14.2
Le week-end de trois jours était cependant loin d'être ce que Gaëlle aurait imaginé. Monsieur Bardi n'était même pas là, mais c'était animé par une certaine madame Ouka. Elle avait expliqué que c'était un week-end d'orientation qui devait permettre de tester trois activités et de choisir, à la fin de la dernière journée, laquelle de ces activités on aimerait mettre en œuvre à notre niveau. Gaëlle avait été prise au dépourvu, car, des discours de monsieur Bardi, elle n'avait pas compris que la nécessité de choisir un mode d'investissement actif arriverait si tôt. Elle aurait aimé pouvoir discuter de ça avec lui, et il n'était même pas là. Il semblait jusque là, dans tout ce qu'elle entendant, y avoir une infinité de choix et voilà que, soudainement, ils allaient être réduits à trois. Madame Ouka avait expliqué que, s'ils étaient là, c'est qu'ils avaient été pré-orientés selon un potentiel détecté chez eux par monsieur Bardi, ce qui donnait du sens à cette restriction. Mais Gaëlle était quand même très déçue que monsieur Bardi l'ait conviée à ce week-end sans rien lui expliquer en personne, et sans en parler avec elle d'abord, ne serait-ce que pour confirmer son accord.
Le premier jour, ils devraient se mettre dans la peau de managers et madame Ouka allait leur dispenser une formation sur le bien-être. Gaëlle ne comprenait pas comment on en était arrivé là. Il semblait s'agir de la formation qu'ils avaient imaginée au dernier séminaire. Deux semaines plus tôt, l'idée avait été lancée et, aujourd'hui, la formation semblait déjà avoir été crée, et même probablement dispensée. Pourtant, monsieur Bardi leur avait dit qu'ils pourraient participer à la création de cette formation. Apparemment, Gaëlle n'avait pas été conviée à cette étape. Soudainement, la formation existait déjà, et il fallait jouer les participants tout en prenant des notes sur tout ce que disait et faisait madame Ouka. Le but était de pouvoir dire, à la fin du week-end, si on souhaitait soi-même devenir formateur pour ce cursus, auquel cas il y aurait par la suite une session d'approfondissement à laquelle on serait convié. On pourrait, si on le souhaiter, dans un premier temps donner des formations sur des jours de week-end ou de congés et, à terme, il y avait aussi une possibilité de pouvoir transformer ça en job à temps plein (en intégrant à ses compétences d'autres formations appuyées sur la philosophie du groupe). Gaëlle trouvait ça enthousiasmant mais, encore une fois, elle aurait vraiment aimé participer à la conception de cette formation, et elle ne comprenait pas pourquoi ça n'avait pas été le cas.
Le samedi, ils allaient apprendre comment identifier des collègues dans de bonnes dispositions pour potentiellement adhérer à leur philosophie. Ça allait probablement recouper ce que Gaëlle avait pu voir lors du dernier week-end et, d'ailleurs, la plupart des participants semblaient les mêmes que la dernière fois. Gaëlle en avait profité pour tenter de leur demander si ils avaient participé ou non à une action pour concevoir cette fameuse formation, et personne n'avait voulu lui répondre. Ils avaient rappelé à Gaëlle qu'ils n'avaient pas le droit de révéler à quels groupes de travail ils étaient ou non conviés, et elle s'était sentie bien sotte d'avoir osé poser la question. Elle avait essayé d'obtenir des informations par un autre moyen, plus autorisé, en demandant à Madame Ouka depuis quand la formation existait, mais celle-ci, sans même lui fournir de prétexte, avait juste dit qu'elle n'allait pas répondre à cette question.
Décidément, Gaëlle trouvait que ça faisait beaucoup de mystère pour rien. Que pouvait-il y avoir à cacher ? Si la formation avait été créée le week-end précédent, elle pouvait accepter de ne pas avoir été sélectionnée pour participer. Après, c'est vrai que les gens qui n'étaient pas là au dernier week-end avaient peut-être besoin de considérer la formation comme quelque chose qui aurait déjà été testé et qui aurait déjà montré ses effets. Peut-être qu'il était nécessaire de cacher cette information pour maximiser leur chance d'être confiants et d'avoir envie de devenir animateurs ? Ou bien, la formation existait déjà depuis longtemps, et personne n'avait rien dit l'autre week-end : ni monsieur Bardi, ni d'autres personnes qui auraient potentiellement été au courant, s'il y en avait d'autre. Mais même si c'était ça, Gaëlle pouvait aussi le comprendre. Ça avait pu être pour valoriser les personnes qui avaient lancé l'idée en leur répondant que ça existait déjà. Peut-être que c'était aussi pour ne pas nuire à leur créativité et pour pouvoir ensuite tirer profit des potentielles idées nouvelles qui pouvaient émerger de leurs échanges, concernant l'opérationnalisation précise de la formation. Dans les deux cas, il pouvait y avoir des tas de bonnes raisons, et Gaëlle était à même de les comprendre. Ce qu'elle ne pouvait pas comprendre, c'est qu'on refuse de lui donner les éléments d'information, et qu'on la prive du droit qu'elle devrait avoir de restaurer du sens et de la cohérence dans sa tête. C'était peut-être bête, mais ça l'empêchait de profiter pleinement de ce séjour.
Le dimanche, ils devaient parler de comment animer des séminaires de randonnée. Apparemment, il y avait plusieurs techniques d'animation à s'approprier, et aussi tout un cursus de lectures qui devait être suivi de tests de connaissance sur leur philosophie. Gaëlle préférait à première vue les formations en entreprise, car elle n'arrivait pas à se sentir légitime pour s'imaginer guider sur le chemin de la philosophie d'autres personnes qui semblaient à première vue y être initiée mieux qu'elle. Elle lisait autant qu'elle pouvait mais, malgré tout, elle avait toujours le sentiment de faire des gaffes ou de dire des bêtises. Et puis, Gaëlle était tellement loin d'être exemplaire ; elle qui n'avait encore renoncé à rien de plus que son ouvre-boîte dont elle ne se servait pas, et qui n'avait toujours pas réussi à transmettre quoi que ce soit à qui que ce soit. Pour identifier des personnes susceptibles de se joindre à eux, Gaëlle ne serait certainement pas meilleure, ni plus légitime. Elle venait de réaliser qu'elle était vraiment nulle pour arriver à permettre aux gens de se sentir à l'aise au-delà de leurs maques. Dans le contexte du groupe c'était facile bien sûr ; car les gens avaient déjà retiré leurs masques avant d'arriver. Mais, dans le monde réel, Gaëlle ne semblait pas avoir réussi à créer de véritables liens, et toutes ses relations lui semblaient purement superficielles et dérisoires.
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