Alors il la laissa, seule à ses fabulations. Le saule ne voulait pas plonger dans l'océan de ses pensées. Lui qui avait passé tant de temps, admiré ô combien d'hivers et de printemps, connaissait pertinemment la valeur d'une seule goutte de cet univers. Enraciné depuis des dizaines d'années le long de ce sentier gravillonneux, l'arbre était parvenu à vaincre la lassitude, il avait su créer son cheminement pour voir plus loin que les taillis auxquels il faisait face, au-delà encore des comètes filantes vers les confins les plus déparés du cosmos étoilé.

Ainsi, le baliveau caduc omit la présence de l'adolescente écroulée à ses pieds, non sans la surveiller de loin, d'un regard protecteur et plein d'affection. Il livra Aurore aux danses des éléments jusqu'au bout de l'aube. Il confia le nuage d'une clarté aussi pure que les cristaux de neige balayés par la bise hivernale au sommet le plus éternel qu'il soit, le ciel.   

La jeune femme dormait paisiblement, allongée au creux des racines épaisses du vieil arbre. Le visage détendu, une expression veloutée et délicate sur les lèvres, elle s'adonnait l'âme entière à la rêverie. De la sorte, chaque bris de songe parcourait son esprit et réchauffait son cœur à la merci des hurlements d'automne. Pour la charmante Aurore, se coucher avec les astres pour seule couverture lui convenait à la perfection. Rêvasser était comme allumer un brasier contre l'aquilon glacé de la morne saison.

De cette manière, les fragments d'illusions s'accolaient en une pléiade de poussières brûlantes, pareillement que ces dernières s'agrégeaient en une multitude d'étincelles, orangées comme si elles flamboyaient. Même les chimères les plus reculées, les épaves écartées de l'ascension spirituelle, formaient d'infimes moirages ocrés, dont les éclats calquaient à merveille la chevelure de l'oréade toujours ensommeillée sous le grand végétal. Et toutes ces particules, de la couleur de l'orge dorée par les rayons du petit matin, ces images calcinées et ces mirages enflammés alimentaient l'incendie grandiose qui s'animait à présent dans sa poitrine.