Chapitre 37 - Le dernier ennemi
Depuis la disparition de Caradoc et la mort de Benjy, l'Ordre avait modifié ses protocoles de sécurité au cas où Caradoc serait bel et bien l'espion. L'assassinat de Dorcas Meadowes infirma cette théorie. Caradoc n'aurait pas pu mettre les Mangemorts au courant de ces changements, ce qui signifiait que l'espion se trouvait toujours parmi eux.
Dorcas avait mené une rude bataille. On avait retrouvé sa maison sens dessus-dessous. D'après les rumeurs, elle avait affronté Voldemort en personne.
Cela ne réconfortait en rien Emmeline.
Personne ne saurait jamais ce qu'il s'était passé entre elles. Personne ne saurait jamais ce que Dorcas représentait à ses yeux. Personne ne serait jamais en mesure de comprendre sa douleur.
Le mois de septembre arriva et apporta avec lui son nouveau lot de morts. Fabian et Gideon furent tués par cinq Mangemorts. Edgar Bones fut assassiné avec sa femme et ses enfants. Un à un, les membres de l'Ordre tombaient comme des dominos dans un jeu macabre.
On est en train de perdre.
Ce fut cette sombre pensée qui poussa Lily à rédiger une lettre à sa sœur.
Chère Pétunia,
Si tu lis ceci, cela signifie que je ne m'en suis pas sortie. J'ai besoin que tu saches que je tenais à toi. Énormément. Si je n'en ai pas donné l'impression ces derniers temps, c'est avant tout parce que je voulais te protéger. J'ai pris mes distances volontairement. De mauvaises personnes en ont après mon fils, Harry. Ce serait difficile à expliquer en détail. Nous avons dû nous cacher, rompre les liens avec bon nombre de nos proches. Ces mauvaises personnes s'en prennent à eux pour nous atteindre. Tant qu'ils pensent que nous avons coupé les ponts, tu devrais être en sécurité.
Mon plus grand regret restera toujours de ne pas avoir réussi à sauver notre relation.
Avec toute mon affection,
Lily.
Avec un pincement au cœur, elle laissa la lettre bien en évidence sur le secrétaire du salon, le nom de sa sœur rédigé sur l'enveloppe. James ne manqua pas de la remarquer lorsqu'il entra dans la pièce, Harry dans les bras. Il ne lui posa aucune question, mais Lily surprit son regard.
— C'est juste au cas où, dit-elle.
James se contenta d'acquiescer, l'air sombre. Puis il embrassa son fils sur le front, comme si cela pouvait suffire à conjurer le mauvais sort.
***
Un soir d'octobre, alors qu'il pleuvait des cordes, quelqu'un frappa chez les Potter.
— Sirius ! s'exclama Lily en ouvrant la porte. On ne t'a pas vu depuis...
Depuis la mort de Marlene.
— Je dois vous parler, répondit Sirius, l'air agité. Je peux entrer ?
— Oui, bien sûr...
Elle s'effaça pour le laisser passer. Sirius s'ébroua et retira son long pardessus en cuir trempé, qu'il accrocha à une patère dans le vestibule.
James serra son meilleur ami dans les bras, puis ils s'installèrent dans la cuisine, où Lily prit le temps d'observer Sirius : de lourds cernes lui soulignaient les yeux, comme s'il n'avait pas dormi lors de ces trois derniers mois.
— Je suis désolé de ne pas avoir donné beaucoup de nouvelles, s'excusa-t-il d'emblée. J'ai été très occupé...
— Les missions pour l'Ordre, répondit James. On est au courant...
— Pas seulement... confia Sirius.
— Qu'est-ce que tu veux dire ? s'enquit Lily.
— Disons que j'ai pris les choses en main de mon côté. Après la mort de Marlene... Tout ce que je voulais, c'était découvrir l'identité des Mangemorts qui l'avaient tuée. Maintenant, je sais de qui il s'agit.
