Chapitre 11 - La fête de Noël
Sirius avait pris soin d'enjamber la marche particulièrement grinçante de l'escalier. Il était tard, vraiment très tard, mais de la lumière filtrait encore par la porte entrouverte de la chambre de son frère, qu'il avait entendu parler.
— Est-ce que tu penses qu'il voudra de quelqu'un comme moi, Kreattur ?
— Kreattur pense que le Seigneur des Ténèbres sera très intéressé par Maître Regulus, dont le sang est des plus purs, avait répondu obséquieusement le vieil elfe de maison.
— Je ne veux pas être digne d'intérêt uniquement pour mon sang, avait répondu Regulus. Je veux être utile, devenir un grand mage noir, moi aussi...
— Kreattur ne doute pas que Maître Regulus deviendra un grand mage noir.
Sirius avait posé le pied sur la première marche menant au palier suivant, mais sa botte avait émis un crissement parfaitement audible. Sirius avait entendu les ressorts du lit de son frère puis celui-ci avait ouvert sa porte à la volée.
— Tu m'espionnes ?
— Non, espèce de crétin. Je vais juste dans ma chambre.
— Ah, je vois. Tu étais encore fourré chez ton copain moldu... Si Mère et Père savaient ça...
— Eh bien, va leur dire, Reg, qu'est-ce que tu attends ?
— Je ne veux pas leur causer encore plus de peine. Tu les déçois assez comme ça.
— Tu es vraiment un brave petit fiston, Reg. Je suis d'accord avec Kreattur, tu feras un brave petit mage noir...
— Donc, tu m'espionnais !
— Va te coucher, Reg. Tu rêveras peut-être de ton précieux Seigneur de la Noirceur Ultime ou je ne sais comment il se fait appeler de nos jours...
— Blasphémateur, avait grincé Kreattur, resté dans les pattes de Regulus.
— Ouais, ouais, c'est ça... À demain, les fanatiques...
Sirius donna un coup de pied dans un caillou qui alla se perdre au fond du lac. Il ne cessait de ressasser ce que James et Lily lui avaient appris, la veille, en rentrant de la salle commune des Serpentard. Ils en avaient discuté en long, en large et en travers toute la soirée. C'était impossible. Pourquoi Voldemort aurait-il donné la Marque à Regulus, un gamin de seize ans encore à l'école ? Alors que même Mulciber et Avery, dont les pères étaient eux-mêmes des Mangemorts, n'avaient apparemment pas encore reçu leur Marque ? Et quel était ce projet que Mulciber avait mentionné ? Voldemort avait-il confié une mission à Regulus ? Non, c'était insensé... Il était trop jeune, trop inutile...
Sirius avait décidé de faire un tour seul dans le parc après les cours pour évacuer tranquillement sa colère. Au loin, on entendait la rumeur d'un entraînement de Quidditch. Des silhouettes vêtues de robes bleues volaient au-dessus du terrain. Sans vraiment réfléchir à ce qu'il faisait, Sirius prit cette direction et s'installa dans les gradins. Il était le seul spectateur. Il faisait sans doute trop froid pour que quiconque d'autre assiste à l'entraînement.
Le soir était tombé depuis longtemps lorsque les joueurs rentrèrent dans les vestiaires à la fin de l'entraînement. Sirius resta un moment seul sur les gradins, plongé dans ses pensées.
— Tu en fais, une tête, lança une voix familière.
Marlene l'avait rejoint, son balai à la main.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? demanda-t-elle.
— Je rumine, répondit Sirius, l'ombre d'un sourire aux lèvres.
Il ne s'était pas attendu à ce qu'elle l'ait remarqué pendant qu'elle volait, encore moins à ce qu'elle le rejoigne. Marlene s'installa à côté de lui.
— J'avais tort de dire que tu n'avais pas une carrure de batteuse, ajouta Sirius. Tu sais manier une batte.
— Merci. J'ai toujours trouvé le fait de taper dans les Cognards très cathartique. C'est ce qui m'a donné envie de jouer à ce poste.
— Cathartique, hein ? Je devrais peut-être essayer...
— En effet. Je ne sais pas ce que tu rumines, mais en tout cas, tu donnes l'impression que de la vapeur va bientôt te sortir par les oreilles comme si tu avais avalé trop de Pimentine.
