Léna se sentait vraiment épanouie, ou au moins en cours d'épanouissement. Miranda était très présente, et extrêmement encourageante. Elle prenait le temps d'échanger avec elle à la fin de chaque entretien, d'en débriefer, de répondre à ses questions, de la conseiller, et lisait attentivement l'ensemble de ses récapitulatifs et de ses préconisations. Elle participait parfois à des entretiens avec Léna au début, puis avait très vite décrété que ce n'était pas nécessaire. Elle l'avait félicitée à maintes reprises, la qualifiant même d'excellente. Elle avait même dit que Léna semblait avoir plusieurs cerveaux fonctionnant en même temps et, pour ce métier, il faut reconnaître que c'était nécessaire.

Léna adorait ce métier. Elle adorait le sentiment d'être grisée qu'elle ressentait pendant un entretien, où il fallait penser à mille choses à la fois. Il fallait écouter, vraiment écouter, comprendre, identifier les points à approfondir et créer les questions à poser pour saisir pleinement le sens de ce qui était pensé. En même temps, il fallait être présente, faire en sorte que la personne se sente écoutée, montrer qu'on comprenait ; et c'était vraiment une tâche différente et supplémentaire. Puis, toujours au même moment, il fallait garder à l'esprit son objectif, avoir en tête une ou plusieurs possibilités (que ce soit des postes, des métiers, ou juste des voies), des critères à vérifier en fonction d'eux, des informations à demander, des explications à transmettre, et une capacité d'analyse impeccable. C'était si compliqué quand on y pensait, et si simple, d'une certaine manière, quand on le vivait dans cette situation d'instantanéité et de simultanéité.

Léna adorait ça. Alors, forcément, elle ne pouvait qu'être reconnaissante envers Miranda, pour lui avoir donné la chance de faire de ce plaisir son quotidien. Certes, les horaires n'étaient pas toujours terribles, car il fallait s'adapter aux disponibilités des personnes qu'on accompagnait. Léna prenait ses rendez-vous elle-même, donc rien ne lui était imposé. Mais, bien souvent, il fallait commencer un premier entretien avant neuf heures, manger en décaler pour pouvoir en enchaîner entre midi et deux, puis finir la journée aux alentours de vingt heures. Ça laissait du temps dans la journée : pour travailler sur d'autres choses, rédiger, rechercher, penser, mais aussi pour faire d'autres choses si Léna le souhaitait. Miranda le lui avait répété : elle commençait tôt, finissait tard et mangeait vite donc, forcément, elle avait tout à fait le droit de faire son shopping en ligne ou autre chose au bureau sans qu'on ne lui en tienne rigueur.

Sauf que Léna détestait le shopping en ligne (ou le shopping tout court d'ailleurs) et que, même si elle avait aimé ça, elle n'avait pas de budget à y consacrer. Qui plus est, elle ne voyait pas trop ce qu'elle pourrait faire de plaisant pour elle dans un bureau assise en face de sa patronne, et avec des intervalles de temps libre qui ne duraient jamais vraiment plus d'une heure, ou qui étaient entrecoupés d'échanges impromptus (mais très plaisants) avec Miranda ou avec Noah. Non, Léna ne pouvait pas travailler en fractionné : quand elle était au travail, elle était au travail. Qui plus est, il y avait largement assez de travail pour remplir toute la journée.

Il y avait les choses que Léna devait faire, et il y avait aussi le panel infini des choses qu'elle pouvait faire. Miranda avait expliqué que ce serait bien que Léna puisse l'aider sur les aspects commerciaux et sur la communication autour de leur métier. Alors, Léna cherchait à se former : en regardant des vidéos en ligne, ou en parlant avec Miranda, quand celle-ci en avait le temps. Elle cherchait à savoir un peu mieux comment marchait, globalement, un cabinet comme le leur, quels pouvaient être les partenaires à solliciter ou les moyens de communication à employer, et comment parler de leur métier d'une manière adéquate et susceptible d'en mettre en valeur l'utilité. Oui, il y avait largement de quoi faire.

Ce n'était pas le cœur de métier de Léna, ni son métier de cœur, mais elle trouvait ça intéressant quand même. Ça lui permettait de mieux comprendre dans quel contexte elle s'inscrivait et, d'une certaine manière, ça l'aidait aussi à se sentir adulte. Elle n'avait que vingt-deux ans et elle savait bien que, pour être crédible devant les gens qu'elle accompagnait, elle avait besoin de mieux comprendre elle-même le monde professionnel. Elle était très calée pour évaluer des compétences, comprendre des parcours de vie et identifier des potentiels, mais elle avait du mal à appréhender certaines réalités du monde. Les gens à qui elle parlaient, dans le cadre de son métier, semblaient si souvent avoir été déçus du leur. Est-ce que tous les emplois étaient si décevants, ou est-ce que l'échantillon était biaisé parce qu'elle n'avait face à elle que ceux qui souhaitaient en changer ? Elle préférait penser que c'était la deuxième option.