Chapitre 31 - Prisonnière
Marlene remua faiblement. Ce mouvement produisit un bruit métallique et, dans un élan de panique, elle se souvint de ce qu'il s'était produit, ouvrit les yeux et se redressa.
Elle était enchaînée à un mur dans un cachot éclairé par une minuscule lucarne sans vitre qui laissait passer un maigre rayon de soleil et charriait un vent iodé. Elle entendait des cris de mouettes et le bruit de vagues qui se fracassaient contre des rochers. Elle devait se trouver quelque part au bord de la mer. Était-ce le repère de Voldemort, ou un autre endroit ?
Elle tâtonna ses vêtements à la recherche de sa baguette, en vain. Les Mangemorts la lui avaient prise. Évidemment.
— C'est ça que tu cherches ?
Marlene sursauta. Elle n'avait pas vu la silhouette dissimulée dans un recoin du cachot. Faisant tournoyer la baguette de Marlene entre ses doigts, Alric Mulciber s'extirpa de l'ombre et lui adressa un affreux sourire. Puis, d'un coup sec, il cassa sa baguette en deux.
— NON ! hurla Marlene.
Elle sentit son cœur se briser en même temps que sa baguette. Cette baguette qui l'avait choisie lorsqu'elle avait onze ans, qui avait été sa partenaire toutes ces années...
Mulciber éclata d'un rire féroce, jeta les débris de la baguette par la lucarne et s'exclama :
— Ah, comme on se retrouve, McKinnon ! Ça fait un bail ! Tu te souviens de la dernière fois où on s'est vus ? C'était au bal de Noël du Ministère... Tu m'avais menacé. Je t'avais dit que tu le paierais un jour. On dirait que ce jour est venu...
— C'est pour ça que je suis ici ? Parce que tu veux ta petite vengeance à cause d'une menace faite il y a des années ?
Elle n'y croyait pas une seconde. Jamais Voldemort n'aurait organisé une telle opération juste pour permettre à Mulciber d'exercer sa petite vengeance personnelle, mais elle voulait simplement le pousser à parler dans le but d'obtenir des réponses.
— Tu es si rancunier que ça ou ton ego est vraiment fragile à ce point ? poursuivit-elle.
Après ce qu'il avait fait à sa baguette, elle éprouvait un plaisir sauvage à l'idée de le provoquer. Mulciber dégaina sa propre baguette et la visa en plein visage, furieux. Marlene eut un mouvement de recul instinctif. Puis Mulciber se fendit d'un sourire, secoua la tête et baissa son arme.
Intéressant. On dirait que la torture n'est pas au programme. Pas encore, en tout cas.
— Ah, McKinnon. Tu as toujours eu la langue si... acérée. Peut-être qu'il faudrait te la couper.
Sans geste avant coureur, Mulciber la saisit à la gorge. Marlene suffoqua, cherchant désespérément de l'air, mais terrifiée à l'idée d'ouvrir la bouche.
— Mulciber.
La voix, froide comme de la glace et tranchante comme du verre, claqua comme un fouet et détourna l'attention de Mulciber, qui la relâcha. Marlene se mit à tousser, aspirant à grandes goulées l'air qui lui avait tant manqué.
— Miss McKinnon est notre invitée.
L'homme qui venait d'entrer avec une bonne cinquantaine d'années. Ce n'était pas Voldemort. Marlene le reconnut : il s'agissait de Tobias Nott.
— Vous avez une drôle de conception de l'invitation, marmonna Marlene en agitant ses chaînes.
Étrangement, se montrer insolente lui permettait de juguler sa peur. Tobias Nott ignora sa remarque et s'adressa à Mulciber.
— Il me semble que ta mission était de monter la garde avec Travers en attendant mon arrivée.
— Je ne faisais que rendre service, répliqua Mulciber avec un sourire railleur. M'assurer qu'elle est toujours vivante, tout ça.
— Eh bien, si tu allais rendre service devant la porte, maintenant ? J'ai du travail.
L'air mauvais, Mulciber sortit du cachot. Marlene eut tout juste le temps d'apercevoir un couloir de pierre sombre avant que la porte se referme.
