+ Partie 1
ALLONGÉE nue sur le ventre entre ses draps et ses coussins blancs souillés de sueur par leurs ébats de la nuit, Juvia tenait une coupe de champagne entre ses doigts fins et délicats.
-Je ne pensais pas que le champagne avait ce goût là, avoua-t-elle tout en regardant les bulles remonter à la surface de ce liquide dorée.
-Et moi, je ne pensais pas que tu étais capable de me faire autant de bien avec cette langue, dit-il en se rhabillant devant le miroir.
Juvia tourna la tête vers son client qui nouait sa cravate autour de son cou. Elle n'avait pas pour habitude de reprendre le même client plusieurs nuits d'affilées mais celui-ci avait été particulièrement convainquant. Il lui avait proposé le double de son forfait habituel pour passer une nouvelle nuit entière avec elle alors qu'ils s'étaient vus la veille.
-Tout le plaisir était pour moi, monsieur Bastia, dit-elle en levant son verre à la santé du jeune homme.
Il passa son manteau noir sur ses épaules avant de prendre son chapeau haut de forme dans ses mains. Il se tourna vers Juvia qui battait des pieds dans l'air tout en profitant de son breuvage. Ce n'était pas la première fois qu'il passait la nuit avec elle et malgré ça, il n'arrivait toujours pas à s'habituer à la beauté et à la grâce de cette femme de joie.
-Que va dire madame Bastia ? demanda-t-elle.
-Juvia, je suis un médecin. Il m'arrive très souvent de rentrer tard du travail, voire de ne pas rentrer du tout chez moi. Comme par exemple, l'autre soir, un homme est venu me chercher en toute hâte dans mon bureau car sa femme était en plein travail. Ma femme comprend cela, elle sait que mon travail est important pour moi. Alors ne t'inquiète pas.
"Sauf qu'hier soir vous avez fait bien plus que m'ausculter." pensa-t-elle.
Mais Juvia ne s'inquiétait pas. Il n'y avait aucune chance qu'un jour madame Meldy Bastia apprenne l'existence de la prostituée que son mari venait baiser jusqu'au petit matin.
Elles n'appartenaient pas à la même classe sociale : Madame Bastia était mariée au plus célèbre docteur de Londres, passait ses journées à attendre son mari, s'occupait de leurs enfants et vivait dans le quartier le plus riche de la capitale. Juvia, elle, n'était qu'une simple prostituée, qui passait ses journées à dormir afin de rattraper ses heures de sommeil perdues dans la petite chambre du quartier pauvre, qu'elle partageait avec ses deux amies. Cependant, elles restaient toutes les deux des femmes et même si Lyon payait très bien Juvia, cette dernière ne pouvait pas s'empêcher de ressentir un pincement au cœur dès que son client la pénétrait en grognant de bonheur.
Mais elle n'avait pas d'autre choix. Si elle voulait manger, boire, acheter des vêtements, payer sa chambre, tout simplement survivre, elle devait travailler.
Lyon s'approcha d'elle avant de laisser ses doigts traîner le long du dos de Juvia pour passer par-dessus ses épaules puis descendre vers ses seins compressés contre le matelas. Juvia posa sa coupe pour ne pas renverser son précieux contenu avant de repousser la main de Lyon.
-Le forfait est fini et vous le savez.
Elle tendit la main ouverte devant lui et attendit. Elle commençait à le connaître et cela allait lui être fatal. Il glissa sa main gauche, non gantée, dans la poche de son pantalon coupé sur mesure avant de sortir un billet de cinquante livres et de le poser dans la paume de la jeune femme.
Elle se redressa sur ses bras pour le déposer à côté de son verre avant de s'asseoir au bord du lit. Elle écarta les jambes et Lyon s'y glissa rapidement avant de poser sa main sur la pointe de son sein. Elle déboutonna son pantalon une nouvelle fois avant de prendre son sexe déjà gonflé entre ses mains.
Lyon faisait partie des hommes du dix-neuvième siècle qui aimaient se sentir libres et puissants ce qui arrangeait Juvia, car ces hommes là, dépensaient sans compter. Malheureusement pour eux, à cette époque, le mariage était incontournable alors ils ne pouvaient pas s'amuser très longtemps avant de devoir se poser avec une femme convenable. C'était alors à ce moment-là, que les femmes comme Juvia entraient en jeu pour les divertir dans leur quotidien mortellement ennuyeux.
