Chapitre XI
En rentrant au domaine, Victoria avait pris le temps de réfléchir en faisant sa toilette. Aidée par sa domestique à se vêtir de son nouvel accoutrement, plus modeste et moins encombrant que les robes de jour qu'elle mettait pour sortir, - la jeune femme fut d'ailleurs soulagée d'avoir un corset moins serré- elle prit la grande décision de se confronter au vieillard. En s'apprêtant à sortir de la pièce pour rejoindre la chambre de son grand-père, elle jeta un dernier coup d'œil à sa tenue.
Sa robe marron était aussi triste que son humeur, dépourvue d'ornements. Et d'ordinaires, ses vêtements possédaient d'élégantes dentelles aux extrémités pour lui donner un air puritain qu'elle ne possédait pas.
Une fois son analyse terminée, elle quitta la pièce précédée de Miranda qui alla vaquer à ses occupations. En longeant le couloir, elle passa devant les escaliers qui donnait sur le hall d'entrée. Lançant un regard dans cette direction, elle aperçut le majordome ouvrir la porte pour son frère Alexis qui était affublé comme un gentilhomme ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Il n'avait pas l'habitude de soigner sa tenue en sortant de la maison, la société le traitait même comme un paria alors qu'il était deux à trois plus fortunés qu'eux grâce à l'héritage qu'il touchait. Bien que le malheureux n'était autorisé à n'y toucher que la moitié à cause de Jared. Leur grand-frère avait limité leurs bourses en dépit de leurs comportements.
Lui étant de profil, elle n'arrivait à voir que son pantalon beige caché en partie par sa longue veste noire. D'une main, il en sortit de sa poche une montre à gousset en or. Alexis semblait réfléchir puisqu'il s'attardait dessus. Enfin, il prit soin de la ranger avant de poser son chapeau haut-de-forme sur le haut de son crâne. Sur quelques paroles, il sortit de la maison d'un pas résolu.
Aussitôt la curiosité la gagna mais il y avait déjà une chose qu'elle souhaitait faire avant d'interroger Joseph.
Finalement, elle arriva bien vite devant la porte de sa chambre. Dans une longue inspiration, Victoria toqua deux fois à la porte. Elle espérait au fond qu'il dorme. Qu'elle retarde l'échéance. Peut-être changerait-il de comportement depuis la révélation...Peut-être qu'il ne voudrait pas lui parler, peut-être-
— Entre donc, fit la voix rugueuse derrière la porte.
Elle se racla d'abord la gorge, puis, nerveusement elle tourna la poignée dorée et poussa la porte. La peur commença par pointer le bout de son nez en s'immisçant petit à petit dans son cœur puis l'angoisse forma une boule dans son ventre. En déglutissant, elle referma la porte derrière elle et s'avança jusqu'au lit, néanmoins, elle s'interdit de réduire davantage la distance qui la séparait de lui. Elle refusait plutôt de voir entièrement son visage.
A première vue, son profil lui offrait un visage tiraillé par la fatigue. Elle fronça tristement des sourcils. La jeune femme n'avait jamais imaginé ce genre de scène. Pour elle, leur grand-père se tiendrait dans le boudoir du domaine ou se baladerait dans leur jardin, une pipe à la bouche. Il viendrait la taquiner, accompagné de son fidèle acolyte -Alexis- puis regretterait bien vite leurs agissements.
— Tu ne t'enquis pas de mon état, petite ?
Elle sursauta.
— N-Oui..euh, balbutia-t-elle.
Ce n'était pas un étranger. Pourtant, elle était gênée. Ce que sa mère lui avait révélé l'angoissait tellement qu'elle n'arrivait elle-même pas à y croire. Pourquoi l'avoir poussé à intégrer la famille Arsmtrong si son père n'était pas le duc ?
— Victoria, souffla-t-il.
Son visage se tourna complétement dans sa direction pour l'observer et elle se sentit défaillir. Elle n'avait qu'une envie, quitter la pièce et ne pas l'affronter.
— Cette maudite lettre t'inquiète, n'est-ce pas mon enfant ?
Un sourire se planta sur sa mine éreintée, assurant davantage son état de fatigue. Victoria posa sa main sur sa poitrine qui était devenue douloureuse en le voyant ainsi.
— Comment pouvez-vous être certain qu'elle ait menti ? lui dit-elle d'une petite voix.
— Et si elle ne mentait pas ? Penses-tu que tes frères et moi-même oseront te jeter à la rue ?
— Et si la nouvelle gagnait le cœur de Londres. Que toute la haute société le savait ?
— Tu es une Armstrong ! gronda le vieil homme en colère.
