22.3
Michel était parti à minuit, et Miranda s'était sentie triste de le voir s'en aller. Il avait été hautain et méprisant comme il l'était souvent mais, en même temps, il n'avait jamais vraiment tort et ses paroles l'aidaient à voir les choses différemment. D'une certaine manière, ils faisaient une bonne équipe. Une fois que Michel avait théorisé et expliqué, il se trouvait vite au bout de ses capacités. Derrière, il fallait passer à l'action et, pour ça, c'était Miranda qui était la meilleure d'entre eux. Miranda faisait toujours plein de propositions, et Michel n'était bon qu'à jouer le rabat-joie qui identifie les risques et les raisons pour lesquelles les propositions ne fonctionneraient pas. C'était exactement comme avant mais, aujourd'hui, au lieu d'énerver Miranda, ça la faisait sourire.
Miranda aurait voulu que Michel joue le jeu de Gaëlle, qui semblait avoir envie de le recruter dans sa secte. Elle avait été jusqu'à lui prêter un livre, alors qu'elle n'était jamais allée aussi loin avec sa propre sœur. Miranda devait probablement avoir l'air trop peu influençable pour être envisagée comme recrue, et, si Michel refusait de le faire, elle ne pouvait pas se lancer elle-même. Michel aurait pu infiltrer leur secte et trouver des preuves de choses vraiment répréhensibles. Sauf que Michel ne voulait pas faire ça, et qu'il s'obstinait dans son refus. Il disait qu'il s'était déjà grillé auprès de Gaëlle lors de leur dernière discussion et qu'elle ne comprendrait pas qu'il retourne sa veste. Miranda savait très bien que c'était probablement surtout que Michel n'avait pas envie d'avoir à mentir. Il était trop mauvais comédien, et peut-être aussi qu'il avait un peu peur de se laisser prendre au jeu et tomber lui-même dans la secte.
Michel disait que faire des plans ne servait à rien et qu'il fallait juste que Miranda parle davantage à sa sœur et cherche à la comprendre. Il disait que c'était Miranda qui était la mieux placée pour essayer de regagner la confiance de Gaëlle et qu'il faudrait prendre le temps de comprendre sa façon de raisonner, où elle en était, si elle se questionnait. Selon lui, ce serait uniquement après qu'on pourrait définir par où on pourrait s'y prendre la convaincre de sortir de là. C'était un plan qui n'en était pas vraiment un, mais il était déjà minuit et Miranda était fatiguée, alors elle avait fini par céder à Michel.
Michel avait dit que Miranda pouvait l'appeler et lui raconter comment ça se serait passé avec Gaëlle, ou pour lui demander des conseils. Miranda ne savait pas si elle allait le faire. Elle savait que Michel allait dans tous les cas l'appeler pour vérifier si elle avait vraiment fait quelque chose. Il craignait probablement qu'elle se laisse engloutir par son boulot au point d'oublier sa sœur. Mais, si Miranda commençait à rendre tout le temps des comptes à Michel, où allait-on en arriver ? Elle n'avait pas de compte à lui rendre, et ils n'étaient plus une équipe non plus. Il l'avait alertée, et elle prenait le relais. Si elle utilisait Michel pour des conseils, il finirait invariablement par la juger et être là à évaluer si ce qu'elle faisait était adapté ou non.
C'était un beau casse-tête, et Miranda se disait qu'elle aurait mieux fait de se préoccuper de sa sœur avant qu'on n'ait besoin de l'intervention de Michel. Maintenant, il allait mettre son nez partout, et Miranda n'avait aucune envie de rendre des comptes à qui que ce soit. Miranda avait envie d'être libre ; avoir des responsabilités ne la dérangeait pas, tant qu'elle n'avait pas à se mouler aux attentes de qui que ce soit. Dès que Michel était dans les parages, il fallait se ranger à son jugement, parce que ses arguments étaient trop bien tournés pour qu'on arrive à les contre dire. Souvent, Miranda ne trouvait pas d'arguments pour le réfuter ; mais elle n'était pas forcément d'accord pour autant. Est-ce que ce n'était pas une forme d'influence, ça aussi ? Est-ce que le couple n'est pas forcément une relation d'emprise, unilatérale ou mutuelle ? Est-ce que toute relation humaine n'est pas forcément une relation d'influence ? Peut-être que si, ou alors au moins dès lors qu'on n'en a pas rien à foutre de l'autre.
Dans tous les cas, peu importe le rôle que Michel jouerait ou non, l'important était d'être davantage présente pour Gaëlle. Si leur relation à toutes les deux était aussi une relation d'influence, c'était indéniablement Miranda qui avait le plus d'influence. Encore une fois, elle allait être la grande sœur qui tire Gaëlle des embrouilles dans lesquelles elle s'est fourrée. Quelque part, cette perspective faisait presque plaisir à Miranda. Ça allait lui rappeler des souvenirs et, en même temps, peut-être que Michel avait raison et que ça lui permettrait de décompresser en lui changeant les idées du boulot.
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