Les dissections amoureuses
Section I
Les narrations commencent toujours, dans les terrarium mentaux, dans les petites cours où l'hypocrisie pousse ses premiers meuglements de naissance, alors que les loupiots grandissent et font semblant d'aimer les pères Noël qui se sont pendus à leur fenêtre avec des ficelles ou des petites échelles en copeau de pinophytes. Foncièrement, Warren se doute bien que la fille effacée qui traîne sur les chaussées, Rosalie, ou Myriam, il ne sait plus très bien, aimerait ces transports festifs de conventions, et les transbordements d'obole, ces gracieusetés dont il n'a d'ailleurs cure, comme on l'apprend dans son Complexe Educatif pour Jeunes Humains, avec les anxiétés d'usage et autres carences bien entendu, les savoirs abstraits, et les liens d'apprenants grivois qui puent les hormones de fin d'adolescence. Les pas enferrés dans la gadoue tannée pour les souliers, en direction pour son home de famille, il se dit que, de toute manière, son glandu de père Sévère ne verra pas le pantin brûler dans la cheminée. Il sortirait avec sa horde amicale ce soir, ce sera ça ou rien. Rosalie, ou Myriam, parfois elle ne sait plus très bien, en le voyant marcher dans la neige vermoulue le trouvait d'une complexion charmante avec sa démarche ferme mais nonchalante, les mains dans les poches, et son allure assurée, bien bâti comme la charpente des nouveaux modèles de Home de famille. Elle est rentrée chez elle les joues brûlantes.
Section II
《 _ Alors, qu'est-ce qu'elle t'a dit, Alix ? lance Théo de sa voix de chien grailleux, transperçant le calme chanceux du bar estudiantin.
_ Rien. J'me suis pris un râteau.
Warren haussa les épaules à son camarade.
_ C'était une belle plante, reprit Théo.
_ Y a pas de lézard. J'ai pas b'soin d'elle pour vivre non plus. 》
Il compte bien continuer à faire ce qu'il veut faire, comme il l'entend. De tous ces rêves mécaniques de relations, il ne s'attardera pas sur des rouages rouillés. Il a de quoi mener ce genre d'histoire sans balbutiements. Et cette idée le revigore d'autant plus que Rosalie, ce doit être Rosalie, entreprend de fixer de ses prunelles-céladon collantes d'intérêt ses alentours. La jeune femme qui sent de temps en temps quelques pensées piquantes lui faire relever les yeux. Bien que le jeunot imposant soit prisé, elle lui décèle d'une manière automatique un aspect qui n'en est que plus attrayant, avec toutes ces mimiques des Appréciatrices qui bavent sur lui. Warren avait bien envie, d'un coup, de trifouiller du côté de Rosalie, c'est bien ça, Rosalie.
Section III
Les intervalles que Cronos a cédé à Warren pour lui mieux courtiser Rosalie, n'ont pas été exploités en vain. Darder un aiguillon de convoitise chez la personne-but et allumer un léger dépit chez d'autres le ravissent et le flattent, et cela lui semble alors un joli jeu dont l'agrément de la répartie singulière et de la coquetterie facile d'esprit est une conséquence sur la mainmise qu'il fait de l'attache de la fille. A partir du moment où elle réagit, que ce soit d'une rougeur inattendue ou d'un trouble flagrant, le déroulement de cette petite escapade relationnelle lui sied bien, fruit d'un opportunisme conquérant où il faut bien s'amuser d'une alchimie ne serait-ce que de façade, là où elle est branche d'un réseau trophique chamarré intéressant à explorer. Il en tire même quelque sentiment peu commun, de ceux redoutés et recherchés qui poussent comme du chiendent véroleux, une curiosité à l'étude d'étendue passionnante. Ainsi donc, il prendrait les choses en main. Et ce parti-pris séduit Rosalie comme une collégienne automatique devant un mannequin-plastique pour télévision.
