Chapitre 10 - Le Bal de Noël
Regulus piquait du nez. Il se réveilla en sursaut au moment où le livre qu'il lisait encore quelques minutes auparavant lui échappait des mains et le rattrapa avant qu'il ne glisse à terre. Sur le canapé d'en face, Barty s'était endormi lui aussi. Regulus l'observa à la lueur des flammes qui brûlaient toujours dans l'âtre de la cheminée. Plongé dans le sommeil, les traits de son visage s'adoucissaient, le pli contrarié qui lui barrait souvent le front entre les sourcils disparaissait.
Regulus consulta sa montre. Il était plus de trois heures du matin. Ce ne serait pas la première fois qu'il passerait la nuit dans la Bibliothèque Noire.
Regulus l'avait découverte tout à fait par hasard au cours de sa cinquième année, alors qu'il ressassait sa frustration de ne pas trouver ce qu'il voulait dans la Réserve de la bibliothèque officielle de Poudlard. Si Slughorn lui accordait volontiers des autorisations pour lui permettre d'accéder à la Réserve, c'était peut-être parce qu'il savait que Dumbledore avait vidé la Réserve en question de ses livres les plus dangereux, comme Regulus l'avait appris au détour d'une conversation avec Mme Pince.
Il faisait des allers-retours devant la tapisserie de Barnabas le Follet tentant d'apprendre la danse classique à des trolls lorsque la porte de la Bibliothèque Noire lui était apparue. Il avait ardemment souhaité découvrir un endroit tel que celui-ci caché dans Poudlard, et son vœu avait été exaucé. Il y avait de quoi croire au destin.
La Bibliothèque Noire était une vaste salle dont les murs tapissés d'étagères du sol au plafond présentaient une impressionnante collection de livres de magie avancée en tous genres, y compris de magie noire. Des livres bien plus sérieux que ce que l'on trouvait dans la Réserve. Un coin de la pièce accueillait une espèce de salon très confortable avec des canapés et des fauteuils couleur vert bouteille disposés autour d'une table basse et faisant face à une cheminée. D'épais tapis moelleux recouvraient le sol. Curieusement, c'était ainsi que Regulus avait toujours imaginé son futur salon, dans sa future demeure. L'atmosphère de la Bibliothèque Noire évoquait vaguement celle de la salle commune de Serpentard, en plus chaleureux. Regulus avait passé des nuits entières à dévorer les livres de la Bibliothèque, savourant ce secret qui n'appartenait qu'à lui. Secret qu'il avait fini par partager avec Bartemius Croupton Junior.
Les deux adolescents s'étaient souvent retrouvés dans la Bibliothèque noire au cours des deux années écoulées. Regulus s'était longtemps servi de la salle pour donner des cours de magie noire particuliers à Barty, mais depuis quelques semaines, leurs cours s'étaient changés en séances de lecture. Regulus n'avait plus grand-chose à apprendre à Barty. Désormais sur un pied d'égalité, ils passaient de longues soirées à lire chacun de leur côté, faisant part de leurs découvertes les plus intéressantes, dans une ambiance d'émulation.
Barty changea de position et ouvrit les yeux. Il s'étira, étouffa un bâillement et reprit le livre tombé sur sa poitrine.
— J'ai dormi combien de temps ? demanda-t-il, le pli contrarié entre ses sourcils faisant aussitôt sa réapparition.
— Une petite heure, répondit Regulus. Je crois qu'il est temps de laisser tomber pour ce soir.
— Tu veux retourner dans ta salle commune ?
— Pour quoi faire ? Ces canapés sont très confortables, je pense qu'on a eu le temps de s'en rendre compte... Et puis, je préfère ta compagnie à celle de mes camarades de dortoir. Toi, au moins, tu ne ronfles pas.
— J'espère que ce n'est pas la seule raison qui te pousse à préférer ma compagnie à celle des idiots qui te servent de camarades.
— Tu ne les aimes vraiment pas, hein ? fit Regulus avec un sourire en coin.