— Nous allons passer ces prochains jours ensemble, Miss McKinnon. J'aimerais que vous vous montriez coopérative.
— C'est pour ça que vous vouliez garder ma sœur ? Pour me forcer à me montrer « coopérative » ? Vous vouliez la torturer ? J'espère que vous ne l'avez pas touchée...
— Aucun mal n'a été fait à votre sœur, je m'en suis assuré personnellement. Et aucun mal ne vous ne sera fait à vous. La torture ne serait d'aucune utilité, pas plus que le Veritaserum ou l'Imperium.
— Vous voulez savoir où se trouvent les Potter, comprit Marlene. Vous savez qu'ils ont pris un Gardien du Secret. Et vous ne pouvez pas me torturer pour m'arracher leur localisation, car je ne suis pas la Gardienne. Toute la torture du monde n'aurait aucun effet, ni les potions, ni les sorts...
— En effet. Vous êtes intelligente, Miss McKinnon. Nous savons qu'Albus Dumbledore est le Gardien des Potter. Mais il existe peut-être un autre moyen de vous arracher ce secret. Je suis ici pour faire quelques... expérimentations.
Marlene fut traversée d'un puissant frisson.
— Je vais pénétrer dans votre esprit, Miss McKinnon. C'est sur ce point que j'aimerais votre coopération.
— Vous voulez utiliser la légilimancie ? Ça ne marchera pas non plus. Rien ne marchera, vous n'obtiendrez pas vos réponses.
— Peut-être, mais je vais quand même essayer. Si vous résistez, je serai obligé d'affaiblir vos défenses par d'autres moyens. Des moyens plus... coercitifs. Même si votre sœur nous a malencontreusement échappés, il y a toujours au moins deux solutions à un problème.
— On en revient donc à la torture.
— Non, ce n'est pas ce que j'avais en tête... Bien. Commençons, vous voulez bien ? Ouvrez votre esprit, Miss McKinnon...
Marlene avait reçu une formation en Occlumancie dans le cadre de son cursus d'Auror. Elle savait résister aux assauts les plus ordinaires. Mais elle comprit immédiatement qu'il lui faudrait lutter de toutes ses forces pour résister à ceux de Tobias Nott. Elle n'avait jamais subi d'intrusion aussi féroce. Tobias Nott était un Legilimens d'exception, et elle, une Occlumens basique.
Il trouva sans peine ses souvenirs les plus récents : le sauvetage de Stella, le moment où elle avait appris sa disparition, les cauchemars qui l'avaient réveillée la nuit...
Marlene tenta de le repousser, mais elle s'aperçut à sa plus grande horreur qu'elle n'y parvenait pas. D'autres souvenirs défilèrent. Ses moments d'intimité avec Sirius. Ses missions pour l'Ordre. Le jour où elle avait tué un Mangemort par inadvertance. Celui où elle avait été à deux doigts de tuer Karkaroff volontairement.
Lorsque l'esprit de Nott se retira enfin du sien et qu'elle rouvrit les yeux, elle prit conscience avec stupéfaction que la nuit était tombée. Elle transpirait à grosses gouttes et avait le souffle court.
— Vous résistez, Miss McKinnon. Nous recommencerons demain. J'espère que d'ici là, vous aurez réfléchi à ce que je vous ai dit. Ce sera plus simple pour tout le monde si vous coopérez...
Nott quitta le cachot et referma la porte derrière lui. Marlene s'écroula de fatigue sur la paillasse grossière installée dans un coin, à l'opposé d'un pot de chambre. Ses chaînes lui donnaient tout juste assez de mou pour atteindre les deux murs latéraux, mais pas le mur qui donnait accès à la porte. Malgré la peur qui lui tenaillait l'estomac, elle s'endormit.
Elle se réveilla au son de la porte qui s'ouvrait sur ses gonds. Un autre Mangemort – Travers – venait lui apporter une écuelle remplie d'un porridge d'avoine et une carafe d'eau. Elle se jeta sur cette dernière, assoiffée, mais ne toucha pas à la nourriture. Elle avait beau n'avoir rien avalé depuis des heures, elle n'avait pas faim.
— Mange, lui ordonna Travers.