Il faisait sombre, mais Sirius vit qu'elle souriait presque imperceptiblement. Il éprouva alors l'envie irrépressible de lui dire ce qu'il avait sur le cœur.
— Tu te souviens de mon cher frère ? dit-il.
— Bien sûr.
— Eh bien, toi qui veux devenir Auror, tu pourras t'occuper de son cas. Tu-Sais-Qui l'a déjà fait rentrer officiellement dans ses rangs.
— Quoi ? s'exclama Marlene, interloquée.
— Ils n'ont sûrement pas encore eu le temps de te le raconter, mais James et Lily ont vu la Marque sur son bras, hier soir. Ils sont rentrés en douce dans la salle commune des Serpentard avec la cape d'invisibilité de James et l'ont vue de leurs propres yeux.
— Mais il n'a que seize ans...
— Oui, c'est ce qu'on ne cesse tous de se répéter. Le reste de la petite bande n'a pas encore reçu la Marque. Personne ne sait pourquoi Regulus fait exception. Je savais qu'il avait toujours eu l'intention de se joindre aux Mangemorts, mais...
— Ça fait quand même un choc, acheva Marlene à sa place. C'est normal. Même si vous ne vous entendez pas, c'est quand même ton frère. Et maintenant, il n'y a plus de retour en arrière possible pour lui. J'imagine que tu espérais qu'il en aille autrement, même si les chances que ça arrive étaient maigres...
Sirius la contempla, surpris qu'elle ait réussi à exprimer ce que lui-même n'arrivait pas à s'admettre. Oui, il avait espéré que Regulus finisse par changer d'avis, qu'il ne suive pas le chemin qui menait à Lord Voldemort. Et maintenant, c'était trop tard...
— Je me suis toujours demandé comment tu avais pu tourner si différent du reste de ta famille, ajouta Marlene après un silence. C'est comme si ton frère et toi n'aviez pas été élevés par les mêmes personnes...
Sirius eut un rire sans joie.
— Oh, crois-moi, j'ai malheureusement été élevé par la même famille... Je ne me suis jamais senti à ma place parmi eux. Aussi loin que je me souvienne, je n'ai jamais adhéré à leurs valeurs. Ma cousine Bellatrix, que tout le monde érigeait en exemple, me sortait par les yeux. Je préférais sa sœur Andromeda, qui était moins... comment dire... moins tarée.
Marlene eut un petit rire. Le silence retomba entre eux, puis Marlene le combla :
— James et Lily ont-ils appris autre chose ?
— Oui. Regulus est semble-t-il en train de mener je ne sais quel projet à bien, mais cela n'a rien à voir avec les attaques. En fait, toute cette attention sur eux l'emmerde plus qu'autre chose. Ils ont compris qu'on les suivait. Les attaques ne sont pas un travail de groupe, en tout cas, car ni Reg, ni Rogue, ni Mulciber ni Avery ne semblent savoir qui est derrière tout ça. Même si Mulciber est ravi par l'ambiance. Enfin bref, on n'est pas beaucoup plus avancés qu'avant.
— C'est toujours ça de pris, répondit Marlene. Est-ce que vous allez raconter à Dumbledore ce que vous avez appris ?
— J'ai demandé à Lily et James d'attendre un peu avant de lui dire que Reg est... Enfin bref. Je voulais juste un peu de répit pour digérer tout ça. Mais c'est trop important pour qu'on se permette de le lui cacher indéfiniment...
— Je comprends.
Marlene frissonna et ajouta :
— Je ferais mieux de rentrer avant de tomber malade. Si je ne suis pas en forme pour le match de ce week-end contre Poufsouffle, mon capitaine va me tuer.
— Je vais rester un peu ici, déclara Sirius.
Il était tenté de rentrer en compagnie de Marlene, mais il voulait profiter encore un peu de sa solitude avant de retrouver le brouhaha et la promiscuité du château. La Serdaigle se leva et commença à descendre les gradins.
— Marlene ? fit Sirius.
Elle se retourna.
— Bonne chance, pour le match, dit-il.
Marlene lui sourit et s'éloigna.
