Chapitre 57
Alors que j'étais presque parvenu à l'entrée du bureau de Dumbledore, j'entendis des voix venir dans ma direction...
« Par ici, M. Fudge. Je serai heureux de vous montrer où l'incident s'est produit, » dit la voix toujours patiente de Dumbledore.
« Je peux y aller avec lui, Dumbledore, » proposa la voix ronchonneuse de Maugrey. « Ça te permettra de répondre aux questions de Potter. Il semblait pas mal désemparé. »
« C'est très gentil de ta part, Maugrey, mais je pense que Potter peut patienter. Ceci est important, » répliqua le vieux sorcier. Je me demandai s'il avait en effet perdu un peu de sa confiance en son vieil ami.
« Ah, M. Cullen, » dit M. Fudge alors que le petit groupe passait à côté de moi. « C'est bon de vous voir. Qu'est-ce qu'un autre champion fait hors de sa classe en plein milieu de la journée ? » Il lança un regard rempli d'éloquence à Dumbledore.
« J'avais un... message pour Professeur Dumbledore, » mentis-je avec aisance.
« Je suis occupé en ce moment, comme tu peux le voir, » répondit froidement le directeur de l'école. « Et M. Potter est déjà en train d'attendre dans mon bureau. Peut-être que tu peux attendre mon retour à l'extérieur. »
Je saisis tout de suite l'implication et hochai la tête pour le lui faire savoir. Je devais garder un œil sur Harry pendant que Dumbledore se rendait sur le terrain. Je m'empressai de franchir les quelques mètres qui me séparaient de l'entrée de son bureau. « Nids de cafards, » énonçai-je clairement. La gargouille se déplaça, révélant l'escalier qui montait au bureau de Dumbledore. Je m'immobilisai devant la porte. Quoi que Harry soit en train de faire à l'intérieur, il ne faisait pas beaucoup de bruit. C'était très silencieux de l'autre côté de la porte. Je cherchai rapidement son esprit pour voir ce qu'il faisait. Ce que je vis alors me laissa sous le choc.
Parce qu'à travers ses yeux, ce n'est pas l'intérieur du bureau de Dumbledore que je vis, mais plutôt une pièce dépourvue de fenêtres et seulement éclairée par la lumière de quelques torches. Il y avait des tribunes ou des gradins tout autour de la salle, occupés par des rangées de sorcières et de sorciers qui regardaient fixement vers le bas au centre de la pièce – où se trouvait une chaise avec des chaînes. Harry, lui, paraissait être assis à l'une des extrémités de la salle. Cela ressemblait à une salle d'audience, mais avec un très grand jury qui emplissait tout l'espace.
Comment Harry avait-il quitté Poudlard ? S'était-il servi d'un portoloin ? Je m'empressai d'ouvrir la porte du bureau. Peut-être que je pourrais trouver une façon de le suivre, bien que je n'aie aucune idée de comment m'y prendre. Une fois que le portoloin était parti, y avait-il un moyen de le traquer ?
Toutefois, lorsque j'ouvris la porte, je découvris que Harry n'avait pas quitté les lieux. En fait il se tenait debout à côté de l'armoire qui avait capté mon attention la première fois que j'avais mis les pieds ici. Sa tête était complètement plongée dans la Pensine. Je sentis un soulagement temporaire en constatant sa présence bien réelle dans le bureau, mais alors je me demandai s'il était en danger. Il ne bougeait pas du tout. Devais-je le sortir de là ? Cela pourrait éventuellement avoir un impact négatif sur son état mental... Il semblait absorbé dans le souvenir qu'il était en train de regarder.
J'en conclus qu'il valait mieux que je le laisse tranquille mais que je continue à le surveiller jusqu'au retour de Dumbledore. Il saurait comment gérer la situation. Je restai près de l'entrée et je retournai dans son esprit.
Il était très mal à l'aise, ressentant à la fois de la crainte et de l'appréhension en regardant la scène qui se jouait devant lui. La porte dans le coin du cachot s'ouvrit et deux silhouettes masquées pénétrèrent à l'intérieur, maintenant fermement un homme entre elles. 'Détraqueur' était le nom dans l'esprit de Harry pour ces silhouettes, et la peur qu'elles lui inspiraient lui donna le frisson. Je me souvins avoir lu que ces êtres terrifiants étaient les gardiens d'Azkaban. On les décrivait comme étant la mort incarnée. Ils se nourrissaient de la peur des autres et torturaient leurs prisonniers avec des sentiments de désespoir. J'étais peut-être un monstre, mais je n'arrivais pas à la cheville de ces créatures.
