Chapitre 5: Les Éclats du cœur
PDV : Ciel d'Éclats du Clan du Parc des Rossignols.
Ici, les arbres presque sans feuilles sont en rang et les uns en face des autres, comme quand on est regroupé pour partir à une Assemblée. Les brins d'herbes étaient courts, le gazon était fraîchement tondu, mais n'était pas très bon à respirer, il me faisait grimacer. De toute façon, l'air ici était aussi sale que la verdure, crottée et jonchée de déchets, tout ça à cause des Bipèdes. Je ne comprenais pas la raison de leur existence. Ils nous empêchaient de nous nourrir, de nous promener où on veut et même de vivre ! Et il n'y avait pas que ça que je détestais. Les pigeons, aussi. Ceux qui n'ont pas de petits coins et qui ne savent pas faire leurs besoins autre par que sur des bancs autrefois propres et clairs, désormais grisonnants et dégoûtants.
Ici, il n'y avait pas que moi. Il y avait également ma sœur Prunelle des Ombres, mon père, mon apprenti, deux connaissances de Clan et ma compagne. Nous étions, moi et ma sœur, en total admiration sur le sol. Les autres étaient couchés les uns à côté des autres, les yeux clos, partis dans un lourd sommeil.
J'échangeais un regard avec la seule de tous qui était encore éveillée. Elle me répondit par une œillade maussade. J'entendis des pas de Bipèdes mais je savais que, là où nous étions, ils ne nous trouverons pas. Peu de membres de cette espèce allaient près des fossés du parc. La terre où nous étions assis était humide mais pas boueuse. Cependant, elle n'avait rien à voir avec la bonne odeur du pétrichor, au contraire.
Prunelle des Ombres n'était pas du même avis, elle s'en fichait que ça sente bon ou pas, elle voyait le monde comme un terrain de jeu et d'une façon plus idéaliste que la mienne. Les chants maladroits des rossignols semblaient lui plaire même s'ils chantaient faux. On se ressemble si peu physiquement et mentalement moi et ma sœur qu'à un moment j'ai même cru qu'elle ou moi avions été adoptés, tel les histoires tragiques de Nage de Poissons. On avait été jusqu'à faire une enquête tous les deux ! Ma compagne était même venue nous aider. C'est ce qui nous avait rapprochés. C'était drôle, quand on y repensait. On se la racontait, encore et encore.
« Dis, tu aurais fait quoi si on était pas vraiment frère et sœur et que tu avais été adopté ? »
Cette question était sortie de sa bouche sans que je m'y attende. Parfois, j'avais vraiment l'impression qu'elle savait ce que je pensais. Et ça m'effrayait. Elle s'était un peu rapproché de moi, attendant une réponse. Étant un grand fataliste, j'ai répondu d'un ton dérisoire :
« Dans ce cas, cela aurait voulu dire que ma famille biologique ne voulait pas de moi. Ou bien que c'était un amour interdit, comme dans les histoires de Cristal de Glace. Mais je ne me serai pas sentis à ma place dans le Clan. Me connaissant, je serai devenu distant autant avec ma famille biologique que ma famille adoptive. J'aurai probablement fugué, aussi. Ou bien j'aurai rejoins un autre Clan. Mais je serai revenu, parce que je dois accepter la réalité telle qu'elle est, j'y aurai mit fin pour rien au monde. Par ailleurs je n'en aurai voulu à personne. Juste à moi d'être une erreur indésirable. J'allais pas les tuer. Pourquoi les tuer ? Ça n'aurait servi à rien. J'aime pas ce genre de meurtriers. J'aurais peut-être été meurtrier si on avait tué quelqu'un de mon Clan. Mais pas dans d'autres cas. »
Comme je m'y attendais, elle restait perplexe après ma tirade, mais elle avait comprit. Même si elle était joueuse et insouciante, elle était aussi très intelligente. Elle me connaissait par cœur, voire plus que je me connais. Un sourire amusé illumina son visage couleur d'ébène. Ses oreilles s'étaient redressées tel des pics.
« Et toi ? » demandais-je après un long silence morose.
Elle leva la truffe en l'air, on aurait dit que sa réponse allait tomber du ciel. Un peu idiotement, je l'ai imité. Les nuages semblaient glisser dans les cieux. Elle se dandinait sur place nerveusement. Je tournai mon regard vers elle, la fixant intensément en attendant une réponse. Elle fit retomber ses yeux vers le sol, cherchant ses mots.
« Si tu ne serai pas mon frère mais que j'aurai été adoptée en réalité, eh bien... Ça aurait pas été tout à fait la même chose, c'est sûr. Mais je serai pas allée jusqu'à prendre mes distances avec ma famille biologique et ma famille adoptive. Non, pas du tout, au contraire. Après, j'aurai bien sûr cherché à comprendre pourquoi ils m'avaient mentis. Mais en rien je leur en aurait voulu, que ce soit à eux ou à moi. J'ai rien à me reprocher. C'est comme ça. Je serai resté la même, je serai pas allé m'énerver contre eux. Et puisqu'on aurait pas été vraiment des frère et sœur, bah... On aurait pu être ensemble, du coup. »
Ensemble ? Je me demandais si elle plaisantait ou si elle aurait vraiment songé à ce que je sois son compagnon si je n'étais pas de sa famille. J'eus donc un peu le courage de lui poser la question.
« Probablement, faudrait que ce soit vrai pour que je sois sûre, mais, je pense, oui. Je pense. »
Elle avait répondu assez rapidement, l'air rêveuse. Je crois que je ne saurai jamais. De toute façon, si elle avait quelque chose à me dire, qu'elle m'en informe, ça ne m'aurait pas dérangé. Ce genre de secret ne restait pas secret très longtemps. Un jour ou un autre, je saurai sûrement la vérité... À ce moment-là, je ne saurai pas quoi faire. J'avoue que je serai confronté à une situation embarrassante.
Je posai une patte près du fossé. Cette terre était plus gibbeuse que le reste du parc. J'eus un frisson en pensant à ce qu'il pouvait y avoir en dessous. Je regardai ma compagne. Elle possédait une belle fourrure bleu-gris, si douce et apaisante... À présent, elle était pleine de fourmis et de salissures, et je ne pouvais plus voir ses yeux ambrés éclatants. Je la poussai du bout du museau, résigné, et elle roula sur la pente, jusqu'à atterrir un peu plus bas. Je lâchai une larme, puis une autre.
Comme je vous l'ai dit, ici, il y a moi, ma sœur, mon père, mon apprenti, deux connaissances de Clan et ma compagne, ces cinq derniers avaient les yeux clos, couchés sur l'humus. Je vais ajouter qu'ils ne respirent plus et leur cœur ne bat plus, tout ça à cause des Bipèdes qui rendent l'air presque mortel. Aujourd'hui, c'est un jour de deuil, pour moi et ma sœur. Ici, il n'y a que deux félins en vie, nous deux. Mais il y en a aussi sous la terre, par milliers, et ils y resteront pour toujours...
NDA
Hey ! Dans ce chapitre vous avez découvert deux personnages, Ciel d'Éclats et Prunelle des Ombres ! Une préférence ? :3
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