— Vraiment ? s'exclama Lily. Qui...
— Nott, Travers et... Mulciber, la coupa Sirius.
— Mulciber... murmura James, les dents serrées.
— Sauf que je me suis finalement rendu compte que ce n'était pas le plus important, reprit Sirius. Pas maintenant qu'on tombe comme des mouches. J'ai demandé à Dumbledore de me laisser enquêter sur l'espion, mais il a refusé... Il a dit qu'il s'en occuperait lui-même. Je ne l'ai pas écouté. Ça fait un moment que je soupçonne Mondingus de jouer double-jeu, alors je me suis mis à le suivre. Ce type fait un tas de trucs suspects, mais pour l'instant, je n'ai aucune preuve concrète contre lui...
Il s'interrompit. Il n'osa pas avouer l'entière vérité : Mondingus n'était pas le seul qu'il s'était mis à espionner. Il avait honte de l'admettre, mais ses soupçons s'étaient également portés sur Remus, qui paraissait plus sombre que jamais depuis un certain temps.
— Enfin bref, ce n'est pas pour vous raconter ça que je suis ici... Je suis venu vous demander de prendre Peter pour Gardien. Je crois qu'il est temps. C'est ce que Marlene voulait et.... Je pense qu'elle avait raison. Je suis suivi.
— Suivi ? répéta Lily, horrifiée. Sirius, il faut que tu te caches...
— Ça, ça n'arrivera pas. Il y a trop à faire... Quelqu'un doit débusquer cet espion. Mais je suis conscient que ça me met en danger, et vous avec. C'est pour ça que je vous demande de changer de Gardien avant qu'il ne soit trop tard. Le plus tôt sera le mieux. Ce soir, même.
— Il faut au moins en parler d'abord à Dumbledore, objecta Lily.
— Dumbledore est en déplacement. Je ne sais pas où. Personne ne le sait. On ne peut pas attendre son retour. Peter est au QG, on peut l'appeler par cheminée dès ce soir. Il faut régler cette affaire tout de suite. On mettra Dumbledore au courant à son retour...
***
Une heure plus tard, James, Lily, Sirius et Peter étaient réunis dans le salon des Potter.
— Alors, Peter ? Tu es prêt à accepter ? demanda James.
— Ou... Oui, balbutia Peter.
C'était ce que Voldemort attendait depuis tout ce temps. L'aboutissement de son plan. Peter savait qu'en acceptant, il condamnait ses amis, comme il avait condamné les autres. C'était lui qui avait livré les informations qui avaient permis les meurtres des McKinnon, de Caradoc, de Benjy, de Dorcas, des jumeaux Prewett, des Bones... Tous ces morts, c'était de sa faute.
Il était trop tard pour reculer. Il ne voulait pas mourir. Au moins, ce cauchemar prendrait bientôt fin.
***
Voldemort se présenta chez lui une semaine plus tard.
— Alors ?
Peter fixa le tapis, incapable de le regarder dans les yeux.
— Les Potter se cachent au 7, Crescent Lane à Godric's Hollow.
Un rire glacial le fit tressaillir. Lorsque le Lord reprit la parole, il ne s'adressait plus vraiment à Peter.
— Enfin... Cet inexplicable obstacle sera bientôt hors de mon chemin. Je ne cesserai jamais d'exister...
Peter frissonna. La façon dont le Lord avait prononcé ces paroles était... terrifiante. Je ne cesserai jamais d'exister. Que voulait-il dire par là ?
Le Seigneur des Ténèbres sembla soudain se rappeler de l'existence de Peter.
— Tend ton bras, Peter.
Il s'exécuta, tremblant, des larmes dévalant ses joues. Il dut résister à la tentation de se dégager lorsque les longs doigts fins semblables à des pattes d'araignée blanchâtres de Voldemort lui saisirent délicatement le poignet pour graver la Marque à l'intérieur de son avant-bras.