Les deux Détraqueurs glissèrent lentement vers la chaise au centre de la pièce, tirant l'homme dans leurs mains qui rappelaient la mort. L'homme était à peine en mesure de marcher en raison de l'effet que ses geôliers avaient sur lui, et par conséquent ils étaient obligés de le traîner autant que de le guider vers la chaise. Les sorcières et sorciers autour de la salle eurent tous un mouvement de recul tandis que les deux gardiens plaçaient l'homme sur la chaise avant de flotter vers la sortie.
Je fus étonné de voir que l'homme était Karkaroff, mais une version beaucoup plus jeune de lui. Ses cheveux et sa barbiche étaient noirs, mais ses habits étaient élimés et en lambeaux. Il n'était pas l'homme orgueilleux que nous voyions aujourd'hui se promener sur les terres de Poudlard. L'homme ici tremblait de peur alors que les chaînes fixées à la chaise brillaient d'or et serpentaient jusqu'à ses bras pour le lier et le restreindre.
« Igor Karkaroff, » tonna une voix brusque à gauche de Harry qui tourna la tête et me fit voir le visage d'un M. Croupton plus jeune. Ses cheveux étaient eux aussi plus foncés, son visage moins ridé, et son comportement tout à fait sensé. « Vous avez été ramené d'Azkaban pour témoigner devant le Ministère de la Magie. D'après ce que nous avons compris, vous avez d'importantes informations pour nous. »
Karkaroff tenta de se redresser et de se ressaisir, même si les chaînes le retenaient. « Oui, Monsieur, » dit-il, incapable de cacher la crainte dans sa voix. « Je tiens à être utile au Ministère. Je veux aider. Je-je sais que le Ministère essaye de – de mettre la main sur le dernier des partisans du Seigneur des Ténèbres. Je suis désireux d'apporter mon aide de quelque façon que ce soit... »
Le murmure qui s'ensuivit parmi le jury était un mélange d'intérêt et d'incrédulité. Puis, une voix familière quoique plus jeune grogna « Ordure » à droite de Harry. Celui-ci tourna la tête vers Dumbledore – un Dumbledore beaucoup plus jeune – et se pencha en avant pour voir plus loin la source de la voix qu'il venait d'entendre. C'était Maugrey, mais ce Maugrey-là avait deux yeux normaux plutôt qu'un œil magique de remplacement, et ils lançaient des éclairs de méfiance et de haine à Karkaroff.
« Croupton va le laisser sortir, » chuchota Maugrey à Dumbledore. « Il a passé un accord avec lui. M'a fallu six mois pour le traquer, et Croupton va le laisser aller s'il peut lui fournir suffisamment de nouveaux noms. Moi je dis, écoutons l'information qu'il a à nous donner, et renvoyons-le directement aux Détraqueurs. »
Dumbledore émit un petit grognement nasal indiquant son désaccord avec les propos de Maugrey.
« Ah, j'oubliais... Tu n'aimes pas les Détraqueurs, n'est-ce pas, Albus ? » Dit Maugrey avec un sourire sardonique.
« Non, » répliqua calmement Dumbledore. « En effet je ne les aime pas. Il y a longtemps que j'ai l'impression que le Ministère a tort de s'allier avec de telles créatures. » Cela me surprit de voir un Dumbledore montrant qu'il avait des préjugés. Il avait pourtant été ouvert à la possibilité qu'il y ait de bons vampires et de bons loups-garous...
« Mais pour des ordures comme ça... » Poursuivit doucement son interlocuteur, interrompu par la procédure.
« Vous dites que vous avez des noms pour nous, Karkaroff, » poursuivit M. Croupton. « Faites-nous les connaître, s'il vous plaît. »
« Vous devez comprendre, » dit précipitamment Karkaroff, « que Celui-Dont-Le-Nom-Ne-Doit-Pas-Être-Prononcé a toujours opéré dans le plus grand secret... Il était préférable que nous – je veux dire, ses partisans – et je regrette à présent, très profondément, d'avoir compté parmi eux- »
« Aboutis, » ricana Maugrey.
« ... Nous n'avons jamais su les noms de tout le monde – lui seul savait avec exactitude qui nous étions tous- »
« Ce qui était une sage décision, n'est-ce pas, puisque ça a empêché quelqu'un comme toi, Karkaroff, de tous les dénoncer, » marmonna Maugrey.
