Chapitre 6 - L'agression de la Grosse Dame
Octobre chassa septembre, apportant son lot de vent, de fraîcheur et d'humidité. Un jeudi soir, alors que Ginny travaillait sur le devoir particulièrement ardu que Rogue leur avait donné à faire et qu'elle devait rendre le lendemain, elle vit rentrer Harry par le portrait de la Grosse Dame, épuisé mais content. L'équipe de Quidditch de Gryffondor avait repris les entraînements trois fois par semaine. Harry rejoignit Ron et Hermione. L'effervescence était à son comble dans la salle commune : le premier week-end à Pré-au-Lard venait d'être annoncé.
— Ce sera bien, quand on pourra y aller, l'année prochaine, soupira Sally d'un ton rêveur.
— À condition que Black soit attrapé avant, répondit Lucy. Ma mère n'aurait jamais signé l'autorisation cette année, elle a trop peur.
— Pourquoi Black irait à Pré-au-Lard ? railla Sally. Pour s'acheter des Patacitrouilles chez Honeydukes ?
— Ils n'ont pas mis des Détraqueurs autour de l'école ou fouillé le train pour rien... Et puis, ils ont repéré Black pas très loin d'ici, le mois dernier...
— Tu crois que Black veut venir ici ? s'étonna Ginny. Pourquoi ?
— Aucune idée, mais ça ne me parait pas impossible...
— ATTENTION !
Ron venait de crier, attirant tous les regards sur lui. Il secouait son sac, où s'était accroché Pattenrond, qui crachait et essayait de déchirer le tissu.
— VA-T'EN, STUPIDE ANIMAL !
— Ron, arrête, tu vas lui faire mal ! s'écria Hermione.
Croûtard sauta hors du sac et courut ventre à terre pour échapper au chat, qui se lança à sa poursuite.
— ATTRAPE CE CHAT ! hurla Ron.
George plongea sur Pattenrond, mais le manqua. Croûtard fila entre les pieds des élèves et se réfugia sous une commode. Pattenrond s'arrêta dans une glissade et donna des coups de pattes sous le meuble. Hermione se précipita pour l'attraper alors que Ron se jetait à plat ventre pour tirer le rat par la queue.
— Regarde ça ! s'écria-t-il, furieux, en agitant Croûtard sous le nez d'Hermione. Il n'a plus que la peau sur les os ! Empêche ton chat de le martyriser !
— Ce pauvre Pattenrond ne comprend pas que ce n'est pas bien, le défendit Hermione d'une voix tremblante. Tous les chats courent après les rats.
— Il est bizarre, ton animal ! Il a compris quand j'ai dit que Croûtard était dans mon sac !
— Tu racontes des bêtises. Pattenrond a senti son odeur, voilà tout...
— Ce chat en veut à Croûtard !
Sally ne put s'empêcher de ricaner. Elle ne fut pas la seule.
— Mais Croûtard était là avant lui, et en plus, il est malade !
Furieux, le rat à l'abri dans sa poche, Ron fit volte-face et monta dans le dortoir des garçons. Hermione se réfugia dans celui des filles, Pattenrond dans les bras. Harry ramassa le devoir qu'il avait à peine commencé et suivit Ron.
— Si Black était un rat, je suis sûre que ce chat pourrait l'attraper, murmura Sally d'une voix fatiguée.
***
Le lendemain, Hermione remonta directement dans le dortoir après le dîner. Ron lui jetait toujours des regards féroces. Harry, quant à lui, semblait démoralisé pour une raison qui échappait à Ginny.
Elle s'excusa auprès de ses amis pour aller voir Hermione dans son dortoir. Dès qu'elle ouvrit la porte, Pattenrond essaya de s'échapper. Ginny la referma juste à temps. Puis elle entendit Hermione renifler. Elle était seule.
— Oh, Ginny, c'est toi, dit-elle en faisant semblant de s'affairer autour de sa table de chevet.
— Ça va ? demanda Ginny.
— Oui, tout va bien...
— Non, ça ne va pas, la contredit Ginny. Ne t'inquiète pas, tu peux insulter Ron en ma présence, je ne lui dirai rien. Je fais ça souvent, moi aussi.
Hermione laissa échapper un son à mi-chemin entre le rire et le sanglot et se laissa tomber sur son lit.
— C'est juste que... ils sont tous contre moi, aujourd'hui. Ron à cause de Pattenrond, le reste de la classe à cause du lapin de Lavande...
— Ah, oui, j'en ai entendu parler... Quel rapport avec toi ?
— Lavande pense que Trelawney avait prédit la mort de son lapin, grimaça Hermione. J'ai essayé de leur expliquer que c'était parfaitement insensé, mais...
