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19. Dans le silence de la nuit

Il doit le faire. Ce n'est qu'un test comme un autre. Simplement s'approcher. Sans bruit. Dans le silence de la nuit. Sortir les griffes. L'éventrer. Et se rendormir. Nul n'en saura rien. Personne ne le soupçonnera. Et plus tard, il justifiera son choix à son maître. « Elle est la fille d'une chatte domestique. Sa vie ne vaut rien. » Oui. Agir. Bientôt. Le chat se rendort, le goût de la mort dans la bouche. Bientôt. Demain.

*

Le Clan du Soleil se réveilla pour une nouvelle journée, un peu comme les précédentes. Comme souvent, Pelage de Flocon était le premier debout. Il avait pris cette habitude quelques lunes auparavant, et s'y tenait. Il appréciait pouvoir ainsi saluer le soleil, dans le silence endormi du Camp. Ce matin-là, il attendait Pelage de Nuit, Nuage de Sable, Nuage de Plume et Étoile de Neige pour partir pour la patrouille de l'Aube. Sa mère, depuis les six dernières lunes, avait doucement repris du poil de la bête. Elle ne laissait plus ses angoisses se mettre en travers de son chemin, et menait tout son petit monde avec une grande dextérité. Le Clan du Soleil n'avait jamais été aussi prospère. Le Mal Bleu leur semblait loin derrière eux, souvenir encore présent mais plus aussi douloureux, et les rixes avec les autres Clans n'étaient pas plus violentes qu'à l'accoutumée. Étoile Tachetée ne s'était pas plus manifesté que lors de banales batailles de frontières, et le Clan d'Étoile Silencieuse – qui avait été accepté par leurs ancêtres comme chef à part entière – s'intégrait de plus en plus. Comme prévu, ils avaient passé trois lunes à leur apprendre l'art de vivre autour de Lac, que ce soit de ce qui était de l'ordre de la vie dans le Camp qu'à chasser et se battre. Puis ils les avaient laissé tranquille, estimant qu'ils n'avaient plus rien à leur apprendre. Cette prospérité avait grandement aidé Étoile de Neige à se relever du défaitisme dans lequel le Mal Bleu l'avait plongée. Ça, et le fait que ces six derniers lunes n'avaient apporté que leur lot de bonnes nouvelles, et qu'ils n'avaient perdu aucun des leurs. C'est en parlant du loup qu'on en voit la queue, pensa l'aîné des enfants de la meneuse, alors que cette dernière sortait de son antre, le soleil matinal éclairant son pelage, le faisant briller de mille feux. Aussitôt qu'elle le vit, elle lui sourit et bondit sur le sol avant de trottiner doucement vers lui. Un ronronnement sortit de la gorge de la jeune mère, et elle donna sur l'oreille du premier de ses fils un tendre coup de langue.

« Bien dormi ?

– Tempête de Glace a fait des cauchemars, ça m'a tenu en éveil une bonne partie de la nuit. Mais elle a fini par s'apaiser, j'ai pu me rendormir un peu avant l'aube.

– Mais... elle va bien ?

– Ça lui arrive, ça n'est pas bien grave. Désagréable sur le moment, mais j'ai prévu de l'emmener chasser cette après-midi, juste tous les deux. Ça va lui faire penser à autre chose, et elle dormira mieux cette nuit. »

Un air amoureux se peignit sur son visage. Étoile de Neige sourit. Voir un couple aussi épanoui et aussi passionné lui faisait du bien. Lui rappelait Étoile de Brume. Eux aussi se vouaient un amour passionnel, l'un prenant sans cesse soin de l'autre, et n'ayant guère besoin de se parler pour comprendre l'humeur de sa moitié. Mais entre les devoirs de chef de son compagnon, et ensuite ses devoirs à elle de lieutenant, ils manquaient cruellement de temps rien que pour eux. Et de temps avec leurs fils, lorsque Pelage de Flocon et Petit Givre fussent petits. Et c'est ce qui la réjouissait pour son fils et sa belle-fille. Qu'ils eussent le temps de profiter, d'eux et d'Herbe Folle et Hérisson, leurs enfants.

