Le Prologue
En se regardant dans le miroir, il reconnut cette lueur d'excitation au fond de ses pupilles bleues. Un sourire se dessina sur son visage, l'illuminant petit à petit, tandis qu'il entendait dans l'allée, les sabots des chevaux de l'attelage rencontrer le sol. Il y eut un hennissement qui le poussa à se précipiter jusqu'à la fenêtre de sa chambre malgré les plaintes de sa domestique, celle-ci avait eu l'intention de l'aider à enfiler sa chemise.
« Vite Sybil, venez ! Regardez-le, il est là, il est enfin là ! »
Sybil, une jeune femme à la chevelure brune et au visage sévère, le rejoignit à grandes enjambées jusqu'à la grande fenêtre de la pièce. En jetant un coup d'œil à l'extérieur, elle aperçut un vieil homme y sortir, un chapeau haut de forme sur le haut de son crâne. Il posa d'abord son pied gauche à terre lançant un ordre au valet de pied, puis libéra l'espace afin de laisser passer une seconde personne, apparemment. En fronçant des sourcils, la domestique se colla contre la vitre et tira légèrement le rideau afin de connaître les réponses à ses questions. Était-ce sa nouvelle épouse ? Avait-il décidé de s'en encombrer d'une nouvelle ? Qui cela pouvait-il être ? Et où et quand avait-il trouvé l'occasion de s'en dégoter une ?
« Jared ! hurla le jeune garçon qu'elle aurait dû vêtir au lieu de fixer bêtement l'attelage de son maître, devant le manoir. Père est revenu !...
Sybil quitta la chambre de l'enfant afin d'aller à sa rencontre dans le couloir. Ses pupilles noisette croisèrent ceux de l'ainé qui affichait une mine contrariée sur son visage pale.
— Si votre frère m'écoutait parfois, je ne serais pas en train de le suivre avec sa chemise pour le rendre présentable devant le duc ! ronchonna celle-ci en agitant la chemise blanche sous ses yeux marrons.
Jared leva les yeux au ciel. À quoi bon résonner son jeune frère, il était aussi têtu que leur mère lorsqu'elle fut encore en vie. Néanmoins, Alexis devait apprendre à mieux se comporter à l'avenir, en sachant qu'il commençait à grandir. Bientôt, il serait en âge de participer aux activités communes des hommes.
— Alexis ! gronda le jeune homme en se penchant contre les remparts des escaliers.
Il le découvrit sortir du dessous de la structure en bois, un sourire aux lèvres.
— La chemise me gratte ! se plaignit-il, en pensant d'ailleurs que cette excuse la contraindrait à lui en apporter une autre.
— La seconde est en train de sécher, les autres, vous les avez déchirés ! Et Dieu seul sait comment.
Alexis avait oublié ces détails. Tant pis, il serait obligé de subir cette torture pendant quelques heures. En contournant l'escalier, il se mit à les grimper deux par deux et atterrit rapidement devant la servante qui se retenait visiblement de maugréer. Le jeune garçon leva ses yeux en direction de son frère qui secouait sa tête de gauche à droite, comme épuisé par son comportement.
Après lui avoir boutonné sa chemise, elle passa une main sur sa chevelure brune et le gratifia d'un sourire avant de descendre les escaliers à ses côtés.
« Sybil ?
— ... ?
— Tu penses que père nous a ramené des cadeaux, à Jared et moi ?
— Je suis certaine qu'il ne les a pas oubliés. »
Il eut un petit rire avant de se figer sur place en entendant des reniflements successifs. Une personne s'était visiblement mise à pleurer. Son visage se tourna irrémédiablement vers Jared qui les avait suivi afin d'aller à la rencontre de leur père, puis il s'éloigna de sa domestique, parcourant ainsi la distance qui les séparait du hall d'entrée. En longeant le couloir, Alexis se tint immobile tout en regardant la scène qui se déroulait devant ses yeux.
Ses yeux se mirent à cligner plusieurs fois à la suite et subitement, son frère fit son apparition à ses côtés. Ils échangèrent tous deux un regard. Hébétés, ils placèrent une nouvelle fois leurs yeux sur cette fillette.
Des guenilles s'accrochaient à sa peau sale et terreuse. Ses cheveux ébouriffés, qu'elle grattait d'une main en arrière de son crâne, témoin de la saleté qui régnait en elle, paraissaient cassants et rigides. Ses chaussures marrons et en cuir étaient usés. Un trou figurait d'ailleurs au niveau de ses orteils, sur la chaussure de droite, laissant paraître un petit doigt de pied.
« Qu'est-ce qu-...
— Père, qui est-ce ? le coupa le plus jeune, en affichant un air mécontent sur son visage.
Brusquement, Jared frappa l'arrière de son crâne.
— Ouch, hey ! s'exclama son petit frère qui le fusilla du regard.
— Bienvenue Père, comment s'est déroulé votre trajet jusqu'ici ?
