
CHAPITRE 44
Les motards au brassard rouge semèrent la panique parmi les bergers. Certains passèrent tout près du sol afin de les faire fuir comme des moutons, d'autres tentèrent d'attraper les membres de la troupe au vol. Le pèlerin jeta un regard assassin à sa cheffe et conduisit la troupe vers un lieu sûr.
— Suivez-moi, vite !
Ils se barricadèrent dans une grotte troglodyte. Ils bouchèrent les portes et les fenêtres avec des meubles et des tentures et attendirent dans un silence angoissant. Érïn tourna la tête et remarqua un vieux cadre sur une cheminée. La photo représentait un homme qui ressemblait comme deux gouttes d'eau au pèlerin durant sa jeunesse, accompagné d'une jeune femme qu'elle n'avait jamais vue.
— C'est vous ? Qui est-ce ? l'interrogea-t-elle.
— Ma fille, répondit-il avec un sourire triste. Elle est morte en allant combattre dans cette stupide guerre.
Dehors, le combat faisait rage. Une odeur de brûlé flottait dans l'air.
— Pourquoi on reste là à se regarder ? On ne peut pas laisser votre peuple dépérir ! intervint Nïne.
— Je vais vous faire passer par une ouverture secrète. Suivez-moi.
— Attendez ! l'interrompit Jow en le retenant par le bras. Pourquoi vous nous aidez ? Nous ne sommes que des étrangers.
— Suivez-moi, ne perdons pas de temps !
Il les conduisit au fond de la grotte et tira un tissu qui dévoila un trou dans le plafond. Il installa une échelle de bois précaire et les intima de grimper. Des coups résonnaient de plus en plus fort contre les ouvertures bouchées, les meubles tremblaient et menaçaient de s'effondrer.
— Le temps presse, murmura Lïam.
— Vous avez perdu des proches pendant cette guerre, voilà pourquoi vous la détester autant, reprit Érïn. Mais ce n'est pas parce que des gens meurent que l'on doit arrêter de se battre. Au contraire !
Soudain, la porte explosa. Les débris se plantèrent dans leurs vêtements, écorchèrent leur peau. De surprise, Jow tomba à la renverse sur l'échelle qui se brisa sous son poids. Un flot de Flammes jaillit à travers l'ouverture béante et se précipitèrent, armes levées vers leur visage. Érïn sortit son pistolet, Nïne sa lance rétractable et Lïam son harpon. Jow resserra son poing sur ses bagues de combat et se prépara à frapper. Une ombre encapuchonnée se faufila parmi les guerriers et leur fit face. On ne distinguait pas son visage, seul un éclat de métal renvoyait la lumière sous son long manteau sombre. La voix de l'ombre semblait étouffée :
— Baissez vos armes ! ordonna-t-elle aux membres de la troupe. Vous ne pouvez rien contre nous, nous sommes en supériorité numérique.
— Les seuls nombres qui m'intéressent sont ceux des morts parmi votre armée, répondit Érïn.
— Qu'est-ce que vous nous voulez ? renchérit Lïam.
— Oh, ce n'est pas pour vous que nous sommes là, mais pour eux ! fit l'ombre en pointant d'un doigt fin Tristaan et Érïn. Livrez-les nous et nous vous laisserons la vie sauve. Vous pourrez reprendre votre quotidien sans importance pendant que nous changerons la face du monde.
— Sans blague, vous vous prenez pour des héros ? lâcha Jow pour gagner du temps.
— Je pourrais vous retourner la question. Mais assez parlé ! C'est votre dernière chance !
Personne ne bougea, tous restèrent dans leur position sans dire un mot. L'atmosphère pesait sur leurs épaules et étouffait leurs poumons. L'ombre attendit encore quelques secondes, puis sortit une étrange boule mécanique de sous son manteau. Elle l'activa. Soudain, Érïn sentit son arme se dérober sous ses doigts. Elle tenta de lutter contre la force d'attraction qui voulait lui arracher son Nox33 mais, malgré tous ses efforts, l'arme vint se coller contre la boule avec le harpon, la lance et la totalité des bagues de Jow. Dans le fond de la grotte, Tristaan luttait lui aussi. Les multiples objets métalliques de son sac étaient irrémédiablement attirés par la boule magnétique.
— Qu'est-ce que tu caches, petit ?
— Il n'a pas d'armes, ce n'est pas un guerrier ! cracha Nïne.
La boule relâcha son attraction et les armes tombèrent à terre dans un fracas qui se prolongea longtemps.
— Attrapez-les. Tuez les autres s'il le faut.
— STOP ! hurla Érïn.
L'ombre arrêta ses soldats d'un geste.
— C'est bon, on vous suit. Ne faîtes de mal à personne.
— Voilà qui est sage !
Érïn jeta un regard aux autres leur signifiant de ne pas intervenir, qu'ils agiraient en temps voulu. Elle insista sur les yeux de Lïam, qui comprit tout de suite son message : « Tenez-vous prêts, attendez mon signal. » Tristaan comprit les enjeux et se laissa attacher, abandonnant Loon avec un regard désolé. Les soldats les conduisirent à l'extérieur, où une grande partie de ce qui était inflammable se réduisait en cendres à vitesse grand V. « Encore un village sous les flammes. » pensa Érïn, brûlante de rage. Mais elle se tint tranquille, elle n'avait aucune chance de s'en sortir pour le moment. Son Nox battant contre sa hanche lui manquait déjà. Tristaan et elle échangèrent un regard entendu, c'était la seule solution. Le gamin ajouta avec ses yeux : « Je te suis, j'ai confiance en toi. Sors-nous vite de là. » Les Flammes les poussèrent sans ménagement à l'arrière de la camionnette et reprirent leur place sur les motos. Avant que les portières ne se referment, la jeune fille aperçut une dernière fois le pant de montagne paisible se consumer peu à peu, par leur faute. S'ensuivit un long brinquebalement jusqu'au Quartier Infernal, le territoire du Clan du Feu.
Après ce voyage interminable, la camionnette se posa finalement et les moteurs se coupèrent autour d'eux. Tristaan et Érïn entendirent des pas s'approcher d'eux. Les soldats ouvrirent les portières et les extirpèrent du véhicule. Ils se trouvaient au pied de larges façades immaculées et flambant neuves. Des anciens bâtiments de recherches huppés, d'après ce qu'Érïn savait. Sans un mot, l'ombre au long manteau pris les devants et les conduisit à l'intérieur. Ils traversèrent un interminable dédale de couloirs monotones et entrèrent dans une vaste pièce lumineuse qui ressemblait, à l'image de son possesseur, au bureau d'un PDG. Debout dos à eux, fringuant dans son pantalon de costume et sa chemise blanche, un homme observait le paysage à travers l'immense baie vitrée, un étrange fruit violet à la main. Il se retourna nonchalamment vers eux, Érïn tiqua à peine. Andréus croqua avec gourmandise dans son poyam juteux.
— Vous voilà enfin.
Tristaan poussa une exclamation, bientôt rejoint par la jeune fille. L'ombre avait retiré sa capuche, dévoilant un visage familier, pourtant enfermé dans un demi-masque de métal. La voix d'Érïn résonna, mêlant surprise et haine :
—Daawn ?
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