Chapitre 1 (Part.1)
C'était l'automne. L'après-midi touchait à sa fin et un petit garçon d'à peine cinq an guettait l'arrivée de son père et de ses frères. Il était inquiet car toute la journée, le ciel avait été bas et le vent violent. Pas le meilleur des temps pour partir en mer. Mais ceux qu'il attendait arrivèrent enfin : dès qu'il les entendit, il se mit en embuscade non loin de la porte pour les surprendre.
Le premier à entrer fut son frère aîné charriant avec lui une odeur caractéristique d'eau de mer et de poisson. Il s'arrêta sur le pas de la porte et regarda autour de lui, mais sembla ne pas voir son cadet dissimulé derrière des capes de voyages.
Amusé par sa farce, ce dernier ne put réprimer un éclat de rire avant de sauter à découvert, poussant un rugissement de bête féroce.
– Raaaah ! À l'attaque !
Aussitôt, le plus grand se retourna et tomba au sol de façon grotesque :
– Oh ! Par Uelden ! Mais quelle est cette HORRIBLE créature ? Par pitié, qu'elle m'épargne !
– Tu auras affaire à moi, RAAAH !
Et dans cette cohue, ses autres frères et son père arrivèrent.
– Qu'est-ce qui se passe ici ? gronda le patriarche. Écartez-vous qu'on puisse passer...
– Papa !
Et aussitôt, le petit fut accroché aux jambes de l'aîné.
– Alors ? La pêche a été bonne ? Vous avez ramené plein de poissons ?
Mais l'homme ne semblait pas d'humeur. Un peu déçu, le petit essaya de faire des grimaces pour lui remonter le moral, mais sa mère l'arrêta en le prenant pour le confier à ses frères.
– Qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-elle, inquiète.
– C'est la ferme, de l'autre côté de la colline. Leur fils... Ils l'ont eu.
– Tu veux dire... Les Défenseurs de la Foi ?
L'homme acquiesça d'un signe de tête et sa femme devint pâle comme la lune.
–Ça faisait quelques semaines qu'il montrait des signes, reprit son époux sans apercevoir le malaise. Trop de personnes en avaient été témoins. Ça n'était qu'une question de temps avant qu'ils ne l'attrapent. Quel malheur...
– Qui c'est, les Défenseurs du foie ? demanda le jeune garçon, troublé. Des méchants ?
– Personne, mon chéri, coupa la mère.
Peu convaincu, le petit prit alors une grande inspiration et ferma les yeux avant de reprendre :
– Tu sais, le vent me dit que...
– Arrête !
D'un geste, sa mère plaça une main sur sa bouche, l'empêchant de terminer sa phrase, mais il était trop tard. Le silence s'était fait dans la maison et tous s'étaient tournés vers l'enfant et la mère tétanisée.
– Depuis quand ? demanda simplement le père.
– Une semaine, peut-être deux.
– Pourquoi tu n'as rien dit ?
– Je pensais que ce n'était qu'un jeu...
– Maman, qu'est-ce qui se passe ? s'enquit alors le fils aîné.
– Vous tous, allez dans votre chambre. Immédiatement. Et pas d'objections. Votre mère et moi avons besoin de parler.
Une semaine passa sans que personne ne sache ce qui avait été dit. Le soleil n'était pas encore levé et le vent battait déjà fort contre les murs de la maison. Au loin, en entendait les vagues s'écraser contre la falaise, sonnant l'heure pour le patriarche de quitter les lieux. Ce dernier, attrapant un manteau épais, se tourna vers sa femme :
– Tu sais ce que tu as à faire. Si ça n'est pas réglé aujourd'hui...
– Je sais.
Puis il se tourna vers ses fils :
– Dehors, et tout de suite ! Uelden est contrarié, mais ça ne doit pas nous empêcher de faire notre travail !
