Chapitre 16-1: Aux prises dans les ruelles
~ ~ « Prends la droite et ne m'attends pas ». Brore s'exécuta. Tandis que Nosfero s'arrêta pour retenir les miliciens et laisser le temps au messager de fuir. Il concentra son énergie sur l'intérieur de ses deux mains pour propulser une large vague d'air. Le souffle les balaya comme un rien et ils tombèrent violemment à la renverse. Soudain, son instinct lui hurla de se retourner.
L'assassin de tout à l'heure fonçait sur lui. L'hybride dirigea sa paume droite vers lui, profitant de la puissante aérokinétique encore accumulée pour projeter une bourrasque, qui mûe par la forme de sa main, créa un petit couloir venteux. L'ennemi sauta en réalisant un salto latéral pour se soustraire à l'attaque. Rapidement, il se réceptionna à quelques centimètres derrière Nosfero et élança le talon dans sa face. L'hybride put bloquer une partie du choc avec son deuxième bras, mais non sans conséquences, il se retrouva acculé contre un mur. Dans le même temps, l'adversaire, à dessein, laissa tomber des petites boules de verres qui se brisèrent sur le sol. En éclatant, elles libérèrent un gaz sombre et opaque. Un nuage s'étendit et gonfla rapidement dans la rue étroite, tel un épais brouillard noir qui contraignait la vision.
Les capacités animales de Nosfero et sa grande maîtrise de soi lui permettaient d'utiliser l'ouïe à un très haut degré. Dès qu'il était privé de son sens de la vue, il pouvait avec acuité se repérer dans l'espace avec uniquement ses outils de perception des sons. Chaque bruits devenant pour lui un signal, dont son esprit pouvait interpréter et retracer clairement l'origine. C'était pour lui aussi lisible que les ondulations d'un cours d'eau troublé par une pierre. Il ferma ses paupières, pour éviter que le gaz n'irrite ses yeux ou pour gêner sa concentration auditive avec des informations visuelles désormais incomplètes et dérangeantes. Il ressentit d'abord le tumulte des renforts approchant, les hurlements de citadins en colère et toute l'agitation de ville. Il s'isola de ses sons, trop lointain, diffus, et inutiles. Plus près de lui, des égouts sous ses pieds, il perçut les petits pas rapides de grouillant. Puis la respiration des miliciens et le battement de leurs coeurs. Également, comment certains se débattaient pour se relever. Un cognement particulier attira son attention. Comme si on tapait sur quelque chose de dur, un mur, avec un objet métallique. Brièvement, il se focalisa sur Brore, et entendit les bruits de sa foulée, s'éloignant. Et soudainement des pas rapides. D'abord diffus, car sa concentration occupait ailleurs. Puis dès qu'il comprit que cela venait d'en face, il put le percevoir avec plus grande distinction. Le silencieux déplacement, sur la pointe, que provoquait ces pieds étaient caractéristique d'un style gestuel enseigné par les assassins. Il approchait.
Il dégaina ses armes de poing, l'arrivée était imminente. Un mouvement sec et vif de lame lui indiqua qu'il devait esquiver sur sa droite. Une fois à bonne distance, il sauta, profitant toujours de son bondissant avantage. Il atteignit la cible, toutes griffes sorties en pénétrant la chair ennemie, avant de l'étaler au sol. Il put discerner à travers l'épais manteau noir, qu'il s'agissait d'un des miliciens. Et fut surpris. Très rapidement des hypothèses se bousculèrent dans sa tête: "l'assassin aurait profité de l'attaque portée par le milicien pour se déplacer ?"