Section IV
《 _ Bon, demain, on sort à la Grande Ville. Je passerai te chercher, soutient Warren, le regard assuré perpendiculaire à celui, réceptif, de Rosalie.
_ Euh.. oui, d'accord. Mais tu as pensé à ce que les Autres vont dire ? Chipote-t-elle, minaudant et hésitant.
Warren, exaspéré, ne se retient que peu de souffler comme un bœuf vigoureux aiguillonné au vif.
_ On s'en tape. Qu'ils aillent se brosser, j'vais pas changer pour tes Autres.
_ Mais je ne sais pas si Mère, Myriam, voudra, souffle encore la jouvencelle, penaude.
_ Ah, fais c'que tu veux. J'irai seul dans ce cas.
_ Non, non, je viens avec toi !
Les grands yeux de la jeune fille brillent soudainement comme deux alarmes, les cordes vocales sonnant un carillon apeuré. Warren sourit.
_ Alors, on y va, conclut-il, d'un ton n'admettant pas la réplique.
En chemin vers la Grande Ville, les maisons et Home de famille se redressent tous, bien fiers et bien pimpants, de leur air de tombeau d'avant-garde. Les ruisseaux coulent d'essence comme des veines noirâtres s'échappant d'une gangrène. Le contraste est très-soufflant, minaude la conscience de Rosalie d'une Science de rigueur pour un premier rencard. Warren la voit ainsi ouverte, grâce à ses quelques taquineries et son oeil de vautour, fort bien disposée à la baguenauderie galante, mais elle garde encore la distance de sécurité pour faciliter le freinage de ses élans de coeur. Ce n'est en réalité qu'une habitude qui la prive de tout allant. Elle le trouve pourtant dans ses manières dirigeantes d'une hauteur inaccessible, mais son sentiment lui retourne l'impression vulgaire d'être un pantin d'une attirance cybernétique, tel un coup de parabellum dans son occiput qui aurait déclenché le réveil d'un instinct animal. Des gènes tirent les ficelles de tout ce cirque et elle n'en voit rien d'alarmant. Cet entre-deux palpable dit à Warren que son gouvernement sur Rosalie est un très bon signe de réussite.
Section V
L'après-rendez-vous retient quelques appréhensions palpables, du moins chez Rosalie. Il faudra bien rappeler son homme-obsession. Elle hésite, se lève de son canapé d'infortune, trottine dans le home de famille de sa mère, se recouche, palpe son téléphone, se relève. Warren attend de son côté. Les liaisons pour échanges sentimentaux s'ébranlent vite, selon lui, des deux côtés de la ligne. Il est d'autant plus rassuré qu'elle ne lui colle pas aux basques. Il est connu que la conquête est plus savoureuse quand le prix intrinsèque représente un résultat de valeur. Il sait qu'il lui plaît. Elle rappellera.
Section VI
Warren a vu juste. Ils ont finalement continué les petites virées de prétexte de bonnes conduites, comme tout embryon d'un ersatz de couple au minimum, luisant les petites machines de leur bon fonctionnement. La présentation, voulue ou non, de leur procréateur en est une. Les jeunes gens ont rendu visite aux habitants d'un des Home de famille, en prenant des chemins verts et tordus comme leurs inclinaisons respectives. Warren a vu son ascendant décupler d'une manière incongrue, quand il a consolé un gosse d'homologue de petit frère d'un geste sincère, devant le faciès médusé de Rosalie, lui qui toujours peut la faire couler d'elle-même en affection ou la faire taire de son regard de Méduse. Rosalie a été touchée par cette sensibilité, cette aplomb de force péremptoire, et cette puissance rassurante qui lui font remuer ce que Thiefaine appelle "ce chagrin des glandes", mais aussi l'instinct de son attirance génique, aveugle devant la juridiction de ce que les attraits qu'elle trouve nourrissent la cinématique de son affect et de son protocole organique, mathématique, quoique appréciée comme une romance abrutie de bon aloi. Warren en a resplendi de satisfaction tel un conquistador bienheureux.