Alors les quatre garçons quittèrent la table à laquelle ils étaient en train de manger et imitèrent leur père. À tour de rôle, avant de sortir, ils saluèrent leur mère et le dernier de leur frère qui se mit alors à supplier, comme tous les jours :
– Je veux y aller ! Je veux y aller ! Je veux y aller !!
– Non, coupa sa mère.
– Mais, pourquoi ??
– Par Uelden, tu es trop jeune !
– Mais ils ne savent pas !
– Ils ne savent pas quoi ?
– Que c'est dangereux, il me l'a dit...
– Tais-toi !
C'est la gifle qu'il reçut plus que les mots de sa mère qui fit taire le garçon. Sentant les larmes poindre, il se mordit les lèvres et tenta de les ravaler avec sa colère.
C'était injuste. Le vent lui avait montré des images, ce matin. Des images qui lui avaient fait peur, et qui l'avaient réveillé. Mais il était certain que ce n'était pas un cauchemar. Il savait faire la différence ! Seulement, quand il en avait parlé à sa mère, elle l'avait fait taire, exactement comme elle venait de le faire.
Ça faisait des jours que ça durait. Depuis qu'il avait parlé du vent devant tout le monde. À chaque fois qu'il l'évoquait, il se faisait gronder, et il ne comprenait pas pourquoi. Pourtant, leur dieu, Uelden, était le Souffle de Vie, le maître du vent qui lui parlait, alors en quoi recevoir des messages de sa part était une mauvaise chose ? En quoi aider ses frères et son père à échapper aux vagues meurtrières était une mauvaise chose ?
– Maintenant, enfile ça.
– Où est-ce qu'on va ?
– Arrête de poser des questions et suis-moi.
Deux gifles étaient assez pour la journée, aussi le jeune garçon obtempéra, mais pas sans bouder. Dans la lumière de l'aurore, sa mère attela leur charrue et ils quittèrent la maison pour se diriger vers le village.
– Pourquoi tu n'as pas pris de poissons ?Qu'est-ce qu'on va vendre si la charrue est vide ?
– Ne t'occupe pas de ça.
– Mais...
– Mais rien du tout !
Fourrant ses mains dans ses poches pour se protéger de la morsure du froid autant que pour démontrer son mécontentement, le petit se laissa donc bercer en silence par le mouvement du chariot.
Il avait dû s'endormir, car quand il rouvrit les yeux, il faisait bien jour. En jetant un regard autour de lui, il réalisa alors qu'ils n'étaient pas au village mais au port. La charrue était arrêtée et sa mère s'entretenait avec un homme sur le quai. Il était grand et semblait très fort. Ses cheveux blonds étaient courts et sa barbe bien fournie. Sans doute un Larvas. Elle lui donna une bourse, et tandis qu'il la fourrait dans le revers de sa veste, elle retourna vers son fils.
– Descend.
– Qui c'est, cet homme ?
Elle soupira et le prit sous les bras pour le mettre à terre. L'inconnu les rejoignit, et instinctivement, le gamin se cacha derrière sa mère, mais celle-ci ne le laissa pas faire. D'un geste sec, elle poussa l'enfant devant elle :
– Il est curieux et bavard. J'espère qu'il ne vous causera pas d'ennuis.
– Ne vous inquiétez pas, j'en ai un du même âge, je saurais quoi en faire. Allez, viens, petit.
Et sans prévenir, l'homme attrapa le garçon par le manteau et l'entraîna à sa suite. Ne comprenant d'abord pas ce qui lui arrivait, il se mit à se débattre avec force quand il réalisa qu'on l'arrachait à sa mère.
– Mais... Maman ! Maman !!
Mais il n'y avait rien à faire. Aussi facilement que s'il n'avait rien pesé, l'inconnu le prit alors dans ses bras et le força au silence en lui plaquant une de ses gigantesques mains sur le visage. Ni les coups de pieds ni les griffes n'y changèrent rien, et cette fois, le garçon ne put retenir ses larmes.
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