Chapitre 21 - Amours contrariés
Remus s'efforçait de rester impassible pendant les réunions, mais cela devenait de plus en plus difficile. Chaque fois qu'il voyait Greyback se pencher sur Nina, humant son parfum comme une bête en chasse, il sentait les battements de son cœur s'accélérer dangereusement, menaçant de faire sortir son propre instinct animal.
— Bien, et maintenant, passons à l'attribution des nouvelles missions...
La déclaration de Greyback fut suivie d'un silence. Le loup-garou coula un regard vers Remus, qui su alors aussitôt ce qui allait se produire : l'heure du test était venue.
— Nina... Nous avons un petit problème avec un journaliste de La Gazette qui vient de publier un deuxième article à charge contre notre espèce. Il a déjà reçu un avertissement de notre part après son premier article, mais cela n'a pas suffi, semble-t-il... Je veux que tu le tue.
Remus se contraignit à ne pas réagir. Il se concentra sur sa respiration, fit de son mieux pour apaiser les battements de son cœur. Il sentit le regard de Greyback passer à nouveau sur lui mais continua à fixer un pan de mur devant lui. Greyback enchaîna alors sur les autres missions, et Remus se détendit : il avait réussi.
Le reste de la réunion se déroula sans encombre. Les sbires de Greyback quittèrent l'entrepôt un à un. Remus et les autres gardes partaient toujours les derniers. La salle se vida entièrement jusqu'à ne plus laisser que Greyback... et Nina.
Il l'avait retenue pour lui parler en tête à tête. Remus n'entendait pas ce qu'ils se disaient, mais le corps de Nina tout entier était tendu comme un ressort. À chaque fois qu'elle essayait de mettre de la distance entre eux, Greyback se rapprochait. Lorsqu'il plaça sa main sur sa taille, un verrou sauta dans l'esprit de Remus, qui se mit à trembler. Les autres gardes étaient partis. Sans réfléchir, il traversa l'entrepôt à pas vifs dans leur direction.
— Je te dois un verre, lança-t-il à Nina en guise de bouée de secours. On y va ?
Greyback ne se tourna même pas lui pour répondre d'une voix doucereuse :
— On est occupés, Lupin. Va donc boire ton verre tout seul.
Remus ne bougea pas. Greyback se tourna enfin vers lui et gronda :
— Tu es sourd ? Dégage !
— Tu devrais partir, intervint Nina en lui jetant un regard alarmé.
Lorsque Remus refusa à nouveau de bouger, Greyback se mit à sourire, découvrant ses dents jaunâtres.
— Pour qui te prends-tu, Lupin ? Pour un chevalier servant ? Nina n'a pas besoin d'être sauvée, elle veut être là, n'est-ce pas ?
Il tourna la tête vers Nina, qui opina prudemment du chef.
— On ne dirait pas, pourtant, lâcha finalement Remus.
Sans crier gare, Greyback empoigna Remus par le col et le projeta en arrière. Remus glissa sur quelques mètres, mais Greyback fut sur lui avant qu'il ait le temps de réfléchir. Il lui flanqua un coup de poing dans la mâchoire. La vision de Remus se brouilla et un goût métallique lui envahit la bouche.
— Il est temps que tu comprennes une chose une bonne fois pour toute, Lupin. Je suis ton MAÎTRE.
Il ponctua sa phrase d'un deuxième coup de poing. Des étoiles dansèrent devant les yeux de Remus, qui tenta de se défendre et de rendre le coup, mais Greyback évita son geste et lui donna un grand coup de griffe qui lui déchira la chemise et la peau. Remus réprima un grognement de douleur. Sa chemise était déjà trempée de sang. Greyback se mit à lui tourner autour alors qu'il tenait de se relever.
— Je t'ai créé, Lupin ! Oui, c'est moi qui t'ai mordu quand tu avais cinq ans ! Il est peut-être temps que tu le saches, pour que tu comprennes où est ta place : à mon service !
Remus savait déjà tout cela, mais la colère s'empara tout de même de lui. Un râle animal s'échappa de sa gorge. Greyback éclata d'un rire froid.
— On en pince pour la petite Nina, hein ? Elle aussi, elle est à moi.