« Pourtant vous dites que vous avez des noms à nous donner ? » Questionna M. Croupton.
« Je- j'en ai, oui, » répondit Karkaroff à court de souffle. « Et ce sont des supporters importants, je tiens à le souligner. Des gens que j'ai vus de mes propres yeux obéir à ses ordres. Je vous donne cette information comme un signe que je renonce entièrement et totalement à lui, et je suis tellement bourrelé de remords que je peux à peine- »
« Quels sont ces noms ? » Le pressa M. Croupton.
Karkaroff prit une profonde inspiration. « Il y avait Antonin Dolohov. Je – je l'ai vu torturer un nombre incalculable de moldus et – et des sorciers qui n'appuyaient pas la cause du Seigneur des Ténèbres. »
« Et il l'a aidé dans sa tâche, » marmonna encore Maugrey.
« Nous avons déjà appréhendé Dolohov, » rétorqua Croupton. « Il a été pris peu de temps après votre propre arrestation. »
« Vraiment ? » Les yeux de Karkaroff s'agrandirent de panique. « Je – je suis ravi de l'entendre ! » Je me doutais bien que c'était loin d'être la vérité. Son information n'avait aucune valeur et ne ferait rien pour servir sa cause.
« Vous avez d'autres noms ? » Interrogea froidement Croupton.
« Eh bien oui... Il y avait Rosier... Evan Rosier. »
« Rosier est mort, » répliqua Croupton. « Il a été arrêté peu de temps après vous lui aussi. Il a préféré se battre plutôt que de se livrer sans faire d'histoire, et il a été tué pendant le combat. »
« Il m'a arraché un bout, cependant, » murmura Maugrey à la droite de Harry. Ce dernier tourna la tête pour voir Maugrey indiquer un gros morceau manquant à son nez.
« Non – Rosier le méritait ! » Lança Karkaroff, la panique montant dans sa voix.
« D'autres noms ? » S'enquit Croupton.
« Oui ! » Fit Karkaroff. « Il y avait Travers – il a aidé à assassiner les McKinnon ! Mulciber – il s'est spécialisé dans le sortilège de l'Imperium et a contraint une multitude de personnes à faire des choses horribles ! Rookwood, qui était un espion, et qui a passé à Celui-Dont-Le-Nom-Ne-Doit-Pas-Être-Prononcé des informations utiles à l'intérieur même du Ministère ! »
La foule réagit positivement à cette dernière parcelle d'information. Il devait s'agir de quelqu'un qui avait déjà été attrapé ou tué.
« Rookwood ? » M. Croupton fit un signe de tête à une sorcière assise en face de lui, qui nota rapidement l'information sur un morceau de parchemin. « Augustus Rookwood du Département des Mystères ? »
« Lui-même, » confirma Karkaroff avec empressement. « Je crois qu'il a utilisé un réseau de sorciers avec des positions enviables au sein du Ministère et en dehors pour recueillir l'information- »
« Mais nous avons déjà Travers et Mulciber, » dit M. Croupton. « Très bien, Karkaroff, si c'est tout ce que vous avez, vous serez renvoyé à Azkaban pendant que nous décidons- »
« Pas encore ! » Lança désespérément Karkaroff en jetant des regards affolés vers la porte derrière laquelle se trouvaient probablement les Détraqueurs. « Attendez, j'en ai plus ! » Il transpirait dans la lumière des torches, son visage presque aussi pâle que celui d'un vampire... « Rogue ! » Cria-t-il. « Severus Rogue ! »
« Rogue a été blanchi par ce Conseil, » répliqua Croupton d'un ton glacial. « Albus Dumbledore s'est porté garant de lui. »
« Non ! » Hurla Karkaroff. « Je vous assure ! Severus Rogue est un Mangemort ! »
Dumbledore se mit debout à côté de Harry. « J'ai déjà fourni des preuves sur cette question, » dit-il calmement. « Severus Rogue était bel et bien un Mangemort. Toutefois, il a rejoint notre camp avant la chute de Lord Voldemort et il est devenu un espion pour nous, prenant énormément de risques par la même occasion. Désormais il n'est pas plus Mangemort que je ne le suis. »
Harry se déplaça pour voir Maugrey, qui pour sa part regardait Dumbledore avec un profond scepticisme – faisant écho aux propres doutes dans mon esprit à l'égard de Maugrey et de Rogue.