Lentement, il bascula sa tête en arrière afin qu'il puisse prendre appui sur ses coussins blancs. Il leva fébrilement sa main dans sa direction avant de lui demander d'approcher. Sans hésiter une seule seconde, la jeune femme s'avança rapidement jusqu'à lui, sa jupe relevée. D'abord, elle arrangea les oreillers derrière lui puis s'asseyant au bord du lit, elle détourna son regard.
L'air pensive, elle lui dit au bout de quelques minutes de silence :
— Jared pense que mère m'utilise.
Ses yeux finirent par s'humidifier. Sa poitrine commença par compresser l'air qu'il y avait dans ses poumons. Elle posa une main sur son buste douloureux et se mit longuement à inspirer.
— Chrysanthem...n'est pas une bonne mère, il continua ensuite : Je suis désolée mon enfant.
Pourquoi cette vérité lui faisait autant mal à entendre ? Elle l'avait toujours su. Elle n'avait représenté pour sa mère qu'un fardeau dans son existence. Elle l'avait su depuis la fois où elle l'avait enfermé dans cette chambre avec cet homme...
— Mon fils t'a aimé comme sa propre fille. Ses lettres parlaient de tes sottises comme s'ils étaient de glorieux exploits.
Il en rit un peu en se rappelant avoir été surpris par l'une d'entre elle.
— Et sache que tes frères ne cessent de s'inquiéter à ton sujet.
Victoria ne lui répondit pas encore. Son esprit était partagé entre deux pensées, l'une était la lettre que sa mère lui avait envoyée. Certainement pour lui soutirer plus d'argent. Bien qu'elle avait toujours du mal à croire que sa mère ne donnait de ses nouvelles que parce qu'elle souhaitait une partie de son argent. Alexis l'avait pourtant prévenu des années plus tôt. Mais une mère avait sûrement de l'amour pour son enfant. Alors pourquoi lui faire du mal en rendant incertain son lien de parenté avec le duc, son père ?
Et de l'autre côté, il y avait Alexander. Qui ne semblait guère aimer son attitude pas même sa personne au vu des dernières réactions qu'il avait eu en sa présence. Que faire ? S'il n'aimait pas la femme qu'elle était, que faire !
— Je crois savoir ce qui les inquiète.
Mettant ses mains devant son visage, elle courba son dos et se refusa de pleurer aux côtés de son grand-père. Elle avait tellement refoulé sa peine. Qu'aujourd'hui, elle n'arrivait plus à se relever.
— Je n'en peux plus...Que dois-je faire, grand-père ? Cet homme ne m'aime pas et ne m'aimera sûrement plus.
Les larmes roulèrent le long de ses joues et ses sanglots furent étouffés par ses mains en coupe sur son visage. La souffrance qu'elle ressentait était la même que par le passé. Son erreur avait été de vouloir fuir une société qui déplorait leur relation. De par ses origines douteuses et le pedigree d'un homme aux mœurs respectables. En agissant de la sorte, voilà ce que des années plus tard, elle récoltait.
Il était impossible pour eux de renouer avec leur passé. Ce serait construire une nouvelle relation sur celle qu'il avait déjà. Pourquoi détruire l'amour qu'ils se portaient ? Il était trop tard. Elle aurait dû agir, le rejoindre lorsqu'il avait quitté l'Angleterre pour le reconquérir mais elle avait eu peur.
Encore aujourd'hui, elle avait peur d'essayer en vain de raviver une flamme qui s'était éteinte avec leurs souvenirs.
Une main chaleureuse se posa délicatement sur son dos. Elle bougeait de haut en bas pour la réconforter. En se redressant petit à petit, elle finit par sécher ses larmes en reniflant.
— Je ne peux conquérir son cœur, une autre l'aime...L'aime comme moi je l'aime.
Si elle continuait à pleurer, Victoria se présenterait avec un visage boursouflé et des yeux rouges devant ses frères et les domestiques. Et elle passerait son temps à geindre dans les bras du précédent duc de Cambridge ce qu'elle ne devait surtout pas faire au vu de son état de santé. Il serait temps qu'elle se ressaisisse.
— Ton frère a laissé penser que lord Egerton serait un prétendant correct, lui avoua Trafford.
Légèrement surprise d'entendre que Noah avait été un sujet de discussion entre eux, la jeune femme posa ses pupilles bleues sur le vieil homme à ses côtés. Elle passa une main sous son nez et renifla une nouvelle fois. Ensuite, elle fronça légèrement des sourcils un air suspicieux affiché sur sa charmante frimousse.
— Jared pense lui aussi que je ne peux continuer à conserver ses sentiments, n'est-ce pas ?