Marlene fut tentée de lui balancer le pudding à la figure, mais elle se contenta de se rencogner contre le mur. Travers haussa les épaules et quitta la cellule.
Les jours qui suivirent furent similaire à ce premier. Nott entrait dans son cachot tous les matins à l'aube et forçait son esprit. Marlene se défendait comme elle le pouvait, ce qui la laissait épuisée chaque soir. Elle gardait la notion du temps grâce à la lumière qui filtrait par la lucarne. La pièce devait être enchantée, car elle n'avait pas froid. Elle était également certaine que personne ne l'entendrait crier, même si elle pouvait entendre les bruits de l'extérieur. Elle se concentrait sur le son des vagues et le cri des mouettes pour ne pas perdre l'esprit, rêvant de l'extérieur, brûlant de se jeter dans la mer pour débarrasser son corps des miasmes dans lequel il baignait depuis des jours. Personne ne semblait se soucier de son hygiène malgré l'odeur qu'elle commençait à dégager. En revanche, on veillait à ce qu'elle ait à boire et à manger. Elle avait fini par goûter à l'affreuse bouillie qu'on lui servait toujours, ne pouvant résister plus longtemps à la faim.
La nuit, elle rêvait. Ses songes la ramenaient au temps où tout allait bien entre Sirius et elle. Elle rêvait qu'il traçait les contours de son corps du bout des doigts, rêvait de sa chaleur, de son contact, de sa présence. Le réveil n'en était que plus brutal. Parfois, elle rêvait qu'on la sauvait. Ce rêve la frustrait tout particulièrement. Elle aurait voulu se sauver elle-même. Elle détestait ce sentiment d'impuissance. À plusieurs reprises, elle tenta de faire de la magie sans baguette pour se libérer, comme les enfants le faisaient parfois, comme Stella l'avait fait pour protéger leurs parents des sorciers qui s'en étaient pris à eux. Mais elle n'y parvenait pas, ce qui la faisait pleurer de rage.
Au bout d'une semaine, Nott déclara :
— Tout ceci prend bien trop de temps. Vous avez décidé de ne pas coopérer, Miss McKinnon. Vous me laissez atteindre sans mal votre conscience, mais c'est le reste que je veux voir. Votre subconscient. Les choses que vous vous cachez à vous-mêmes. Je vais devoir employer d'autres moyens pour forcer votre esprit à s'ouvrir...
Marlene sentit la peur s'insinuer en elle. Elle crut que Nott allait sortir sa baguette pour la torturer, mais il n'en fut rien. Ce qu'il extirpa de sa cape à la place accentua sa terreur.
— Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle en voyant la seringue.
— Un moyen de vous forcer à vous détendre. Une solution de venin de vampire et d'autres ingrédients.
— Je ne veux pas de ce truc, dit-elle en reculant au maximum contre le mur.
Elle ne se souvenait que trop bien de l'effet que le venin de vampire avait eu sur elle. La sensation de bien-être euphorisante, la poussée d'adrénaline... et puis le manque, la fièvre, les tremblements. Si cette substance avait été mélangée à d'autres, elle n'osait imaginer les effets que cela produirait sur elle. Et ce n'était pas quelque chose qu'elle pouvait combattre. Elle resterait impuissante. Nott s'approcha d'elle. Marlene hurla, se débattit, mais il lui enfonça la seringue dans une veine et poussa le piston. Aussitôt, elle sentit son cœur s'emballer. Elle reconnaissait les premiers effets du venin. Mais la poussée d'adrénaline ne dura pas. Elle se sentit bientôt malade, nauséeuse, fiévreuse. La tête lui tourna, et elle se sentit basculer dans une sorte de demi-conscience.
Elle ne sentait plus son corps, ne voyait et n'entendait plus rien d'autre que des souvenirs défiler dans son esprit. Elle avait conscience que le temps passait, qu'elle n'aurait pas dû se trouver aussi longtemps dans cet état. Parfois, une petite voix intérieure lui criait de sortir de là. Mais c'était comme si son esprit était plongé dans de la mélasse. Revenir à elle était trop dur. Impossible.
Un jour, elle crut presque y parvenir. Elle était toujours aveugle, mais elle entendit ses geôliers discuter.