« Très bien, Karkaroff, » répéta froidement Croupton. « Vous nous avez apporté votre aide. Je vais examiner votre cas. Dans l'intervalle vous retournerez à Azkaban... »
La salle disparut soudainement comme s'il s'agissait d'un nuage de fumée emporté par une rafale de vent... Puis elle réapparut, mais elle était différente – les sorcières et sorciers constituant le jury étaient maintenant souriants et détendus. Ils parlaient joyeusement les uns avec les autres. L'atmosphère était presque enjouée. Une sorcière en particulier attira l'attention de Harry. Son regard s'attarda sur elle... Elle avait des cheveux blonds coupés courts, portait des robes magenta et suçait l'extrémité d'une plume vert acide. C'était une Rita Skeeter beaucoup plus jeune. J'étouffai un grondement à sa vue. Dumbledore était encore là, assis à côté de Harry, mais il portait des habits différents. M. Croupton était là aussi, cependant son apparence était plus usée, plus féroce, et son visage était plus blême et émacié. Il devait s'agir d'un procès différent.
La porte s'ouvrit et je fus surpris de voir Ludo Verpey marcher dans la pièce. Ce devait être Ludo à l'époque où il était un joueur de Quidditch d'envergure internationale. Son nez était droit, lui-même était grand et svelte... mais il avait l'air nerveux en s'assoyant sur la chaise. Néanmoins, la chaise ne le lia pas comme elle avait lié Karkaroff. Il regarda les chaînes et constata qu'elles ne bougeaient pas, lui donnant un peu d'assurance. Il agita timidement la main et réussit à faire un petit sourire.
« Ludo Verpey, vous avez été amené ici devant le Conseil de Justice Magique pour répondre à des accusations en rapport aux activités des Mangemorts, » annonça M. Croupton. « Nous avons entendu les témoignages contre vous, et nous sommes sur le point de rendre le verdict. Avez-vous quelque chose à ajouter à votre déposition avant que nous ne prononcions un jugement ? »
Mon choc s'accordait aux pensées dans l'esprit de Harry. Ludo Verpey, un Mangemort ?
« Seulement, » dit Ludo, « que je sais, euh, que j'ai été un peu idiot- »
Quelques sorciers et sorcières lui sourirent avec indulgence. Néanmoins M. Croupton continua de le regarder sévèrement. Je réalisai que j'avais été correct dans mon évaluation lorsque j'avais estimé qu'il y avait une intense aversion entre les deux hommes, de la part de Croupton, du moins.
« C'est la chose la plus juste qu'il t'ait été donné de dire, mon garçon, » répliqua sèchement Maugrey de l'autre côté de Dumbledore. « Il a toujours été taré, mais si je ne le savais pas, j'aurais pensé que les Cognards avaient affecté son cerveau de façon permanente... »
« Ludovic Verpey, vous avez été surpris en train de transmettre des informations à des partisans de Lord Voldemort, » déclara M. Croupton. « Pour cela, je suggère une peine d'emprisonnement à Azkaban d'une durée de- »
Il y eut plusieurs cris de colère et de protestation dans les bancs. Une partie du jury alla même jusqu'à se lever, secouant leurs têtes et montrant leurs poings à M. Croupton.
« Mais je vous ai dit que je n'en avais aucune idée ! » Lança Verpey. « Absolument aucune ! Le vieux Rookwood était un ami de mon papa... Ça ne m'a jamais traversé l'esprit qu'il était avec Vous-Savez-Qui ! Je pensais que je collectais de l'information pour notre camp ! Et Rookwood n'arrêtait pas de me dire qu'il allait m'obtenir un emploi au sein du Ministère plus tard... quand ma carrière de joueur de Quidditch serait terminée, vous savez... Je veux dire, je ne peux pas passer le reste de ma vie à me faire frapper par des Cognards, pas vrai ? » Quelques membres du jury gloussèrent à son commentaire.
« Nous allons procéder à un vote, » déclara froidement Croupton. « Je prierais le jury de lever la main... Ceux en faveur de l'emprisonnement... » Pas une seule personne ne leva la main. Au lieu de ça, plusieurs se mirent à applaudir, et il y en a même une qui se leva. « Oui ? » Aboya Croupton.