Leur père, penché sur la fillette dans le but de la consoler en lui parlant calmement, se redressa avec lenteur. En se tournant pour faire face à ces deux garçons, un sourire étira les commissures de ses lèvres.
— Jared ! Alexis ! Venez i-...
Un grognement lui fut arraché de sa gorge. La petite fille venait de lui asséner un violent coup de pied au niveau de son tibia.
— Hey ! s'écria Alexis en la pointant de son index. Sale folle, t'as pas le droit de toucher à notre père !
En prononçant ses paroles, il s'élança jusqu'à elle, en colère. Cependant, la fillette ayant été plus rapide que lui s'était réfugiée auprès de Jared. Elle s'agrippa à ses genoux et plongea sa tête entre eux tout en recommençant à pleurer.
— ...Maman...veux...
Il la surprit dire ses quelques mots dont il en comprit entièrement le sens.
— Alexis, ça suffit, finit par intervenir le maître de la maisonnée qui lança un regard sévère en direction du concerné.
— Mais père, elle vous a-...
— Alexis, laisse père s'expliquer quant à la venue de cette fille.
Sybil, ayant assisté à la scène et étant restée en retrait en ne sachant pas comment réagir, croisa le regard du duc.
— Veuillez la changer et l'habiller des vêtements qui se trouvent dans la malle que Jonathan aura déposée dans la chambre du fond.
Elle hocha vigoureusement de la tête, et ne demandant pas son dû, se retrouva à arracher des jambes de Jared la fillette qui ne semblait pas vouloir lâcher le jeune homme. D'un balayement du revers de la main, le jeune maître commanda à sa domestique de cesser d'importuner la petite fille puisqu'il s'en chargerait lui-même.
Il n'avait pas l'habitude de côtoyer des jeunes filles, d'ailleurs, il ne savait guère comment s'y prendre pour calmer une fillette en pleurs mais il désirait essayer quelque chose que sa mère avait mis en pratique sur lui. Sa main droite se posa sur sa grossière masse de cheveux puis il se mit à les lui caresser. Doucement, elle se détacha de lui comme par enchantement. En levant sa tête, des paires d'yeux bleus d'une couleur peu commune se retrouva à détailler son visage sous toutes les formes. Elle lui montra une grimace chagrinée avant de lancer un regard à Sybil.
« S'pèce de vieux gredin de mal'tru...commença-t-elle par grommeler.
— Victoria Armstrong ! gronda le vieil homme, étonnant les individus qui l'entouraient. »
Elle baissa honteusement sa tête au sol, à la fois surprise et gênée qu'il ait réussi à l'entendre. Sa mère lui avait souvent demandé de s'exprimer dans un langage correct face aux inconnus. Quant à lui...C'en était pas un ! Il était son père, pardi ! Et ce, depuis une quinzaine de jours. Ainsi, Victoria se permettait quelques familiarités...Comme il s'était permis de le faire avec sa mère.
Il y a une semaine, après une brève altercation entre ces deux individus, sa mère lui avait jeté ses bagages à l'entrée de l'établissement qu'elle dirigeait. Au départ, la petite fille n'avait pas compris ce que cela signifiait jusqu'à ce vieil homme s'accroupisse devant elle et lui explique qu'elle vivrait sous son toit.
« Tu es ma fille, Victoria. Mon sang coule dans tes veines, de ce fait, tu devras vivre comme une personne de ton véritable rang. Tu vivras sous mon toit. »
À ce moment-là, la fillette en était simplement venue à la conclusion que sa mère l'avait vendu comme ce qu'ils se faisaient de plus normal dans la zone. Elle avait donc pris la fuite. Néanmoins, l'homme qui était venu la chercher était un noble. Alertant dès lors la gendarmerie, il l'avait retrouvé au bord d'une route poussiéreuse sans savoir où aller. Qui sait ce qu'elle aurait pu rencontrer sur son chemin, mais elle avait évité le pire.
« Venez les garçons. »
Faisant signe du menton à ses fils de le rejoindre dans la pièce à leur gauche, qui n'était autre que le salon du manoir, il les laissa s'installer avant lui pour se déchausser. Le majordome, ayant attrapé un vilain rhume, l'avait obligé à rester dans son lit. Et il ne se doutait pas que les autres domestiques devaient s'occuper d'autres tâches ménagères.
Lorsqu'il pénétra dans la pièce, il remarqua qu'Alexis faisait les cent pas dans la pièce tout en marmonnant des incompréhensibilités. Jared, de son côté, se tenait sur un long canapé en tissu bordeaux. L'âge ferait des merveilles sur le plus jeune de ces garçons, n'est-ce pas ? se demanda-t-il en remarquant la distinction.
« Victoria, c'est ça ?
Jared prit calmement la parole puisque son père ne s'était pas encore décidé à expliquer la raison de la présence de la demoiselle.