Pelage de Nuit sortit alors à son tour de l'antre des guerriers, et se dirigea vers la tanière des apprentis, dont il ressortit peu de temps après avec une Nuage de Sable et une Nuage de Plume visiblement mal réveillées. La fille de Plume d'Aurore et Griffe de Hibou, habituellement, était pleine de vie, et sa sœur adoptive d'une malice sans pareille. Mais alors que le soleil n'était toujours pas levé, le réveil avait été compliqué et le sommeil toujours présent sur leurs paupières alourdies. Étoile de Neige constata, satisfaite, qu'elle ne s'était pas trompée dans le choix de leurs mentors. Le calme et assagi Pelage de Nuit – avoir entraîné plusieurs apprentis, puis avoir une compagne et un chaton l'avaient définitivement éloigné de l'état d'esprit agressif et conflictuel dans lequel l'enseignement de Pelage de Pierre l'avait plongé – parvenait à merveilles à canaliser l'énergie débordante de Nuage de Sable, tout en assouvissant sa curiosité toute aussi immense. Quand à Nuage de Plume, son apprentissage auprès d'un Toile d'Araignée qui avait déjà eu à faire à la malice d'Herbe Folle semblait porter ses fruits. Les deux sœurs adoptives avaient débuté leur apprentissage depuis deux lunes à peine, pourtant elles semblaient déjà très prometteuses.

La patrouille de l'Aube ainsi complète, les cinq chats sortirent du Camp pour se diriger vers la forêt. L'air frais du matin caressa le pelage d'Étoile de Neige, qui soupira de bonheur. En ces temps de paix, l'apprentissage d'Épine de Sapin, de Pelage de Flocon puis de Cœur de Soleil lui manquaient. Elle ne supportait rester dans le Camp à simplement veiller à ce que tout se passât bien, à régler les litiges, organiser les cérémonies, préparer les Assemblées, et protéger son Clan en cas d'attaque. Elle avait besoin d'action. Besoin de sentir le vent se promener entre ses poils, et les odeurs de la forêt lui chatouiller les papilles. L'ivresse de la chasse et la responsabilité des patrouilles. Le sentiment grisant de voir un jeune chaton lui faire confiance, et le guider vers le chemin du guerrier. Elle se demanda si telle pensée était égoïste, car bon nombre de guerriers souhaitaient accéder également à ce privilège, mais elle songea sérieusement à prendre bientôt un apprenti. D'ici deux autres lunes, ses petits-enfants seraient en âge de devenir apprentis, peut-être alors en prendrait-elle un sous sa coupe ? Feuille de Chêne lui aurait dit que ce n'était pour elle qu'une façon de fuir sa lourde tâche de chef, redevenir pour quelques instants une guerrière lambda. Elle aurait probablement raison. Son cœur se serra à la pensée de sa défunte meilleure amie.