Et, pour illustrer son propos, il attrapa Nina et l'embrassa de force. Celle-ci se tendit de tout son être, prise de court, esquissant un geste pour le repousser mais se ravisant à la dernière seconde. Lorsque Greyback la lâcha, elle porta une main à sa lèvre inférieure : il l'avait mordue. Remus n'arrivait pas à croire qu'il ait osé faire une chose pareille... Un nouveau grondement sourd s'échappa de sa gorge et il se rua sur Greyback. Mais ce dernier l'arrêta en plein course d'un autre coup de poing à l'estomac. Remus se tordit en deux, le souffle coupé. Greyback le saisit par le cou et le força à s'agenouiller.
— Voilà où est ta place. À mes pieds. C'est la dernière fois que tu défies mon autorité. Si tu veux rester parmi nous, ne t'avise plus jamais d'interférer entre moi et quiconque d'autre. C'est compris ?
Remus acquiesça d'un signe de tête. Malgré toute la colère et toute la haine qu'il ressentait à cet instant, il ne pouvait pas se permettre de perdre sa place au sein du clan de Greyback. Il devait continuer à pouvoir l'espionner pour le compte de Dumbledore.
— Bien.
Pour faire bonne mesure, Grayback lui donna un coup de genou dans le nez, qui explosa sous l'impact, puis le laissa s'écrouler par terre avant de prendre Nina par le poignet et de l'emmener à l'extérieur de l'entrepôt.
Remus resta un moment allongé sur le sol crasseux. C'était la deuxième fois qu'il se faisait casser la figure au point de pouvoir à peine remuer. Il rassembla enfin son courage pour se mettre debout avec un grognement de douleur puis tituba jusqu'à l'extérieur, laissant tomber des goutte de sang dans son sillage. Dès qu'il le put, il transplana.
Il s'écroula dans l'herbe devant le QG de l'Ordre. Il savait que Lily devait y passer la soirée comme veilleuse à la place de Peter, qui était malade. Rassemblant ses dernières forces, il traversa le parc jusqu'à la porte d'entrée. Il la referma derrière lui avec une grimace. Arabella avait déjà décoré le salon pour Noël. Lorsque Remus se manifesta d'un raclement de gorge, Lily se leva immédiatement du fauteuil où elle était lovée et se précipita vers lui :
— Remus ! Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Oh mon dieu, tu es couvert de sang !
Remus se laissa choir sur le canapé.
— Petite altercation avec Greyback, répondit-il d'une voix un peu nasillarde.
Il ne parvenait plus à respirer par le nez : celui-ci était cassé, de toute évidence, et ses narines étaient bouchées par du sang à moitié coagulé. Mais Lily s'intéressa d'abord à son torse. Elle déboutonna sa chemise et réprima une grimace en apercevant les trois profondes marques de griffure ensanglantées qui lui barraient la poitrine en diagonale.
— Il faut désinfecter ça tout de suite, déclara-t-elle.
Elle alla chercher ce dont elle avait besoin avant de redevenir vers lui et de tamponner ses blessures avec une compresse imprégnée de potion désinfectante.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-elle à nouveau pendant qu'elle s'affairait.
— C'était de ma faute. Je me suis mêlé de ce qui ne me regardait pas. Je l'ai mis en rogne.
— Ce n'est pas ton genre... Tu es plus prudent que ça, d'habitude...
— J'ai vu quelque chose qui m'a mis en colère... Je me suis senti obligé d'intervenir.
— Qu'est-ce que c'était ?
Remus hésita. Il n'avait encore jamais parlé de Nina à qui ce que ce soit. Mais il avait envie d'en parler, et qui de mieux que Lily, sa confidente, pour le faire ?
— Il y a une fille...
— Ah, répondit Lily avec un sourire. Je comprends mieux. Et cette fille... tu l'aimes bien ?
— Peut-être, oui, répondit Remus. Mais Greyback a des vues sur elle. Il l'a touchée sans son consentement, j'ai essayé de m'interposer... Et voilà le résultat.
— Comment s'appelle-t-elle ?
— Nina.
— Joli prénom. Est-ce qu'elle est aussi...
— De mauvais poil à chaque pleine lune ? Oui. Et je sens qu'elle va l'être même sans pleine lune, après ce que j'ai fait... Elle m'avait averti de ne pas jouer les chevaliers servants...
— Est-ce qu'elle sait que tu l'aimes bien ?