« Nous tenons à féliciter M. Verpey pour sa magnifique performance avec l'équipe d'Angleterre dans le match de Quidditch contre la Turquie samedi dernier, » dit la sorcière dans un souffle alors que la salle d'audience éclatait en applaudissements. Je pus constater que le système judiciaire pouvait être tout aussi corrompu dans le monde des sorciers que je ne l'avais vu dans le monde des 'moldus' lorsqu'il était question de célébrités.
M. Croupton était furieux. Ludo se leva et s'inclina, rayonnant. « Ignoble, » cracha Croupton à l'intention de Dumbledore tandis que Ludo sortait de la salle d'audience. « Rookwood lui a obtenu un emploi au Ministère, la belle affaire ! Le jour où Ludo Verpey se joindra à nous sera un jour bien triste pour le Ministère... »
La scène s'évapora de nouveau comme elle l'avait fait tout à l'heure, comme si une brise subite soufflait au loin ce nuage particulier de fumée, le remplaçant par un autre. La scène qui suivit était complètement différente. Un silence total pesait sur la salle, rompu seulement par les sanglots secs d'une frêle sorcière assise à côté de M. Croupton, qui lui-même était encore plus maigre, plus blême et plus gris qu'avant, comme s'il avait vieilli prématurément en raison du stress. Un nerf se convulsait à sa tempe.
« Faites-les entrer, » dit-il, sa voix résonnant dans toute la pièce.
La porte s'ouvrit. Quatre personnes furent poussées à l'intérieur par six Détraqueurs et entraînées vers quatre chaises à bras ornés de chaînes. Harry regarda tous les prisonniers avec attention, mais ce qui attira la mienne était le plus jeune d'entre eux... Un garçon qui ne devait pas avoir plus de vingt ans était lié à sa chaise, tremblant de peur. La sorcière assise à côté de Croupton ne détacha pas ses yeux de lui en continuant de gémir dans son mouchoir, se balançant d'avant en arrière, à l'agonie.
Le garçon semblait familier, comme s'il avait un soupçon de Croupton lui-même en lui. Je me demandai s'il avait un lien de parenté avec lui.
En même temps, mon esprit nota que Dumbledore était entré dans son bureau. Je savais que je devais reporter mon attention sur lui, mais j'étais curieux d'en savoir plus.
« Vous avez été amenés ici devant le Conseil de Justice Magique, » dit Croupton très distinctement, « afin que nous puissions porter un jugement sur vous, pour avoir commis un crime si atroce- »
« Père... Père, s'il vous plaît, » supplia le garçon en regardant Croupton. Je me redressai en sursautant, une main chaude se serrant sur mon épaule. Je m'extirpai de l'esprit de Harry pour me concentrer sur les yeux bleus préoccupés de Dumbledore derrière ses lunettes en demi-lune.
« Depuis combien de temps est-il comme ça ? » Demanda le vieux sorcier.
« Je l'ai trouvé comme ça quand je suis arrivé. Je ne peux pas dire avec certitude depuis combien de temps il est dans la Pensine. Je ne voulais pas le déranger – je ne savais pas quel effet ça aurait sur son esprit. »
Il hocha la tête. « Très bien, Edward. Merci... Je vais prendre la relève maintenant. J'aimerais que tu rassembles ta famille dans mon salon. Je pense que je vais vous accompagner à la grotte. Nous devons discuter de beaucoup de choses, et je crains qu'ici ne soit pas un endroit sûr pour le faire. »
J'acquiesçai et retournai dans ses quartiers pour rassembler la famille et attendre que Bella revienne de sa dernière classe. Quand elle arriva et que le reste de la famille fut là aussi, je vérifiai où se trouvait Harry. Je le vis grimper les escaliers en marbre conduisant à Gryffondor. Il était donc temps pour nous de retourner dans le bureau de Dumbledore.
« Où est Harry à présent ? » S'enquit celui-ci alors que nous nous réunissions dans son antre.
Je retournai brièvement dans son esprit. « Il est dans la salle commune de Gryffondor, en train de parler à Ron et Hermione à propos des, euh, découvertes d'aujourd'hui. »
« Bien sûr. » Il sourit. « Sera-t-il hors de danger ? » Sa question était dirigée vers Alice.
Elle fit une pause momentanée. « Je ne vois rien se produire pendant notre absence, » dit-elle avec assurance.
« Très bien... Allons-y alors. » Il indiqua le portoloin que nous avions utilisé pour nous rendre dans les Highlands. Dans l'instant qui suivit, nous posâmes tous nos mains dessus et nous nous mîmes à tourbillonner dans l'espace à une vitesse exaltante, atterrissant dans la grotte quelques secondes plus tard.