Des bruits caractéristiques d'une bataille la tirèrent de ses pensées, alors qu'ils approchaient de la frontière qu'ils avaient désormais en commun avec et le Clan de la Nuit, et le Clan du Silence. Sans avoir besoin de se consulter, les trois guerriers bondirent vers la source du bruit, les deux apprenties les suivant comme elles pouvaient. La scène qui se déroula devant leurs yeux alors qu'ils arrivaient était presque terrifiante. Cinq guerriers du Clan de la Nuit s'attaquaient à une reine et un apprenti. Combat terrifiant d'iniquité. Griffes et babines dehors, les membres du Clan du Soleil se précipitèrent à l'aide des deux malheureux. Le cœur d'Étoile de Neige manqua un battement lorsqu'elle découvrit que la guerrière attaquée n'était autre que Pluie Torrentielle, la lieutenant du Clan du Silence. Avec rage, elle se jeta alors sur Éclair du Soir, l'éternel acolyte d'Étoile Tachetée. Mais les deux assaillis étant blessés, ils se retrouvèrent à trois guerriers et deux apprenties contre cinq guerriers confirmés, le combat restait terriblement inéquitable. Son ennemi lui laboura violemment les flancs, parvenant à griffer sa chair qui s'ouvrit alors, laissant le sang couler sur sa fourrure blanche immaculée. Serrant les dents, la meneuse riposta de plus belle en sectionnant un tendon dans la patte avant du lieutenant félon. Mais la douleur brouillait sa vue, et il lui semblait se battre à l'aveugle. Elle vit pourtant très distinctement Pluie Torrentielle venir à sa rescousse, malgré ses propres blessures, et à deux, repoussant chacune sa douleur, elles parvinrent à repousser le mâle noir qui s'en fut en courant. Un poids s'abattit alors brusquement sur son dos, et elle s'effondra sur le sol en feulant de douleur. Sa vision se faisait de plus en plus floue, et ses mouvements difficiles. Elle distingua néanmoins du coin de l'œil Nuage de Sable et Nuage de Plume affronter Pelage d'Océan, un tout jeune guerrier, qui semblait ne pas faire le poids face aux deux femelles enragées. Il aurait dû avoir l'avantage de l'expérience, mais il se retrouvait à ne pas savoir comment affronter ces deux furies à la fois. Cela rassura la meneuse, qui avait craint qu'elles ne se retrouvassent, seules, en mauvaise posture. Non loin de là, Pelage de Flocon qui affrontait Gui Sauvage gardait néanmoins un œil sur les deux femelles. Au-dessus d'Étoile de Neige, Pelage de Houx semblait bien décidé à venger son lieutenant, et s'attirer les faveurs d'Étoile Tachetée en tuant son éternelle ennemie. Mais avant qu'elle ne pût commencer à craindre pour sa vie, un chat au pelage gris cendré qu'elle connaissait bien bondit sur ennemi, ouvrant son ventre de ses griffes puissantes. L'animal s'en fut en couinant, bientôt suivi par ses comparses. Étoile de Neige attendit que sa vision redevînt normale et que le sol cessât de tourner sous elle pour se relever, et remercier son frère venu à la rescousse.

« Que fais-tu dans le coin, Pelage de Pierre ? Je croyais que tu étais avec Épine de Sapin et Cœur de Soleil pour l'évaluation de chasse de Nuage Fauve et Nuage de Noisette ?

– Effectivement, et puisqu'ils chassaient dans le coin, j'ai pu assister en direct à l'attaque du Clan de la Nuit. Bon il a évidemment fallut que tu viennes, justicière, à leur rescousse, et que je vienne, une fois encore, te sauver.

– Attends... Tu étais là depuis combien de temps ?

– Le début ?

– Et tu ne t'es pas bougé pour les aider ? s'indigna la meneuse, hors d'elle.

– Pourquoi ? Nous ne sommes pas censé pénétrer dans le territoire d'autrui. Et puis, deux ennemis morts ça fait toujours deux ennemis en moins.

– Dégage, articula-t-elle froidement. Hors de ma vue. Tu es relevé de tes fonctions de lieutenant, retourne au Camp, j'aviserai de ton cas plus tard.

– Tu ne peux pas faire ça, sœurette, la menaça froidement Pelage de Pierre.

– Dégage de là ! » hurla-t-elle, les nerfs en pelote.

Le guerrier cendré s'apprêtait à ouvrir la gueule pour protester une nouvelle fois, mais le regard de Pelage de Nuit à côté de lui l'en dissuada, aussi fit-il demi-tour après avoir jeté à sa sœur un regard assassin.