— Non... Je ne lui ai jamais dit... C'est un peu... compliqué. Nous étions partis d'un bon pied, tous les deux, mais Greyback a tout fait pour éviter qu'un lien se noue entre elle et moi, amical ou autre... Il nous a fait comprendre que seule notre loyauté à son égard comptait. Et Nina... elle fait partie de ses bras droits, maintenant, alors que moi, je ne suis qu'un laquais... On se parle à peine.
À ce moment-là, la porte d'entrée s'ouvrit sur Sirius, qui s'arrêta net dans le salon en voyant Lily et Remus.
— Par Merlin, qu'est-ce qui t'es arrivé ? s'exclama-t-il.
— Greyback, expliqua sommairement Remus.
— Il y a quelqu'un ? héla une autre voix.
Une tête était apparue dans les flammes de la cheminée : celle de Caradoc Dearbone.
— Le devoir m'appelle, fit Lily. Sirius, tu peux prendre le relais ? Il faut juste tamponner ça sur ses blessures... Je m'occuperai de ton nez juste après, Remus.
Lily confia la compresse et la bouteille de potion à Sirius avant d'aller s'entretenir avec Caradoc.
Sirius se mit à tamponner la peau de Remus, épongeant le sang par la même occasion.
— La vache, il ne t'a pas raté ! Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Simple petit désaccord entre lui et moi, éluda Remus.
Il n'avait pas envie de lui parler de Nina.
— Et toi, comment ça va ? demanda-t-il plutôt.
— Mieux que toi ! ironisa Sirius.
— Je voulais parler de...
— Je sais. Ça va. J'avais fait mon deuil de ma relation avec lui bien avant sa mort.
Sirius continua à tamponner le torse de Remus en silence. Lorsque ce dernier frémit, il suspendit son geste.
— Ça fait mal ?
— Au risque de passer pour une petite nature : oui.
Sirius éclata de rire.
— Je vais essayer d'être un peu plus délicat, alors...
Il imprégna la compresse d'une nouvelle rasade de potion et examina la poitrine de Remus pour repérer les dernières traces de sang à effacer. Au passage, il ne put s'empêcher de constater à quel point Remus avait pris du muscle depuis leurs années à l'école. Sirius se perdit un peu trop longtemps dans sa contemplation et, perturbé par ses propres pensées, s'empressa de se remettre au travail.
Lily fit son retour quelques minutes plus tard.
— Tout va bien ? demanda Remus.
— Oui, Caradoc me faisait juste un petit rapport. Je vais m'occuper de ce nez, maintenant.
Sirius s'écarta pour la laisser opérer. Avec, il devait l'avouer, un peu de regret.
Qu'était-il en train de se passer ? Pourquoi regardait-il Remus de cette façon, tout à coup ? Ils avaient passé des années ensemble dans le même dortoir – voir Remus torse nu n'avait rien de nouveau pour lui, et pourtant jamais de telles pensées ne lui avaient traversé l'esprit avant ce soir. Peut-être éprouvait-il tout simplement de la reconnaissance envers son ami : Remus ne l'avait pas jugé un seul instant en apprenant qu'il était attiré par les garçons. Beaucoup auraient été dégoûtés et auraient refusé qu'on les approche et qu'on les touche après avoir appris ce genre de chose.
Lorsque Lily eut terminé de remettre le nez de Remus en place et de panser ses blessures à la poitrine, qui mettraient un peu plus de temps à guérir dans la mesure où elles avaient été causées par un loup-garou, Sirius et Remus retournèrent à Londres – Sirius était simplement passé au QG pour déposer des documents pour Dumbledore. Marlene, qui était d'astreinte au bureau des Aurors, était absente. Sirius aida Remus à monter jusque sa chambre avant d'aller se coucher dans la sienne.
Il resta longtemps éveillé, cette nuit-là.
***
Remus se rendit à la réunion suivante du clan de Greyback comme si rien ne s'était produit. Son torse lacéré n'avait toujours pas cicatrisé et lui faisait un mal de chien, mais il prit son poste comme d'habitude. Greyback se contenta de l'ignorer, et Remus se contenta de ne pas réagir à chaque fois que Greyback s'approchait de Nina et posait ses sales pattes sur elle. Il ne montra rien de la rage intérieure qui bouillonnait en lui.