***
Serdaigle l'emporta sur Poufsouffle avec plus de deux cents points d'avance, plaçant l'équipe des bleus en tête du championnat juste devant Gryffondor. Le soir même du match, James, Sirius, Remus et Peter se préparaient pour sortir du château lorsque Lily fit irruption dans leur dortoir.
— Ah, parfait, j'arrive à temps, dit-elle.
— Qu'est-ce que tu fais ici ? s'étonna James.
— Eh bien, je vous accompagne, répondit Lily avant de déposer un baiser sur les lèvres de James. Vous allez bien escorter Remus jusqu'au Saule cogneur, non ?
— Euh...
James échangea un regard gêné avec ses trois meilleurs amis.
— Tu ne peux pas venir, Lily, dit-il finalement.
L'intéressée fronça les sourcils et croisa les bras.
— Et on peut savoir pourquoi ? demanda-t-elle d'un air suspicieux.
James soupira.
— Il faut lui dire, déclara-t-il à l'intention des trois autres.
— Tu es sûr ? fit Sirius, un peu inquiet.
— Je lui fais entièrement confiance, assura James.
— Moi aussi, ajouta Remus.
— Bon, d'accord, fit Sirius. Qu'est-ce que tu en dis, Peter ?
— Oui, on peut lui dire, répondit ce dernier, un peu nerveux.
— Me dire quoi ? s'impatienta Lily.
James prit une grande inspiration et se lança :
— Eh bien voilà, quand on a appris pour le petit problème de fourrure de Remus... Sirius, Peter et moi, on a décidé de... de faire en sorte de pouvoir rester avec lui pendant ses transformations...
— Pendant ses transformations ? releva Lily. Mais c'est impossible, c'est trop dangereux...
— Justement, on a trouvé un moyen de rester avec lui sans qu'il nous pose de danger...
— Aucun être humain ne peut rester en compagnie d'un loup-garou sans danger, insista Lily.
— Exactement, fit James en se grattant la nuque. Aucun être humain.
Il y eut un silence pendant lequel la compréhension se fit lentement jour dans les yeux de Lily.
— Non... Vous avez... mais c'est illégal ! Et surtout, c'est de la magie très avancée... Depuis combien de temps... ?
— Depuis le début de la cinquième année, répondit James.
Lily était partagée entre l'admiration et la surprise.
— Vous vous transformez en quoi ? demanda-t-elle, curieuse.
— En cerf, répondit James.
— D'où ton Patronus... comprit Lily. Et vous deux ?
— En flamand rose, répondit Sirius.
Lily lui renvoya un regard morne.
— Je plaisante, je me transforme en chien.
— Et moi, en rat, répondit timidement Peter.
Lily regarda Peter avec des yeux ronds et s'exclama :
— Toi qui ne cesses de te dévaloriser, tu as réussi à devenir un Animagus !
— J'ai vraiment eu du mal, James et Sirius m'ont beaucoup aidé...
— Et voilà, tu recommences ! Si les profs savaient ça... Surtout McGonagall...
— Ils ne doivent surtout rien savoir, répliqua Sirius. On n'est pas déclarés...
— Oui, ça, j'avais compris. Je ne suis pas idiote, je n'en parlerai à personne. Donc si je ne peux pas venir, c'est parce que vous ne faites pas qu'accompagner Remus. Vous entrez avec lui dans le passage secret sous le Saule cogneur... Comment vous faites, d'ailleurs ? Cet arbre porte bien son nom...
— Il existe un nœud à la base du tronc sur lequel on appuie pour l'immobiliser, expliqua James. C'est Queudver qui se charge de ça, en général. Le passage mène jusqu'à la Cabane Hurlante. L'arbre et la cabane ont tous les deux été placés là par Dumbledore juste pour Lunard.
— D'où la réputation de la cabane, intervint Remus. C'est moi qu'on entend, tout simplement. Une fois transformé, je suis trop grand pour repasser par le passage sous le Saule cogneur. Au début, je restais dans la cabane pendant mes transformations, puis quand Patmol, Cornedrue et Queudver ont commencé à m'accompagner en douce, cachés sous la cape de James...
— Disons qu'on a commencé un peu à explorer, poursuivit Sirius. On a trouvé un panneau dans la cabane assez large pour nous laisser passer, que je pouvais ouvrir d'un coup de patte... On s'est mis à explorer les environs, le parc de Poudlard, la forêt interdite, les alentours de Pré-au-Lard...