« Je ne m'habituerai jamais, » sourit Emmett.
« Je sais, » haleta Rosalie en attrapant son mari pour l'étreindre passionnément. « On a sérieusement besoin de se procurer un de ces trucs. »
« Absolument, » renchérit Alice.
Dumbledore sourit, ses yeux scintillant pour la première fois depuis plusieurs jours avant de perdre leur éclat et de s'harmoniser avec la gravité du ton qu'il prit par la suite. « Je vous ai accompagnés ici parce qu'il y a énormément de choses dont nous devons discuter, et je voulais disposer d'un endroit sûr pour le faire. Aussi, compte tenu des événements récents, j'ai pensé qu'il serait peut-être prudent de nous éloigner le moins longtemps possible, et j'étais tout à fait certain qu'Edward trouverait un moyen de s'assurer que Bella ne reste jamais seule. »
Je souris à sa perspicacité. En fait j'avais pensé rester en arrière avec Bella pour profiter de la vue jusqu'à ce qu'un membre de la famille ne revienne, puis je serais sorti moi-même. Bella me lança un regard noir, secouant la tête. « Il ne m'arriverait rien, tu sais. »
« Alors je vais rester ici et tenir compagnie à Bella pendant que vous allez tous chasser. Ce sera plus rapide ainsi. Maintenant je dois vous demander, pouvez-vous attendre quelques minutes de plus, ou bien devrions-nous discuter des événements de la journée à votre retour ? »
« Vas-y, » dit Carlisle. « Je suis sûr que nous pouvons nous retenir. »
Dumbledore fit un petit signe appréciatif. « D'abord, Edward... As-tu vu le rêve de Harry aujourd'hui ? »
« Oui – c'est pour ça que je venais vous voir. »
« Après avoir été chassé de la classe de Rogue ? » Sourit-il.
Je sentis la colère du traitement injuste que j'avais subi monter en moi. « Oui, » grognai-je. « Qu'est-ce qui vous fait croire que Rogue a vraiment changé de camp ? Il semble déterminé à ne pas soutenir mon travail ici. »
Dumbledore poussa un profond soupir. « C'est la deuxième fois qu'on me pose cette question aujourd'hui. La raison est entre Rogue et moi, mais je peux te dire que j'ai la plus grande confiance en ses intentions... Cependant... » Il caressa sa barbe en réfléchissant. « Rogue n'est pas le plus grand partisan de Harry, et conséquemment, par extension tu as le plaisir de devoir endurer son déplaisir. »
Je fronçai les sourcils.
« Ça semble avoir fonctionné, néanmoins... » Fit-il remarquer.
« C'est vrai, » dus-je admettre. Si je n'étais pas sorti de la classe, je n'aurais pas été disponible pour surveiller Harry pendant l'absence de Dumbledore. « Quoi qu'il en soit, j'ai vu le rêve en entier. Est-ce que ça vous serait utile de le voir ? »
« Je n'aurais pas osé te le demander, Edward, mais il est vrai que ça me serait très utile. »
Je me préparai pour l'invasion mentale qui allait suivre. Lorsque Dumbledore pénétra dans mon esprit, le rêve de Harry passa devant mes yeux à la vitesse de l'éclair. Cela ne dura qu'une demi-seconde, puis le vieux sorcier soupira. « J'ai bien peur qu'il ne s'agisse pas d'un rêve, » dit-il. « Je soupçonne l'existence d'une connexion entre Harry et Voldemort. »
« Vous croyez que c'est vraiment arrivé ? » Questionnai-je.
« Que se passe-t-il ? » Beugla Emmett. « C'est pire que les échanges entre Edward et Alice. »
« Je suis vraiment désolé, » s'excusa Dumbledore. « Harry s'est endormi dans la classe de Trelawney. » Rosalie renifla. On se demande bien pourquoi... Le directeur de l'école sourit. « Dans son rêve, il y avait Voldemort et son serviteur Queudver... Voldemort était en colère à propos de l'erreur de Queudver, laissant entendre que ladite erreur avait été réparée – la personne faisant l'objet de l'erreur est morte... Puis il a utilisé le sortilège Doloris sur lui. »
« Ça m'a fait penser à quand Jane utilise son pouvoir, » commentai-je.
Alice grimaça, se souvenant de ma propre torture il n'y avait pas très longtemps de ça.