Juvia savait que lorsque Lyon rentrerait chez lui et subirait l'interrogatoire de sa femme, celui-ci repenserait à ce qu'elle lui faisait en ce moment même.
-Oh oui ! gémit-il alors qu'il tenait fermement sa nuque et qu'il se déhanchait dans la bouche de Juvia.
Profitant du plaisir qu'il éprouvait et lâchant des râles de plus en plus aigus, il se déversa dans la gorge de la jeune femme. Celle-ci ferma les yeux pour imaginer un monde dans lequel tout irait bien pour ses amies et elle.
"La survie, Juvia. Tu le fais pour survivre."
Lyon referma son pantalon avant de lui promettre de la recontacter très bientôt. Juvia se contenta de lui sourire avant de voir la porte se fermer. Elle écarta les jambes et fouilla sous son lit. Elle attrapa un seau et y recracha le sperme qu'elle n'avait bien sûr pas avalé.
Elle s'essuya la bouche et se leva pour mettre le seau dans la pièce qui lui servait de salle de bain. Elle en profita pour se rafraîchir. Une fois fait, elle se laissa tomber dans son lit et s'enroula dans ses draps, ne pouvant plus supporter l'air brûlant de la pièce sur son corps.
Ses yeux se posèrent sur la coupe de champagne à moitié vide. Elle détestait cela. C'était un liquide bu par les riches et pourtant, cela ne lui apportait ni bonheur ni réconfort. Sous la coupe, se trouvait son livre préféré : Dracula, un cadeau de son auteur.
Tout comme son amie Kanna, Juvia recevait très souvent des cadeaux de ses clients en plus de leur argent comme par exemple du champagne, de beaux vêtements, des tissus rares et chers ou encore des bijoux. Cependant, lorsque le jeune auteur, Natsu Dragneel lui avait donné ce livre comme cadeau, la jeune femme ne s'était pas vexée.
-Vous êtes sûr ? lui avait-elle demandé.
-Sûr et certain. Personne ne voulait me croire sur l'existence des vampires donc j'en ai fait un livre mais les gens continuent de me prendre pour un fou. Bien que ce livre ne se vendra jamais, j'aimerai ton avis.
C'était une façon bien à lui de dire qu'ils se reverraient. Mais peu après sa rencontre avec Juvia, la célèbre famille Dragneel le mit dehors en raison de ses ambitions : Natsu rêvait d'être écrivain et non politicien. N'ayant plus beaucoup d'argent, il s'installa non loin du quartier de Juvia et ce fut ainsi qu'ils devinrent amis.
Curieuse, Juvia avait lu le livre de son ancien client et y était vite devenue accro, que ce soit pour son style d'écriture ou pour les personnages. Elle s'identifiait tant au comte Dracula qu'elle l'avait relu plusieurs fois sous les yeux étonnés de ses amis. Tout le monde voyait en ce vampire, un monstre sans cœur, la représentation du Mal absolu, alors qu'il ne s'agissait en fait que d'un homme seul.
Tout comme elle en ce moment même. Elle venait de passer la nuit entière avec Lyon, qui était loin d'être le pire de ses clients, mais malgré ça, elle se sentait toujours seule.
Elle ferma les yeux voulant se reposer jusqu'à ce que le prochain client arrive, mais elle finit par lâcher quelques larmes. Ce ne fût qu'une fois complètement vidée d'énergie que Juvia s'endormit alors que le soleil était déjà haut dans le ciel.
***
MALGRÉ qu'il ne soit pas trop épais, Juvia passa son manteau par-dessus sa longue robe au prix exorbitant avant de mettre ses chaussures à talons.
-J'y vais, cria-t-elle.
Deux têtes passèrent l'ouverture de la porte qui séparait le salon d'attente et l'entrée. Les cheveux lâchés, des talons hauts à leur pieds et le corps tout juste recouverts de sous-vêtements, ses amies s'approchèrent d'elle.
-Amuse-toi bien, lui dit Kanna.
-Essaie de gratter un peu plus de sous ce soir, commença Erza. Sinon madame Polyussica risque de nous mettre dehors à la fin du mois.
-Arrête de lui prendre la tête, Erza. Ça va la stresser pour rien et elle ne profitera pas de cette soirée.
-C'est juste un dîner, Kanna, lui annonça Juvia en souriant.
-Ils disent toujours ça et après, ils demandent le forfait nuit.