— Ce n'était pas un peu dangereux ? s'inquiéta Lily. Vous auriez pu tomber sur quelqu'un...
— Rassure-toi, quand je suis avec Patmol, Cornedrue et Queudver, je suis parfaitement calme, affirma Remus. Je ne sais pas trop pourquoi, mais ils agissent comme des ancres sur moi. Paradoxalement, sous leur forme animale, ils me rendent plus... humain.
— Lunard, Queudver, Patmol et Cornedrue... je comprends enfin d'où viennent ces stupides surnoms dont vous vous affublez parfois !
— Eh, ils n'ont rien de stupide ! protesta James.
— Oh, excuse-moi, Cornedrue, ironisa Lily. Pendant un moment, j'ai cru que ça avait un rapport avec une blague plus ou moins salace...
— Mais c'est qu'on a l'esprit mal placé, Mademoiselle Evans ! s'esclaffa Sirius.
— Je ne suis pas la seule à l'avoir pensé, fit remarquer Lily.
— On ferait mieux d'y aller, intervint Remus en regardant le soleil couchant d'un air anxieux.
— Tu as raison, fit James. On se voit demain ? ajouta-t-il à l'intention de Lily.
Ils s'embrassèrent, puis Lily souhaita bon courage à Remus et les quatre garçons quittèrent le dortoir.
Le lendemain soir, Lily et James se retrouvèrent à nouveau les derniers dans la salle commune. Assise sur le canapé, la tête posée sur l'épaule de James, Lily observait les flammes crépiter dans le foyer de la cheminée. James avait des cernes sous les yeux et l'air fatigué après sa nuit blanche en compagnie de Remus.
— Je n'arrive pas à croire que vous avez fait ça pour lui, lui dit-elle. Apprendre à être des Animagi pour soutenir Remus, à un âge aussi jeune... c'est vraiment incroyable.
— C'est un de mes meilleurs amis. Et à l'époque j'étais capable du meilleur comme du pire.
Lily se redressa. Une idée un peu saugrenue venait de lui traverser l'esprit.
— James, est-ce que tu voudrais... m'accompagner au mariage de ma sœur ?
— Tu ne lui avais pas déjà répondu que tu y allais seule ? s'étonna James.
— Techniquement, j'ai répondu à ma mère. Je crois que c'est elle qui tire les ficelles, et qu'elle sera ravie que je te présente à elle et à mon père. Enfin, seulement si tu le veux, je sais que ça ne fait pas longtemps qu'on est ensemble, c'est juste que je n'ai pas très envie d'affronter ce mariage toute seule...
— Je serais ravi de rencontrer tes parents, répondit James, coupant court aux inquiétudes de Lily. Et si tu veux, dans la foulée, tu pourrais même rencontrer les miens...
Lily acquiesça avec un sourire.
— Je peux aussi t'accompagner à la fête de Noël de Slughorn avant ça, si tu le souhaites, ajouta James.
— Je pensais que les soirées de Slughorn ne t'intéressaient pas ?
— Les soirées, non, mais toi, tu m'intéresses.
— Alors c'est d'accord, répondit Lily avant de l'embrasser.
***
La fête de Slughorn devait avoir lieu, comme le voulait la tradition, la veille du départ en vacances. Vêtue d'une robe verte qui rappelait la couleur de ses yeux, Lily s'y présenta au bras de James, qui avait pour sa part enfilé une robe de sorcier noire simple, mais très élégante.
À la grande surprise d'à peu près tout le monde, Sirius avait également décidé de participer à la soirée de Slughorn pour la première fois. Leur professeur de potions fut particulièrement ravi de voir James et Sirius.
— Ah, miss Evans, je vois que votre nouvelle relation avec Mr Potter est parvenue à l'attirer dans mes filets ! s'exclama-t-il avec sa bonhommie habituelle. Félicitations, en passant, c'est un très bon choix !
Il adressa un clin d'œil à James et à Lily, qui se mit à rougir. Entendre son professeur commenter sa vie sentimentale était un peu... particulier.
— Et vous avez même réussi à ramener Mr Black ! ajouta Slughorn. Excellent, excellent ! Mieux vaut tard que jamais ! Votre frère doit se trouver là quelque part... Ah, oui, le voilà en compagnie de Mr Rogue...
