Gaëlle était en principe désormais rentrée de ce week-end et, après avoir mangé son cassoulet, Miranda avait tenté de l'appeler. Gaëlle avait répondu, confirmant avoir participé à un nouveau séminaire pendant le week-end. Elle disait que ce n'était pas un séjour mais une formation, et que c'était donc tout à fait normal de payer, comme on le faisait pour toutes les formations. En plus, selon Gaëlle, c'était une formation avec un job quasiment garanti à la clé, donc beaucoup moins une arnaque que la plupart des formations. Miranda ne comprenait pas trop ce que lui racontait sa sœur, mais elle en comprenait assez pour savoir que cette formation avait un rapport direct avec le groupe dont elle faisait partie. Décidément, les sectes avaient de nouveaux moyens originaux de se fondre dans la masse, allant même jusqu'à faire miroiter des emplois légaux.

Gaëlle semblait dire qu'elle allait quitter son boulot, acquérir un statut d'indépendante, et donner régulièrement des formations sur des thématiques liées au management. Miranda essayait de ramener sa sœur à la raison. Cette histoire semblait tellement risquée. Quelle garantie y avait-il que ses pseudo-amis lui confient suffisamment de formations pour lui permettre de vivre ? Ne deviendrait-elle pas totalement dépendante d'eux et, par là, obligée de faire tout ce qu'ils lui demanderaient ? C'était presque trop beau pour être vrai et, face à quelque chose de trop idyllique, selon Miranda, il fallait systématiquement se méfier. Gaëlle disait être sûre de son choix, mais elle avait quand même semblé hésitante. Les questions de Miranda avaient semblé la faire flancher, et elle avait cédé en disant qu'elle pourrait se renseigner pour, dans un premier temps, poursuivre son job actuel à mi-temps. Miranda avait gardé cette pensée pour elle, mais elle ne pensait pas du tout qu'un job à mi-temps soit une bonne idée. Au contraire, ça lui semblait une autre forme d'arnaque car, si Gaëlle passait à mi-temps sur son poste actuel, il y a tout lieu de penser que personne d'autre ne serait embauché et qu'elle aurait toujours à faire autant, en deux fois moins de temps. Mais bon, si ça pouvait lui permettre de conserver un lien avec son entreprise et un emploi auquel elle pourrait revenir quand sa secte lui ferait défaut, c'était toujours une bonne chose.

Miranda n'avait pas reparlé à Michel depuis qu'il était venu chez elle, mais elle lui avait quand même écrit un petit SMS pour confirmer qu'elle avait parlé avec Gaëlle, qu'elle gardait un lien avec elle, et que tout allait bien. Elle ne savait pas si c'était vraiment vrai que tout allait bien mais, en tout cas, elle cherchait à maintenir un suivi et un lien avec sa sœur. Si Gaëlle restait accrochée, au moins partiellement, à son job actuel, et aussi en lien avec elle, ils ne pourraient pas avoir une prise totale sur elle. Mais, si Miranda voulait conserver le lien, il fallait qu'elle ne soit pas trop directe. Elle ne pouvait pas continuer à insister sur ses arguments contre monsieur Bardi et leur groupe, qu'elle avait amplement déroulés l'autre soir. Gaëlle continuait de contester que c'était une secte mais, au moins, elle acceptait de parler avec elle.

Miranda avait semblé réussir à gagner la confiance de sa sœur en lui exprimant ses propres doutes. C'était vrai qu'elle pensait qu'il est difficile de définir une secte, et que toutes les relations contiennent une part d'influence. C'était vrai mais ça ne signifiait pas pour autant que Miranda ne pensait pas que monsieur Bardi soit un gourou, même si Gaëlle l'avait pris comme ça. Plus Miranda parlait avec sa sœur, plus elle était convaincue que Michel avait raison et que monsieur Bardi dirigeait une secte. Cependant, il ne fallait pas que Gaëlle se rende compte qu'elle pensait ça, sinon elle se séparerait d'elle et les rejoindrait définitivement. Il fallait que Gaëlle en reste à penser que sa sœur avait des doutes, ce qui n'était pas totalement différent de la réalité. Miranda avait d'énormes doutes et il allait falloir qu'elle puisse, progressivement, conduire sa sœur à en avoir elle aussi.