— Je n'aime personne, répliqua Barty.
L'espace d'un instant, ses yeux glissèrent sur Regulus comme s'il s'apprêtait à ajouter quelque chose, mais il n'en fit rien. Regulus demeura songeur. Il avait remarqué que quelque chose avait changé entre eux, dernièrement. Une certaine tension avait fait son apparition, de plus en plus palpable à mesure que les semaines s'égrenaient. Regulus était curieux de savoir ce qu'il se passerait lorsque cette tension attendrait son paroxysme et finirait par exploser. Il se rassit correctement sur le canapé et s'y enfonça confortablement, les jambes croisées, un bras sur le dossier.
— Je n'arrive pas à croire que les vacances de Noël arrivent déjà demain, ajouta-t-il. Le temps passe si vite.
Comme prévu, la réaction de Barty ne se fit pas attendre. Il se redressa également en position assise en bougonnant :
— J'ai déjà envie de vomir rien qu'à l'idée de voir la tête de mon père.
— Au moins, tu pourras à nouveau fouiner dans son bureau. Tu serviras à nouveau le Seigneur des Ténèbres en le tenant au courant de ses affaires courantes.
— J'aimerais tant pouvoir le rencontrer...
— Pas tout de suite. Tu sais bien qu'il veut d'abord que tu sois majeur pour rentrer dans ses rangs.
— Tu ne l'étais pas encore, toi ! Tu as reçu la Marque à seize ans.
— C'est différent. Je suis un Black. Ma famille soutient ouvertement la cause des sangs-pur. Ma cousine Bellatrix s'est porté garante de moi et le Seigneur des Ténèbres voulait justement quelqu'un pour agir à son compte à Poudlard.
— Pour repérer ceux qu'il pourrait recruter. Et tu m'as repéré moi. Seulement moi.
— Le Seigneur des Ténèbres est satisfait. Tu es un Sang-Pur dont la famille est très haut placée qui peut espionner pour notre camp. À ses yeux, je ne pouvais pas trouver mieux, même si je n'ai recruté que toi.
— Et aux tiens ? demanda soudain Barty. Tu pouvais trouver mieux ?
La tension entre eux était revenue. Regulus mesura sa réponse.
— Je ne pense pas, non.
— Pourquoi ?
— Parce que tu es brillant. Toi et moi, on sera rois. Quand on sera sortis de Poudlard, on construira un nouveau monde ensemble grâce au Seigneur des Ténèbres. On sortira le monde magique de la clandestinité, on gouvernera les Moldus comme on le devrait. Pas seulement parce qu'on est des Sang-Purs, mais parce que tout être magique est supérieur aux Moldus. Des gens sans magie, sans pouvoir ne devraient pas nous forcer à rester cachés. Le monde nous appartient.
— Toi et moi ? répéta Barty d'un ton prudent. Ensemble ?
Regulus se leva et, lentement, se rassit à côté de Barty.
— Tu pensais que tu allais te débarrasser de moi aussi facilement ? dit-il avec un sourire en coin, la tête penchée vers celle de Barty.
Puis soudain, la tension explosa. Barty franchit les derniers centimètres qui les séparaient et embrassa Regulus. Ce dernier y répondit avec fougue.
Le garçon aux cheveux noirs et le garçon aux cheveux de paille s'abandonnèrent alors l'un à l'autre.
***
— C'est vraiment nécessaire ? cria la voix de Lily depuis l'étage. C'est extrêmement inconfortable !
— Oui ! répondit sa mère. Allez, descends, je veux te voir !
— Et puis, tu viens de passer trois heures à te préparer, ce serait dommage de ne pas voir le résultat ! renchérit son père.
— En plus, si tu descends, tu auras le privilège de me voir, ajouta James. Je ne veux pas me vanter, mais j'ai l'air absolument éblouissant dans cette tenue.
— Oui, je sens d'ici ton humilité ! ironisa Lily. Bon, très bien, je descends...
