Chapitre 7 - Une défaite vertigineuse
La panique parcourut la foule d'élèves de Gryffondor.
— Du calme, jeunes gens !
Dumbledore avait à peine besoin d'élever la voix pour se faire entendre.
— Professeur Rogue, allez chercher les élèves de votre maison, s'il-vous-plait. Professeur McGonagall, professeur Lupin, merci d'avertir le professeur Flitwick et le professeur Chourave pour qu'ils fassent de même. Dites-leur de réunir les élèves dans la Grande Salle. Ils passeront la nuit là-bas. Mr Weasley, veuillez y emmener les Gryffondor.
— Bien sûr, Monsieur le Directeur ! répondit Percy en bombant le torse. Mettez-vous en rang et suivez-moi ! Pas de bousculade, s'il-vous-plait !
Ginny se rangea avec Neil. Les conversations allèrent bon train alors qu'ils descendaient les escaliers.
— Je vous l'avais dit ! murmura Lucy d'un ton tremblant. Il est venu ici !
— Mais comment il a fait ? demanda Sally, abasourdie.
— Il a réussi à s'échapper d'Azkaban, souligna Neil. Personne n'avait réussi à faire ça avant lui. On aurait dû se douter qu'il arriverait encore à passer sous le nez des Détraqueurs...
Tout autour d'eux, on échafaudait des hypothèses pour déterminer comment Black avait réussi à entrer dans l'école, tant et si bien que personne ne semblait se demander pourquoi. Tout le monde semblait partir du principe qu'il était fou et qu'aucune raison précise ne l'avait guidé jusqu'à la tour de Gryffondor. Black avait mal choisi sa soirée pour s'en prendre à Harry, toutefois. Il avait dû oublier que c'était Halloween...
— J'ai laissé Croûtard dans le dortoir ! s'exclama Ron. Il va passer la nuit tout seul... J'espère que ton chat est bien enfermé dans celui des filles !
— Oui, assura Hermione d'un ton tranquille. Je m'en suis assurée avant de descendre pour le dîner...
Ils s'étaient rabibochés au cours des jours précédents, leur compassion pour Harry et sa déception à l'idée de ne pas pouvoir aller à Pré-au-Lard ayant triomphé de leur dispute.
Les Gryffondor arrivèrent les premiers dans la Grande Salle. Ils furent rejoints par les élèves des autres maisons dix minutes plus tard. Tous semblaient plongés dans l'incompréhension et l'inquiétude en regardant McGonagall et Flitwick fermer les portes qui donnaient accès à la Grande Salle.
— Les professeurs et moi-même devons fouiller systématiquement le château, annonça Dumbledore. Je crains que, pour votre propre sécurité, il soit nécessaire que vous passiez la nuit ici. Je demande aux préfets de monter la garde aux portes de la Grande Salle et je confie au préfet et à la préfète-en-chef le soin d'organiser les choses. Tout incident devra m'être immédiatement signalé. Vous demanderez à l'un des fantômes de me transmettre un message en cas de besoin.
Dumbledore s'apprêtait à quitter la Grande Salle lorsqu'il se ravisa soudain.
— J'oubliais, vous allez avoir besoin de...
Il agita sa baguette et les tables s'envolèrent pour s'aligner contre les murs. Puis, d'un autre coup de baguette, il fit apparaître des centaines de sacs de couchage violets.
— Dormez bien.
À peine eut-il quitté la salle qu'un brouhaha s'éleva. Les Gryffondor racontèrent aux autres ce qu'il s'était passé.
— Tout le monde dans les sacs de couchage ! cria Percy. Fini les bavardages ! Extinction des feux dans dix minutes !
Ginny, Sally, Lucy et Neil s'installèrent ensemble. Autour d'eux, les élèves des autres maisons émettaient les mêmes théories que les Gryffondor avaient échafaudées un peu plus tôt.
— Il a peut-être pris une potion d'Invisibilité ? suggéra Cameron Tavish.
— Dumbledore a dit que les Détraqueurs étaient trop malins pour ça au début de l'année, non ? lui rappela Annabel Jones.
— Peut-être que c'était une potion super puissante...
— Moi, je pense qu'il s'est déguisé.
Les deux filles se tournèrent vers Luna, la mine moqueuse.
— Ah oui ? ironisa Cameron. Et en quoi ?
— En Détraqueur, bien sûr, répondit Luna comme s'il s'agissait d'une logique imparable.
— On ne peut pas se déguiser en Détraqueur, répondit Annabel en levant les yeux au ciel.
Mais elle ajouta à voix basse à l'intention de Cameron :
— C'est pas possible, pas vrai ?
— On éteint les lumières, maintenant ! cria Percy. Tout le monde dans les sacs de couchage, et plus un mot !
Ginny eut à peine le temps de se glisser dans son sac de couchage que les chandelles s'éteignaient déjà. Allongée sur le dos, un bras coincé sous sa tête, elle observa le ballet des formes argentées que formaient les fantômes sous le ciel magique parsemé d'étoiles. Le spectacle était étrangement apaisant. Elle ferma les yeux, bercée par la rumeur des conversations qui mourait peu à peu. Elle ne s'endormit pas immédiatement, encore secouée par les évènements. Elle avait peur pour Harry. Mais elle se raisonna : tant que Dumbledore serait là, il ne courait aucun risque...