« Je suis désolée que vous ayez dû assister à cela, déclara Étoile de Neige en se tournant vers la lieutenant du Clan du Silence, s'efforçant de paraître calme alors qu'elle bouillait intérieurement.

– Ce n'est rien. Vos problèmes internes ne me regardent pas, je n'irai nullement les divulguer. Et je vous suis extrêmement reconnaissante d'être venus à notre secours, vous n'y étiez effectivement pas obligés.

– Bien sûr que si. Personne d'autre que ce taré de Pelage de Pierre n'est capable de rester à regarder une guerrière et son apprenti se faire massacrer par cinq guerriers, lui répondit à son tour Pelage de Nuit.

– Quoi qu'il en soit, je vous en serai éternellement reconnaissante, et aie une dette envers vous. »

La très jolie guerrière s'inclina devant eux, et après s'être assurée que son apprenti n'était pas trop grièvement blessé et pouvait marcher, prit la direction de son Camp en soutenant Nuage de Tornade. Étoile de Neige la regarda s'éloigner, sans un mot. Autour d'elle, chacun respecta son silence, pas dupe. Il y avait six lunes de cela, la belle guerrière du Clan du Silence avait ravi le cœur de leur meneuse, et celle-ci en souffrait autant que cela la rendait heureuse. Elle n'en appréciait que plus les rares moments – principalement aux Assemblés – où elles pouvaient converser, mais elle se demandait néanmoins si le destin ne s'acharnait pas un peu sur elle. Elle avait d'abord aimé Étoile d'Orage, alors qu'ils étaient guerriers, et même si leur relation fut de très courte durée, elle n'en fut pas moins impossible, et surtout, probablement simplement née pour se détourner des sentiments qu'elle nourrissait pour son meneur depuis bien plus longtemps. Lorsque finalement, elle avait eu l'amour réciproque de l'objet de ses convoitises, elle se l'était fait arracher – après bien plus longtemps néanmoins –, et en avait longuement souffert. Et désormais, un nouvel amour impossible faisait surface. Était-ce une façon de la punir, ou simplement un message à faire passer ? Elle l'ignorait. Soupir. Les relations étaient-elles si compliquées pour tout le monde ? Elle avait la preuve que non à ses côtés pourtant. Pour Pelage de Flocon et Tempête de Glace, tout avait toujours été si simple. Ils s'aimaient depuis qu'ils étaient apprentis, avaient d'ailleurs effectué leur apprentissage ensemble, et leur amour était immense et terriblement beau. Quant à Pelage de Nuit, les choses s'étaient fait plus doucement et plus discrètement, mais avec un naturel certain. Et aujourd'hui, Pomme Cendrée le rendait heureux comme il ne l'avait jamais été. Alors pourquoi ne pouvait-elle pas, elle, accéder à ce bonheur simple ?

« Étoile de Neige ? s'éleva alors la petite voix de Nuage de Plume. Tu vas bannir mon père ? »

La meneuse eut un sourire attendri. S'il avait promis de toujours la choyer, Pelage de Pierre n'en avait pourtant pas fait grand chose pour elle. Il avait réussi à gardé la tête haute quelques temps après la mort de sa compagne, puis de son meilleur ami, Cœur de Loup, mais le chagrin et la douleur avaient fini par le rattraper, et il s'était terré dans l'attitude agressive qu'il avait autrefois. Il avait peu à peu délaissé sa plus jeune fille, cédant sans le savoir sa place à Griffe de Hibou qui, en plus de son rôle de grand frère, jouait le père adoptif. L'apprentie noire aux pattes blanches se sentait en conséquences plus proche de ce dernier, d'autant plus que sa mère, Plume d'Alouette, ne lui manquait pas plus que cela puisqu'elle était morte alors qu'elle n'avait que quelques jours, et donnait ainsi tout son amour à Plume d'Aurore, sa mère adoptive. Subsistait néanmoins en elle une affection naturelle qu'elle nourrissait à l'égard de Pelage de Pierre, et qui la liait irrémédiablement à lui.