Ses pas résonnèrent à l'étage, puis elle apparut au sommet des escaliers. James en resta coi. Elle était tout simplement sublime. Elle portait une robe en soie dorée par-dessus un corset et des jupons assortis. Un ruban délicat ornait son cou et ses cheveux roux bouclés rassemblés en un chignon laissaient échapper quelques mèches qui s'enroulaient sur son épaule.
— Oh, ma chérie, tu es magnifique ! s'exclama sa mère. Lily descendit les escaliers avec un air gêné et s'arrêta devant James, qui lui fit une courbette et un baisemain.
— Ma demoiselle... Vous êtes magnifique.
— Vous n'êtes pas mal non plus, mon cher, répondit-elle avec un sourire.
James portait une robe en brocart bleue sur une chemise à jabot, des culottes serrées au dessus des genoux et des bas de soie. Il portait une perruque de la même couleur que ses cheveux noir de jais en catogan.
— Je crois que nous sommes prêts, déclara-t-il. La touche finale...
Il saisit les deux masques posés sur la table. Lily s'empara du sien avec un frisson de dégoût en repensant au masque maudit qui avait coûté la vie à son patient.
— Passez une bonne soirée, tous les deux ! fit Mme Evans en les accompagnant à la porte.
— Hors de question qu'on sorte dans la rue comme ça ! s'exclama Lily. On met la cape. Comme ça, en plus, on pourra transplaner directement devant la maison sans risque d'être vus.
La maison des parents de Lily étant protégée par magie depuis plusieurs mois désormais, il n'était plus possible de transplaner depuis le jardin. Il n'était pas non plus possible de se rendre au Ministère en cheminée, celle des Evans n'ayant pas la possibilité d'être raccordée au réseau sans autorisation spéciale. Ils auraient pu partir depuis la cheminée des Potter, mais les parents de Lily avaient insisté pour la voir en costume.
— D'accord, d'accord ! consentit James.
James extirpa sa cape d'invisibilité de sa robe et la jeta par-dessus eux.
— Vraiment incroyable ! commenta Mr Evans d'un ton ravi en les voyant disparaître. Je ne m'y habituerai jamais !
James et Lily saluèrent les Evans avant de sortir. Ils transplanèrent aussitôt devant la porte, réapparurent dans une rue de Londres et empruntèrent la cabine téléphonique qui servait d'entrée aux visiteurs. Une fois dans l'atrium, où avait lieu le bal, ils découvrirent une mer de sorciers et de sorcières en costume d'époque, qui portaient leur masque ou les tenaient à la main. Un orchestre jouait de la musique sur une estrade circulaire dressée autour de la fontaine et d'immenses buffets ainsi que des tables rondes se dressaient le long des murs. Au centre de l'atrium, une piste de danse avait été dégagée. Quelques couples avertis dansaient le menuet. James et Lily louvoyèrent entre les invités pour tenter de repérer leurs amis. Sur leur passage, ils surprirent diverses bribes de conversation qui se rapportaient presque toutes au même sujet.
« Je n'arrive pas à croire que Croupton ait fait pencher la balance en faveur de la perpétuité. »
« Ce n'est pas qu'une rumeur, une de mes connaissances au Magenmagot m'a dit que Croupton était comme fou. Il s'est acharné sur ce pauvre homme. Certes, Caldwell a fait usage de la magie noire et a tué un innocent, mais méritait-il vraiment d'être traité comme le pire des Mangemorts ? Alors qu'il venait juste de perdre sa fille ? »
« Même Dumbledore n'a rien pu faire. Le vote a été serré, mais au final, c'est la perpétuité qui l'a emporté. »
« Ce procès a été si vite expédié ! »
Le procès de Stephen Caldwell était sur toutes les bouches. La nouvelle de sa condamnation avait défrayé la chronique. Une caricature de Croupton, les yeux exorbités et la bave aux lèvres dans un air de fureur frôlant la folie avait paru dans la Gazette quelques jours après le premier article sur le sujet, alimentant encore la polémique. L'opinion publique estimait que le Directeur du Département de la Justice, qui siégeait au Magenmagot, avait en effet fait preuve de trop de zèle et d'impatience lors du procès. Dumbledore, qui présidait le Magenmagot, avait essayé de réduire la peine du condamné, mais sa plaidoirie n'avait pas autant fait mouche que celle de Croupton.
