Chapitre 15: Plus fort que la peur
- Allez, dépêche-toi Brore ! On doit quitter la ville avant que les gardes ferment les portes !
- Le jeune homme éreinté, derrière, se stoppa en pleine course.
- Pardon... Nosfero, j'en peux plus....
Il se laissa tomber à genou, la douleur le rendant incapable de continuer.
- ... je suis trop faible, inutile !
Nosfero, ne voulant pas partir sans Brore, s'arrêta. Mais ses paroles commençaient à l'énerver.
- Abandonne-moi, Nosfero, je te fais confiance pour la suite. Va à Talion, aide mon peuple. J'en peux plus d'être un boulet. Sauve-toi, vite !
- Arrête...
- Nosfero, je...
- Ferme là !
Le cri retentit dans la rue en un violent écho. Dans le même temps, l'hybride fondit sur lui et asséna un coup dans le ventre. Brore sentit ses viscères bouger, avant qu'un haut-le-coeur lui fasse régurgiter de la bile. Puis il se mit à cracher, pour faire passer l'horrible goût, un mélange de salive et de morve auquel se mêlaient des larmes d'impuissances. Il toussa sans pouvoir retenir le vomi et le crachat qui coulaient à grand débit. Il reprit lentement et difficilement sa respiration, quand il comprit qu'il ne pouvait pas empêcher les liquides de sortir.
- Je suis faible... je sers à rien !
Nosfero arracha son bandeau et ôta sa capuche. Le visage mi-homme et mi-volatile se dévoila. Dans la pénombre, les traits de l'hybride se dessinaient et épousaient l'obscurité, comme une ombre malveillante et solide. Légèrement éclairé par la lumière sporadique de la lune, que daignaient laisser passer quelques nuages, lui redonnait une certaine humanité. Cependant son regard rendu plein et entier par la face révélée, projetait une expression violente et intense, dont la voix jusqu'à alors n'en avait été que l'écho. Ses yeux lourds transperçaient le garçon abattu.
- Écoute bien ! Si t'es faible, choisi de devenir plus fort !
- Mais je.. peux pas.. je suis pas un hybride, un élémentaliste, un assassin ou même un combattant. Je ne sais pas me battre, je sais rien faire, à part geindre et me plaindre !
Violemment, Nosfero l'attrapa avec fermeté par l'épaule déboîtée et d'un geste sec et brutal, remit l'articulation. Du craquement osseux suivit une puissante décharge de douleur qui fit hurler Brore. Il s'écroula, face sur le sol, haletant, tétanisé et incapable de bouger, comme voulant retenir le plus de souffrance par l'immobilité.
- Avoir des talents naturels ne fait pas tout. Si tu veux de la force, il faut travailler, s'entraîner et persévérer. Tu crois que j'ai tout acquis de par ma naissance ? Pour l'heure, tu vas te relever ! Et tu vas courir !
- J'peux pas !
Des foulées lourdes et nombreuses d'hommes en armures retentirent à travers les ruelles de la ville basse. Nosfero s'avança, laissant quelques mètres derrière lui le jeune Brore.
- Avec un peu de volonté, tout est possible. Maintenant tu dois choisir de te lever et de continuer !
Quatre miliciens arrivèrent. L'un d'entre eux était garni d'une armure sur laquelle était accrochée un morceau de tissu jaune. Il portait au fourreau une épée qui semblait de manufacture correcte. Les trois autres étaient vêtus en armure de cuir marron que possédaient quasiment tous les gardes de la cité.
- Allez ! Relève-toi !
- J'ai trop mal !
- T'as peut-être raison, en fin de compte. T'es un incapable. Si tu avais vécu qu'une infime partie de la vie que j'ai eu, tu serais déjà mort. La vraie souffrance, celle qui te marque à vie, profondément dans ta chair, tu connais pas. Sinon t'agirais pas comme un lâche, à copiner avec le sol. Tu me donnes pas envie de sauver ton peuple, je crois que tu le mérites pas.
- Alors Brore, on essaie quoi cette nuit ? J'ai fait faire de nouveaux instruments pour toi ? Et pour les inaugurer, je te laisse le choix de décider ce que je vais utiliser.
- Père, nan... pitié. Je veux pas, pas encore !
- Ne t'en fais pas, ils tranchent tous !
- Nan...
- Choisi !!!!
- J'ai toujours été faible, incapable de rien, Nosfero. Laisse-moi, je t'en prie !
- La vraie force vient de la volonté. Si tu n'en as plus assez pour vivre, alors nous mourrons tous les deux ce soir !
- Nan, part !