— Cette fillette...est née deux ans après la mort de votre défunte mère, leur avoua-t-il sans aucuns remords pourtant. »
Alexis scella soudainement ses lèvres. Ensuite, il le regarda droit dans les yeux mais finalement n'eut pas la force de soutenir cette joie immense que son père essayait tant bien que mal de contenir. Pourquoi avoir un nouvel enfant ? Deux garçons ne lui suffisaient-ils pas ? Et puis, pour commencer, jamais il n'admettrait qu'elle était sa sœur. Une bâtarde arrivant sous son toit, venue des bas fonds de la société qui plus est, s'il se fiait à son niveau de vocabulaire.
— Qui est sa mère ? continua l'ainé.
— Il serait préférable que vous ne le sachiez pas, de plus, l'enfant n'aura plus aucuns liens avec elle. J'aimerais qu'elle oublie l'environnement dans lequel elle a grandi.
— Tss...Elle n'appartient pas à notre famille, c'est une roturière...Jamais je ne la considérerai comme étant l'une des nôtres, ajouta Alexis en lançant un regard empli de dédain en direction de la sortie.
Sûrement pour la désigner bien qu'elle soit à l'étage avec Sybil.
Son père considérait qu'il n'était encore qu'un enfant en pleine puberté, donc il ne préféra rien joindre à son discours.
— Comptez-vous l'envoyer dans un pensionnat ?
— Non, elle est bien trop indisciplinée. Ce serait tâcher notre réputation en sachant que ses manières n'ont rien à envier.
— Donc quels précepteurs avez-vous choisi ?
Lorsque le plus jeune posa ses yeux sur son grand frère, il resta perplexe. Jared se sentait concerné par la situation dans laquelle la fillette était placée, pourquoi ? Ce n'était pourtant qu'une étrangère qui allait s'immiscer doucement mais surement dans leur vie.
Le petit sourire qui s'effaça bien trop vite à son goût et qu'il avait aperçu sur le visage de son père ne lui annonça rien de bon.
— Je te laisse la liberté de choisir.
— Je m'en doutais.
— Pourquoi ? intervint finalement Alexis en tirant sur les bretelles en croix, rattachées à son pantalon beige.
— Père ne restera qu'une semaine avec nous avant de s'en aller.
— Quoi ?
Il ne sut comment cette envie soudaine était venue, mais la tristesse se propagea rapidement jusque son nez ne lui laissant le choix que de réprimer ce besoin de pleurer. Après autant de temps passé loin d'eux, il repartait ?
— Vous pensez que cette gamine va combler votre absence ? cracha Alexis en frottant d'abord ses yeux à l'aide de ses deux mains, avant de se précipiter en dehors de la pièce.
Il bouscula son père qui s'était tenu non loin de lui et commença à grimper les escaliers, ses pieds martelant chacune des marches pour exprimer son mécontentement. Gagnant le couloir qui le conduirait jusqu'à sa chambre, il entendit la voix coléreuse de sa gouvernante, le poussant à s'approcher de l'endroit où elle était.
— Mademoiselle, il faut vous changer !
— M'touche pas ! Fringuée comm'ça je vais ressembler aux bourges.
Sybil, étonnée par sa manière de s'exprimer, mit un certain temps avant de reprendre sur un ton plus doucereux :
— Vous serez très élégante dans ces vêtements, le savez-vous ?
Quand Alexis passa l'œil à travers la fente entre l'embrasure et la porte, il surprit la fillette se tenir les bras croisés devant Sybil avec une audace qui l'abasourdie.
— Bah mets-là toi, fit Victoria en désignant d'un geste du menton la robe de couleur lavande, décorés par des rubans blancs. Tu seras...el'gant.
La gouvernante aurait pu s'offusquer, du moins elle le fut légèrement, jusqu'à ce qu'elle comprenne que son manque de vocabulaire et de manière lui présentaient cette étrange agressivité.
Alexis, lui, restait pendu à ses lèvres en attendant de voir comme se déroulerait la suite de cette conversation. S'il s'était adressé à Sybil ainsi, son frère lui aurait fait connaître la joie du strap...Qu'il avait déjà eu l'occasion de connaître une première fois, il y a quelques mois.
Seulement, après un temps de silence, la fillette se racla la gorge en analysant plus nettement la robe que Sybil tenait dans ses bras.
— J'srais une milady avec ?
— Oui, mais avant, il faudra prendre un bain pour avoir le parfum d'une Lady.
Elle hocha vigoureusement de la tête, d'un air entendu en regardant la femme qui se présentait devant elle. Puis, tendant sa main dans sa direction, Victoria lui donna visiblement l'autorisation de la mener dans la pièce voisine pour la laver et ensuite la vêtir comme il se devait.
Salut ! Voilà le prologue de ce troisième et dernier tome qui doit clore cette trilogie ! J'espère que l'histoire vous plaira ! En attendant les autres chapitres, je vous invite à lire une autre de mes histoires qui se nomme "Au Coeur de l'Empire, La Tamasheqs" x)
N'hésitez surtout pas à commenter en tout cas et à voter aussi, remarques et critiques sont acceptées bien évidemment sinon je fais comment pour m'améliorer ? lol :)
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