— Regarde, voilà Marlene et Sirius ! s'exclama soudain Lily.
Marlene portait une magnifique robe rose pâle et tenait à la main un masque doté d'une plume impressionnante. Ses cheveux bruns étaient relevés en un chignon complexe serti de perles. Sirius portait du velours vert. Ses cheveux étaient suffisamment longs pour qu'il puisse les porter en catogan sans se soucier de devoir porter une perruque.
— Devinez qui se trouve parmi les invités ce soir, dit-il sombrement en désignant un couple du menton.
L'homme portait un catogan blond qui semblait aussi naturel que celui de Sirius. La jeune femme qui l'accompagnait avait également les cheveux blonds. Ils tenaient leurs masques à la main, discutant avec un autre couple.
— Ma chère cousine Narcissa et son mari Lucius Malefoy.
L'Ordre savait que Lucius était impliqué chez les Mangemorts.
— Il va falloir les garder à l'œil, ce soir, ajouta une autre voix.
Gideon Prewett s'était glissé parmi eux.
— Eux, et le reste de la fine équipe, renchérit Frank en s'ajoutant à leur petit groupe, accompagné d'Alice. J'ai déjà repéré Mulciber Senior.
— Où est ton rencard ? demanda James à Gideon.
— Je ne suis pas son rencard, répliqua Dorcas Meadowes en apparaissant auprès d'eux. Techniquement, c'est lui qui m'accompagne, puisque c'est moi l'employée du Ministère.
Dorcas était Langue-de-Plomb au Département des Mystères. Personne ne savait vraiment ce qu'elle y faisait, même les membres de l'Ordre. Sauf peut-être Dumbledore.
— J'aurais été invité, si je n'avais pas démissionné de mon poste de brigadier pour travailler pour l'Ordre à plein temps, répondit Gideon.
— Fabian n'est pas trop déçu de rater le bal ? demanda Marlene.
— Oh que si, s'esclaffa son frère.
— Et ta sœur et son mari, ils ne viennent pas ce soir ? lui demanda Lily. Arthur travaille au Ministère, non ?
— Tu sembles oublier les cinq marmots qu'ils ont à la maison, répondit Gideon avec un sourire. Tante Muriel refuse catégoriquement de les garder. Les jumeaux sont déjà de vraies terreurs. Je suis certain qu'ils marcheront très vite dans les pas de leurs oncles. De toute façon, je crois que Molly préfère passer la soirée avec sa famille plutôt qu'ici. Bonsoir, Emmeline !
James sursauta. Emmeline s'était approchée par derrière de manière si discrète qu'il ne l'avait pas entendue.
— Tu es pire qu'un chat ! s'exclama-t-il.
— Merci, répondit Emmeline avec un sourire en coin. Amanda Porter et Clarence Miller ont fait leur apparition, ainsi que le Ministre.
— Bien, il est temps de se fondre dans la foule pour garder un œil sur tout ce petit monde, fit Alice. À plus tard.
Le groupe se sépara en paires : James et Lily, Sirius et Marlene, Alice et Frank, Dorcas et Gideon. Emmeline était la seule à mener cette mission sans partenaire.
James et Lily se dirigèrent vers le buffet près duquel Amanda Porter se tenait. Lily eut la surprise de reconnaître l'homme à qui elle parlait : ce n'était nulle autre qu'Helbert Spleen, le mentor de Lily. Ce dernier eut tôt fait de l'apercevoir et de l'inviter à se joindre à la discussion. James en profita pour embrasser l'atrium du regard, observant les faits et gestes des invités. Il surprit alors un homme d'une vingtaine d'années à quelques mètres de là, occupé à dévorer Lily des yeux. Ne pouvant résister à la tentation, James s'approcha de l'homme.
