Cette nuit est douce et lente c'est pourquoi je m'endors facilement et me mets à rêver.

Je suis seul dans un bus datant du vingtième siècle. Je ne sais même pas si le chauffeur est présent mais je sens que quelqu'un est là. Il fait froid, puis chaud. Le vent me porte en avant, s'engouffre dans ma tignasse et m'emmène un parfum doux, discret et sucré. Le bus n'a pas de toit, on peut donc distinguer la voie lactée. Superbe ciel ! J'entends une personne rire, mais rire très bêtement avec une voix que je reconnais légèrement. 

 Une fois, je suis allé voir un spectacle de ce que l'on appelle un « maître des masques ». Ce devait être un show splendide pour mon âge mais au lieu de me faire sourire, je pleurais. J'avais peur de tous ces visages qui changeaient sans arrêt en plus d'être pour moi, terrifiants.

Quand je vois la personne assise sur un siège, je manque de suffoquer. C'est LA fille, celle du bus. En même temps je n'en parle pas d'autre. Elle agit comme un maître des masques mais en gardant celui qui me fait le plus peur... C'est un cauchemar, je n'ai plus l'image de la fille douce, belle que j'ai envie de protéger. Elle est remplacée par la peur de mes nuits les plus sombres, de celles que j'ai envie d'oublier, celle que j'ai envie d'ignorer. Je la regarde, lui parle mais ce n'est plus « elle » !

Je me réveille en suffoquant mais nous sommes samedi. Je ne prends pas le bus du week-end et nous ne sommes pas encore au stade où je peux me permettre d'aller toquer chez elle ni même oser, ou encore lui demander son numéro. Je dois attendre minimum lundi pour vérifier que je n'ai réellement fait que rêver. Ce n'est pas mon genre de penser qu'il puisse être réel mais c'est une peur qui ne part pas... J'ai toujours eu l'appréhension qu'une personne que j'aime change au point de me faire peur. 

 Nuit horrible, cauchemar ancré en moi, mal être profond. 

 Il est possible que j'ai accumulé beaucoup trop d'espoirs sur cette rencontre en trois mois à ne s'échanger que des regards ou des sourires, mes sentiments et émotions vous paraissent d'ailleurs sûrement irréels ou trop exagérés mais je vous jure que mon cœur et mon cerveau se livrent une bataille sans merci. Le cœur à ses raisons mais quelle est cette raison que le cerveau pourrait aussi suivre?