Trafford secoua son visage de gauche à droite. Il était évident pour toute la maisonnée des Armstrong que Victoria devait jeter son dévolu sur un autre homme avant que cela ne finisse par la nuire.
— J'y réfléchirais.
Ce n'était pas demain la veille qu'elle s'y mettrait. Noah pouvait peut-être lui plaire mais tant que cet espoir n'était pas réduit à néant, cela ne lui servirait à rien de flatter le baron.
— As-tu fini de te lamenter ? la questionna finalement son grand-père, en se retenant de sourire.
— Quel froideur ! Je ne me confierais plus, fit-elle en s'écartant du bord du lit pour venir se tenir debout près du mobilier.
— Ce vieil homme réclame son repas.
— Oh...
Il est vrai que son grand-père s'était reposé toute la matinée et qu'une collation ne lui avait pas été apporté entre temps car aucuns serviteurs n'avaient souhaité le déranger.
— Je vais de ce pas leur demander de vous cuisiner leur meilleur plat !
— Qu'ils m'apportent de la viande, je suis las des soupes.
Elle en rit moqueusement.
— Seriez-vous capables d'y croquer à pleine dent ?
— Satané gavroche !
Une petite toux sèche lui prit à cet instant, ce qui poussa Victoria à s'en aller silencieusement non sang un léger sourire. Elle n'était pas totalement apaisée suite à la discussion qu'elle avait eu avec son grand-père.
Mais une chose était sûre, elle se devait de parler avec Alexander. Devait-elle lui dire la vérité ? Dans tous les cas, il ne se souvenait de rien. Il croirait qu'elle s'amuserait à lui mentir et ce mensonge serait tellement grotesque à ces yeux qu'il s'en moquerait. Si Lady Mallory était présente peut-être que cela rendrait ses propos avérées... Elle n'espérait rien de cette discussion mais pour mieux vivre avec son passé, ne fallait-il pas y faire face et abandonner tout espoir que cette flamme se ravive finalement ?
Il se marierait et comme tout le monde le souhaitait dans cette famille, elle chercherait un homme acceptable et digne de l'épouser pour ne pas continuer à entacher sa réputation.
En s'arrêtant devant les remparts de l'escalier, elle appela d'une voix forte son majordome qui n'arriva qu'à la seconde fois.
— Milady...Il est indécent que vous vous exclamiez ainsi, la sermonna-t-il furieusement.
— Oh Joseph, quand est-ce que vous apprendrez que je ne suis décente qu'en dehors de ma demeure ?
Il poussa un long soupir. Mais elle arrivait à voir un léger rictus sur le coin de ses lèvres. Joseph avait beau la réprimander, Victoria ne cesserait de l'étonner.
— Dites au chef que grand-père veut un bon gigot ! Et cessez de lui apporter de la soupe, le pauvre ne peut se nourrir que de si peu.
— Mais le médecin recommande-...
— Le médecin lui a prescrit un remède, pas un régime.
Elle posa ses mains sur ses hanches et attendit que son majordome réponde à cela, mais il ne sut qu'hausser des épaules. Elle n'avait pas torts.
— Bien, milady.
Il lui offrit une simple révérence afin de la saluer. Et elle tourna les talons afin de rejoindre sa chambre, le sourire aux lèvres. Brusquement, la jeune femme retourna sur ses pas et s'écria :
— Joseph !
Il revint très vite, l'inquiétude se lisant dans ses yeux verts.
— Qu'y a-t-il milady ?
— J'aimerais que Lady Célia Mallory sache que je viendrais dans trois jours prendre le thé dans sa demeure. Veuillez lui envoyer une missive pour lui prévenir de ma venue je vous prie, et que cela n'arrive pas aux oreilles de son Lord Kincardin !
Joseph passa une main dans sa chevelure cirée. Pendant un instant, il sentit des sueurs froides le long de son dos mais ne dit pas un mot. Qu'imaginait-elle faire ?
— Joseph ?
— Je ferais le nécessaire milady.
A ces mots, elle s'en alla prestement avertir Jared de sa décision. Peut-être que cela l'allègerait d'un poids.
Hello ~~ Je reprends du poil de la bête, veuillez m'excusez en tout cas de cette page blanche à durée indeterminée :S
J'espère que ce chapitre vous a plu n'hésitez pas à commenter et me dire ce que vous en avez pensé !!!
Je tenais à vous dire que j'ai ouvert un compte instagram pour que vous sachiez quand est-ce que mes chapitres peuvent sortir x) Il est en construction et je pense mettre du contenu héhé x)
Merci en tout cas pour votre soutien XOXO ;)
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