Les heures défilèrent, chacune marquée par l'arrivée d'un professeur qui s'assurait que tout allait bien. Vers deux heures du matin, Ginny se sentit doucement partir.
Elle s'endormit.
***
Le lendemain matin, les élèves furent réveillés par un air de musique de chambre qui s'échappait de nulle part mais qui résonna dans toute la Grande Salle. Percy tira les derniers dormeurs de leurs sacs. Il avait l'air un peu moins autoritaire et un peu plus fatigué après sa nuit blanche. Dumbledore, qui fredonnait l'air de la musique comme s'il s'agissait d'un jour tout à fait normal, fit disparaître les sacs de couchage et remit les tables en place pour le petit-déjeuner. L'apathie du réveil laissa rapidement place à une excitation renouvelée. À nouveau, on palabra au sujet de Black.
Après le petit-déjeuner, les élèves furent autorisés à retourner dans leur salle commune. Lorsque les Gryffondor arrivèrent devant le portrait de la Grosse Dame, ils se rendirent compte que celui-ci avait été remplacé par un autre tableau.
— Arrière, vils manants !
Le nouveau portrait était celui d'un chevalier en armure monté sur un poney qui faisait des moulinets désordonnés avec son épée comme pour les tenir à distance.
— Tiens, le voilà, Sal', ton chevalier servant ! plaisanta Neil.
— Ahah, très drôle...
— C'est qui ? demanda Ginny. Je ne l'ai jamais vu avant...
— Le chevalier du Catogan, intervint George, juste derrière elle. D'habitude, il est dans la tour nord. Je crois qu'on la mit là exprès, il est un peu... enfin, ça se passe de mot, je crois. Je me demande pourquoi Dumbledore l'a choisi pour garder l'entrée... Fortuna Major !
— Ah ah ! s'écria le chevalier d'un air victorieux. Tu ne passeras point sans le bon mot de passe, gredin !
Percy se fraya alors un chemin jusqu'au portrait et récita d'un air las :
— Dat veniam corvis, vexat censura columbas.
— Sus à l'ennemi, braves chevaliers !
Le portrait pivota.
— C'est le nouveau mot de passe ? gémit Neville. Je ne vais jamais réussir à le retenir... Comment ça s'écrit ?
— Et qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Sally.
— « La censure pardonne aux corbeaux et poursuit les colombes », répondit Percy.
— Voilà qui n'a... strictement aucun sens.
***
Au grand dam de Neville, le chevalier du Catogan changea de mot passe au moins deux fois par jour, tous plus compliqués les uns que les autres. Les élèves devaient souvent attendre l'arrivée d'un préfet pour pouvoir entrer, ce qui lassa bien vite tout le monde.
— Il est complètement fou, fit remarquer Seamus Finnigan. On ne pourrait pas avoir quelqu'un d'autre ?
— Aucun autre portrait n'a accepté de reprendre ce poste, répondit Percy. Ils avaient tous peur de subir le même sort que la Grosse Dame. Le chevalier du Catogan a été le seul suffisamment courageux pour se porter volontaire.
— Mais ce sont des tableaux, marmonna Sally. Ils ne sentent rien, non ? De quoi ils ont peur ? De mourir ? Ils sont déjà morts, pour peu qu'ils aient vraiment existé !
À mesure qu'approchait le premier match de Quidditch de la saison, les sujets de conversation délaissèrent Black. L'équipe de Serpentard annula sa participation quelques jours avant la rencontre, arguant que Malefoy, leur Attrapeur, ne s'était pas remis de sa blessure. Ce qui n'empêchait pas ce dernier de se pavaner dans les couloirs, manifestement en pleine forme. Ginny l'avait même vu se servir de son bras en écharpe. De toute évidence, il jouait la comédie pour s'épargner d'avoir à affronter Gryffondor sous le temps désastreux qui s'annonçait.
À la place, Gryffondor allait donc jouer contre Poufsouffle. Le matin du match, l'orage faisait trembler les fenêtres du château. Les élèves prirent le chemin du stade sous la pluie battante et le vent violent, leurs capuches rabattues sur leurs têtes, déjà transis de froid. Malgré le vacarme de la tempête et du tonnerre, Ginny entendit distinctement Lucy glousser à l'apparition du capitaine de l'équipe de Poufsouffle.
— Je rêve ou tu en pinces pour le capitaine de l'équipe adverse ? s'exclama Sally, outrée.
— Quoi ? se défendit Lucy. C'est Cédric Diggory. Toutes les filles l'aiment bien.
— Trahison ! Disgrâce !
— Calme-toi, chevalier du Catogan ! répliqua Lucy.
