
CHAPITRE 23
Tristaan se leva, il avait trop chaud. L'insomnie lui collait à la peau depuis deux nuits. Il revoyait encore le visage grisâtre du défunt dans le repaire de Raalph. Érïn n'était pas encore revenue et ne l'avait pas non plus contacté par talkie-walkie. Le jeune homme ne devrait pas s'inquiéter de cette courte absence mais il était sur les nerfs, depuis leur expédition. Il parcourait sa chambre de long en large, les yeux lourds de sommeil mais la tête emplie de cauchemars et de préoccupations. Il tenta de comparer ses sentiments au stress engendré par les examens du collège mais c'était impensable, incomparable. Pendant leur expédition, il avait eu l'impression d'être hors du temps, de sa vie, d'être quelqu'un d'autre un peu comme un jeu vidéo interactif. Mais ce jeu vidéo était dangereux, il s'appelait « La vie d'Érïn ». Tristaan ne devrait jamais l'oublier.
Pendant ses longues heures à penser dans le noir, il s'était livré à des réflexions intenses. Il avait eu la peur de sa vie, certes, mais il ne devait pas abandonner. Il sentait qu'il avait besoin d'exprimer quelque chose, de montrer sa valeur à Érïn. Il ne savait pas pourquoi. Il s'arrêta tout à coup avec un besoin qui s'imposa dans son esprit : un lait chaud avec du miel.
Il revint dans sa chambre avec la boisson divine et il s'installa à son large bureau pour travailler sur son projet d'informatique. Il consistait en créer un site GoldNet avec un camarade. Son partenaire s'appelait Aaron Weiss, un garçon sympathique qu'il avait rencontré quelques jours après les excuses d'Elïott. Ils s'étaient rapidement liés d'amitié et passaient dorénavant le plus clair de leur temps ensemble au collège.
Il posa la tasse à côté de son ordinateur et l'alluma. Mais quelque chose d'autre attirait son attention : la caméra endommagée posée sur un coin de sa table de nuit. Il lui jeta un regard insistant, puis reporta son attention sur l'écran holographique. Il lit les consignes mais tourna la tête à nouveau vers l'objet. N'y tenant plus, il l'attrapa et passa du côté « atelier » de sa chambre où était entassés une multitude de projets en cours, des morceaux de fer, des circuits électroniques cassés, des jouets démontés, des jaquettes de jeux, une figurine de Kline et un nécessaire d'espion pour enfant. Il fit de la place sans ménagement sur l'établi et s'installa avec ses outils. Il amena la loupe grossissante au-dessus de l'objet et le manipula avec précaution : un vrai travail de fourmi.
Dehors, la nuit disparaissait pour laisser place à une aube timide et grisâtre. Après un travail lent et studieux, Tristaan parvint à extraire la vidéo contenue dans la caméra et à la transférer directement sur son ordinateur. Il observait d'un regard vague la barre de téléchargement quand, tout à coup, un numéro de téléphone inconnu apparu sur son poignet.
« Les Sentinelles ! » paniqua-t-il en faisant un bond.
Il voulut couper la communication mais la projeta sur son écran à la place. La tête de Wyn apparut. Soulagé et surpris à la fois, le jeune homme tomba à la renverse sur le sol.
— Euh... Tristaan ? Tout va bien ?
— Oui absolument ! s'écria-t-il en se rasseyant sur son siège tant bien que mal. Comment tu as eu mon numéro ?
— C'est toi qui me l'as donné.
— Ah bon ?
— Oui ! L'autre jour... tu ne te souviens pas ? Enfin bref, tu n'as pas l'air bien...
— Je... euh... j'ai fait une insomnie. Et toi, ça va ?
— Oui, oui. Je voulais juste savoir pourquoi tu ratais souvent les cours en ce moment. Le principal veut convoquer tes parents, tu sais ?
— Comment tu le sais ?
— C'est un des « avantages » d'être déléguée.
— Il peut toujours essayer, ils ne sont même pas disponibles pour me faire à manger !
— C'est pour ça que tu sèches ?
— Non ! Enfin euh... si mais... non.
Un silence suivit cette réplique.
— Écoute Tristaan, je peux comprendre que tu ne veuilles rien me dire mais les profs et les autres s'inquiètent pour toi. Aaron est bizarre en ce moment, Brontö et Elïott... ont l'air de l'avoir choisi comme nouvelle cible. Et puis, moi aussi je m'inquiète. Je t'aime bien et je ne veux pas que tu aies des problèmes.