« Non, finit par répondre d'une voix douce la meneuse. Il ne sera pas banni. Mais cela a trop duré, j'ai perdu la confiance que j'avais fini par réussir à placer en lui. Il va être destitué de ses fonctions de lieutenant. »

La petite hocha la tête sans un mot, puis perdit tout air grave pour aller chahuter avec Nuage de Sable, lui proposant de faire la course jusqu'au Camp. Cette dernière se tourna vers Pelage de Nuit, son mentor, lui demandant en silence son autorisation, qu'il lui donna d'un simple signe de tête. Bientôt, les deux apprenties disparurent entre les fourrés, leurs rires et leurs exclamations de joie s'éteignant plus longtemps après elles. De la gorge d'Étoile de Neige naquît un ronronnement. Rien de tel que la jeunesse innocente pour oublier que le quotidien pouvait être si sombre ou fort compliqué.

Les trois guerriers cheminèrent ensemble jusqu'au Camp, plus calmement que leurs jeunes apprenties. La meneuse était perdue dans ses pensées. Après la mort de Patte Féroce, trois noms s'étaient imposés dans son esprit. Ceux de Pelage de Pierre, Pelage de Flocon, et Pelage de Nuit. Elle était persuadée que tous auraient fait des lieutenants à la hauteur de leur prédécesseur. Son frère avait fait un second efficace dans un premier temps, mais elle avait surestimé sa capacité à dépasser son caractère violent et sa haine des autres. Et ce n'était plus possible. Cela n'avait été que la goutte d'eau qui avait fait déborder le vase. Au cours des dernières lunes, elle lui avait déjà pardonné plusieurs comportements déplacés, mais cette fois-ci, c'en était trop. Elle en venait même à regretter de lui avoir accordé sa confiance en le plaçant à un poste aussi important. Mais désormais, elle ne savait plus qui choisir.

*

Au Camp, le Clan du Soleil se réveillait peu à peu. Certains sortaient tout juste de leur antre tandis que d'autres revenaient déjà de la chasse. C'était le cas de Toile d'Araignée et Cœur de Soleil, qui rentraient tout juste, la gueule chargée de proies. Le premier s'en était allé retrouver son amant au levé du soleil, puis en avait profité pour chasser, soucieux des besoins de son Clan plus que de trouver une excuse, et Cœur de Soleil l'avait retrouvé par la suite pour profiter un peu de son meilleur ami. Après avoir déposé une partie de leur butin dans la réserve, et avoir demandé à Nuage Fauve et Nuage de Geai qui discutaient dans un coin d'amener à Renard Ardent et Lune Noire, leurs anciens, de quoi se nourrir, les deux guerriers se dirigèrent ensemble vers la Pouponnière. L'ancienne chatte domestique avait décidé de rejoindre la tanière des anciens juste après le baptême d'apprentis de Nuage de Mésange et Nuage de Poussière. Elle se faisait vieille, mais surtout, la mort de Patte Féroce, son compagnon et père de sa deuxième portée, lui avait fait un très gros choc. Et puis le pauvre Renard Ardent se sentait seul depuis la mort de Feuille de l'Aube, la compagnie de la tant appréciée Lune Noire lui fit un bien fou.

Cœur de Soleil, le premier, pénétra dans la Pouponnière, et se dirigea vers sa compagne. Herbe Folle ronronna en lui voyant. Il avait fallu de trop nombreuses lunes pour que cette cervelle de moineau réalisât enfin les sentiments qu'elle lui retournait depuis qu'elle était apprentie, et elle se sentait désormais pleinement heureuse d'être avec lui. À ses yeux, il était le compagnon dont tout le monde rêvait. Prévenant, attentif, et surtout, terriblement amoureux. Il n'avait pas besoin de le lui dire, elle le voyait briller dans son regard, et cela suffisait à faire gonfler son cœur. Le mâle doré déposa la proie devant sa compagne en ronronnant en retour.