Pas le temps pour plus de tergiversation. Une ombre se mêlant au nuage approchait. Mais quelque chose attira l'attention du combattant aguerri. Alors que la silhouette de son ennemi se dessinait avec de plus en plus de précision, tout en fonçant sur lui, il ne détecta aucun bruit. "Aurait-il compris ? Et comment arrive-t-il même à faire taire les battements de son coeur ?" Il s'élança à sa rencontre, faisant fi de ses pensées. Agilement, il frappa de ses lames que son adversaire s'empressa d'esquiver, tout en se contentant d'éviter les autres enchaînements . Il ne se donna même la peine de sortir ses armes. "Il cherche à gagner du temps, l'enfoiré !". Nosfero ce fut plus pressant et rapide dans ses assauts. Une première passe sur la droite de son assaillant, puis une deuxième de bas en haut, et poursuivit avec sa jambe pour faucher les pieds. L'ennemi sauta pour se soustraire au mouvement. C'était l'ouverture qu'attendait Nosfero. Pour un individu normal, une fois dans les airs les possibilités de parade diminuaient grandement. Il bondit également, et dans une gymnastique aérienne, dont il était devenu un maître, projeta son bras, terminé de son arme, en plein dans la face de l'ennemi. Persuadé d'avoir touché et bien touché, il s'étonna de l'absence de tressaillement de l'adversaire. Lui ne se contenta que de retomber et de reculer, avant de préparer un coup de pied. L'Hybride approcha sa lame de ses yeux et ne trouva aucune trace de sang. Il l'avait donc raté. Cela le bouleversa, il était convaincu d'avoir frappé, l'adversaire aurait dû être presque mort. Nosfero esquiva et dans l'élan de son ennemi, lui planta ses deux lames en pleine poitrine.
Elles traversèrent, sans causer le moindre dégât, marque ou égratignure. Se contentent de passer comme si de rien était. Nosfero ne ressentit aucune résistance, c'était comme frapper dans le vide. Une sorte d'image sans consistance. Il comprit, "La technique de l'image rémanente (1)". Une illusion pour le tromper et détourner son attention. Depuis quelques instants, il échangeait des coups avec un spectre incorporel et intangible, alors que le vrai ennemi s'était enfui. Non, Nosfero discernait encore sa présence, il était proche. "Le Mur!" se remémora-t-il. Ce mirage avait dû servir à faire gagner du temps à son utilisateur afin qu'il trouve un meilleur endroit duquel l'attaquer, sans être bloqué par l'étroitesse des ruelles. Il prit un moment et observa attentivement vers les sommets des bâtiments. Le gaz opaque était composé d'une substance qui se répandait très rapidement, mais dont l'efficacité ne dépassait pas la minute, même dans un espace clos. De plus le nuage n'avait pas pour propriété de pouvoir beaucoup s'élever vers le ciel, sans se dissiper bien vite. L'illusion continuait à machinalement le frapper, mais les coups le traversaient et s'étant rendu compte de la supercherie, elle disparut. Il le retrouva. L'assassin avait presque atteint le toit, en ayant planté ses kunaïs pour grimper. Il était désormais en hauteur. Nosfero lança deux shurikens. Mais le temps de réactivité fut trop long. L'ennemi avait réussi à se mettre en sûreté. Mais ce n'était pas fini. Nosfero concentra sa puissance musculaire et sauta pour le rejoindre. Se soustrayant, du même coup, de la torpeur opaque et sombre du gaz, quasiment dissipée. Cependant, au même moment, il entendit les cris de douleur de Brore, audible normalement, qui s'étalait à travers les ruelles. Sans avoir pu échanger le moindre coup, il dut se résigner à abandonner le combat, pour l'instant. ~~
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Nosfero se repassa une nouvelle fois le combat en tête. L'ennemi qu'il avait affronté et les techniques dont il avait été témoin le tracassaient. Cependant un début de réponse lui avait été donné. L'homme qu'il avait tué pour sauver Brore faisait partie du Crépuscule. C'était un groupe d'assassin qui, à l'inverse de la Lame Noire, où il avait été entraîné, utilisait des capacités surnaturelles afin de gagner en efficacité. Ce mode d'activité valut à ses gens de se faire chasser de l'ordre de la Lame. Jusqu'à lors, Nosfero pensait même qu'ils avaient été exterminés par ses prédécesseurs. Au moins encore deux d'entre eux étaient vivants. Plus que jamais, ce n'était pas le moment de baisser sa garde.
