Toutes ces petites choses dérangeaient Gaëlle mais, en même temps, elle n'était pas prête à renoncer aux opportunités que lui offrait monsieur Bardi. Elle avait vraiment besoin de changer de vie et, renoncer à tout ça, ce serait de nouveau limiter son existence à la dictature de monsieur Griard. En plus, Gaëlle se devait d'accorder le bénéfice du doute à monsieur Bardi et au groupe, au moins tant qu'elle n'avait pas de preuve du contraire. Il y avait probablement des explications à tout ce qu'elle ne comprenait pas, et ils avaient à tous les coups de bonnes raisons de faire ce qu'ils faisaient, même quand ça semblait tendancieux. Pour l'instant, on ne lui avait rien demandé que Gaëlle se sente incapable de faire ou qui soit vraiment contraire à ses valeurs, donc elle n'avait pas de raison suffisamment forte pour renoncer à toutes ces opportunités. Si elle avait vraiment dû espionner Jenna ou qui que ce soit au quotidien, ça aurait probablement été trop pour elle mais, finalement, elle avait pu échapper à ça, donc tout allait bien.

Il y allait très vite y avoir des formations que Gaëlle animerait seule et, franchement, ça serait extrêmement dommage de renoncer à ça sur la base de simples soupçons. Au pire, si les choses s'avéraient trop difficiles ou trop bizarres, Gaëlle couperait les liens ensuite, avec cette expérience qu'elle pourrait ajouter sur son CV. Si vraiment monsieur Bardi n'était pas net, peut- ce qu'il aurait appris à Gaëlle pourrait quand même lui ouvrir d'autres opportunités ailleurs, loin de monsieur Griard. On ne pouvait quand même pas jeter le bébé avec l'eau du bain, surtout quand on n'avait pas de preuves que l'eau du bain soit toxique. En plus, Gaëlle venait de donner un mois de salaire pour se payer cette formation, elle ne pouvait décidément pas se permettre de ne pas la rentabiliser.

Le travail à temps partiel semblait un très bon compromis. Moitié moins de monsieur Griard, ce serait déjà une bonne libération, même s'il faudrait continuer d'être psychologiquement liée à lui. Et puis, tous les jours où Gaëlle ne serait pas au boulot, ça lui laisserait amplement le temps de répondre à ses e-mails. Gaëlle en avait déjà parlé au service RH, et ils n'avaient pas fait d'histoire. Ils avaient juste dit que ça prendrait un peu de temps pour trouver une autre personne qui assurerait l'autre mi-temps mais, là dessus, Gaëlle avait la parade. Elle savait que madame Ouka avait sous le bras un paquet de gens qui étaient à la recherche d'un job à temps partiel donc il n'y avait qu'à se rapprocher d'elle, proposer un profil à son entreprise, et ce serait gagnant-gagnant. Non seulement Gaëlle aurait vraiment un mi-temps (sans devoir assurer en deux jours et demi le travail de cinq jours), mais en plus elle aurait, parmi ses collègues, une personne partageant les mêmes valeurs qu'elle. Elles ne se croiseraient pas, mais, rien que savoir que cette personne du groupe serait là, ça lui permettait de se représenter son environnement de travail comme plus rassurant et moins étranger.

La vie de Gaëlle allait vraiment prendre un autre tournant, très concrètement cette fois. Elle travaillerait pour monsieur Griard deux jours et demi seulement et, le reste du temps, elle animerait des formations ou pourrait contribuer à différentes activités du groupe. Elle serait payée pour les formations qu'elle donnerait ; un salaire un peu moindre à celui de ses journées de travail actuel, mais tout à fait suffisant pour vivre comme elle le faisait. En plus de ça, avec Miranda, elles avaient prévu de passer ensemble toutes les soirées du mercredi soir. Ça serait une bonne occasion de se rapprocher, et aussi une super opportunité pour Miranda de se défaire de ses préjugés et de se remettre en question. Ça serait peut-être aussi un bon moyen pour Gaëlle d'être ramenée elle-même à la raison si monsieur Bardi finissait par aller trop loin ; on ne savait jamais.