Les derniers éclats de lune s'étaient volatilisés des bras d'Aurore au lever du soleil. En partant, les larmes de l'astre brun avaient soufflé sur le ciel et ses filaments nacrés s'étaient noyés dans les plaines langoureuses du firmament. L'empyrée s'était dévêtu, il avait troqué sa robe noir d'ivoire pour une sublime tunique azurine. Et c'était ce somptueux alpage aux brillances bleutées qui sillonnaient les deux océans verdoyants de la jeune femme. Les prairies turquoises baignaient les clairières lumineuses de la forêt sauvage et luxuriante qu'offraient ses yeux.

Enfin, Aurore éclaircit la passion dans son cœur parmi les autres lueurs dont elle s'imprégnait. Elle qui pensait être sous le charme de la voûte céleste, demeurait au fond envoûtée par la plus nocturne de ses résidentes. La nuit ne l'avait pas apaisée, les fleurs du soir n'avaient pas submergé son âme, il n'y avait eu qu'eux, les sourires de la lune. Oui, elle avait bercé son sommeil et ses rayons l'embrassaient chaque soir plus tendrement. Olympe n'était pas le fruit de ses désirs, mais plutôt ce sublime champ de fleurs où resplendissait la plus douce des roses argentées. Les couleurs, les traits de ce paysage angélique l'avaient embaumée comme les courbes du corps de Luna. Aurore avait touché un bout de l'éther, et la sensation de sa peau contre sa paume lui parvenait encore. Son absence brûlait la finesse de ses mains et le volupté de ses doigts désolés de la chaleur astrale.

Ce fameux soir, où les étoiles parsemaient l'ébène, où la nuit était sienne, Aurore avait plongé dans l'océan noirâtre et nagé en plein vent. Le temps d'un petit matin sans nuage, son corps avait accompli l'ascension avec son âme, et le sourire de la lune s'était dessiné juste devant elle. Les deux anges avaient contemplé à l'univers, et jusque tard dans les ténèbres glacés, leurs deux voix avaient couvert l'ombrée de lumière. Chaque éclat de rire avait inondé l'ardeur de sa poitrine, les mots s'étaient transformés en berlingots colorés et avaient charmé son esprit. De belles réminiscences dorées arpentaient les méandres de ses songes, toujours plus étincelantes mais constamment abrégées.

L'abîme lumineux devenait lanterne au loin alors que l'incendie s'attisait à nouveau au plus profond de son cœur. Luna... La couleur de ses yeux avait coulé avec les derniers flocons de la sorgue. Les embrassades s'envolaient, les pétales de ses lèvres fanaient, les baisers s'offraient au néant de l'horizon. Aurore voyait ses pensées s'entremêler, le ciel se languir d'un nouveau luminaire alors que son esprit s'ennuageait de flammes. Son monde s'écroulait, et le jade de ses pupilles perlaient les orchidées de l'azur.

La jeune femme s'étendit sur le gazon pervenche tout en trempant la pointe de ses pieds dans le gouffre aux aigues brumeuses. Peut-être pensait-elle y trouver, parmi les panaches argentés, au sein de l'écume, quelques braises aux reflets de safran qui se calcineraient davantage que ses rêveries, pour leur hurler la douleur de son amour ? Mais elle était la seule Aurore ici, et rien ne rougissait plus que sa passion dans les limbes au point du jour. Seule la lumière d'un astre pourrait soulager l'ocre de son feu.