- Je te préviens Brore, à partir de maintenant, je ne bougerais plus
Nosfero fixa Brore, cherchant à se défiler du regard. Ses yeux, à lui, restaient immuablement ouverts et intenses. Les miliciens s'arrêtèrent face à lui. Un d'entre eux se mit à côté, les autres en retrait regardaient la scène avec délectation.
- Cap', regardez, il a des plumes, je trouve ça dégoûtant, déclara le combattant à la gauche de Nosfero.
- Ouais c'est une saloperie de surnaturalien. On va monter en grade quand on aura tué cette canaille. Sale erreur de la nature...
Il cracha.
- ... tes semblables sont peut être tolérés ailleurs, mais ici tu vas juste mourir.
- Fuis Nosfero !
L'hybride resta impassible, fixant Brore.
- Regardez Cap', on dirait qu'il s'intéresse même pas à nous.
- S'tu veux mon avis, mon p'tit Stingart, ce coquin à une cervelle de piaf ! Qui veut se payer une tranchette de cervelas de piaf ?
- Cap', moi je veux bien !
- Bien mon petit Stingart trousaille-le(1) moi !
- Brore !
- Fuis !
Le garde nommé Stingart s'avança, puis porta un coup de pommeau d'épée dans la tête de Nosfero, qui ne broncha pas. Puis il enchaîna avec un autre dans le ventre. L'hybride tomba à genou, laissant couler le sang de sa bouche.
- Brore !
En larme, il n'osa pas regarder la scène ni rien faire.
- Rarn ! Chope-moi le gamin. On va regarder Stingart !
- Cap' ! Pourquoi moi ?
- Réponds pas quand on te donne un ordre ! Sinon je te donne à bouffer aux voraciens.
- Fait chier !
Rarn, arriva et attrapa Brore par la nuque avant de le maintenir fermement sur le sol.
- C'est bon j'le maîtrise !
Tu sais que tu es faible Brore ! Et ta peau est magnifique. Quand je te frappe plus ou moins fort, tes bleus ne sont pas de la même couleur. Tu sais que ça me donne envie de te frapper plus fort ? Tu es faible, tu es faible, tu es faible, tu es faible !
Les souvenirs d'un lointain passé et ces mots résonnaient dans sa tête, incarné par la voix de son père. Mais soudainement, une pensée se propagea telle une lumière fugace, mais éclatante. Accompagné de la conviction profonde qu'il lui fallait changer si il voulait survivre. Mourir en restant le même, ou vivre en changeant était le dilemme qui prenait forme dans son esprit. Il lui fallait se débarrasser de ses peurs et accepter le monde, aussi cruel soit-il, et sans plus d'espoir de pouvoir le changer à sa manière. La vie qu'il avait vécue, protégé par de hautes murailles, ou bien au chaud dans une bibliothèque n'était qu'une illusion, une carapace qui ne pouvait plus lui servir désormais. Accepter la souffrance qu'on lui avait infligée enfant et la dépasser pour affronter la malveillance et la cruauté qui lui faisait maintenant face. Trouver le courage, la force et la confiance en lui était une nécessité, sinon son existence devait cesser. Accepter de se battre fut alors la seule vérité qui s'empara de son être.
- Je veux plus... chuchota-t-il.
Marquant le monde de sa résolution.
- Quoi morveux ? T'as jacté qué'que chose ? M'importe, tu vas tâter de mon fer !
Brore lança un dernier regard à son assaillant, qu'on aurait pu croire empli de haine, mais seulement d'une forte et nouvelle conviction.
- C'est terminé pour toi, mon p'tio !
Tenant occupé le regard de son ennemi par le sien, il glissa sa main à sa dague. Et rapidement se débattit pour détourner l'attention, afin de lui planter la lame sous l'armure au niveau du ventre, bien garni, du milicien. Une flaque de sang et de tripes s'échappa d'un coup.
- Nosfero ! hurla-t-il.
L'hybride sourit, l'enfant avait choisi de devenir un homme. D'un bond, il s'éleva de deux mètres. Il en profita pour frapper de sa serre la face du garde qui l'avait violenté. La fine peau du visage de se déchira sous les griffes acérées. En atterrissant, il généra un souffle puissant qui propulsa les deux derniers.
Le milicien éventré dans sa fureur attaqua sans réfléchir.
- Brore, à terre !
Nosfero lança un coup de pied dans le vide, une vague d'air venant de son pied éjecta le garde. Au sol, l'abdomen mis à nue, il ne pouvait plus se relever et était condamné à se vider de son sang jusqu'à la mort.
- Bon, on y va. C'est maintenant que les choses vont se corser !
(1 : néologisme, tuer à force de nombreux coups violents, en particulier avec des armes blanches)
Prochainement, Chapitre 16: Aux prises dans les ruelles
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