Tristaan se frotta les yeux. Avait-il rêvé où Wyn venait de dire qu'elle l'aimait bien ?
— Moi aussi je t'aime... bien, Wyn. Mais... c'est un peu compliqué. Et j'ai promis de ne rien dire. Je suis désolé, j'aimerais tellement partager ça avec toi, si tu savais !
Il soupira, Wyn hocha la tête en silence.
— En tout cas, c'est le week-end. Je t'envoie les devoirs, comme d'habitude. Et... si jamais tu changes d'avis, tu as mon numéro ! Je ne sais pas, on pourrait parler de ça devant un milkshake, par exemple.
— D'accord, ça marche, j'y penserai ! Merci beaucoup, en tout cas.
— De rien, fit-elle en lui décochant un sourire radieux. Et pense à appeler Aaron.
Elle coupa la communication. Tristaan s'affala sur le dossier de son siège, rêveur. Mais le travail le ramena vite à la réalité : le téléchargement des images retrouvées dans le repaire était terminé. Le jeune homme sauta sur le talkie-walkie pour prévenir Érïn. Quinze minutes plus tard, alors que Tristaan hésitait à lire la vidéo sans elle, la jeune fille toqua à la porte-fenêtre de la chambre.
— J'espère que ça vaut le coup, je cherchais un nouvel abri !
— On va voir ça tout de suite, répondit Tristaan en s'installant devant l'écran.
Érïn se posta debout derrière lui. Il lança la vidéo, qui grésilla avant de dévoiler la tête d'un homme en sueur.
— C'est Raalph ! s'écria Érïn.
— J'ai pas beaucoup de temps, haleta-t-il. Ils m'ont retrouvé, ça y est ! J'me doutais qu'ils tarderaient pas à venir me chercher mais j'aurais voulu que ce soit l'plus tard possible... J'ai demandé à Sonïa de les ralentir, de les convaincre... je ne sais pas ce que ça a donné. Mon frère, je vais mourir c'est sûr. Si tu vois cette vidéo... Mon Dieu, ils n'ont plus besoin de moi et...
Un coup sourd retentit, le coupant dans sa phrase. Quelqu'un tentait de défoncer la porte.
— C'est terminé, je suis mort, je connais tous leurs secrets, leur plan. Ils veulent...
Un individu dont on n'aperçut que les pieds entra et balança un objet en direction de Raalph. Celui-ci hurla de terreur, il voulut approcher la caméra de son visage mais c'était trop tard. L'objet explosa et envoya valser tous les meubles alentour, puis l'explosion se changea en implosion qui aspira tout sur son passage dont que le corps de Raalph qui se fit désintégrer. Le carnage se termina en à peine quelques secondes, on aperçut sur le sol un cercle parfait, puis la caméra se coupa.
Après un moment de silence que les deux compères s'accordèrent pour digérer l'information, Érïn demanda à Tristaan de revenir en arrière et de faire des pauses à des moments stratégiques de la vidéo.
— Ces bottes... je les reconnaîtrais entre mille.
— À qui appartiennent-elles ?
— C'est Conraad, sans aucun doute. Il a survécu. J'aurais dû m'en douter. J'aurais tellement voulu qu'il crève ! Zoom sur l'objet qu'il a lancé. Voilà, c'est ça, ce logo.
— Érïn, qu'est-ce que ça veut dire tout ça ?
— Ça veut dire qu'on est dans une belle merde. Le Clan du Feu a su que Raalph détenait des infos sur eux – infos qu'on cherchait, justement – et l'ont liquidé avec une arme que je n'avais jamais vu avant.
— Cette grenade à implosion ?
— Oui, je suis pratiquement sûre qu'on a devant nous une arme de destruction massive encore inachevée. Mais crois-moi qu'elle le sera très bientôt, connaissant les Flammes. Mais voilà pourquoi on n'a retrouvé aucun cadavre !
— Ils se sont tous réunis au même endroit et ils ont implosé.
— Exactement.
— Je n'ai même pas les mots pour décrire ce que je ressens.
— Imagine un peu tous les gens qu'ils peuvent tuer avec ça ! Où est-ce qu'ils s'en sont procurés ? Oh non !
— Quoi ? Dis-moi ! demanda Tristaan, fébrile.
— Tout cela signifie, répondit la jeune fille, que le Clan du Feu est en ville. Et ça va faire mal, crois-moi. Voilà leur plan ! Ils veulent conquérir Goldhaven ! Tout le monde est en grand danger !
— Et nous sommes les seuls à le savoir, finit Tristaan.
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