Section VII
Les semaines et les mois jouent à se coiffer de nouvelles saisons, sans jamais préfigurer dans les grandes machines à sentiments amoureux une nuit de la Samain. Les habitudes imposent leur dictature indolente et s'installent sournoisement. Warren ces temps-ci ressort de temps à autres ses globes peints d'éclairs orageux. C'est le reflux monotone des actions monocordes que l'on remarque un peu partout dans le déroulement des belles mécaniques, qui lui fait sentir l'odeur électrifiée des débuts de disputes. Les épisodes courts ont la belle vie. Rosalie, l'objet de sa conquête, s'est résolue à s'être laissée prendre, son cerveau ayant mordu à l'hameçon du statut approchant la perfection pour sa biologie, quels que soient les mauvais aspectes des mauvais jours, kaléidoscopés et passés à la trappe.
Mais Warren n'oublie rien.
Section VIII
Les manufactures de balises de leurs relations suivent leur train-train quotidien, icelles surtout posées par Rosalie. Elle esquive les doutes du ciel bien rose qu'elle s'est construit sur ses mirages, alors elle devient tatillonne sur l'avancée de son idylle. Elle planifie. Et il déteste ça.
Son amour pour elle lui semble voler bien bas, elle l'agace et l'irrite, et elle pleure et elle rampe pour se faire pardonner. Le défi de la conquête s'étant déjà réalisé, il lui semble que le fardeau qu'il a monté à l'acmé des hauteurs est vite redescendu à l'état d'origine. Le vainqueur s'est transformé en Sisyphe des sentiments qui n'a essayé qu'une fois de traîner vers l'amélioration le poids de son béguin. Il ne veut pas s'encombrer d'un boulet inutile.
Section IX
《 _ C'est bon, j'me tire, lance Warren, la main sur la poignée de la sortie de son Home.
C'est son énième coups de gueule, et il ne se sent que plus immobilisé par l'attitude de la fille.
_ S'il te plait, ne me jette pas pour une peccadille !
Je ne mérite pas ainsi ta soudaine aversion.
Je puis dire en dehors de toute prétention
Que je n'obéis qu'à mes instincts de jeune fille, plaida la rosière contrite et effrayée.
_ Ah ouais, et ça veut dire que tu dois me couver à tout prix ?
Il engage un mouvement avorté pour partir.
_ Attends, ne...
Il la coupe en le faisant naître. La porte claque.
Leur fabrique symbiotique s'est enrayée. Et les liens lâches finissent par se dénouer. La conquête n'est plus qu'une bataille boiteuse qui donne envie à Rosalie de se vider de ses entrailles qui pleurent. Elle ira encore le chercher au fond de sa retraite, prête à quérir un pardon dont elle n'a pas besoin et reproduire le geste en une danse redondante, tel un pauvre automate à la procédure périmée. Après tout, le défi a péri depuis longtemps, et l'euphorie que le suzerain déployant régiment d'aspects souverains de lui-même peut confondre avec de nombreux élans de cœur, s'est dissipée d'elle-même.
Section X
Tout finit toujours en morceaux qui se replantent ensuite. La vision joueuse d'un futur de désastre s'est cachée dans les remous de liaisons cahoteuses au masque racoleur. La jeune fille a laissé son entreprise inhérente verser des lamentations sur cette histoire fortuite qu'elle voulait voir fleurir en une jolie mécanique de cœur aux organes entretenus. Elle n'a pas voulu savoir qu'il existait un inévitable pour conclure sa petite histoire d'un point final. Warren est rentré au pays, a mis fin d'un vent brutal cette intrigue avec Rosalie, ou Myriam, il ne veut plus vraiment savoir.
C'est la fin d'une branche de vie partagée, bonne à entretenir dans les terrariums mentaux.
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Réponse au Défi N°3 des mini-concours "Les murmures littéraires"
Détourner une romance clichée badboy×fille timide
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