« Et le serpent dans tout ça, Dumbledore ? »
« Je ne suis pas complètement sûr. Ça me paraît intéressant... Je me demande s'il n'aurait pas créé un autre Horcruxe... Peu importe, si nous supposons que le rêve de Harry était plus qu'un simple rêve, nous savons que Voldemort a des partisans qui obéissent à ses consignes même maintenant. La question est de savoir qui... »
« Ludo Verpey ? » Demandai-je. « Je l'ai vu dans la Pensine. »
« Ah, oui... Je dois avouer que c'est une possibilité, bien que peu probable. Ludo a fait son chemin dans la vie en accumulant les bévues, se targuant d'apporter son aide, mais ne provoquant que des dégâts. Je ne l'imagine pas être assez intelligent pour manigancer quelque chose que le Seigneur des Ténèbres pourrait juger utile. »
« Mais il a eu des contacts avec les gobelins – leurs rencontres étaient toutes centrées sur leurs préoccupations au sujet de M. Croupton et de sa présence pour juger la tâche finale... »
« C'est vrai, » dit Dumbledore...
« Dumbledore, » commençai-je, « dans le dernier souvenir que Harry a vu... il y avait un jeune garçon. »
« Ah oui, tu as vu ça aussi. » Il prit un air grave. « Le jeune garçon était le fils de Croupton. Je suis sûr que tu en as vu assez pour parvenir à cette conclusion toi-même ? » Je hochai la tête affirmativement. « Il a été condamné pour avoir torturé les parents de Neville Londubat. »
« Les parents de Neville Londubat ont été torturés à mort ? » Demanda Rosalie.
« Non... Ils ont été torturés à la folie. Ils résident actuellement à l'Hôpital Ste Mangouste pour les Maladies et Blessures Magiques. »
« Neville ne parle jamais d'eux, » notai-je.
« Non, je ne pense pas qu'il soit prêt pour ça... » Répliqua Carlisle. « Ce doit être une chose difficile à vivre. »
« Pauvre petit, » soupira Esme.
« Pouvez-vous nous parler des Détraqueurs, Dumbledore ? Dans un des souvenirs de la Pensine, Maugrey a dit que vous ne souteniez pas l'alliance du Ministère avec eux. »
« Je ne la soutenais pas et je ne la soutiens toujours pas, » dit-il fermement. « Les gens parlent au sujet des créatures des ténèbres – les Détraqueurs sont les plus sinistres d'entre elles. Ils ne vivent que pour se nourrir du désespoir et de la peur des autres – manger votre âme jusqu'à ce que vous soyez mort. Lorsque Voldemort va revenir au pouvoir, ils iront à lui. Il procure exactement ce dont ils ont grandement besoin... » L'expression sur son visage et le ton de sa voix ne laissaient que peu de place à la discussion. Je me demandais, cependant, comment il pouvait avoir cette opinion à leur sujet alors que d'autre part il concevait que nous puissions lutter contre notre besoin physiologique de sang humain dans un effort pour être bons.
« Bon, nous sommes partis depuis assez longtemps déjà. Peut-être pourriez-vous aller chasser pendant que je tiens compagnie à Bella, » conclut-il en souriant.
« Il n'arrivera rien à Harry, » dit Alice. « Ma vision n'a pas changé depuis tout à l'heure. »
« Malgré tout, je ne veux pas que nous nous attardions ici, » réitéra Dumbledore tandis que nous disparaissions en bas de la falaise.
« Hé, Edward, je sens quelque chose de bon par là, » lança Emmett alors que nous atteignions la terre ferme. J'inspirai profondément. Il y avait de grands félins dans la région. Je souris en m'abandonnant à mes pulsions les plus primitives.
Après m'être rassasié avec trois gros lynx et un cerf, je retournai au pied de la falaise. C'était plus que ce dont mon corps avait besoin, et je me sentais un peu léthargique avec tout ce sang ballottant en moi, mais je le brûlais plus vite parce que j'utilisais la magie. Je serais sans doute obligé de chasser à nouveau avant la troisième tâche.
Je décidai d'attendre les autres pour remonter à la grotte. Ils seraient certainement de retour bientôt. Pendant que je restais là, immobile, j'écoutai les faibles voix provenant de la grotte.
« Et donc tu souhaites devenir l'une des leurs, » dit doucement Dumbledore.
