PROLOGUE 2/2
Cela faisait trois semaines qu'il était captif en ses propres murs, prisonnier derrière ces vulgaires barreaux de fer qui seraient sans doute sa dernière demeure avant sa mort. Durant des jours et des nuits, il avait assisté aux aller-retour constants de soldats, emportant avec eux ses partisans. Jamais ils ne revenaient. L'odeur de chair brûlée lui parvenait régulièrement par cette petite fenêtre depuis laquelle, il pouvait observer ce qu'il se passait dans la grande cour du château.
Cram monta sur son modeste lit constitué de paille et d'une simple planche de bois et contempla la situation. Les soldats de l'Empire couraient dans tous les sens. Un parfum piquant et amer semblable à la fameuse poudre produite en quantité astronomique par les mines d'Etern, lui parvint. L'ennemi endurait l'assaut avec grand mal et c'était tout à fait normal. L'arsenal de ce Seigneur de guerre était désormais puissant et puisque l'Empire ne pouvait contrôler cette région glaciale sans affronter des troupes lourdement armées, le développement de ces « canons » - nommés ainsi par les Eterniens -, se poursuivait comme si de rien était.
Cram profita de la situation et se lança. Après avoir bien étudié ce lieu, il était désormais certain de ce qui l'entourait. Il prit une pierre qu'il dénicha entre les parois de sa demeure vétuste et il la tailla contre ce mur. Cette roche issue des carrières de minerai au nord du pays était réputée pour sa composition égale à celle du fer. Elle était très souvent utilisée pour créer des épées ou les pointes des lances. Il avait conscience que sa décision était sordide, mais il n'avait guère le choix. Le mutisme éternel était la solution qui lui semblait la plus convenable. Il s'accroupit et s'empara de cette arme, puis tira la langue. Cram la coupa d'un mouvement imprécis et maladroit. La douleur le fit pleurer et un son étouffé sortit de sa bouche. Le goût du sang se répandit dans sa gorge. Pourtant, le courageux elfe qu'il était, rampa jusqu'aux barreaux de sa cellule et jeta sa langue en pâture au gardien des clés, un chien. Ce dernier ne se fit pas prier et la dévora.
« Je sais que tu es capable d'entendre les moindres de mes pensées grâce à notre lien magique, enfant de la Dynastie d'Etern et je désirerai te demander une faveur pour le jour de mon exécution. » pensa-t-il en fermant les yeux.
Cram formula ses idées par le biais d'une série d'images construites de toute part par son esprit, puis il s'appuya contre le mur et s'endormit.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, des soldats se tenaient face à lui et venaient le chercher. Combien de temps avait-il dormi ? Il l'ignorait et n'eut guère le temps de se questionner davantage. On lui plaça un sac en toile de jute sur la tête et on l'emmena jusqu'à la grande place. Il reconnut le lieu à l'odeur du pain chaud se dégageant de cette petite boulangerie située au coin de la grande rue. Lorsqu'il put enfin voir la lumière du jour, il fut ébloui et surpris par cette petite estrade en bois. Cram s'attendait à mourir pendu comme un vaurien, mais le Général Isildor lui offrait une mort noble : la décapitation. Il gravit les marches et se mit à genoux face au billot.
- Le Général O'mae* Isildor condamne l'ancien Roi Cram Ier des Andores pour rébellion et félonie envers l'Empire Jon, s'égosilla un elfe. L'Intendant à la couronne, Huid, réclame la tête du traî...
- Attendez, hurla Isildor en se levant de son fauteuil.
Le bourreau releva la tête tout comme l'elfe qui précisait la raison de cette mise en scène.
- Pourquoi est-il ensanglanté ? reprit Isildor. Soldats, retrouvez-moi les bougres qui le surveillaient ! Faites vite.
Une dizaine de soldats s'inclinèrent devant le Général avant de partir à la recherche des gardes.
La foule se rua sur cette occasion pour pousser les elfes armés.
- Matez-moi cette rébellion avant que vos têtes finissent sur des piques ! beugla Isildor. Nous avons déjà assez du Seigneur d'Etern qui tambourine contre nos murs...
Les soldats dégainèrent leurs épées, créant un recul général au sein des émeutiers. Les paysans cessèrent tout mouvement tandis que les hurlements des canons de guerre retentissaient dans la baie. Un bruit sourd se fit entendre et le sol trembla quelque peu.
Cram sourit quand il croisa le regard inquiet d'Isildor. Le Seigneur d'Etern avait bel et bien exécuté ce qu'il lui avait demandé par ce lien magique qui les reliait.
Isildor serra davantage les poings contre les accoudoirs de son siège. Il tapait du pied contre le sol. Sa nervosité prenait le dessus sur lui.