À la fin de la réunion, Nina lui glissa un autre message dans la poche avant de sortir de l'entrepôt, lui donnant à nouveau rendez-vous dans la forêt. Elle s'y trouvait déjà lorsqu'il la rejoignit.
— Je t'avais dit de ne pas essayer de me sauver ! s'exclama-t-elle aussitôt avec colère. Pourquoi est-ce que tu es intervenu ?
— Il n'aurait pas dû te toucher comme ça...
— Qu'est-ce que ça peut bien te faire ? Je t'ai déjà dit que ce n'était pas ton problème !
— Peut-être que ça l'est ! se défendit alors Remus. Peut-être que... peut-être que je t'aime bien !
Nina se calma soudain et reprit d'un ton radouci :
— Tu en es sûr ? Tu ne me connais pas, Remus. Pas tant que ça. Est-ce que tu veux être avec moi à cause de qui je suis, ou de ce que je suis ? Parce que tu « m'aimes bien », ou simplement parce que je suis lycanthrope, comme toi ?
Sa réflexion prit Remus de court. Nina avait-elle raison ? Était-il attiré par elle juste parce qu'elle partageait la même condition ?
— Je sais ce que ça fait, de se sentir rejeté par le reste du monde, poursuivit-elle. Je sais à quel point ça peut sembler plus facile de se tourner par défaut vers quelqu'un comme nous. Mais ça ne veut pas dire que c'est ce qu'il faut faire. Ce sentiment de solitude que tu ressens n'en sera pas effacé pour autant. On peut se sentir seul même en compagnie de quelqu'un. Et même si je voulais essayer... C'est impossible. Greyback ne le permettrait jamais.
Elle avait les larmes aux yeux, désormais.
— Alors s'il te plait, Remus, laisse tomber... Ça ne peut pas fonctionner. Je suis sûre que tu finiras par trouver quelqu'un de formidable, mais je ne suis pas cette personne...
Remus accusa le coup.
Et même si je voulais essayer... Ce qui signifiait qu'elle ne le voulait pas. Peu importe ce qu'il ressentait pour elle, ce n'était pas du tout réciproque.
Ce n'était pas la première fois qu'on le rejetait et qu'on lui disait qu'il trouverait mieux un jour. Il n'en éprouvait pas vraiment de la colère ; juste une tristesse immense mâtinée de désespoir. On avait beau lui répéter qu'il trouverait quelqu'un, il n'y croyait pas.
— D'accord, répondit Remus.
Il transplana.
Lorsqu'il rentra chez Sirius, il croisa ce dernier dans le couloir.
— Est-ce que ça va ? lui demanda-t-il d'un ton inquiet. Comment Greyback t'a accueilli ?
— En faisant comme si je n'existais pas. Ce qui n'est pas plus mal. Je vais aller me coucher... À demain...
Remus s'enferma dans sa chambre, se déshabilla et se glissa sous les couvertures.
Se sentant plus seul que jamais.
***
Sirius avait remarqué que Remus n'était pas dans son assiette depuis son altercation avec Greyback. Il ne savait toujours pas pourquoi cette altercation avait lieu, mais il avait décidé d'essayer de lui remonter le moral en organisant une fête de Noël chez lui la veille du réveillon. Un gramophone diffusait des chansons de Noël et la maison, décorée avec profusion, sentait bon le vin chaud et le pain d'épice. Mais Remus avait toujours la mine basse. Sirius avait remarqué qu'il ne souriait que lorsque quelqu'un le regardait ou lui parlait pour donner le change, mais son sourire s'effaçait dès qu'il pensait que personne ne lui prêtait attention. Il portait un regard empreint de mélancolie sur ceux qui l'entouraient, notamment sur Lily et James, qui semblaient plus heureux et complices que jamais. Sirius finit par se laisser tomber à côté de lui sur le canapé et se pencha pour lui murmurer à l'oreille :
— Est-ce que tu vas finir par me dire ce qui ne va pas ?
— Je vais bien, le rassura aussitôt Remus avec son sourire réflexe.
— Menteur.
— Je t'assure, ce n'est rien... C'est juste que...
Sirius garda les yeux rivés dans les siens, l'incitant à poursuivre. Remus se tourna vers Lily et James avant de répondre :
— J'imagine que je suis juste un peu envieux, acheva Remus. J'aimerais avoir ce qu'ils ont.
— Ça viendra...
— J'en doute.