— Vous l'avez remarquée aussi, n'est-ce-pas ? dit-il. Celle avec les cheveux roux ?
L'homme se mit à rougir.
— Je vous parie cinq Mornilles que je peux lui voler un baiser sans me pendre une gifle, poursuivit James.
— Oh, vraiment ? répondit l'homme, peu convaincu.
— Alors ? Pari tenu ?
— Très bien.
L'homme haussa un sourcil perplexe alors que James s'approchait de Lily. James déposa un bref baiser sur les lèvres de sa petite-amie, qui parut surprise et fronça les sourcils, l'air de dire « Pas devant mon mentor ! », avant de retourner à sa conversation. James s'esquiva et retourna auprès de l'homme sidéré, qui sortit cinq Mornilles de la poche de sa robe et lui tendit à James avec mauvaise grâce avant de s'éloigner. Fier de sa petite blague idiote, James retourna auprès de Lily d'un air triomphant.
— Qu'est-ce que tu fabriques ? murmura-t-elle.
— Rien, répondit James avec un sourire.
***
Sirius et Marlene s'étaient mêlés à un groupe de sorciers qui débattaient sur le récent procès de Caldwell, mais aucun des deux ne participait à la conversation, n'étant là que pour une raison : Clarence Miller se trouvait parmi eux. La tête ailleurs, Sirius observait le reste du bal lorsqu'il vit passer deux hommes sans leur masque qui se dirigeaient vers les toilettes. Ils ne les avait jamais vus, mais un détail particulier attira son attention.
— Je peux te laisser quelques minutes ? murmura-t-il à l'oreille de Marlene. Toilettes.
Marlene acquiesça. Sirius suivit les deux hommes, qui firent leur petite affaire. Sirius ouvrit un robinet et se passa les mains sous l'eau, attendant que les deux hommes fassent de même. Lorsqu'ils furent devant les lavabos, Sirius s'adressa à eux, interrompant leur conversation.
— On se connaît, non ? lança-t-il d'un ton badin.
— Je ne crois pas, répliqua l'un des deux hommes, le front plissé.
Tout comme son camarade, il était étrangement dépourvu de sourcils.
— Je crois que si, insista Sirius en se séchant les mains. Vous étiez à la Coupe du Monde de Quidditch 1970, je me trompe ?
— Euh... oui. Tu as bonne mémoire, gamin. Tu ne devais pas être bien âgé, à cette époque.
— Oh, je ne m'y trouvais pas. Mais une amie à moi, si.
Il s'approcha tranquillement des deux hommes.
— C'est la sœur de la petite fille qui vous a cramé les sourcils. Ça vous dit quelque chose ?
Les deux hommes reculèrent, méfiants.
— Je dois avouer qu'elle a fait du bon travail, ricana Sirius. Ça n'a vraiment jamais repoussé ? Même avec des potions ?
Sa moquerie eut l'effet escompté : provoqué, un des deux hommes fit un pas vers Sirius, l'air hargneux et menaçant. Sirius fit glisser sa baguette hors de sa manche et la pointa sous le menton de l'homme. Il ne souriait plus.
— Voilà ce que vous allez faire. Vous allez quitter cette charmante soirée tout de suite et rentrer chez vous. Je ne tiens pas à ce que mon amie voit vos sales tronches. Je veux qu'elle passe un bon moment, or vous apercevoir et se souvenir de vous risque de lui gâcher la soirée.
— Tu es seul contre deux. Tu penses vraiment pouvoir nous intimider ? grogna l'autre homme en sortant sa baguette.
Sirius décolla sa baguette du menton du premier homme pour lancer un Sortilège de Désarmement à son acolyte d'un geste si vif qu'il eut le temps d'attraper sa baguette au vol et de tenir les deux hommes en joue avec les deux baguettes avant qu'ils aient pu faire le moindre geste.
— Fichez le camp, ordonna Sirius.