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Brore et Nosfero traversèrent un long moment les ruelles étroites. Après plusieurs détours et jeux de cache-cache avec les gardes de la cité, ils arrivèrent finalement dans des couloirs de ville plus étendue, larges et nombreux. L'hybride en conclut qu'ils avaient atteint la partie haute et les quartiers marchands. Ils leur fallait désormais trouver le chemin vers une porte extérieure, si elles étaient encore ouvertes.
Une étrange sensation, une sorte de pression pénétrant son crâne, dérangea Nosfero. Ses tempes et ses maxillaires battaient fort, comme si sa tête, telle une bouteille, n'était plus assez grande pour contenir de l'eau. La tension du sang allait en augmentant et faisaient vibrer ses veines. De petits éclats de lumière envahissaient son champ de vision, cause d'une fatigue visuelle s'installant graduellement, et ils durent s'arrêter. Très vite cela devint une douleur. Les deux se stoppèrent dans une coursive, entourée de ruelle couverte, portée par des piliers en pierres taillées et donnant sur un carré central qui était à ciel ouvert. Reprenant sa respiration, une faible voix commençait à articuler des sons qui n'étaient que pour le moment flou.
- Pourquoi on s'arrête ?
- Chut, je crois qu'on veut me... Ah !
Une violente décharge suivie d'une affreuse souffrance lancinante, comme si une pique traversait sa tête depuis l'orbite de son oeil. "Nosfero..." se formula clairement, mais dans une terrible lutte interne. Il comprit dès lors que Xélius cherchait à lui parler par télépathie. Ce processus n'était pas vraiment une discussion. C'était plutôt comme si sa voix intérieure était parasitée et restait, tout à la fois, inaudible, erratique et évanescente, ayant moins d'impact et de gravité qu'une pensée intérieure verbale. Car la voix de l'interlocuteur télépathique pouvait être ignorée, mais sous peine d'aggraver la douleur. Ou alors, elle pouvait être comprise comme une pensée banale venant de son propre esprit auquel on accorde peu d'importance. Certain mots demeurèrent confus, indiscernable et n'étant que de simples pensées non verbales et insolubles, plus comme des sensations désagréables. L'esprit luttant contre ce qui lui était l'extérieur. Beaucoup d'informations en plus des mots étaient transmises dans un flot chaotique comme des images, des images en mouvement ou des sensations physiques et mentales, voire même des idées à l'état brut sans aucun support verbal ou sensitif. Cependant à force de concentration il arriva à plus ou moins détacher une phrase. "Nosfero, c'est toi qui provoques cette pagaille ?"
Répondre par télépathie était encore plus ardu que de comprendre. Il fallait hurler à l'intérieur de soi, sans espoir d'être entendu. Parfois même, certaines informations ne pouvaient pas être communiquées du tout. Plus la connexion était longue et éloignée, plus l'effort nécessaire était important. "On cherche à fuir, mais on est perdu dans la ville !" arriva-t-il à projeter. Cela lui causa une grande douleur au niveau des tempes et de l'arrière des yeux. Xélius lui répondit instantanément: "On arrive, on se retrouve à la porte du loup endormi ". Sachant pertinemment que son prochain message serait le dernier, il réfléchit sur une réponse finale. Comment faire comprendre à Xélius qu'ils ne savaient pas comment se repérer. Il aurait également aimé mettre en place une stratégie détaillée afin de pouvoir optimiser leur chance de fuite. Finalement, il cessa de se tracasser et une seule phrase lui vint en tête: "Mes amis, tenez la porte le plus longtemps possible !"
1 : Une image rémanente est une technique qui permet de projeter une illusion de soi ou d'un objet. C'est un dérivé venant des capacités télépathiques qui consiste à faire voir à l'adversaire des choses qui ne sont pas là. Dans l'univers de Tamaran, plusieurs dérivés de cette technique existent. Il est possible que j'emploie dans ce cas là les termes: danses des ombres, clones, copies, etc. pour nommer cette capacité.
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