« Oui, » répondit Bella. « Edward préférerait que je reste humaine... mais je l'aime. Je veux être avec lui pour toujours. »
J'aurais voulu pouvoir entrer dans l'esprit de l'un ou de l'autre, ne serait-ce que pour me joindre à leur conversation, mais ils m'étaient tous les deux hermétiques.
« Cela ne me surprend pas. Edward se perçoit comme un monstre, » déclara Dumbledore.
« Mais il n'en est pas un, » insista Bella. « Il est bon, et gentil, et noble. »
« Je ne dis pas le contraire... » Répliqua-t-il. « Mais c'est une croyance enracinée tellement profondément en lui qu'elle ne changera pas, à moins que lui-même ne la change. Il n'y a rien que nous puissions lui dire pour le convaincre, il faut que ça vienne de lui. »
Il y eut un moment de silence.
« Pensez-vous que les vampires ont une âme ? » Demanda Bella d'une voix encore plus basse.
Un autre moment de silence tomba sur eux.
« Je pense que tous les êtres vivants ont une âme, » énonça lentement Dumbledore. « Y compris les vampires. »
« Et qu'en est-il de ces Détraqueurs ? » Questionna-t-elle.
« Même eux – bien que ce soient des âmes aussi noires qu'un puits sans fond puisque ces créatures sont créées à partir des ténèbres... »
« Mais pas les vampires ? »
« Il y a eu une époque où je voyais probablement les vampires comme je vois encore les Détraqueurs... Carlisle a changé ma vision des choses. Il m'a montré que les vampires ont le choix de combattre leur nature intrinsèque. Ils ne sont pas forcés d'être mauvais, ils peuvent décider d'être bons. »
« Mais les Détraqueurs travaillent pour le Ministère... »
« Ils n'ont pas choisi le bien... Ils continuent à faire le mal tel qu'ils l'ont toujours voulu, à la seule différence qu'ils le font pour un autre maître... C'est pourquoi je m'oppose à eux si farouchement. Non seulement le Ministère se met en danger en s'associant avec les Détraqueurs, mais en plus il cautionne leurs actions... »
« Comme recourir à la torture pour obtenir des informations... »
« Oui, » dit-il avec conviction.
Il y eut une autre pause...
« Dumbledore ? »
« Oui ? »
« Quand Edward a pratiqué ses sortilèges de Stupéfixion et de Désarmement, il n'a pas été capable d'accéder à cette force mystérieuse comme il avait été en mesure de le faire lorsque je l'avais aidé avec la première tâche. »
« C'est intéressant... Que s'est-il passé ? »
« Je me suis concentrée sur lui, exactement comme l'autre fois, et il a essayé de m'atteindre, mais il n'y avait rien – pas de connexion... »
« Hmmm... » Je pouvais l'imaginer assis dans un coin de la grotte, sur une saillie ou un rocher, caressant sa barbe.
« Comment ça se fait, d'après vous ? » Demanda Bella.
« Je ne sais pas, je ne peux que spéculer... Mais il se pourrait que, quelle que soit cette force que tu lui as fournie, elle soit de nature défensive plutôt qu'offensive. »
« C'est ce que dit Edward. »
« Ou bien il se pourrait qu'il ait été difficile pour toi de générer le niveau d'inquiétude nécessaire pour établir la connexion, sa vie n'étant pas en péril. »
« Je l'ai fait avant. »
« Oui, mais il se faisait attaquer avec le feu des sorciers. Il y avait un certain niveau de danger, même en prenant des précautions. »
« Hmmm. » À cet instant je l'imaginais assise, sa lèvre inférieure légèrement retroussée, un pli entre ses sourcils alors qu'elle était plongée dans ses réflexions.
Il y eut un autre long moment de silence...
« Vous êtes faits pour être ensemble tous les deux... » Déclara Dumbledore avec hésitation. « Il y a quelque chose de puissant entre vous deux... Je l'ai senti dès notre première rencontre... C'est plus fort que la connexion amoureuse qui existe entre les couples que je croise tous les jours... C'est à la fois un soulagement et une immense source d'angoisse pour moi. À cause de cet amour, je sais qu'Edward va bien s'en sortir. Quelque chose de plus important vous attend... Il survivra à tout ce qui sera lancé dans sa direction. J'en suis certain. Mais en même temps, je crains pour tout ce que vous aurez à affronter dans votre vie... ou votre existence... »
« Je vois, » dit-elle... Il n'y avait aucune trace de peur dans sa voix, seulement l'acceptation de ce qui l'attendait. Elle était vraiment remarquable.
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