12.3
Et puis, il y avait aussi la question de la date du mariage. Lucien et Léna avaient tous les deux envie de faire quelque chose de simple, qui puisse être organisé rapidement, car le fait d'être marié les intéressait beaucoup plus que la fête de mariage elle-même. Il y avait juste cette envie profonde d'être officiellement liés, comme pour compenser la façon dont le quotidien les séparait beaucoup trop et pour réaffirmer à quel point leur couple était important pour eux deux. C'était juste, à ce moment-là, quelque chose qui semblait évident, et en même temps qui semblait essentiel et urgent. Mais Léna n'arrivait même pas à voir la bonne période pour organiser ça. Ça ne pourrait pas être pendant les vacances d'été, car c'était impossible de réunir à ce moment toutes les personnes qu'ils avaient envie d'avoir près d'eux, et qui avaient aussi leurs propres projets de vacances. Et si c'était à une autre période de l'année, ça impliquait d'identifier un moment où Léna pourrait avoir l'esprit léger, et aussi prendre, sans handicaper le cabinet, les quatre jours de congés auxquels elle aurait droit pour l'occasion. Lucien avait bien envie d'un mariage en mai, en profitant des ponts, mais Léna savait qu'à cause de ces ponts justement, le mois de mai serait probablement extrêmement chargé au niveau du boulot.
Léna se sentait impatiente d'être mariée avec Lucien mais, en même temps, un mariage allait être un sacré boulot d'organisation. Avait-elle vraiment du temps à consacrer à tout ça ? Il fallait peut-être mieux fixer la date le plus loin possible, pour se laisser le temps d'organiser tout ça. Et en même temps, si c'étaient trop loin, ils allaient sans cesse procrastiner, et probablement ne pas vraiment s'atteler à la tâche. Léna était déjà fatiguée d'imaginer ses week-end passés à chercher un lieu, à choisir un gâteau, des fleurs, et à tous ces trucs de mariage. Est-ce qu'ils profiteraient vraiment l'un de l'autre pendant ces week-end là, ou est-ce que ça n'allait pas être d'autres tâches à faire qui allaient les séparer ? Rien qu'à y penser, elle était presque tentée de tout annuler. Lucien semblait penser qu'ils pourraient faire tout ça ensemble et que ces week-end, même s'ils étaient passés à faire des choses qui devaient être faites, pourraient aussi être de bons moments partagés. Léna avait envie d'y croire, mais elle avait quand même une part de doute.
En plus, tout cela allait être quand-même un sacré budget, même en restant sur quelque chose de simple, sans chercher à en faire des tonnes. Est-ce qu'ils pouvaient vraiment se le permettre ? C'est vrai qu'ils avaient des économies, que tous les dégâts du plafond avaient été pris en charge par les assurances, et qu'il n'y avait à priori pas des chances énormes qu'ils se trouvaient à faire face à de gros imprévus. Mais, quand même, ce n'était pas rassurant. Ils allaient claquer l'essentiel de leurs économies dans ce mariage, et quel filet de sécurité allait-il leur rester ensuite ? Lucien semblait si optimiste et léger, et ça faisait mal au cœur de Léna de voir qu'elle-même ne semblait plus capable de l'être. Elle s'était réjouie de ce mariage à peu près trois secondes puis, immédiatement ensuite, elle s'était trouvée noyée sous les questionnements et les inquiétudes. Est-ce qu'elle ne devrait pas se concentrer sur la sensation de bonheur, et garder tous ces aspects logistiques et anxiogènes pour plus tard ? Est-ce qu'elle n'avait pas le droit de s'accorder, au moins pour quelques semaines, le luxe d'être juste heureuse et insouciante ?
En même temps, penser à l'organisation aidait aussi à rendre tout ça réel, car ça ne semblait tellement pas l'être. Lucien avait dit qu'il allait lui acheter une bague de fiançailles et, peut-être qu'avec celle-ci au doigt, Léna arriverait un peu plus à croire à la réalité de tout ça. Mais elle continuait d'en douter. S'inquiéter semblait le seul moyen de faire entrer la situation dans la réalité. C'était si bête. En plus, dès que Léna s'inquiétait, ses pensées finissaient par arriver à des problématiques autour de son boulot, et ça l'insupportait. Pourquoi le travail devait-il forcément prendre autant de place dans sa vie ? Même si Léna adorait son boulot, parfois, elle aurait aussi aimé que sa vie ne tourne pas juste autour de lui. Même quand Lucien lui proposait de l'épouser, au bout de deux secondes elle se trouvait à penser à si elle pouvait inviter ses collègues, ou à si elle avait bien fait d'accepter ce job qui payait si peu. Est-ce qu'elle ne pouvait pas, juste un temps, sortir tout ça de son esprit et être juste la Léna qui était désormais la fiancée de Lucien ?
D'une certaine manière c'était complètement injuste car, quand elle était au boulot, Léna arrivait parfaitement à exclure de son esprit Lucien et tout le reste de sa vie. Quand elle était au boulot, il n'y avait que le boulot. Mais quand elle n'était pas au boulot et qu'elle était avec Lucien ou avec des amis ou la famille, jamais le boulot n'était totalement exclu de son esprit. Il gravitait autour, il faisait partie d'elle-même, il venait dans ses réflexions et il imprégnait la façon dont elle se définissait où dont elle pouvait voir les années à venir. C'était comme si le boulot la définissait plus que tout le reste, alors qu'il ne devrait pas en être ainsi. Parfois, Léna avait plus le sentiment d'appartenir à Toivoiose ou d'appartenir à Miranda que d'appartenir à Lucien ou même de s'appartenir à elle-même. Ne devrait-elle pas choisir ses invités ou la date de son mariage en fonction de leurs propres envies, sans penser à ce que souhaiterait Miranda ou ce qui serait le mieux pour le cabinet ? C'était ridicule.
Lucien était tellement mignon et tellement patient. A sa place, Léna ne le serait probablement pas autant. Il souriait à Léna, l'incitait à se rassurer, lui disait que rien de tout ça n'était grave, lui rappelait qu'ils avaient tout le temps de décider de toutes ces choses. Lucien semblait confiant que tout irait bien, pour organiser ce mariage comme dans leur vie en général. Il était tellement touchant. Lui, il semblait arriver à vivre pleinement ce moment et leur bonheur. Il avait juste décrété qu'il s'en fichait de sa boulangerie et de ce que sa saleté de boss pouvait penser. Il prendrait les jours de congés qu'il voudrait, il inviterait les trois collègues qu'il considérait comme ses amis, et peu importe ce que sa responsable pouvait penser. Dans des moments comme ça, Léna aurait presque aimé avoir une directrice insupportable pour qui elle n'aurait eu que mépris. D'une certaine manière, ça aurait été plus simple ; le mépris aurait libéré du désir de vouloir satisfaire ses attentes.
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