Diggory, un élève de cinquième année bien bâti, était Attrapeur, ce qui signifiait qu'il allait affronter Harry. Ginny essaya de se concentrer sur le match, mais on ne voyait pas grand-chose à travers le rideau de pluie sous le ciel sombre. Même le commentaire de Lee Jordan était presque inaudible à cause des rafales. Madame Bibine siffla un temps mort. Réclamé par Gryffondor ou Poufsouffle, Ginny n'en avait aucune idée.
Le match reprit quelques instants plus tard, toujours aussi chaotique. À un moment, Ginny crut voir Harry et Diggory courser le Vif d'Or. Puis elle vit autre chose...
En contrebas, des centaines de silhouettes encapuchonnées avaient envahi le terrain, glissant comme sur de la glace. Un silence surnaturel s'abattit sur le stade. Le mugissement du vent, les coups de tonnerre, le crépitement de la pluie, tout disparut. Un froid glacial pénétra Ginny jusque dans ses os.
Elle se retrouva dans les toilettes de Mimi Geignarde.
Non... Pas encore...
Déjà, la main de Tom Jedusor, baignée d'une lueur verte fantomatique, s'extirpait du journal...
— Ginny ? Ginny !
Le visage de Sally lui apparut. Ginny se rendit compte qu'elle s'était affaissée par terre.
— Ne t'inquiète pas, je suis sûr qu'il va s'en tirer !
Ginny mit à moment à faire sens de ses paroles.
— Quoi ? balbutia-t-elle en se relevant.
Le match était terminé. La cacophonie de la tempête s'élevait à nouveau. Les élèves évacuaient les gradins dans la précipitation.
— Les Détraqueurs...
— Ils sont partis. Dumbledore les a chassés... Je ne l'ai jamais vu aussi en colère...
— Qu'est-ce qui s'est passé ?
— Oh, je pensais que tu avais vu... Je croyais que c'était pour ça que tu avais crié... Harry est tombé de son balai...
— Quoi ?
— Ils l'ont emmené à l'infirmerie...
— Comment il va ?
— Je ne sais pas trop... Il a fait une chute d'au moins quinze mètres... Dumbledore a essayé de le ralentir, mais...
Ginny aurait voulu se précipiter à l'infirmerie, mais elle était à peu près certaine que celle-ci était déjà bien assez pleine et qu'on ne la laisserait pas entrer. Elle suivit Sally et les autres jusqu'à la salle commune, les jambes flageolantes. Une fois dans son dortoir, elle troqua ses vêtements trempés contre une tenue chaude et sèche, puis alla se réfugier seule près du feu de cheminée. Mais en dépit de la proximité des flammes, elle ne parvint pas à se réchauffer.
— Tiens...
Elle releva la tête. Neville lui tendait un morceau de chocolat.
— J'en garde toujours dans mon dortoir, depuis le train... J'ai demandé à ma grand-mère de m'en envoyer. Toi aussi, ça a recommencé ? Je parie que c'est pour ça que Harry est tombé de son balai...
Ginny hésita un instant, puis croqua dans le morceau de chocolat. Enfin, elle sentit la chaleur se répandre dans son corps.
— Neville... Est-ce que tu... tu vois quelque chose, quand ils sont là, toi aussi ? demanda-t-elle d'une toute petite voix.
— Non... Mais j'entends des gens crier. Je crois que Harry aussi. Il pensait que quelqu'un avait crié, dans le train...
Neville ne lui demanda pas ce qu'elle voyait. Elle ne lui demanda pas qui il entendait crier.
— Merci, Neville.
— De rien.
À ce moment-là, les membres de l'équipe de Gryffondor, exceptés Harry et Olivier, firent leur entrée, encore trempés et boueux.
— Comment va Harry ? demanda Neville, devançant Ginny.
— Il va bien, répondit Fred. Contrairement à nos chances de remporter la Coupe...
— On est foutus, confirma George.
Ginny n'avait même pas songé à demander le résultat du match. De toute évidence, ils avaient perdu, et de loin.
— Cette victoire n'est pas réglo ! s'offusqua Fred. Diggory n'aurait jamais attrapé le Vif d'Or si Harry n'était pas tombé à cause des Détraqueurs ! Et maintenant, son Nimbus 2000 est en miettes...
— Qu'est-ce qui s'est passé ? s'étonna Ginny.
— Le Saule Cogneur l'a réceptionné, grimaça Angelina. Mais ce n'est pas la faute de Cédric, tu sais bien qu'il a proposé de rejouer le match...
— Oh, ça va, il savait très bien que ça ne se ferait pas, répliqua Fred. Je parie qu'ils font la fête, chez les Poufsouffle... Bon, je vais prendre une douche... Et peut-être essayer de me noyer dessous, comme Olivier...
Il monta dans son dortoir d'un pas trainant. George lui emboîta le pas.
Bientôt, tout le monde s'égailla pour vaquer à ses occupations. Ginny termina de manger le chocolat que lui avait offert Neville en silence, les yeux rivés sur les flammes. Elle tâcha de refouler le souvenir de Jedusor.
Mais tant que Black ne serait pas attrapé et que les Détraqueurs resteraient à proximité de l'école, cela risquait d'être une tâche bien difficile.
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