Au plus profond d'elle-même, Juvia tremblait de peur à cette idée. Elle n'avait rien contre l'idée que ses clients lui demandent à avoir plus puisque pour elle, comme pour ses amies, cela faisait grossir leurs salaires. Mais en général, ces hommes-là n'étaient pas les plus tendres avec les femmes.
-Je vais essayer d'en ramener un peu plus ce soir, promit-elle quand même à Erza.
Tout en saluant ses amies, elle referma la porte et resserra son manteau. Ses talons claquèrent sur le trottoir presque gelé alors qu'elle se dirigeait vers Piccadilly.
Son chemin la fit passer de son pauvre quartier remplit de bordels et de clochards à un quartier avec des éclairages, des rires et de musique. En tant que deuxième plus beau quartier de Londres, Piccadilly Circus regorgeait des premières belles voitures, de belles boutiques mais aussi des plus grands restaurants de tout le pays.
D'ailleurs, le Phantom Lord Restaurant était le lieu où Juvia avait rendez-vous avec son client de la soirée. Le bâtiment était incroyable beau, haut et luxueux. Jamais elle n'aurait cru y mettre les pieds un jour.
En marchant sur le tapis rouge, elle s'apprêta à pousser la porte en verre quand un homme en costume l'ouvrit pour elle. Il lui demanda son manteau et ne se gêna pas pour la regarder de haut en bas pendant qu'elle lui tendit son vêtement.
-La table de monsieur de Prominens, s'il vous plaît.
-Suivez-moi.
Ce n'était pas la première fois qu'un client prenait le forfait dîner mais c'était la première fois que le fils de l'homme le plus riche de la capitale souhaitait passer sa soirée avec Juvia. Rien qu'à cette pensée, elle sentit ses mains devenir moites contre son ventre.
L'homme de l'accueil s'arrêta à côté d'une chaise vide avant de la tirer pour proposer à Juvia de s'y asseoir. Sans rien dire, elle s'installa puis leva les yeux vers l'homme déjà installé sur l'autre chaise.
Devant elle, se tenait Bora de Prominens ou plutôt l'homme gâté par la vie. Il était un jeune homme séduisant et plein de vie, ambitieux mais surtout adoré des londoniens. Ses cheveux bleus étaient plaqués en arrière dégageant sa fine mâchoire. Il posa ses yeux noirs, surlignés par de fins cils, sur le haut de la robe bleu nuit de sa distraction d'un soir.
Cependant, ce qui attira l'attention de Juvia fût les quelques billets qui étaient soigneusement pliés dans la poche de sa chemise.
<< -Essaie de gratter un peu plus de sous ce soir. >>
Juvia ramena ses yeux sur son visage peu masculin pour les hommes de l'époque. Voyant que ses seins avaient toute son attention, elle se pencha légèrement vers lui tout en faisant voler ses cheveux derrière son épaule pour dégager son cou.
-Bonsoir monsieur, dit-elle d'une voix légère et innocente.
Cela attira tout de suite l'attention de son client sur elle. Contrairement à Lyon ou encore à Natsu, Bora jouissait de la puissance et de la liberté que son père lui offrait. Pour lui, cela rendait sa vie vide et monotone, voilà pourquoi il se payait des prostitués. Il cherchait à satisfaire ses fantasmes les plus fous et Juvia n'eut pas à chercher bien longtemps pour savoir lesquels étaient les siens.
Ce jeune homme avait la vie parfaite mais seulement parce qu'il dépendait de son père. Au lit, il voulait être le seul et l'unique à donner les ordres. Il voulait être le dominant lors de toutes ses parties de plaisir afin de s'éloigner de l'ombre de son paternel.
Voilà exactement le genre d'homme que Juvia redoutait.
-Bonsoir, Juvia. Ravis de faire votre connaissance, dit-il d'un sourire confiant.
Comme un parfait gentleman, Bora la vouvoyait. Il se mit à poser des questions à la jeune femme qui lui raconta exactement ce qu'il voulait entendre. Mais très vite, elle détourna la discussion sur lui. Bora pût alors lui raconter sa vie et en même temps flatter son ego.
Ils avaient à peine fini leur entrée que le jeune homme avait déjà posé sa main sur celle de Juvia.
"Dans le mille" pensa-t-elle.
Bora ne lâchait ses lèvres rouges des yeux que pour les poser sur sa poitrine qui se soulevait sous son habit à chacune de ses respirations. Juvia s'était habillée comme les femmes aisées pour ne pas attirer l'attention sur eux et elle parlait presque comme elles. Elle semblait presque aussi cultivée qu'elles alors qu'elle n'était jamais allée à l'école. Mais c'était l'habitude de jouer ce rôle qui lui permettait de divertir des hommes comme Bora. Après tout, elle n'était qu'une prostituée qui satisfaisait ses clients depuis des années.