Sirius observa son frère du coin de l'œil. Lily comprit soudain qu'il avait sans doute voulu venir à cause de lui. Lily et James avaient rapporté à Dumbledore tout ce qu'ils avaient appris au sujet des Serpentard (sans lui donner de précisions quant à la façon dont ils avaient obtenu ces renseignements, même si le directeur avait fait plusieurs remarques laissant entendre qu'il savait parfaitement comment ils s'y étaient pris). Ils lui avaient également rapporté que Regulus Black portait la Marque des Ténèbres. Dumbledore n'avait pas eu l'air particulièrement surpris. James et Lily s'étaient même demandé s'il n'était pas déjà au courant. En tout cas, le directeur les avait remerciés de lui avoir confié cette information et leur avait demandé de se concentrer sur l'affaire des attaques et non sur les mystérieux plans de Regulus. Sirius n'était manifestement pas de cet avis.
— Ah, voilà Mr McKinnon ! s'exclama Slughorn. Lily, je voulais vous présenter...
Sirius tourna brusquement la tête vers l'homme qui s'avançait vers Slughorn.
— Bonsoir, Elias ! le salua chaleureusement Slughorn en lui serrant la main. Merci d'avoir accepté mon invitation...
— C'est tout naturel, Horace, lui répondit Elias McKinnon.
C'était un homme âgé, sans doute autant que Slughorn, voire peut-être plus. Il avait les cheveux blancs et une barbiche assortie ainsi qu'un air hautain qui semblait particulièrement familier à Sirius. Il s'exprimait d'une voix beaucoup moins chaleureuse que celle de Slughorn, presque froide.
— Mr McKinnon fait partie du Magenmagot, annonça Slughorn. Elias, je te présente Lily Evans. C'est une de mes élèves les plus brillantes, et elle envisage une carrière dans la justice.
— Evans... Votre nom ne m'est pas familier, répondit Mr McKinnon.
— Ce n'est pas très étonnant, répondit Lily. Je suis d'origine née-Moldue.
— Ah, fit Elias McKinnon, perplexe. Et vous envisagez une carrière dans la justice ? Vous savez au moins que faire partie du Magenmagot requiert selon la loi une preuve d'ascendance magique...
— Oui, je suis au courant, répondit lentement Lily en fronçant les sourcils. Mais les lois peuvent être changées... En particulier les lois stupides.
James pouffa de rire. Elias McKinnon lui jeta un regard condescendant avant de se reporter sur Lily, qui soutint son regard avec défi.
— C'est très... optimiste de votre part, répondit-il.
— Ne le prends pas personnellement, Lily, intervint une voix féminine.
Marlene venait de se joindre à leur groupe, un verre à la main.
— Bonjour, grand-père, ajouta-t-elle en pêchant l'olive au fond de son verre à l'aide de la pointe de la petite ombrelle en papier qui le décorait.
Un tic agita les joues d'Elias McKinnon.
— Tu parles à l'homme qui a renié son propre fils parce que c'est un Cracmol, poursuivit Marlene d'un ton badin avant de manger son olive.
Slughorn eut soudain l'air embarrassé.
— Marlene, je ne crois pas que ce soit le bon moment pour parler de nos histoires de famille, répliqua Mr McKinnon.
— Justement, je ne suis pas vraiment de la famille, non ?
Sirius la contemplait d'un air admiratif. Il jeta un regard à son verre presque vide : son effronterie avait peut-être un lien avec sa descente. Marlene se tourna vers Lily :
— L'âge moyen du Magenmagot tourne autour de 87 ans – autant dire que nous sommes gouvernés par un tas de vieux schnocks qui croient encore dur comme fer à la supériorité des sorciers sur les Moldus, les Cracmols et les nés-Moldus. Tu-Sais-Qui n'est pas le seul à adhérer à ces valeurs, loin de là. Et comme le Magenmagot vote les lois qu'ils font appliquer ensuite dans leur tribunal, il leur est très facile de conserver leurs vieilles traditions. Heureusement, les temps changent, et j'ai bon espoir qu'un jour une génération moins étroite d'esprit finira par remplacer les sorciers du vieux monde.