— Il y a quelque chose d'étrange qui revient sans cesse, disait Nott. Une note manuscrite.
— Une note ? railla Mulciber. À quoi ça nous avance ?
— Je crois que c'est celle qui comporte l'adresse des Potter. Je n'arrive pas à la lire à cause du sortilège de Fidelitas, mais son subconscient l'associe à un visage.
— Celui de Dumbledore ? demanda Travers.
— Justement. Non. C'est ce qui est étrange. Elle n'arrête pas de voir Sirius Black.
— Pourquoi ? s'étonna Mulciber.
Pourquoi ? se répéta Marlene. Pourquoi pensait-elle à Sirius lorsqu'elle songeait à cette note ? Elle se souvint de l'unique fois où elle l'avait eue sous les yeux. Elle se revit tracer du regard l'écriture de Dumbledore. Elle se remémora le bond minuscule que son cœur avait fait en voyant la courbe du « G » de Godric's Hollow, se rappela alors la pensée fugace qui lui avait traversé l'esprit...
Non. Non non non...
Elle ne pouvait pas laisser Nott accéder à cette pensée.
— Attendez un peu... fit Mulciber. Vous croyez que... les Potter auraient fait croire à tout le monde que le Gardien était Dumbledore alors qu'ils ont choisi Black ?
— C'est possible, concéda Nott. Il va falloir vérifier...
Non non non...
De nouveau, elle sentit l'intrusion désormais familière dans son esprit. Nott n'y resta pas longtemps.
— Ah, lâcha-t-il d'un ton satisfait. On dirait que nous avons mis le doigt sur quelque chose...
— Black, Gardien du Secret à la place de Dumbledore, se délecta Mulciber. Le Maître va adorer ça ! On sera sûrement récompensés... Peut-être qu'il me laissera la torturer !
— Mon travail n'est pas terminé, lui rappela Nott d'un ton tranchant. Mais il est certain que cette information va rendre les choses beaucoup plus aisées...
Pour la première fois depuis une éternité, Marlene retrouva conscience d'une partie de son corps et sentit les larmes couler sur ses joues. Elle venait de livrer un secret qu'elle n'avait même pas conscience de connaître. Son subconscient avait reconnu la patte de Sirius sur la note manuscrite. Elle venait de le mettre en danger.
Et elle ne pouvait rien faire pour le prévenir.
***
— Bonsoir, Peter.
Peter sursauta en entendant la voix de son Maître. Il attendait pourtant sa venue, mais il était certain qu'il ne s'habituerait jamais à son apparition.
Le Maitre lui avait donné rendez-vous dans une cabane abandonnée sur un îlot désert au milieu de la mer d'Irlande. Que voulait-il de lui, cette fois ? Il lui avait donné des informations sur Benjy Fenwick et sur Marlene et sa famille... Qui allait-il devoir trahir cette fois ?
— J'ai reçu de nouvelles informations, Peter. Et je dois admettre qu'elles m'ont beaucoup étonné. Je me demande si tu n'étais pas au courant.
— Au courant... au courant de quoi, Maître ?
— Albus Dumbledore n'est pas le Gardien du Secret des Potter. Il semblerait que le véritable Gardien soit Sirius Black. Mais ça, tu le savais peut-être déjà. Peut-être me l'avais-tu caché pour protéger tes amis...
Voldemort s'avança vers lui de son pas lent et glissant, comme un serpent prêt à attaquer.
— Je... Non ! s'écria Peter, terrifié. James ne m'a jamais dit... C'est mon meilleur ami, et il ne me l'a même pas dit !
Il ne savait plus s'il criait parce qu'il avait peur ou parce qu'il était en colère. Ses amis lui avaient caché beaucoup plus de choses qu'il ne l'avait imaginé...
Voldemort s'était immobilisé, un sourire froid aux lèvres.
— Je te crois, Peter. Je perçois ta colère, et je la comprends. Tes amis t'ont fait des cachoteries. Mais si tout se déroule comme prévu, tu auras l'opportunité de prendre ta revanche. Patience, Peter...
Sur ces paroles mystérieuses, Voldemort disparut.
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