« C'est pour nous ? s'écria une petite voix fluette derrière lui, avant de se faufiler entre ses pattes pour venir renifler le lapin.

– Oui, Petite Neige, c'est pour vous trois ! répondit-il affectueusement à la petite femelle blanche et dorée.

– Moi plus tard, je chasserai des lapins encore plus gros que ça ! fanfaronna son frère.

– Pas si tu es aussi lent ! Tu es trop nul Petit Lion ! se moqua alors depuis l'autre bout de la tanière Petite Fumée, leur cousin.

– Tu ne parles pas à mon frère comme ça ! cracha la seule chatonne de la Pouponnière.

– Les enfants on se calme voyons ! » claqua la voix autoritaire de Toile d'Araignée.

Le mâle gris et blanc déposa alors une proie devant leur mère, Pelage d'Hermine, qui le remercia à peine, puis devant Pomme Cendrée, certain que Pelage de Nuit étant parti en patrouille, il n'aurait pas eu l'occasion de ramener à sa compagne de la viande fraiche. Celle-ci le remercia chaleureusement, et commença à manger le merle, aidant son fils de cinq lunes, Petite Ardoise, à récupérer des morceaux du volatile. Il arrivait régulièrement que Toile d'Araignée apportât du gibier à la sœur de son meilleur ami, celle-ci étant trop bornée pour accepter l'aide de son frère, et n'ayant aucun compagnon pour veiller sur elle. Cela avait d'ailleurs alimenté des rumeurs comme quoi il serait le père de Petite Fumée et Petite Brume, et s'ils ne faisaient rien pour attiser lesdites rumeurs, aucun des deux ne cherchait pourtant à les démentir. Toile d'Araignée car cela évitait que l'on soupçonnât sa liaison interdite avec Truffe de Jais, et Pelage d'Hermine car on ne cherchait alors pas plus loin l'identité du père de ses chatons.

Pendant ce temps, Herbe Folle avait proposé à tout le monde de profiter des rayons matinaux du soleil, et la petite famille s'était donc retrouvée dehors, à partager le lièvre ramené par Cœur de Soleil. Ils virent donc arriver Pelage de Pierre, chaque muscle de son corps tendu à l'extrême et les yeux brillants de haine. Une interrogation certaine naissait dans les regards des autres membres du Clan. Puis, peu de temps après, Nuage de Plume et Nuage de Sable déboulaient dans le Camp, faisant un boucan de tous les diables. Le guerrier doré fronça les sourcils. Sa mère, son frère et Pelage de Nuit, le reste de la patrouille de l'aube, n'étaient pas avec les deux apprenties. Leur était-il arrivé un malheur ? Étaient-ils en danger ? Persuadé que les deux apprenties allaient hurler au secours, il banda ses muscles, prêt à bondir. Mais le museau blanc de sa mère apparu à cet instant dans les fourrés, et il se détendit, non sans s'être attiré un regard moqueur de la part de sa compagne. Mais lorsqu'il vit Poussière d'Étoile débarquer, la gueule pleine de toiles d'araignées, son inquiétude revint au grand galop. Tant et si bien qu'Herbe Folle l'obligea à aller la voir pour qu'il pût se rassurer.

« Que s'est-il passé ?

– Cinq guerrier du Clan de la Nuit s'en prenaient à Pluie Torrentielle et son apprenti. On a eu vite fait de les chasser.

– Mais tu vas bien ? Tu saignes ?