Alors qu'il lui parlait des nouveaux records automobiles et ferroviaires britanniques, Juvia sentit le pied de son client rencontrer le sien. Puis, il frotta même son pantalon contre le mollet de la jeune femme. Alors, le plus naturellement possible, Juvia étendit ses jambes sous la chaise de Bora, en face d'elle. Un sourire étira ses lèvres alors que Juvia l'écoutait parler comme si de rien n'était.
Si elle arrivait à lui rendre ce dîner agréable, il laisserait surement un généreux supplément pour elle et les filles.
-Dites-moi, Juvia, vous ne trouvez pas qu'il commence à faire chaud ici ? demanda-t-il à voix basse. Peut-être que nous devrions sortir pour prendre un peu d'air frais.
-Ce serait dommage d'abandonner un si bon repas alors que nous allions entamer le dessert.
-Mmh, en effet. Mais si vous me suivez, je pourrais vous offrir bien plus que ce dessert, dit-il attrapant sa cheville de sa main.
Troublée, Juvia se retint de retirer son pied. Il venait de lui proposer ouvertement de partir pour profiter de sa compagnie avec un peu moins de vêtements. Que faire ? Accepter bien sûr, surtout si elle voulait dormir sous un toit pendant l'hiver qui arrivait. Mais encore une fois, elle n'était pas là pour ça.
Sans lui laisser plus de temps pour réfléchir, Bora se leva de sa chaise avant d'appeler le serveur pour payer l'addition. Instinctivement, Juvia le suivit dehors une fois le repas payé et leurs vêtements remis.
"La survie, Juvia, la survie." se répéta-t-elle en boucle pour ne pas perdre courage.
Délicatement, Bora lui prit la main. Il était entreprenant, elle ne pouvait pas nier cela. Il voulait l'amener chez lui, tel était son idée de départ. Mais la sentir si près de lui, après avoir senti sa jambe se frotter contre la sienne, avait dû beaucoup trop l'exciter car une fois hors du champ de vision des gens, il la poussa dans une ruelle sombre.
Juvia se retrouva coincée entre le mur froid et un corps rigide. Elle sentit la panique grimper. Qu'avait-elle fait ? Ou plutôt que n'avait-elle pas fait ?
-Attendez, monsieur de Prominens. Vous ne m'avez pas payé et nous ne sommes pas encore arrivé chez vous, je...
-Chut, dit-il en frottant son érection contre son bas-ventre. Qu'est-ce que ça change que je te baise ici ou chez moi, hein ? Tu vas aimer ça de tout façon, alors arrête de parler.
-Je... Non, je ne peux pas. Ce n'est pas ce que vous aviez demandé à ma patronne...
Une veine de colère apparu sur son front avant qu'il ne la gifle pour la faire taire. La violence du coup fit monter les larmes aux yeux de Juvia, qui frissonna à cause du vent qui se levait.
Moins résistante, Bora en profita pour ouvrir le manteau de la jeune femme, exposant la peau fine de son cou au froid glacial, et frotta violemment un de ses seins avec sa main, alors que l'autre coinçait ses poignets au-dessus de ses longs cheveux bleus.
Sentant cette main étrangère sur elle, Juvia se débattit tout en retenant ses sanglots, mais elle n'était pas assez forte face à lui. Il tira son décolleté, découvrant ses seins. D'un geste rude, il en empoigna un et porta l'autre à ses lèvres qu'il suça de toutes ses forces.
-Rien en dessous de ta robe, sale fille, grogna-t-il tout en se plaquant contre elle.
En effet, Juvia n'avait pas assez d'argent pour s'acheter des soutien-gorges, la révolution du siècle pour les femmes. A cause de ça, pratiquement plus de corsets n'étaient en vente et les femmes aisées s'arrachaient ce bout de tissu qui paraissait si confortable aux yeux de Juvia.
-A l'aide ! cria-t-elle d'une voix cassée par l'inconfort que lui procurait cet individu.
Bora plaqua une main sur la bouche de Juvia. Désormais muette, elle voulut lui donner un coup de genou entre les jambes mais il plaqua son autre main sur sa cuisse et la remonta très doucement vers sa culotte.
-Assez ! Je vous en pris ! essayait-elle de dire.
