ? s'inquiète-t-elle.
Je recommence à distinguer les formes et les couleurs. Le visage de Franck est réellement inquiet. Menteur.
Était-ce bel et bien de la méchanceté sur son visage, il y a peine quelques secondes ? Où bien l'ai-je imaginé, comme beaucoup de choses en ce moment ? En tout cas, je suis sûre d'une chose : je ne lui fais réellement pas confiance. Quelque chose de maléfique se dégage de lui.
- J'aimerais m'allonger un peu, déclaré-je, la voix tremblante.
- Je vais t'aider à monter les escaliers.
- Non, je m'empresse de dire à ma mère. On ne va pas laisser ton invité tout seul.
- D'accord, mais je te monte à manger, que tu le veuilles ou non.
Je soupire de soulagement. Effectivement, je meurs de faim. Je monte les escaliers doucement. Et dire que tout à l'heure je l'ai dévalé à toute allure !
C'est l'ironie du sort.
- Victor... merci de te moquer, marmonné-je tandis que j'arrive en haut des marches.
De rien.
Je me rattrape à la poignée de la porte, surprise. Il m'a répondu ! C'est la première fois que ça arrive. Abasourdie, je me laisse tomber sur mon lit, avant de m'installer correctement. Ma mère entre dans ma chambre, un plateau à la main.
- Je t'ai fait de la purée avec du poulet.
- Tu as eu le temps ? je m'exclame, surprise.
- Je l'ai préparé tout à l'heure ! rit-elle.
Son rire. Cela fait depuis si longtemps que je ne l'ai pas entendu. Cristallin et si communicatif. Elle dépose le plateau sur mon lit, et m'embrasse sur la joue.
- Vas-y, dis-je en souriant. Retourne avec Franck.
- Merci ! s'exclame-t-elle.
Une fois seule, je commence à manger. Je finis rapidement, et me dirige vers la salle de bain. Après m'être douchée et lavé les dents, je pars me coucher. Je n'ai même pas le temps de commencé à réfléchir, que je me laisse tomber dans les bras de Morphée.
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Je suis encore une fois désolée d'avoir publié en retard ! J'ai un peu de mal à être régulière en ce moment... Merci d'avoir lu ce nouveau chapitre ! Commentez !!! 😘
Kami qui ne se souvient plus où elle a vu ces chaussures ? Une réconciliation possible avec sa mère ? Un beau-père gentil et aimant, ou tout le contraire ? Dites-moi tout ! 😀
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