18.2
Miranda avait été plutôt bien pris les choses. Elle n'avait pas accusée Léna d'être une fainéante ni pointé ses propos comme injustifiés, et elle ne s'était pas non plus vexée. A la place, elle avait eu l'air triste et, d'une certaine manière, c'était encore pire. Elle avait juste dit qu'elle était peinée que Léna ne lui ait pas parlé de tout ça plus tôt. Ensuite, elle lui avait demandé si elle souhaitait qu'on lui retire le rôle de Référente. Cette proposition montrait bien à quel point Miranda ne comprenait pas ! Léna lui avait pourtant expliqué que cette mission était ce qui comptait le plus pour elle. Est-ce qu'on ne pouvait pas plutôt lui retirer autre chose ?
Miranda avait demandé à Léna ce qu'elle proposait de retirer, et Léna avait demandé à ce que Kelly, qui montait très vite en compétences, puisse animer elle-même certaines des formations dans les écoles. Léna resterait en supervision de la conception, mais Kelly pourrait contribuer à l'ingénierie pédagogique et assurer l'animation. C'était une bonne idée et, sur le moment, quand Miranda avait accepté, Léna avait été satisfaite de cette issue. Après coup, elle s'était aperçue que ça ne résolvait absolument pas la situation. Pendant la semaine de formation, Léna resterait présente chez Toivoiose et pourrait gérer ses missions habituelles mais, le reste de l'année, ça ne changerait rien. Miranda continuerait d'avoir toujours autant d'attentes, envers toute l'équipe comme envers elle-même. Miranda n'avait absolument pas adressé le fond du problème.
En plus, Miranda avait dit à Léna qu'elle ne voulait parler que de Léna mais, dans la suite de l'entretien, elle lui avait quand-même posé des questions sur les autres. Elle lui avait demandé si elle avait observé des collègues qui semblaient frustrés ou insatisfaits, et Léna avait répondu que non. Elle n'avait observé personne de particulièrement frustré ou insatisfait, et elle en était bien soulagée car, autrement, cette question l'aurait terriblement gênée. Si quelqu'un s'était confié à elle, aurait-elle dû le rapporter à Miranda ? Ce n'était quand même pas à elle de décider pour les autres, même si elle aurait bien évidemment encouragé toute personne insatisfaite à aborder directement le sujet avec Miranda. D'ailleurs, si Léna était prête à donner ce conseil aux autres, pourquoi ne se l'appliquait-elle pas à elle-même ?
Léna n'avait vu personne de particulièrement insatisfait, mais elle avait quand même identifié que certains facteurs étaient susceptibles de générer de l'insatisfaction. Elle savait par exemple que le code vestimentaire semblait absurde à pas mal de monde. S'il fallait un argument factuel, il y avait déjà Millah, qui avait une robe tout à fait professionnelle qu'elle n'osait plus porter. La robe avait un petit col en crochet qui se trouvait être fleuri, mais qui était tout à fait sobre et élégant. Cependant, comme le nouveau code précisait l'absence de tout motif fleuri, enfantin ou à formes autres que purement géométriques, Millah avait vu sa robe interdite ; ou l'interprétait comme tel. D'autres personnes avaient fait des commentaires sur le code vestimentaire, mais Léna ne se souvenait plus vraiment ni de qui il s'agissait, ni des commentaires en question. Elle avait juste conservé en mémoire cette impression que ces règles étaient inutilement contraignantes et vécues comme absurdes par tous, sauf par Miranda.
Léna savait aussi que plusieurs des nouveaux auraient souhaité faire plus d'entretiens d'accompagnement, ce que leurs plannings actuels ne permettaient pas. Ce n'était de la faute de personne, car il n'y avait juste pas assez d'entretiens demandés, mais c'était quand même potentiellement frustrant. Ce dernier exemple, avec le recul, c'était typiquement quelque chose que Léna aurait dû s'abstenir de partager avec Miranda. Estomaquée d'entendre que leur taux d'activité était en dessous des capacités du cabinet, elle allait forcément s'empresser de demander une double-ration de démarches commerciales. En même temps, plus d'activité ne serait absolument pas une solution, car le nombre de projets internes ne réduirait pas et que les nouveaux, bien qu'ils pensent qu'il faille pratiquer toujours plus pour apprendre, avaient aussi besoin de temps pour prendre du recul sur ce qu'ils faisaient. Léna avait bien tenté de proposer qu'ils fassent des simulations d'entretiens, mais ils n'en trouvaient jamais le temps avec tout ce qu'ils avaient à faire à côté. Des simulations d'entretiens réalisées en binôme avec des retours constructifs de collègues, ce serait pourtant ce qu'il leur faudrait pour progresser efficacement. Ca, s'était ce que Léna pensait nécessaire et qui n'arriverait jamais. A la place, ils auraient droit à la pression d'entretiens supplémentaires réels auxquels Léna devrait nécessairement participer, et à la demande de s'investir parallèlement dans les démarches commerciales nécessaires pour décrocher ces accompagnements supplémentaires.
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