***
Sirius écoutait la pluie frapper la fenêtre du grenier, un verre de whisky à la main. Son propre portrait, celui que Marlene avait peint trois ans plus tôt, le contemplait de haut, immobile. Il aurait préféré qu'elle fasse son autoportrait, rien que pour la revoir. L'entendre à nouveau...
Maintenant qu'il avait accompli son dernier vœu et fait de Peter le Gardien, après toutes ces semaines passées à traquer les responsables de sa mort pour oublier son chagrin, ce dernier lui revenait en pleine face. Il y avait longtemps qu'il n'avait pas bu ainsi, jusqu'à l'ivresse. Jusqu'à avoir l'impression que son fantôme se tenait devant lui, dans la pénombre de la pièce.
— C'est toi, balbutia-t-il.
Le fantôme de Marlene lui adressa un demi-sourire. Sirius leva son verre.
— À toi, mon amour...
Il but le reste du whisky d'un trait en fermant les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, Marlene avait disparu.
Elle n'était pas un fantôme.
Juste une illusion.
***
Harry éclata de rire en essayant d'attraper la fumée colorée dans son petit poing. James fit jaillir une nouvelle volute qui provoqua un autre rire chez l'enfant. James adorait ce son.
C'était le soir d'Halloween. Des enfants déguisés faisaient du porte à porte dans le village pour réclamer des sucreries, mais aucun ne venait frapper à celle des Potter, car à leurs yeux, personne ne vivait au 7, Crescent Lane.
— Ok, assez d'excitation pour ce soir ! déclara Lily en entrant dans le salon. C'est l'heure d'aller faire dodo !
James hissa Harry dans ses bras et le tendit à Lily, qui quitta la pièce pour aller le coucher à l'étage. James laissa tomber sa baguette sur le canapé. Il ne l'utilisait plus que pour faire le ménage ou amuser son fils, ces derniers temps... Il s'étira et bailla sans retenue.
Puis la porte d'entrée s'ouvrit à la volée.
James se précipita dans le vestibule et se figea en voyant la silhouette de Lord Voldemort dans l'encadrement de la porte.
Non... Non, ce n'était pas possible... Il nageait en plein cauchemar...
— Lily ! s'écria-t-il avec l'énergie du désespoir. Prends Harry et va-t-en ! C'est lui ! Va-t-en ! Cours ! Je vais le retenir...
Au moment où il prononçait ces mots, il se rendit compte qu'il n'avait pas récupéré sa baguette.
Tous ces mois enfermé lui avait fait perdre ses réflexes les plus élémentaires. Et sa famille allait en payer le prix. Voldemort éclata de rire et leva sa baguette.
James Potter ne put rien faire d'autre que regarder la mort en face.
***
Lorsque Lily entendit la porte d'entrée s'ouvrit avec fracas, il était déjà trop tard.
— Lily ! Prends Harry et va-t-en ! C'est lui ! Va-t-en ! Cours ! Je vais le retenir...
Elle entendit un rire glacial, puis la formule fatidique.
— Avada Kedavra !
La lumière verte fut si puissante que Lily la vit s'infiltrer sous la porte de la chambre de Harry.
Puis ce fut tout. Pas de dernier regard empli d'émotion, pas de dernières paroles importantes, pas de « je t'aime ». Seulement la mort. Car la mort ne laisse pas toujours le temps de dire adieu.
Elle se rappela soudain la question qu'elle avait posé à James après l'enterrement de son père.
Est-ce que tu penses qu'on peut vraiment mourir d'un cœur brisé ?
Elle avait sa réponse, désormais.
La douleur était physique, si insupportable qu'elle eut l'impression de mourir. Elle laissa échapper un cri déchirant. Des larmes dévalèrent ses joues. James était mort.
Elle entendit des pas monter les escaliers.
Harry... Il fallait qu'elle sauve Harry...
