Chapitre 3 : Le manoir
Gray laissa s'échapper un long bâillement alors qu'il décidait de faire une dernière tournée avant d'aller se coucher. Étant garde personnel de la fille d'un riche bourgeois depuis près de deux ans, son travail était exclusivement centré sur la jeune femme. Il ne pouvait toutefois pas s'empêcher de faire une tournée générale des lieux avant d'aller se coucher. Après tout, son propre père avait été au service de la famille avant lui. Il connaissait donc la famille depuis toujours sans compter que le jeune homme avait rapidement développé un réel attachement pour leur unique enfant, la considérant maintenant comme sa sœur. Et Gray savait que c'était réciproque, la jeune femme ne l'ayant jamais traité d'une manière autre qu'un membre de la famille.
Laissant ses pensées vagabonder, les mains dans les poches de son pantalon, il continua de sillonner les vastes couloirs du manoir jusqu'à passer devant le bureau de son maitre, soupirant. Il n'avait jamais vraiment apprécié l'homme qui n'en avait que pour son argent, se fichant de ce que pouvait penser ou ressentir sa fille. En fait, si ce n'était pas pour elle, Gray aurait laissé son poste depuis longtemps. Mais il ne pouvait tout simplement pas se résoudre à l'abandonner ici, dans cet immense manoir sans réel ami.
Décidant de ne pas trop penser à cet homme égoïste, le jeune Fulbuster entreprit de continuer son chemin lorsqu'un bruit mat, suivi de près par le son du verre se fracassant au sol, se firent entendre derrière la porte. Alerté par l'inhabituel bruit, il ouvrit la porte à la volée, la main sur son épée maintenant dégainée.
Dès que ses yeux se posèrent sur la scène, il sentit la couleur quitter son visage.
- Monsieur Heartfillia ! S'exclama-t-il en se précipitant sur son employeur, gisant au sol alors qu'une dague était toujours plantée dans son cœur.
Tous ses sens en alerte, il scruta rapidement l'ensemble de la pièce à la recherche d'une menace. Rien. Puis il reporta son regard sur l'homme étendu devant lui. Un simple regard sur Jude Heartfillia fut suffisant pour comprendre qu'il ne pourrait pas s'en sortir. Il n'était toutefois pas prêt à laisser le coupable s'en tirer ainsi. Se précipitant sur la fenêtre, il put voir deux silhouettes quelques secondes avant qu'elles ne disparaissent dans l'ombre. Gray se hissa sur le cadre de la fenêtre, prêt à sauter à leur suite, mais fut interrompu par un voix faible.
- Lucy... souffla l'homme mourant.
Il n'en fallut pas plus à Gray pour descendre de nouveau dans la pièce. Gray était tellement certain que les assassins avaient un compte personnel à rendre avec l'homme d'affaire aux méthodes plutôt sans pitié qu'il avait complètement négligé l'idée que les assassins puissent aussi en avoir contre Lucy. Jude connaissait-il ces meurtriers ? Avait-il une idée de la raison qui avait poussé ces personnes à orchestrer cette attaque ? Dans tous les cas, Gray ne perdit pas de temps, jetant un regard entendu à l'homme qui venait d'indirectement lui confier son dernier souhait. Il sortit de la pièce à la hâte alors que son patron poussa son dernier souffle.
***
Lucy s'étira alors qu'elle posa sa plume sur la page concluant le chapitre qu'elle venait de terminer d'écrire, un large sourire sur ses lèvres. Elle adorait ce sentiment qui l'envahissait alors qu'elle avait une nouvelle idée en tête, lorsqu'elle venait de déterminer le dernier petit détail nécessaire avant de passer à la rédaction d'un autre chapitre.
Heureusement pour elle, son père travaillait encore tard cette soirée-là, enfermé dans son bureau. Elle n'avait donc pas eu à feindre de l'intérêt pour les histoires d'affaires de son père autour d'une table à diner beaucoup trop grande pour deux.
Avec regret, elle se rappela que ce n'avait pas toujours été ainsi. Bien que la table soit la même qu'auparavant, cette dernière semblait beaucoup plus conviviale avant que sa mère Layla ne décède d'une rare maladie. Sa mère, elle, dégageait une immense chaleur, toujours prête à la consoler, toujours prête à la prendre dans ses bras. Elle pouvait lui confier absolument tout. C'était d'ailleurs elle qui lui avait permis de publier son premier roman sous un nom d'emprunt masculin, les femmes n'étant pas reconnues comme des auteurs potentiels à Lorelia. Bien qu'elle écrive toujours en cachette, elle savait que jamais son père n'approuverait.
Lorsque l'on ouvrit la porte de sa chambre sans prendre la peine de cogner, le cœur de la jeune femme ne fit qu'un tour, cette dernière tirant une feuille vierge sur le manuscrit en cours d'écriture. Elle se ressaisit toutefois en reconnaissant son ami d'enfance.
- Gray ! Combien de fois dois-je te dire de ne pas entrer comme ça dans ma chambre ! Je croyais que c'était mon...
Elle fut interrompue par la main de Gray sur sa bouche l'empêchant d'en dire plus. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle remarqua que l'épée de gray était dégainée, chose qu'il n'avait jamais eu à faire dans le manoir.
- Le manoir est attaqué, chuchota-il d'une voix sérieuse, attendant qu'elle comprenne l'importance de rester discrète avant de retirer sa main.
- Attaqué ? S'exclama-t-elle d'une voix la plus basse possible. Mais par qui ?
- Je ne sais pas, laissa tomber Gray avec regret, mais on doit sortir d'ici au plus vite.
Comme pour appuyer son point, des pas se firent entendre derrière la porte.
- Merde, souffla-t-il avant de se retourner vers Lucy. Tu me fais confiance ? Lui demanda-t-il.