Il caressa son sexe de ses doigts tout en frottant de plus en plus rapidement son entre-jambe sur la cuisse nue de la jeune femme.
-Donc tu me chauffes pendant toute la soirée et ensuite tu refuses de te donner à moi ? Sur quel genre de prostituée je suis tombé ? A genoux !
Les genoux de Juvia rencontrèrent le sol froid de la ruelle alors qu'un étrange brouillard, qu'aucun d'eux ne remarqua, s'élevait.
De sa main, Bora plaqua la tête de Juvia contre le mur derrière elle et commença à détacher son pantalon de son autre main. Les larmes de Juvia menaçaient de faire couler le magnifique maquillage que Kanna avait réalisé.
Un horrible sourire écartait les lèvres du noble. Voilà ce qu'il voulait voir, une femme à sa merci.
Il tira ses habits vers le bas et son sexe sortit devant le visage de Juvia qui n'entendait rien à part les battements affolés de son cœur.
-Je ne peux pas, murmura-t-elle en fermant les yeux de refus. Non, je ne veux pas.
Les dents serrées, Bora leva sa main, prêt à la frapper à nouveau mais le coup ne vint pas.
Juvia ouvrit les yeux et vit l'ombre d'un homme dont la main gantée retenait le poignet de son client. Surpris, ce dernier leva la tête vers son nouvel interlocuteur tout en relâchant Juvia.
-Je vous en prie, monsieur de Prominens. Cette femme essaye de faire son travail le plus légalement possible. Alors si vous n'êtes pas prêt à payer ou à la ramener chez elle, veuillez-vous éloignez, s'il vous plaît.
Cette voix grave fit frissonner le corps entier de Juvia. Ou peut-être était-ce à cause du froid de la saison qui mordait la peau de ses seins.
Un coup de vent fit sortir Juvia de sa stupeur. Le ventre toujours noué par la peur, elle s'éloigna rapidement de Bora en rampant le plus discrètement possible. Énervé, ce dernier se libéra de l'emprise du nouveau venu tout en essayant de cacher son sexe pour ne pas avoir à porter d'accusations.
-Puis-je savoir, monsieur, qui êtes-vous, ce que vous venez faire ici et pourquoi vous prenez la défense de cette pute ?
L'ombre resserra son emprise sur le poignet de Bora, refoulant son envie de le briser. Comme si cela était possible, ses yeux noirs aux reflets rouges, ressemblant à des braises brûlantes, s'assombrirent encore plus à cause des dires de cet homme irrespectueux.
-Avant d'être une pute, cher monsieur, elle est une femme et lorsqu'une femme dit non, c'est non, appuya-t-il durement sur le dernier mot
-De quel droit, osez-vous me faire la leçon ? s'écria Bora hors de lui. Je vais en parler à mon père, vous verrez.
-Je vois. Vous ne voulez donc pas coopérer.
En un geste rapide et silencieux, il frappa Bora au visage, l'assommant sur le coup. Juvia vit le corps de son ancien client devenir mou avant de partir en arrière et de s'écrouler de tout son long sur les pavés de la ruelle, le pantalon toujours aux chevilles.
Maintenant que sa vue était dégagée, elle put voir l'ombre de son sauveur agenouillé, sa main gantée tendu vers elle. Comment avait-il fait pour arriver aussi vite devant elle ?
Le cœur battant et légèrement intimidée, Juvia cherchait à cacher ses seins. Les yeux redevenus noirs de cet homme ne la laissaient pas indifférente. Comprenant le message, le jeune homme se leva et retourna auprès de Bora. Il ramassa le manteau au sol et l'épousseta légèrement. D'une démarche envoûtante, il revint vers la jeune femme.
Il lui passa le manteau sur les épaules et Juvia s'empressa de le serrer autour d'elle pour se réchauffer. Mais le vent et le brouillard avaient disparu comme par magie. Elle remarqua qu'il lui tendait à nouveau la main, accompagnée cette fois-ci d'un sourire. Un petit sourire certes, mais il était tellement réconfortant.
Sans plus vraiment hésiter, Juvia glissa délicatement sa main dans la sienne. Malgré le gant qu'il portait, la jeune femme pouvait sentir qu'elle était froide. La tirant de sa rêverie, son sauveur se redressa avec grâce tout en tirant Juvia comme si elle ne pesait rien. Son cœur repartit au grand galop quand elle crût que leurs corps allaient se toucher.