Elle tâtonna la poche de sa robe à la recherche de sa baguette et s'aperçut qu'elle l'avait oubliée quelque part ailleurs dans la maison. Désespérée, elle attrapa tout ce qui lui tombait sous la main pour tenter de bloquer la porte – une chaise, des caisses de jouets... Elle tenta de pousser une commode avec un seul bras, tenant Harry dans l'autre, en vain. Elle jeta un œil à la fenêtre. Elle ne pouvait pas s'enfuir par là. Pas avec Harry. Elle risquerait de le blesser...
Elle était piégée.
Puis un autre souvenir lui vint à l'esprit. Celui d'une prédiction faite par une voyante dans une tente lors du festival d'Imbolc, deux ans plus tôt...
L'ami traître à dessein signera ta fin... D'un ultime sacrifice l'être aimé tu sauveras, échangeant sa vie contre ton trépas...
Elle avait eu tort. Sur toute la ligne.
James n'était pas l'être aimé qu'elle était destinée à sauver. C'était Harry.
Elle devait mourir. Elle devait se sacrifier pour qu'il puisse vivre.
Si c'était la dernière chose qu'elle devait faire, alors c'était ce qu'elle ferait. Même si cela lui déchirait le cœur. Elle rejoindrait James, mais elle devrait laisser son fils grandir sans ses parents...
— Je suis désolée, murmura-t-elle à l'oreille de Harry comme si elle pouvait graver ses paroles dans sa mémoire. Tellement désolée... Harry, tu es tellement aimé. Tellement aimé... Maman t'aime. Papa t'aime. Reste en sécurité, Harry. Reste fort...
Il la regarda sans comprendre et saisit une mèche de ses cheveux roux, exactement comme il l'avait fait à sa naissance. Elle pria pour qu'on prenne soin de lui. Sirius serait là, bien sûr... C'était son parrain...
Elle essaya de ne pas s'appesantir sur la première partie de la prédiction. L'ami traître à dessein. Elle pensait qu'il était question de Severus. Elle savait désormais qu'il s'agissait de Peter. Le discret petit Peter, que personne n'avait soupçonné...
La porte de la chambre s'ouvrit, écartant la chaise et les boites qui constituaient sa barricade de fortune comme de simples fétus de paille, et Voldemort apparut.
À regret, Lily déposa Harry dans son lit et écarta les bras pour empêcher Voldemort de l'atteindre.
— Pas Harry, pas Harry, je vous en supplie, pas lui ! s'écria-t-elle.
— Pousse-toi, petite idiote... Allez, pousse-toi...
Pourquoi ne la tuait-il pas ? Il fallait simplement qu'il la tue, elle... Et Harry serait protégé. Elle se raccrochait à cette prédiction comme jamais elle ne s'était raccrochée à quoi que ce soit. C'était son dernier espoir.
— Non, pas Harry, je vous en supplie, tuez-moi si vous voulez, tuez-moi à sa place...
— C'est mon dernier avertissement...
— Non, pas Harry ! Je vous en supplie... Ayez pitié... Ayez pitié... Pas Harry ! Pas Harry ! Je vous en supplie... Je ferai tout ce que vous voulez...
— Pousse-toi, idiote, allez, pousse-toi...
Voldemort leva enfin sa baguette vers elle. Il ne vit pas l'éclat victorieux dans le regard de Lily Potter.
Elle n'avait que vingt-et-un ans.
Mais la plus belle des raisons de se sacrifier.
https://youtu.be/1VLVy1QaBsQ
Bon, nous y voilà... La mort de Lily et James. Les deux dernières phrases du chapitre sont celles qui m'ont motivée à écrire cette fanfic. Je les ai en tête depuis maintenant 2 ans (déjà !). Ça me fait tout bizarre de pouvoir enfin les publier...
Comme vous vous en doutez, cette fanfic arrive bientôt à sa fin... Rendez-vous au prochain chapitre !
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