- Bien sûr que je te fais confiance.
- Alors va à ton bureau et fait semblant d'écrire.
À l'expression qu'affichait Lucy, l'idée n'avait pas du tout l'air de la réjouir, mais elle hocha la tête tout de même, sachant que leurs options étaient limitées. Elle s'exécuta donc, ayant à peine le temps de s'assoir avant que sa porte ne s'ouvre à la volée. Devant elle se trouvait deux hommes vêtus d'un étrange masque. Il ne fallait pas grand effort de sa part pour feindre la peur et la surprise. En fait, malgré la présence de Gray, caché contre le mur derrière la porte, elle était absolument terrifiée.
Gray ne se fit toutefois pas attendre et empala un des assassins d'un coup d'épée. Quand l'autre se rendit compte de sa présence, il se retourna, croisant le fer de justesse avec l'épée de Gray.
Lucy avait déjà vu son ami se battre, et ce plus d'une fois. Elle était présente lors des leçons d'escrime que Gray avait reçu de son père Silver avant que ce dernier ne décède. Elle l'avait aussi vu la défendre d'un bon coup de poing lorsqu'on homme prétentieux, empestant l'alcool, s'était senti un peu trop audacieux. Cependant, jamais elle n'avait été témoin d'un combat à mort. Ses jambes défaillirent presque lorsque l'ennemi déchira le chandail ainsi qu'une partie de la peau de Gray au niveau des côtes. La blessure déclencha chez ce dernier une grimace de douleur, mais si sa souffrance était visible dans ses traits, ses mouvements n'en étaient pas affectés. Il n'était pas tiré d'affaire pour autant et il accumula une nouvelle entaille au niveau du front avant de parvenir à finalement remporter la manche, laissant le deuxième homme sans vie d'écrouler à ses pieds.
Aussitôt le danger passé, il plaqua sa main sur son flanc blessé.
- Gray... laissa tomber Lucy, s'approchant avec hésitation de la plaie.
- Je vais bien, dit-il aussitôt. Pour l'instant, l'important c'est de sortir d'ici au plus vite, dit-il en l'attirant par la main.
- Attends ! On doit prévenir mon père que des assassins sont sans doute aussi à sa poursuite.
L'air de Gray s'assombrit aussitôt, sa poigne se serra sur la main de Lucy en guise de support.
- Lu... commença-t-il.
Mais il n'eut pas à continuer. Lucy le connaissait depuis bien assez longtemps pour comprendre ce qu'il tentait de lui dire. Il était trop tard pour son père. Prenant une grande inspiration, trop sur le choc pour pleinement ressentir sa peine, elle hocha la tête, le regard vide. Elle avait beau ne jamais avoir vraiment apprécié son père, elle savait que sa mort ne la laisserait pas indifférente. Alors pourquoi était-elle aussi stoïque face à la nouvelle ?
- On doit partir, se risqua Gray en la prenant par l'épaule. Emballe-toi quelques trucs et on sort d'ici. Pour ce que l'on en sait, il peut très bien avoir d'autres assassins dans les parages.
Hochant de nouveau la tête, elle sorti un petit sac de toile et y glissa quelques vêtements, certains plus chauds, certains permettant une liberté de mouvement. Elle mit aussi toutes les pièces qu'elle avait en sa possession dans une bourse qu'elle laissa tomber dans le sac. Une fois le bagage terminé, Gray le prit avant qu'elle ne puisse le glisser sur son épaule et sorti de la pièce. La jeune femme allait faire de même lorsqu'elle s'arrêta, s'accroupissant au-dessus du corps de leurs ennemis.
- Qu'est-ce que tu fous ! S'exclama le jeune homme.
- J'essaie de comprendre pourquoi ils nous ont attaqués.
Elle retourna les poches du premier sans succès puis s'attarda sur l'autre.
- Tu vois bien qu'il n'y a rien là-dedans ! Ces assassins ne garderaient jamais sur eux quelque chose de compromettant. Ils...
- Regarde ça ! S'exclama la jeune femme en tendant un papier à Gray.
Il prit le papier chiffonné et partiellement taché de sang qu'elle lui tendait. Une série de noms et d'adresses y figuraient. Les quatre premiers de la liste, incluant celui de Jude Heartfillia étaient déjà raillés. Mis à part celui de Lucy, seul le nom d'une jeune femme juste en dessus était toujours intact.
- Ta famille n'est pas la seule visée, conclut le jeune homme.
- C'est horrible, laissa tomber Lucy, la majorité sont morts.
- Et il faut sortir d'ici au plus vite si on veut que la liste ne s'alourdisse pas.
- On doit aller prévenir cette fille ! Décida la jeune femme.
- Quoi ? Tu es folle où quoi ? Aller à la rencontre de cette fille est la meilleure manière de se faire tuer !
- C'est aussi la meilleure manière d'obtenir des informations sur ce qui nous arrive, trancha-t-elle. Mais peu importe. Si on peut éviter la mort d'une autre personne, on doit y aller.
- Je comprends ce que tu ressens, mais c'est ta mort que je souhaite éviter en premier.
- Et si je n'étais pas là? Est-ce que tu laisserais une fille mourir injustement ?
Il prit une bonne inspiration, sa patience commençant à manquer, sans compter qu'il savait très bien que la jeune femme avait raison.
- Non. J'irais la prévenir.
- Alors allons y. Si l'on se fie à l'adresse, elle habite à moins d'une journée de marche d'ici.
Souriant malgré lui à l'entêtement de sa meilleure amie, une part de lui était heureuse d'aller à l'aide de la personne sur la liste. Malgré leur fatigue, ils mirent le plus de distance possible entre eux et le manoir.
J'espère que vous avez aimé ! Bonne soirée!
Lily xxx
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