Chapitre 3-2: La Réponse
Il leva la tête, et aperçut à bien cinq ou six mètres de haut, au-dessus de lui, sur une grosse branche, Nosfero. Il était allongé, placide, le regardant avec véhémence, depuis sa position avantageuse.
- Tu sais, d'ici, tu ne me feras pas grand-chose avec une lame... émoussée qui plus est, argua-t-il fier de son embuscade.
- Je pourrais vous la lancer...
- Bien, bah, prions les Dieux que tu me tues sur le coup, car dans le cas contraire, je descends, tu seras désarmé et incapable de m'échapper.
- J'aimerais bien vous voir sauter de votre perchoir sans vous casser une guibolle ou deux.
Et un instant, Nosfero transforma les paroles en acte. Il se laissa tomber de sa branche et atterrit sur ses jambes fléchies, intactes. Il se releva et toucha le garçon, restait sans voix, du bout de son index.
- Gagné, déclara Nosfero.
Brore vit enfin le visage dénudé de Nosfero: une face triangulaire assez pâle, faisant ressortir d'autant plus ses yeux grands, ronds. Mais un détail non ordinaire attira l'attention du jeune homme. À la base du cou, là où devrait pousser les poils, des petites plumes grises semblaient sortir de sa peau. En abaissant son regard sur les jambes de Nosfero, qui à l'heure actuelle aurait dû être brisé, il remarqua qu'elles étaient entièrement recouvertes de plumes, terminées non pas par des pieds, mais par des serres d'oiseau de proie, dont les doigts longs pouvaient s'apparenter à de fins couteaux mobiles.
- Vous en êtes un ! déclara Brore éberlué.
- Alors tu sais que je suis un maître élémentaire l'un de mes secrets les mieux gardés, mais tu ignores que je suis un hybride, surprenant !
- Eh bien, je m'attendais à beaucoup de choses, mais pas à ça.
Il loucha sur les jambes volumineuses, et garnies de plumes.
- Je comprends et bien comme tu peux le voir, je suis un homme-chouette, en plus d'être assassin et élémantaliste.
- Comment on peut être comme vous ? demanda-t-il naïvement.
- Quoi hybride ? On ne le devient pas, on naît comme ça. Pareille pour les éléments, par contre l'assassinat, ça s'apprend.
- Vous êtes donc venu au monde avec deux capacités incroyables, c'est plus que du hasard.
- Possible, mais je te garantis que j'ai le lot d'emmerde qui va avec, en plus j'ai bien choisi ma région tous les Nordiens sont soit des racistes soit des buveur émérite, dans les deux cas quand ils remarquent mes jambes, je me fais dégager à coup de chope de bière..
- Mais vous avez des capacités incroyables, dit-il les yeux emplis d'admiration.
- Je ne me plains pas de mon sort, loin de là, mais plutôt l'ivrogne trop présomptueux qui finit effilé au bout de mes serres.
Brore se recula, l'émerveillement prêt à se transformer en terreur.
- Je plaisante, se moqua-t-il. Notre groupe est pacifique, on ne tue jamais les manants, aussi cons qu'ils puissent être. Mais des fois, c'est limite, relança-t-il.
- Je dois m'attendre à d'autres surprises venant de vous tous ?
Il lui sourit avant de passer à côté de lui pour partir en direction de la taverne.
- T'as encore moyen de t'étonner un peu, lui répondit-il. T'es plutôt enthousiaste à mon égard pour un habitant de Talion, t'es sûr que t'es vraiment de là-bas?
- Heu... Eh bien, la parole vacillante, disons que j'ai depuis tout jeune une fascination pour les récits des surhommes qui ont forgé ce continent : les Héraclides et les mille ans de règne de l'empire Madrillé, l'arrivé des seigneurs du feu de l'archipel du Sud, les premiers élémantalistes, les demi-dieux...
- T'es plutôt bien au courant pour un simple messager. La connaissance de l'histoire antérieure à l'époque sombre, y a environ quatre siècles, n'est pas à la portée du commun.
- Je sais, j'ai eu du temps à Aar... il coupa net sa phrase. J'ai lu et entendu beaucoup sur les âges oubliés... Enfin, vous et vos pouvoirs, vous avez possibilité de faire de grande chose aussi, chercha-t-il à changer de sujet.
- Certainement, on verra ce que nous réserve la providence. Ah au fait, reprit-il. Avant que j'oublie, tiens, je te rends ça.
Il lui tendit une lettre noire, le sceau, rouge, décacheté.
- Vous l'avez lu, s'outra le jeune garçon.
- Je m'excuse de l'impolitesse du geste, mais je devais recueillir le maximum d'informations sur la potentielle future mission que ton souverain veut nous proposer. Malheureusement, j'ai rien appris de plus que ce que tu nous as dit hier. Cependant, tu as été honnête en nous révélant tout ce tu savais et pour cela, tu as ma gratitude et ma promesse que je ne recommencerais pas à fouiller dans tes affaires.
- Vous avez fouillé dans mes affaires, râla-t-il.
- Crois-moi après ce que j'y ai vu je regrette, mais bon tu as dormi dans mon lit, on peut donc considérer une certaine intimité entre nous, essaya-t-il à marchander.
- Mais non!
***
Plus tard, le groupe se retrouva assis à la même table que la veille. Brore impatient tapait du pied avec nervosité, ayant du mal à se canaliser.
Yubel et Tanas étaient encore rouges et fatigués de leur entraînement. Xélius souriant regardait Brore. Nosfero réfléchit et machinalement planter son kunai dans le bois.