-Êtes-vous blessé, mademoiselle ? demanda-t-il en fixant sa joue qui ne lui faisait plus autant mal.
Juvia secoua rapidement la tête, encore incapable de parler à cause de sa gorge irritée.
-Quel soulagement, soupira-t-il.
Sa voix était encore plus grave maintenant qu'il était près d'elle. Elle remarqua aussi que ses canines étaient bien plus proéminentes que la normale. La main de l'homme lâcha celle de Juvia puis il s'éloigna légèrement, reprenant une distance convenable. Il retira enfin son chapeau, dévoilant son visage entier à la jeune femme devant lui.
Ses deux yeux noirs, qui la regardaient avec intérêt, faisaient chauffer les joues de Juvia. Vu l'état de ses cheveux couleur corbeau, il semblait qu'il avait passé la soirée à glisser sa main entre ses mèches. Sa mâchoire était carrée et sa peau semblait si douce et parfaite. Cependant, Juvia ne sentait aucune chaleur se dégager de lui, mais elle n'eut pas le temps de s'attarder plus longtemps sur ce ressenti, qu'il s'inclina devant elle.
Juvia cligna plusieurs fois des yeux avant que la gêne n'accentue ses joues déjà rouges. Maintenant qu'elle avait vu son visage, sa peur s'était envolée. Toutefois, elle préféra rester prudente même si une douce chaleur s'était emparée de ses reins.
-Au nom de cet homme, laissez-moi vous présentez ses plus plates excuses. Peu importe la période, aucun homme ne doit traiter une femme de la sorte.
A voir ses habits, de ses gants et de sa canne, il était clair que cet homme était riche. Comment pouvait-il s'incliner de cette façon face à elle ? Elle lui était inférieur en tous points.
-Je... Je vous en prie, monsieur, relevez-vous. Je ne mérite pas toute votre gentillesse. Je sais que l'Homme est mauvais et malgré ça, je continue de jouer avec le feu. Tout est ma faute.
Sans s'en rendre compte, elle se mit à sangloter. Ce n'était pas la première fois que quelqu'un avait tenté de la violer mais c'était bien la première fois que quelqu'un s'excusait auprès d'elle. Surpris, l'homme se redressa doucement sans lâcher Juvia des yeux.
-Pourquoi vous rabaissez-vous autant ? demanda-t-il.
Il ne semblait pas attendre de réponse car en un battement de cils, il était à nouveau prêt d'elle. D'un mouvement de poignet, il sortit un mouchoir blanc de sa poche et s'autorisa à essuyer les joues de Juvia. S'il avait pu, son cœur se serait arrêté de douleur devant le regard pur mais brisé que cette femme posait sur lui.
Ne sachant pas si c'était à cause de son effondrement ou parce qu'elle avait besoin de confort, Juvia sentit son corps s'enflammer sous le regard brûlant de cet homme. Il semblait en colère. Et pourtant, contrairement à son puissant coup de tout à l'heure, il se faisait des plus délicats comme s'il avait peur de la blesser.
Sans rompre leur contact visuel, ses gestes se firent de plus en plus lents et elle eût soudain envie qu'il la serre dans ses bras sans ne plus jamais la lâcher. Elle était sûre qu'elle ne serait jamais en sécurité autre part qu'avec cet homme.
Elle commençait tout juste à apprécier les sensations que lui procurait cette proximité quand il se tourna et s'avança vers le corps de Bora pour fouiller ses poches. En plus de ce qu'il avait trouvé dans son portefeuille, son sauveur prit les quelques billets pliés qui avait nargué Juvia toute la soirée. De nouveau devant elle, il lui tendit l'argent.
-Voilà votre salaire en plus d'une compensation pour le dérangement, continua-t-il avant de lui sourire.
-Je ne devrais pas... commença-t-elle.
-Allons... mademoiselle, je sais que vous en avez besoin. S'il vous plaît, prenez-les, ils vous reviennent de droit.
Hésitante, Juvia prit les billets des doigts de l'homme avant de les ranger dans son petit sac. Ce dernier reposa son chapeau sur sa tête avant de tirer sur son gilet par-dessus sa chemise blanche, impeccablement bien repassée.
-Je... Je ne sais vraiment pas comment vous remerciez, commença Juvia. Qu'est-ce qui vous ferait plaisir ?
Elle ne savait pas quoi faire pour démontrer sa gratitude envers cet homme. Contrairement à Kanna, elle avait du mal à donner des réductions de forfait. Offrir ces petits papiers était censé faire venir plus de clients, mais Juvia trouvait que cela n'attirait que les hommes les plus pourris.