Les deux hommes reculèrent vers la sortie. Sirius fit rouler la baguette de l'homme à ses pieds pour la lui rendre. Il se baissa pour la récupérer. L'espace d'un instant, Sirius crut que l'un des deux allait tenter sa chance, mais ils s'éloignèrent sans demander leur reste. Sirius s'assura qu'ils empruntaient une cheminée pour quitter le bal. Satisfait, il retourna auprès de Marlene.
Elle ne voulait peut-être pas céder à la vengeance, mais Sirius pouvait bien se venger pour elle.
***
— Rien à signaler ? murmura Lily en se servant un verre de Bièraubeurre.
Emmeline hocha la tête.
— Rien pour le moment.
Son regard se posa sur Gideon et Dorcas, qui discutaient joyeusement avec James. Amanda Porter se trouvait à proximité. Lucius Malefoy ne se trouvait pas très loin non plus, accompagné de sa femme. Il jouait distraitement avec la bague qu'il portait à l'index droit, visiblement peu intéressé par la conversation du groupe de sorciers parmi lequel il se trouvait.
— Au moins, ils arrivent à s'amuser, commenta Lily en désignant James, Gideon et Dorcas du menton. Moi, je suis tellement stressée qu'il se passe quelque chose que je n'ai rien réussi à avaler. Ces petits fours ont l'air appétissant, pourtant.
— Dorcas et Gideon arrivent toujours à s'amuser, répliqua Emmeline avec un sourire. Et je n'ai jamais vu Dorcas perdre l'appétit pour quelque raison que ce soit.
— James est du même acabit, répondit Lily.
Elle regarda Lucius et Narcissa Malefoy prendre congé du groupe de sorciers et passer devant celui de James. Les yeux de Lily cherchèrent ensuite le reste de leurs amis. Sirius et Marlene se trouvaient toujours à proximité de Clarence Miller. Frank et Alice surveillaient Ebenezer Mulciber et sa femme, Ursula. Soudain, Mulciber Junior fit son apparition. Lily vit Alice se crisper et faire un pas vers lui. Frank lui attrapa la main, empêchant sa petite-amie d'aller plus loin. Rien d'étonnant à la réaction d'Alice : Lily éprouvait la même fureur qu'elle à la vue de Mulciber, qui avait fait tant de mal à Mary Macdonald, la meilleure amie de Lily à Poudlard, et encore plus à Grace Fawley, la meilleure amie de Marlene et la cousine d'Alice.
Comme s'il avait senti la colère de Lily à travers la pièce, Mulciber vrilla ses yeux dans les siens. Il leva alors le verre qu'il tenait à la main dans sa direction comme pour lui porter un toast, sourire aux lèvres.
— Lily...
Trop concentrée sur Mulciber et la haine qu'elle éprouvait à son égard, Lily n'entendit pas immédiatement l'once d'inquiétude qui s'était glissée dans la voix d'Emmeline.
— Lily ! la pressa-t-elle à nouveau. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond...
Lily s'arracha enfin à la vision de Mulciber et suivit le regard d'Emmeline. Amanda Porter avait porté les mains à sa gorge, comme si elle s'étranglait sur quelque chose. Son teint avait viré au bleu. Dorcas lui donnait de grandes tapes dans le dos pendant que James et Gideon demandaient à la foule de s'écarter pour lui laisser de l'air, mais rien n'y faisait. Lily se précipita vers eux. En apercevant les lèvres violettes veinées de noir d'Amanda, Lily fouilla dans une poche secrète cousue dans son costume et en extirpa un bézoar, qu'elle enfonça aussitôt dans la gorge d'Amanda. Cette dernière se mit à écumer, puis s'immobilisa, les yeux grands ouverts.
Après quelques secondes terrifiantes, elle aspira enfin une grande goulée d'air. Lily poussa un soupir de soulagement.
— Elle va bien ? demanda James tandis que Gideon s'occupait de prévenir les Médicomages.