- Alors, s'enquit-il.
Yubel prit la parole.
- Eh bien, on n'est pas certain de vouloir accepter ton offre. On pense que les risques sont bien trop grands pour les bénéfices.
- Pardon !
- Te méprends pas cette mission nous intrigue au plus haut point. Mais on a des problèmes avec certaines organisations ce qui pourrait compliquer la situation.
- Je te coupe, lança Tanas. On s'est juré de toujours aider les gens spontanément et là, on nous demande... je suis pour y aller et voir!
- Partir pour Talion, c'est prendre un risque, la Route du Nord est semée d'embûches, de détrousseur, de bandit, de créatures nuisibles, en plus on est en pleine saison des pluies qui plus au nord se transforme en neige et blizzard, rétorqua Xélius.
- Et arriver à la capitale nos ennemis auront possibilités de nous intercepter, continua Yubel.
- Exact, rajouta Nosfero en plissant ses yeux ronds formant deux arcs de cercle.
- Vous me dîtes que vous, des élémantalistes, avez peur, se scandalisa Brore.
- Le gamin à raison, intervint Tanas. On est qui pour s'affoler pour pratiquer un trajet qu'on connaît bien.
- Parle pour toi, lança Yubel. Je suis jamais allé à Talion.
- Nous non plus, répondit Xélius, s'indiquant lui et Nosfero.
- Mais comme vous l'avez dit hier, dans le Nord il y a très peu de combattants de votre qualité et avec vos compétences particulières, à Talion encore moins que dans les autres pays.
- Au pire, on risque quoi, s'ajouta Tanas. C'est un seigneur qui nous demande, c'est-à-dire quelqu'un qui a énormément d'argent et qui nous paiera en monnaie clinquante. Ose prétendre, Yubel, que nos bourses peuvent se passer d'une telle aubaine. Ça fait combien de temps qu'on a pas renouvelé notre équipement ? À Talion, se trouve la cité forgeronne de Bor, c'est l'occasion d'y faire un saut et d'acheter du matériel de qualité.
- Depuis quand, tu es aussi intéressé par l'argent, lança Xélius
L'archer hydrokinésiste s'amusait toujours de ce genre de situation conflictuelle qui rendait la vie dans le groupe riche en surprise
- C'est pas une question de cupidité, mais de bon sens. On est à sec, les faveurs des petites gens qu'on protège nous permettent de tenir, mais en vérité, on vit au jour le jour. Les temps sont durs pour eux comme pour nous et leurs ressources disparaissent au fur et à mesure, c'est à peine si on ne travaille déjà pas presque gratuitement. En plus, depuis peu je sens de mauvaises vibrations circulant dans la terre, ça m'inquiète.
- Arrête de te faire peur avec tes histoires de mauvaises vibrations, t'es aussi bon devin que Xélius télépathe, lança Yubel.
- Mais nan, je t'ai dit que j'étais bourré hier, j'ai pas très bien compris ses pensées, répondit-il le souvenir dans les yeux.
- Ouais, bah, c'est pas la première fois que ça t'arrives ça.
- C'est pas la première fois que j'ai un verre de trop.
Nosfero depuis un instant ne parlais plus, réfléchissant sur les risques et les possibles confrontation avec la Lame Noir.
- Tant qu'on ne fait pas de grabuge, on a aucune raison d'attirer l'attention de la Lame Noir, déclara-t'il.
- Tu prendrais le risque, demanda Xélius.
- On les a bien battus la dernière par le passé. Et puis ils officient plus dans le centre du continent, avec les notables des cités états.
- Bah, t'es le seul à pouvoir juger du danger avec ces gens-là, termina Xélius.
- J'ai déjà tué des assassins de la Lame Noir, je peux très bien recommencer, lança-t-il déterminé avec un ton absolu. Je pense que je vais décider de partir pour Talion finalement.
- Enfin ! Vous commencez à entendre raison, se réjouit Tanas
- T'as pas tort pour ça Nosfero, termina Yubel.
Les trois amis s'étant mis d'accord, ils soutinrent leur regard sur Xélius, qui n'avait pas rendu sa décision.
- Bon bah moi, je vais rester ici, travailler pour Marmine et vivre de la chasse et de la pêche.... Nan, aller je viens aussi.
À cor et à cri, les compagnons se réjouirent de cette opportunité. Brore soulagé se tranquillisa.
- On partira donc demain matin à l'aube.
- Pas... aujourd'hui, sollicita-t-il.
- Nan, il est trop tard, à pied, il nous faudra bien une journée; car on doit contourner Ashola en direction de la Route du Nord et, avec les chemins boueux et la météo on progressera lentement.
- Vous n'avez pas de chevaux ?
- On est fauchés et on n'a jamais de chances avec ses bêtes. Ils aiment pas les élémantalistes, je crois.
- À pied il nous faudra combien de temps ?
Tanas prit un instant pour se remémorer le trajet.
- Environ trois semaines, peut-être plus si on a des contretemps.
- Désolé, on ne pourra pas aller plus vite, expliqua Xélius.
- Mes ordres sont de vous amener à la capitale, j'ai pas reçu de délais, mais je pense que vu la distance c'est raisonnable.
Tanas frappa le garçon dans le dos.
- Bien! T'arrêtes de t'énerver, c'est une bonne chose.
C'était décidé ! Le lendemain, le groupe, accompagné du jeune Brore, quittera la plaisante Taverne des Trois-cornes pour se lancer dans le périlleux voyage jusqu'à la ville de Talion.
À venir : Chapitre 4 : Nosfero, l'apprenti assassin
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