-J'aimerais votre nom, demanda-t-il en un souffle tout en rangeant son mouchoir.
Juvia crut que son cœur s'était arrêté. Quel genre d'homme était-il pour demander à une prostitué son nom ? Ce n'était pas la première chose qu'on leur demandait d'ordinaire.
A cause de ses gants, Juvia n'arrivait pas à savoir s'il était marié. Mais peut-être qu'il faisait partie de ses rares hommes qui était heureux avec leur mariage et qui ne cherchait pas à tromper leur femme.
-Mon... Mon nom ? répéta-t-elle, surprise.
-En effet. Si cela n'est pas trop demandé, j'aimerais savoir qui vous êtes.
-Je m'appelle Juvia Lockser, dit-elle en jouant avec le tissu de sa robe de ses mains.
-Enchanté, mademoiselle Lockser. Je suis Gray Fullbuster.
-Pourquoi m'avoir donné votre nom ?! s'exclama-t-elle. C'était mon moyen de vous remercier. Maintenant, je vous dois à nouveau quelque chose.
Devant son attitude, Gray sourit. Elle ne réagissait pas du tout comme les jeunes femmes qu'il avait pu rencontrer auparavant. Elle était belle et semblait beaucoup trop gentille pour vivre pendant cette terrible époque victorienne.
Il voyait en Juvia, une jeune femme innocente aux yeux si hagards, qu'elle semblait égarée. Et il ne pouvait clairement pas se mentir, en disant qu'elle ne l'attirait pas.
-Dans ce cas, laissez-moi vous raccompagner chez vous.
Bien sûr, cela ne plut pas à Juvia. Elle savait qu'il avait compris sa profession, mais malgré cela, elle ne voulait pas qu'il voit où elle habite. Et si finalement, il ne s'agissait que d'un homme parmi tant d'autres qui désirait la mettre dans son lit ?
-Je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je ne voudrais surtout pas vous déranger ni changer vos plans de soirées.
-Je ne faisais que me balader sans but quand je vous ai entendu. Je vous en prie, acceptez. Les rues ne sont vraiment pas sûres le soir, encore moins pour une femme seule.
Juvia hésita encore. Mais grâce à cet homme, elle n'allait pas pleurer ce soir, seule, dans son lit. De plus, elle pourrait garder sa chambre pour l'hiver avec l'argent qu'il lui avait donné.
Ne voulant pas la brusquer, Gray laissa un silence s'installer, durant lequel il eut tout le loisir d'observer la femme devant lui.
Malgré ses cheveux bleus relevés, elle semblait légèrement plus jeune que lui. Mais après tout, qui ne l'était pas ? Ses yeux étaient d'une couleur impressionnante mais surtout, il voyait qu'elle était complètement mal-à-l'aise dans ses vêtements bouffants hors de prix.
Malgré sa petite taille, son corps était très bien courbé, de quoi faire succomber n'importe quel homme peu importe qui il était. Même lui, hélas. Il nota la blancheur et la netteté de sa peau qui aurait presque pu rivaliser avec celle de la reine Victoria. Cela intrigua Gray qui se demandait comme une femme possédant ce physique s'était retrouvée au milieu des femmes faisant les trottoirs.
-J'accepte, dit enfin Juvia d'une petite voix.
-Quel joie ! s'exclama-t-il en souriant.
Sans se préoccuper de Bora, les deux jeunes gens se mirent en marche.
Juvia continuait de jouer avec les volants de sa robe, alors que Gray, complètement à l'aise et détendu, avait une de ses mains dans sa poche pendant que l'autre accompagnait le mouvement de sa canne.
Le silence entre eux fut au début très pesant pour Juvia, qui était intimidée par la seule présence de cet homme. Cependant, elle fut soulagée de constater qu'il n'essayait pas de la toucher et gardait des distances plus que raisonnable entre eux. Cela la détendit quelque peu et Gray se mit à lui parler des rues qu'ils traversaient.
Cependant, à mesure que le temps passait, Juvia s'habituait à sa voix grave et rassurante, elle pouvait même sentir son corps la trahir. Elle se sentait comme attirer par cet homme si étrange. Son cœur allait exploser d'un moment à l'autre et tous les trois pas, elle s'écartait discrètement de lui pour reprendre ses distances.