— Oui, répondit Lily. Mais il s'en est fallu de peu. Elle a été empoisonnée.
— Comment ? s'étonna James. On a glissé quelque chose dans son verre ?
Lily leva les yeux vers la foule, qui se tenait toujours à l'écart mais à l'affut. Elle aperçut alors Lucius Malefoy, qui tenait sa femme par la main.
Une main dépourvue du moindre bijou.
En croisant le regard de Lily, Malefoy emmena sa femme loin de la foule.
Lily déchira alors la manche de la robe d'Amanda jusqu'à son épaule, où elle découvrit ce qu'elle cherchait.
Une minuscule marque de piqûre, autour de laquelle s'étalait un réseau de veines noircies par le poison.
— C'était Lucius Malefoy, murmura Lily à l'attention de James. Il portait une bague, tout à l'heure, et il ne l'a plus. La bague devait dissimuler une aiguille trempée dans du poison. Il a dû piquer Amanda avec en passant à côté de vous, tout à l'heure, puis se débarrasser de la bague.
— Bien, on racontera ça à Dumbledore. Mais gardons-nous d'impliquer Malefoy devant les Médicomages et les Guérisseurs. On ne retrouvera sûrement pas la bague, et on ne peut pas accuser Malefoy sans preuves. Notre témoignage ne suffira pas. Il a le Ministère dans la poche.
— Une chance que Dumbledore s'attendait à un coup fourré de ce genre et que nous portions tous un bézoar en cas de pépin, soupira Lily.
— Une chance que tu aies été aussi réactive, répliqua James. Comment tu as su que c'était du poison ? Je pensais simplement qu'elle s'étranglait.
— Les vaisseaux sanguins de ses lèvres avaient viré au noir, répondit Lily. C'est courant, en cas d'empoisonnement.
Les Médicomages apparurent pour prendre le relai. Lily leur raconta ce qu'il s'était passé – en laissant Malefoy en dehors de l'histoire, prétendant ne pas savoir ce qui avait déclenché tout cela – et ils félicitèrent Lily pour sa présence d'esprit, non sans se demander pourquoi elle avait un bézoar sur elle en pareille occasion. Lily répondit simplement que les temps n'étaient pas sûrs et qu'elle préférait prévenir que guérir – ou plutôt mourir. Dans le contexte de l'affaire du masque maudit et des meurtres mystérieux qui avaient lieu régulièrement, l'excuse sembla convenir aux Médicomages.
Amanda Porter fut emmenée à Ste Mangouste, ce qui sonna le glas du bal plus tôt que prévu. Les organisateurs prièrent les invités de faire des files ordonnées devant les cheminées de l'atrium afin de rentrer chez eux. Lily, James, Sirius et Marlene patientèrent dans la même file. Ils virent Lucius Malefoy, dans la file voisine, leur jeter un dernier regard avant de disparaître dans un tourbillon de flammes vertes avec sa femme.
— Je n'arrive pas à croire qu'il va sûrement s'en tirer, marmonna Lily.
— Ce ne serait pas le premier qui vous file entre les doigts, répliqua une voix goguenarde.
Lily, James, Sirius et Marlene se retournèrent. Mulciber Junior se tenait juste derrière eux, seul. À l'instar d'Alice un peu plus tôt, Marlene fit un pas vers lui. Tout comme Frank, Sirius la retint. Mais Marlene n'avait pas dit son dernier mot.
— Un jour, tu paieras pour tout ce que tu as fait, Mulciber. Et cette fois, papa et maman ne seront pas là pour te sauver la mise.
Son ego piqué, Mulciber perdit son sourire.
— Je n'ai pas besoin de mes parents pour me défendre. Et ne t'avise pas de me menacer, espèce de sale fille de Cracmols. Car ça aussi, tu risques de le payer un jour.
Il quitta la file après un dernier regard assassin.
— Dommage, murmura Sirius. Je m'apprêtais à suivre l'exemple de Remus et à lui coller mon poing dans la figure.
— Moi aussi, répondit Marlene.
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