Marlene ponctua sa tirade en buvant le reste du contenu de son verre d'une traite.
— Ça suffit, jeune fille, la tança Mr McKinnon. Tu vas trop loin.
— En fait, je suis plutôt d'accord avec elle, le contra Lily d'un air buté.
— Allons allons, intervint Slughorn. Peut-être devrions-nous rester cordiaux... Et peut-être que quelqu'un pourrait tenir Miss McKinnon éloignée du bar ? ajouta-t-il alors que Marlene les quittait sans cérémonie et se dirigeait vers la table où l'on servait de l'alcool.
— Je m'en occupe, déclara Sirius.
Il se rapprocha de Marlene.
— À combien de verres en es-tu ? demanda-t-il.
— Qu'est-ce que ça peut te faire ?
— Oh, moi, rien, je trouve très amusant de te voir rabattre le caquet à certains « vieux schnocks ». Je ne savais pas que ton grand-père faisait partie du Magenmagot.
— Tu n'as pas écouté ce que j'ai dit ? Il ne me considère pas vraiment comme sa petite-fille.
— Parce qu'il a renié ton père ? Tu vois, j'écoute.
— Oui. Tu te souviens de ce que tu m'avais demandé, quand tu as remplacé Remus au club de duel ? Ce qu'il me manquait dans la panoplie de la petite fille modèle ? Eh bien, pour commencer, je ne suis la petite fille de personne. Quand on renie le fils, on renie aussi les petits-enfants, par extension. Et je sais que ça ne devrait pas m'importer, qu'un connard pareil ne veuille rien à voir avec moi, mais... bref. Quand je l'ai vu arriver, j'ai eu une soudaine envie de noyer mes sentiments dans l'alcool. Je ne savais même pas qu'il devait venir...
Sirius l'attrapa par le bras avant qu'elle ne se serve un nouveau verre.
— Viens, on sort d'ici. On va faire un tour.
Une fois dans le couloir, Sirius entraîna Marlene dans une salle de classe vide. Ce n'était pas tout à fait l'endroit le plus accueillant de Poudlard, mais il faisait trop froid pour faire un tour dehors.
— Donc ton père est un Cracmol, reprit Sirius en s'asseyant sur une table.
— Ouais.
Marlene s'adossa contre le tableau noir et lui adressa un regard le défiant de se moquer, mais elle se radoucit aussitôt en constatant que Sirius n'avait aucune envie de faire une chose pareille.
— Ma mère en est une aussi. Mes parents se sont rencontrés par le biais de l'ALICSM.
— La quoi ?
— L'Association de Lutte pour l'Insertion des Cracmols dans la Société Magique. Quand j'étais petite, mes parents me parlaient du monde de la magie, mais ils étaient convaincus que je n'aurais aucun pouvoir, et je trouvais ça tellement injuste, d'entendre parler de ce monde en sachant pertinemment que je n'y aurais jamais accès... Et puis mes pouvoirs se sont manifestés et j'ai été plus heureuse que jamais... Puis il a eu un incident...
— Quel genre d'incident ?
— Tu sais que le Ministère organise une loterie chaque année pour ses employés ? Eh bien, quand j'avais dix ans, mon père, qui travaillait comme agent de nettoyage là-bas – un de ces boulots qui fournissaient l'ALICSM – a remporté la loterie. Cette année là, le prix, c'était des places pour un match de la Coupe du Monde de Quidditch. Alors on y est tous allés, mes parents, ma sœur et moi. Mais après le match, que l'Angleterre avait remporté, certains collègues sorciers de mon père se sont un peu laissé emporter. Ils avaient beaucoup bu et il s'est avéré que dans le fond, ils étaient anti-Cracmol. Ils ont jeté des maléfices à mes parents, des sorts qui frôlaient la magie noire, ils les ont humiliés... Moi, je ne savais pas quoi faire, à part pleurer... Au final, c'est Stella qui les a fait fuir. Ma sœur. Elle n'avait que sept ans, ses pouvoirs ne s'étaient pas déclenchés, on pensait qu'elle n'en aurait peut-être pas... Et puis ce soir-là, ils se sont manifestés pour la première fois, d'une manière particulièrement puissante... Elle a piqué une crise monumentale... Je crois que leurs sourcils n'ont jamais repoussé...