Mais elle avait beau se voiler la face, elle savait qu'il n'avait qu'à le demander pour qu'elle accepte de passer le reste de la nuit à se balader avec lui.
Juvia fut impressionnée par le nombre d'informations et d'anecdotes qu'il lui apprit ce soir-là sur Londres. Quant à Gray, il fut surpris lorsque la jeune femme aborda le sujet de la politique du pays. Elle avait ses idées et elles étaient plutôt intéressantes.
Bien trop vite à leur goût, ils arrivèrent dans le quartier de Juvia. Tous deux auraient voulu faire un plus long détour afin de ne pas arriver aussi vite à destination.
Gray fouilla dans sa poche pour en sortir son portefeuille mais Juvia tendit la main pour l'arrêter. Elle se reprit rapidement et se retint de le toucher. Elle ne voulait pas lui attirer d'ennuis. A cette époque, les gens regardaient et racontaient la vie d'autrui sans se gêner, surtout celle des gens aisés.
-Si je comprends bien, vous n'allez pas prendre l'argent que je compte vous donner, n'est-ce pas ?
-En effet, sinon je vous devrais encore quelque chose, dit Juvia sur le pas de la porte.
-Je dois vous dire que je suis très peiné de vous quitter aussi tôt, mademoiselle Juvia.
Cet aveu fit rougir la concernée qui ne savait pas quoi répondre.
-Serait-il possible de se revoir ? demanda soudainement Gray. Un de mes amis organise une fête et je ne suis pas accompagné.
Juvia fut surprise d'entendre qu'il souhaitait la revoir. Surtout que c'était plus pour profiter de sa compagnie que de son corps. Malheureusement, ce n'était pas une bonne idée de vouloir être avec elle, surtout au milieu d'amis qui devaient sans doute appartenir au même rang que lui. La présence de Juvia pourrait salir son image.
-Je... Je ne pense pas... enfin je veux dire... Ce n'est pas une très bonne idée, monsieur. Je ne revois jamais deux fois le même client...
-Mais vu que je ne vous ai pas payé, je ne suis techniquement pas un de vos clients, releva-t-il.
Juvia rougit de plus en plus. Pourquoi insistait-il ? Et pourquoi cela lui plaisait qu'il insiste ? Elle sentit au fond d'elle la joie de comprendre qu'il n'avait visiblement personne dans sa vie. Mais il avait raison. A aucun moment, il ne lui avait donné d'argent qui lui appartenait.
-Pardonnez mon insistance, mademoiselle Juvia. Je ne voulais pas vous froisser, dit alors Gray en voyant que cela dérangeait vraiment la jeune femme. Vous avez sûrement raison. De plus, nous nous connaissons à peine.
Ce n'était pas parce qu'elle n'avait pas confiance en lui qu'elle ne voulait pas accepter. Combien de fois avait-elle couché avec un inconnu sans nom et sans visage ? Non ce qui la poussait à refuser était le comportement de son corps face à cet étranger. Elle n'avait jamais ressenti autant d'apaisement que durant leur balade ensemble.
Le fait qu'il soit si attentionné envers elle, l'effrayait. Et si tout ça n'était qu'une façade ? Elle aussi elle voulait le connaître mais elle avait peur de trop creuser et de découvrir un être sombre et sans principe tout comme les hommes qu'elle avait l'habitude de fréquenter.
-Et bien, vu que vous êtes bien arrivé chez vous, je vais vous quitter. Je vous souhaite de passer une bonne nuit, mademoiselle.
Gray s'inclina une nouvelle fois devant elle, accentuant la torture que son ventre lui faisait subir et les regards des alentours sur eux. Il se redressa un sourire poli aux lèvres et les yeux posés sur elle. Une nouvelle fois, son cœur dérailla dans sa poitrine.
-Vous aussi monsieur Fullbuster.
Gray attendit qu'elle pénètre à l'intérieur du vieux bâtiment avant de tourner les talons et de partir à la recherche d'un en-cas à se mettre sous les dents. Peut-être devrait-il retourné auprès de Bora pour lui transpercer la peau du cou de ses dents.
Il sourit à cela mais Juvia revint rapidement dans ses pensées.
S'il avait pu, il l'aurait amené avec lui dans son manoir pour l'y enfermer afin de la protéger de ces monstres qui vivaient librement dans les villes. Mais alors, qui l'aurait protégé de lui, l'abomination de ce monde ?
***
Dans tous rapports sexuels, le consentement de l'homme ET de la femme est important. N'oubliez pas ça !
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