- Mon Seigneur, hurla un de ses soldats en arrivant en courant.
Le Général le toisa et soupira, craignant le pire.
- Le Seigneur d'Etern a mis un pied à terre, termina-t-il après s'être incliné respectueusement.
Isildor afficha un large sourire, ne laissant rien présager de bon à Cram.
- Reprenons l'exécution, je dois me hâter de rendre visite à mon cher ami...
Cram écouta les chuchotements de cette foule. Les habitants de la ville qu'il chérissait étaient consternés par cette mesure, mais ils étaient incapables de lutter contre cette exécution. Les soldats les empêchaient de s'approcher trop près de l'échafaud.
- Une dernière volonté ? formula l'elfe par habitude tout en contemplant Cram.
Il secoua la tête et entendit son bourreau qui dégainait et levait cette épée. Cram remarqua qu'Isildor, assis en contrebas, était fasciné par cette scène, alors il décida de le provoquer et ouvrit la bouche délibérément, dévoilant ainsi le fait qu'il n'avait plus de langue. Il reposa sa tête sur le billot puis sourit.
Isildor écarquilla les yeux face à cet affront. Il se leva en espérant arrêter l'exécution, mais il était trop tard. La tête roula et atterrit à ses pieds tandis que le corps tomba lourdement, ne laissant qu'une mare de sang sur ce bois frais. Il ordonna la fouille du château.
Les jours passèrent et toujours aucun signe de cette fichue clé. Isildor réclama l'exécution des deux soldats qui avaient surveillé Cram et consolida la défense de la capitale face à l'envahisseur. Jamais il n'avait vu les trébuchets de cette place forte fonctionner autant. Les vaisseaux ennemis avaient considérablement été réduits durant ces dernières heures. Isildor observait tapis dans l'ombre, les mouvements de son armée quand une idée lui vint. Il savait comment faire fuir les Eterniens, alors il n'hésita pas longtemps. Il fit armer une des catapultes du rempart Est et envoya sur un des navires, la tête de Cram Ier. Cependant, cela n'eut guère l'effet qu'il désirait.
Il monta sur un des remparts et découvrit avec stupeur que son vieil ami, le Seigneur d'Etern combattait à terre avec quelques-uns de ses soldats. Lorsqu'une pluie de flèches vola dans les airs, il écarquilla les yeux. Son cœur fit un bond dans sa poitrine, quand deux d'entre d'elles atteignirent les épaules de son ennemi qui lâcha ses deux épées avant de s'écrouler sur le sol.
- Repliez-vous, hurla celui qui portait les couleurs bleues et mauves d'un capitaine de l'infanterie d'Etern.
Le Maître d'Etern fut traîné par deux soldats tandis que tous battaient en retraite.
Isildor sourit face à tout ceci et ne put que se féliciter. Pourtant quelque chose le troublait : les inscriptions gravées sur le mur de la geôle de Cram. Il savait que cela avait un lien avec les clés, mais cette ancienne langue lui était inconnue. Cram des Andores avait emporté le secret dans sa tombe.
Isildor retourna se lamenter dans la salle du trône, patientant encore et encore qu'un de ces érudits décrypte les gravures.
Quand il obtint enfin la réponse à sa question, cela faisait déjà un mois que tout cela s'était produit. Alors la rumeur se répandit comme les fleurs transportées par le vent et toute la noblesse ayant embrassés la cause de l'Empire trembla : les clés d'Etern devaient être utilisées avec une carte. Le royaume entier fut retourné à la recherche de cette carte que personne ne trouva.
Tourmenté et apeuré, Isildor se rendit dans la verrière des Rois des Andores. Il y découvrit stupéfait que l'ocutôobana**, l'oiseau légendaire de cette Dynastie, donné par un Dieu et dont la vie dépendait du sang royal, chantait encore...
____LEXIQUE ______
*Alors là, il s'agit d'un des mystères de la langue du continent d'Ervien, le monde où tout cela se déroule. En fonction de la région, « O'mae » sera prononcé « Oh maé », « Oh mé » ou encore « Oh maille ».
**Se prononce « ocoutobana »
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Bonjour Eterniens et Impérialistes,
Pour votre santé et pour vos braves yeux que je vais mettre à rude épreuve, j'ai coupé le prologue dont la longueur frôlait les 3500 mots. Pardonnez mon imagination et le fait que je ne sache pas vraiment comment m'y prendre pour que mon livre tienne en grande partie sur Wattpad.
N'hésitez pas à commenter et à me dire si quelque chose vous chiffonne ! J'apprécie les avis francs et constructifs, alors faîtes-vous plaisir :)
En vous souhaitant une bonne lecture dans mon monde,
J.A
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