— Je suis désolé qu'une chose pareille te soit arrivée... C'est pour ça que tu veux devenir Auror ?
— Oui, en partie... Je déteste la magie noire et tout ce qui s'en rapproche.
Après un silence, elle ajouta :
— Tu sais, je ne t'aimais pas. Ce que toi et James faisiez pour humilier Severus Rogue, ça me rappelait beaucoup trop ce que j'avais vécu... Surtout ce jour-là, au moment des BUSE...
— Sauf que Rogue est un sale bonhomme qui trempe dans la magie noire, se défendit Sirius.
— Est-ce que ça justifie vraiment vos actes ? Vous auriez tout simplement pu l'ignorer au lieu d'en faire votre bouc émissaire pour vous défouler. Les humiliations n'ont jamais aidé qui que ce soit à se détourner de la magie noire, au contraire, même. Vous ne vous êtes jamais dit que tout ce que vous lui faisiez subir ne faisait qu'attiser sa soif de vengeance ? Parce que, crois-moi, quand on est humilié comme ça, on brûle de se venger. Je rêve encore de ces types et de tout ce que j'aimerais leur faire. Et tu n'as jamais humilié ton frère alors qu'il adore tout autant la magie noire, je me trompe ? Probablement juste parce que c'était ton frère. Lui, tu as parfaitement bien appris à l'ignorer.
Sirius fronça le nez, embarrassé qu'on le mette ainsi face à ses contradictions.
— Tu as raison, dit-il finalement. Je sais que j'ai pu être un vrai connard – que je le suis encore, d'ailleurs, on n'a de cesse de me le rappeler. Loin de moi l'idée de me dédouaner de mes actes, mais parfois, j'ai tout simplement l'impression de ne pas savoir comment fonctionner comme un être humain décent. Je n'ai pas grandi dans une famille qui le permettait.
— Tu as conscience que ce que tu fais là, c'est précisément te dédouaner de tes actes ? Même si j'ai conscience du poids que ton éducation a pu avoir sur ton comportement... ça ne justifie pas tout.
— Mais c'est fini, ça, maintenant.
— Oui, parce que James en a décidé ainsi, histoire de ne pas déplaire à Lily, et que toi tu le suis. On a connu de meilleures motivations que les vôtres...
Un silence songeur retomba entre eux.
— Et maintenant, tu ne m'apprécies toujours pas ? demanda enfin Sirius.
— Disons qu'étrangement, tu as fini par gagner ma sympathie... Sans doute le fameux charme de Sirius Black qui m'a toujours échappé jusqu'ici...
— Je ne suis pas une cause perdue, alors.
— Je ne crois pas, non.
— Tu le penses vraiment ? s'étonna Sirius.
— Oui. On dirait que c'est quelque chose qui t'inquiète vraiment...
— Ça me traverse l'esprit, parfois... Il y a des tas de façons d'être une cause perdue autrement qu'en étant adepte de magie noire...
Nouveau silence.
— Je ferais mieux de rentrer dans ma salle commune, déclara Marlene. Je n'ai pas vraiment envie de retourner à la soirée...
— Je t'accompagne, décida Sirius. Au cas où tu serais trop ivre pour marcher correctement.
— Ah ah, très drôle.
Ils remontèrent ensemble jusqu'à la tour de Serdaigle.
— Bon, eh bien... à plus tard, lança Marlene.
Ils se tenaient très proches l'un de l'autre. Marlene le regardait dans les yeux. Elle ne faisait pas mine de vouloir rentrer, et Sirius n'avait pas envie de partir non plus. Il ne pouvait pas vraiment lui avouer qu'il était venu à la fête juste pour la voir.
Marlene s'approcha plus encore, et dans un moment de confusion où aucun des deux n'aurait su dire qui de l'un ou de l'autre avait fait le premier pas, leurs lèvres se rencontrèrent. Ce fut un baiser vif, qui sembla brûler Marlene comme un sortilège cuisant tant elle fut rapide à s'écarter de Sirius.
— J'ai un copain, déclara-t-elle soudain.
C'est alors que Sirius, plongé dans le trouble le plus total, répondit :
— Moi aussi.
La stupéfaction se peignit sur leurs visages.
— Quoi ? s'exclama Marlene.
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