Sirius fronça les sourcils. Il ne savait pas comment s'y prendre pour le réconforter. Ne savait pas quoi dire.
Tout ce qu'il trouva à faire, finalement, fut de poser une main sur la sienne pour lui imprimer une brève étreinte. Sirius s'attendait à ce qu'il soit surpris, gêné même peut-être, mais il se contenta de lui adresser un regard reconnaissant.
De l'autre côté de la pièce, Marlene n'avait rien raté de la scène.
***
Lorsque tous les invités eurent pris congé et que Sirius se retrouva seul avec Marlene dans leur chambre, celle-ci jeta un Assurdiato sur la porte et déclara :
— Il faut qu'on parle...
Elle s'assit sur le lit. Sirius s'installa à côté d'elle avec une pointe d'appréhension. Ce genre d'accroche ne présageait jamais rien de bon, et elle était surprenante dans la bouche de Marlene.
— Est-ce qu'il se passe quelque chose entre Remus et toi ? Je ne serai pas en colère si c'est le cas, je veux juste savoir...
— Quoi ? se récria Sirius. Non, il ne se passe rien du tout...
— Alors tu n'éprouves pas du tout d'attirance pour lui ? J'ai vu comment tu le regardes, ces derniers temps... J'ai l'impression que quelque chose a changé...
Sirius écarquilla les yeux, surpris. Était-il aussi transparent ? Quelqu'un d'autre que Marlene avait-il remarqué sa façon d'interagir avec Remus ? Marlene lut dans ses pensées :
— Je ne pense pas que quelqu'un d'autre ait remarqué quoi que ce soit. C'est juste que... on vit tous les trois sous le même toit, et je te connais bien. Or cette façon que tu as de le regarder... C'est de cette façon-là que tu me regardes.
— Je ne...
Il était inutile de nier – ce serait insulter l'intelligence de Marlene, et il voulait se montrer honnête envers elle. Il chercha une façon d'exprimer ce qu'il ressentait, de démêler l'écheveau de ses pensées.
— Peut-être que je le regarde différemment depuis quelques semaines, oui, admit-il. Mais ça ne veut pas dire que je ne t'aime plus...
— Je sais, sourit Marlene. Mais je sais aussi que tu as toujours été attiré par les filles ET par les garçons. Et je ne voudrais pas que tu te sentes... limité par ta relation avec moi.
— Je ne me sens pas limité du tout ! Cette attirance envers Remus, elle est aussi subite que passagère, j'en suis sûr...
— Et si ce n'est pas le cas ? Si jamais ça se transformait en quelque chose de plus profond ?
— Ça n'arrivera pas.
— Ça, tu n'en sais rien...
— Il y a encore quelques années, je pensais que j'étais incapable de tomber amoureux, s'esclaffa Sirius. Et maintenant, je serais capable d'aimer deux personnes à la fois ?
— C'est possible, répondit Marlene avec un simple haussement d'épaules.
— Ce n'est pas parce que je suis bisexuel que je dois commencer à sortir avec plusieurs personnes en même temps... Il me semble même que ce serait un sacré cliché...
— Ça ne me dérangerait pas...
Sirius contempla Marlene avec étonnement.
— Il faudrait établir quelques règles, bien sûr, mais si ça peut te permettre de vivre ce que tu as à vivre sans frustration, je n'y suis pas fermée...
— Pas fermée à un couple ouvert ?
Sa tentative de plaisanterie tomba à plat. Marlene avait l'air très sérieuse.
— Tu serais vraiment partante pour ce genre de chose ?
Marlene acquiesça.
— Et toi ? demanda Sirius, curieux malgré lui. Tu as quelqu'un d'autre en vue ? Parce que si j'ai le droit d'aller voir ailleurs, alors toi aussi...
— Non, je n'ai personne d'autre en vue.
— Ça m'étonnerait vraiment qu'il se passe quoi que ce soit avec Remus, tu sais. Aux dernières nouvelles, il n'aime que les filles. Mais admettons. De quel genre de règles parlerait-on ?
— D'abord, il faut qu'on communique. Que l'on se tienne au courant de ce qu'il se passe, que l'on parle systématiquement de nos intentions avant de passer à l'acte. Pour que ça marche, on doit tout se dire, ne rien se cacher. Si tu tombes amoureux, j'aurai besoin de le savoir. Il faut aussi poser certaines limites. C'est d'autant plus important qu'on vit sous le même toit... Rien ne doit se passer dans cette chambre. Cette pièce, ce lit, ça doit rester un lieu intime pour nous deux et pour nous seuls.