– Ça n'est rien Cœur de Soleil. Un peu sonnée pendant le combat, quelques griffures aux flancs et à l'arcade sourcilière, mais rien de grave. Arrête donc de t'inquiéter pour moi, je ne suis pas en sucre. Et il me reste encore bien des vies avant d'aller rejoindre ton père et ton frère. »

Poussière d'Étoile, occupé à panser ses plaies effectivement bénignes mais qui méritaient néanmoins d'être désinfectées, tiqua. Depuis toujours, leur mère ne cachait pas le fait que si elle ne l'attendait pas non plus avec impatience, la mort signifiait pour elle retrouver le chat qu'elle aimait, et le fils qu'elle n'avait jamais vu grandir. Pourtant, cette fois-ci, sa conviction était presque éteinte, comme si elle le disait par pur réflexe et non parce qu'elle y croyait réellement. Quelque chose avait changé. Et il ignorait quoi. Et si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Il aurait voulu lui dire d'aller s'allonger, se reposer, reprendre des forces, mais à peine eut-il terminé de pose son cataplasme que la meneuse bondit sur le Promontoire.

« Que tous les chats en âge de chasser s'approchent du Promontoire pour une assemblée de Clan. »

Tous s'avancèrent donc vers leur chef, les guerriers intrigués et presque inquiets, les apprentis simplement curieusement fébriles. Les reines restaient devant la Pouponnière, leur progéniture à leurs côtés, frétillantes et ne ressentant pas l'inquiétude générale.

« Pelage de Pierre, approche. »

Celui-ci s'exécuta en la fusillant du regard, plein de haine. Il voyait ses rêves s'effondrer, et savait ne rien pouvoir faire pour rattraper le coup. Il avait sous-estimé sa sœur, avait pensé le combat gagné, et il avait perdu. Violemment.

« Devant le reste du Clan, je te destitue de ton rôle de lieutenant. Tu as prouvé à plusieurs reprises que tu n'étais plus digne de confiance, et que les intérêts du Clan passaient après les tiens. Que la mort de Plume d'Alouette et Cœur de Loup t'ait profondément attristé je peux parfaitement le comprendre, mais cela ne peut pas te détourner de tes fonctions. Je suis bien placée pour le savoir. Tu as regardé le lieutenant d'un autre Clan et un jeune apprenti se faire massacrer devant tes yeux. Si nous n'étions pas intervenus, ils seraient probablement morts et tu en serais responsable. Et ça n'est qu'une faute parmi toutes celles que tu as commises au court de cette dernière lune.

– Tu... commença-t-il en crachant, avant de se faire violemment interrompre par sa sœur.

– Tais-toi ! J'annonce ma décision devant le Clan des Étoiles afin que nos ancêtres m'entendent et m'approuvent. C'est Pelage de Nuit qui me secondera désormais. »

Le mâle cendré incendia son ancien apprenti du regard, puis, battant furieusement de la queue, il sortit du Camp, probablement pour aller se calmer. Si toutefois c'était possible. Le choc passé, tout le monde commença à acclamer le nouveau lieutenant. Personne n'aurait pu s'y attendre, et un léger malaise flottait dans l'air. Mêlé néanmoins à un soulagement évident. Le guerrier noir, un peu mal à l'aise lui aussi, regarda sa chef, comme pour lui demander silencieusement si elle en était certaine. Ses prunelles bleues lui répondirent avec une grande tendresse. Oui, j'en suis certaine. Et c'est ce que j'aurais dû faire tout de suite après la mort de Patte Féroce. Tu seras parfait. Tu as prouvé maintes fois que tu avais une âme de leader, et que tu savais quand ne pas discuter. Tu es attentif et plein d'empathie, pourtant tu sais ne pas laisser tes émotions gouverner tes choix lorsque la situation l'exige. Tu seras formidable et je le sais. Le vétéran ronronna de gratitude. Il n'avait jamais espéré accéder à l'honneur que c'était, ni même simplement pensé que cela lui arriverait un jour. Mais il se sentait apte à aider Étoile de Neige, qu'il respectait et adulait, dans sa tâche.