— Tu as vraiment réfléchi à tout ça...
— Si tu as d'autres idées...
Sirius hocha la tête. Lui n'avait pas eu le temps de penser à ce genre de choses. Marlene ne cessait de le surprendre, mais cette idée de couple ouvert le laissait encore sceptique. Il avait commencé à la fréquenter lorsqu'elle était encore avec son ex et à l'époque, il avait su s'en contenter. Il n'était pas du genre jaloux, mais il n'avait aucune idée de la façon dont il réagirait si elle lui disait qu'elle voyait quelqu'un d'autre en même temps que lui. Peut-être qu'elle lui avait fait cette proposition parce qu'elle aussi avait envie d'aller voir ailleurs, même s'il n'y avait jamais pensé. Étaient-ils devenus... ennuyeux ? L'excitation des premières fois et des instants volés dans les couloirs de Poudlard était loin derrière eux, mais Sirius aimait toujours autant leur relation, même si elle avait un peu changé, s'était stabilisée à l'épreuve du quotidien, de la routine, de leurs obligations respectives... Mais peut-être que Marlene ne voyait pas les choses sous le même angle. Peut-être avait-elle besoin d'épicer un peu leur vie. Il n'osait pas poser la question. Elle avait dit n'avoir personne en vue... pour l'instant.
Quant à lui... Certes, il était attiré par Remus, mais comme il l'avait souligné, c'était sans doute juste une lubie temporaire, et il y avait de toute façon peu de chances pour que ce soit réciproque. D'ailleurs, même si par miracle, ça l'était, Remus était un de ses meilleurs amis, et il ne voulait pas gâcher leur relation.
— Prends le temps d'y réfléchir, rien ne presse, ajouta Marlene en lui déposant un baiser sur la tempe avant de se glisser dans le lit.
***
La proposition de Marlene donna du grain à moudre à Sirius les jours qui suivirent. Remus s'absenta pour passer Noël avec ses parents, mais lorsqu'il fit son retour, il avait l'air toujours aussi triste qu'avant. Sirius n'osait pas essayer de le réconforter ; il craignait désormais de le toucher, craignait d'en vouloir plus.
Deux jours avant le Nouvel An, alors que Sirius et Remus se trouvaient seuls dans le salon, Remus lâcha une exclamation de stupeur alors qu'il lisait La Gazette.
— Qu'est-ce qu'il y a ? s'alarma Sirius.
Remus le regarda avec un air contrit.
— Je suis désolé, Sirius...
Sirius laissa de côté la partition qu'il était en train de composer, se leva et s'empara du journal que lui tendit Remus. Il était ouvert sur la section nécrologie.
La famille Black a le regret de vous faire part du décès de :
ORION BLACK
Sirius rendit le journal à Remus.
— Ne sois pas désolé, répliqua-t-il d'un ton dur. Cet homme ne manquera à personne.
Mais au lieu de retourner vaquer à ses occupations, Sirius quitta la pièce et alla s'enfermer dans sa chambre. Il résista à l'envie de donner un coup de pied dans quelque chose. Son père était sans doute déjà mort depuis des jours. Si Remus n'avait pas trouvé la nécrologie, il ne l'aurait peut-être pas su pendant des jours encore. Et il apprenait la nouvelle dans le journal.
Pourquoi était-il si perturbé ? Il avait coupé les ponts avant son père depuis des années. Orion Black n'avait toujours été qu'un lâche qui n'était jamais intervenu lorsque sa mère le frappait. Et pourtant, la nouvelle de sa mort le touchait plus qu'il ne l'avait imaginé – moins que celle de Regulus, mais tout de même...
La voix étouffée de Remus lui parvint depuis l'autre côté de la porte.
— Sirius ? Est-ce que ça va ?
Sirius se composa un air indifférent et ouvrit la porte.
— Oui, bien sûr, lança-t-il.
Mais Remus dut voir à travers son masque d'indifférence, car sans mot dire, il s'approcha de lui pour l'étreindre. Sirius n'osa plus bouger.
Puis Remus le relâcha, lui adressa un sourire et s'éloigna en direction de sa chambre.
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