*

Pomme Cendrée somnolait, appuyée de tout son poids contre le corps de son compagnon. Pelage de Nuit caressait son dos du bout de sa queue, et passait régulièrement sa langue sur l'oreille de la femelle qui avait ravi son cœur. Il surveillait du même temps du coin de l'œil Petite Ardoise, leur fils unique et adoré, qui jouait tranquillement avec Petit Lion et Petite Neige. Il ronronnait, heureux. Habituellement, le lien qui reliait un mentor à son apprenti ne se tarissait jamais, pas même une fois l'apprenti devenu guerrier. Il lui arrivait régulièrement de partir chasser avec Hérisson, sans qu'il n'y ait plus ni maître ni élève mais pour le simple plaisir de retrouver ensemble ce lien qui les attachait l'un à l'autre, ou d'effectuer la cérémonie de Partage avec Plume d'Aurore. Mais avec son propre mentor, Pelage de Pierre, ni l'un ni l'autre n'avait fait l'effort ni vu d'intérêt à poursuivre leur relation. Il lui était reconnaissant de lui avoir beaucoup appris, mais son caractère violent et impulsif avait détint sur lui, et sans l'amour de Pomme Cendrée, il doutait fort qu'il eut pût s'en débarrasser un jour. Il l'aimait tellement. Terriblement. Pleinement. Son caractère un peu brusque parfois, et doux quand il le fallait, sa façon de ne jamais se laisser marcher sur les pattes, son apparence de femelle indépendante qui cachait un besoin d'affection constant, sa bienveillance, sa générosité... Tout en elle le faisait rêver, et il était heureux qu'elle passât le reste de sa vie à ses côtés. Depuis près de sept lunes – les deux de sa grossesse et les cinq qui avaient suivies –, il se trouvait en revanche éloigné d'elle chaque nuit, et la lune qui le séparait encore du baptême d'apprenti de son fils lui semblait terriblement longue. Il profitait alors encore plus pleinement des instants de tendresse passés à ses côtés en journée.

Lorsque le soir vint, il se roula en boule dans sa litière, loin de sa dulcinée mais pleinement heureux.

*

Deux prunelles ambrées s'ouvrent dans l'obscurité de la nuit.

Se lever. Silencieusement. Respiration retenue pour ne pas faire bruits. S'approcher. À pas de velours. Observer ses flancs se soulever lentement. Respiration profonde de l'être qui dort innocemment.

Griffes sorties, dans le silence de la nuit.

Le chat hésite. C'est un test et il le sait. Cela ne lui apporte rien. Ni à lui ni à son maître. Mais la consigne est claire. Il doit tuer ce soir. Il a choisi selon le mode de pensée de son maître. Fille de chatte domestique, répugnante. Elle ne devrait pas vivre parmi eux. Elle n'est pas des leurs.  L'hésitation s'envole. Il doit le faire. Il peut le faire. Approcher encore un peu. S'arrêter. Écouter les respirations apaisées des autres. Ils ne se réveilleront pas. Trancher sa gorge. Silencieux et efficace.

Le sang gicle dans l'air glacial de la nuit.

Imprévu. Le chaton gigote, se réveille. Va miauler. Alerter tout le monde. Décision prise sans la moindre hésitation. Les remords viendront par la suite. Flanc éventré. Miaulement étouffé dans l'œuf. Nettoyer ses griffes. Personne ne pourra le soupçonner. Son maître sera content. Lui pardonnera ses erreurs du passé.

Le chat s'endort, dans l'innocence de la nuit.

__

Le voilà le fameux ! 4679 mots.
J'attends vos retours avec impatience !

Perso, écrire la fin m'a brisé le cœur, c'était très dur, mais le dernière paragraphe, en italique, m'a totalement revigorée. Il est terrible, mais bien plus dans mon style d'écriture habituel, que je ne peux évidemment pas constamment avoir dans une fanfic, donc j'adore tous les passages en italiques qui me permettent de me libérer !

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