— Je ne pense pas qu'elle tenait tant à entendre quelque chose de sensé, intervint Ginny avec douceur en s'asseyant à côté d'Hermione.
— Oui, je m'en doute, soupira Hermione. C'est juste que ça me rend folle, d'avoir l'impression d'être la seule à réfléchir, parfois.
— Bah, quand on est amis avec Ron, il faut souvent réfléchir pour deux, malheureusement.
Hermione eut un petit rire, puis se reprit aussitôt :
— Je ne dis pas qu'il est idiot, au contraire. Il peut être brillant. Mais parfois... il me rend folle, c'est tout. Et bien sûr, il a fallu qu'il en rajoute une couche devant Lavande, soi-disant que je me fiche des animaux des autres... Et puis Harry a essayé de demander à McGonagall de signer son autorisation de sortie pour Pré-au-Lard, et bien sûr, elle a refusé. J'ai osé dire que c'était pour le mieux, vu que...
Elle s'interrompit, avec l'expression de quelqu'un qui en avait trop dit.
— Vu que quoi ? demanda Ginny, les sourcils froncés.
— Vu que ça pourrait être dangereux, de toute façon, biaisa Hermione. Avec Black, tout ça...
— Dangereux pour Harry, mais pas pour Ron ou toi ?
Alors, enfin, elle comprit.
Bien sûr. Black était un Mangemort. Il avait été repéré à proximité de l'école, qui était protégée par des Détraqueurs. Ron avait peur pour Harry depuis cette histoire de Sinistros, et leur père, qui avait paru très tendu depuis la nouvelle de l'évasion de Black, avait entretenu une communication avec le ministre en personne, qui avait offert une chambre à Harry au Chaudron Baveur. On leur avait prêté des voitures, soi-disant pour faire une fleur à Arthur... Mais ce dernier n'avait pas lâché Harry d'une semelle pendant le trajet jusqu'au quai neuf trois quarts.
Qu'est-ce qu'elle pouvait être idiote !
— Black en a après Harry, devina-t-elle.
C'était lui qui avait provoqué la chute de Voldemort, après tout. Black voulait sûrement sa revanche.
Hermione ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes.
— Tu ne peux en parler à personne ! Pas même à Ron et Harry... Ils vont encore plus m'en vouloir si le secret s'ébruite... Et puis, Harry n'a vraiment pas besoin de ça...
— Je ne dirai rien, promit Ginny. Je sais garder un secret. Honnêtement, je suis assez étonnée de ne pas avoir compris plus tôt. J'aurais dû m'en douter, avec tout ce qu'il s'est passé cet été... Et puis, quand il y a du danger, Harry est toujours visé, on dirait. Il a le chic pour trouver les ennuis...
— Ce sont les ennuis qui le trouvent, corrigea Hermione. C'est ce qu'il a dit, dans le train, quand il nous a parlé de Black...
— Ah. C'est donc pour ça que Ron voulait me virer. Je comprends mieux.
Et c'est sans doute pour lui parler de Black que son père avait retenu Harry au point de manquer lui faire rater le train...
— Au sujet de Ron, reprit Ginny. Il finira par se calmer, j'en suis sûre...
— Oui, j'espère, murmura Hermione.
La porte du dortoir s'ouvrit sur Lavande et Parvati, qui se figèrent en les apercevant. Elles adressèrent une œillade funeste à Hermione avant de se détourner et de faire comme si elle n'était pas là. Ginny se leva pour sortir, s'arrêta sur le seuil pour faire un petit signe de la main à Hermione, qui lui sourit en retour, puis s'éclipsa.
Ainsi, Lucy avait raison. Black avait bel et bien l'intention de venir ici, et pour trouver Harry, de surcroît. L'idée était effrayante, mais Ginny se rasséréna. L'école était bien protégée.
Il n'y avait aucune chance pour que Black parvienne à y pénétrer.
***
Le jour d'Halloween, la salle commune s'était considérablement vidée, tous les élèves de troisième année et plus, ou presque, ayant déserté les lieux au profit de Pré-au-Lard. Harry apparut en début de matinée, l'air toujours aussi déprimé. Colin, qui jouait à la Bataille Explosive avec Ginny, Sally, Neil et Lucy, l'alpaga aussitôt :
— Hé, Harry ! Salut, Harry ! Tu ne vas pas à Pré-au-lard, Harry ? Comment ça se fait ? Viens t'assoir avec nous, si tu veux.
— Non merci, Colin. Je dois aller à la bibliothèque. J'ai du travail à faire.
Harry fit demi-tour et ressortit de la salle commune. Les épaules de Colin s'affaissèrent d'une déception que Ginny ne pouvait s'empêcher de partager. Harry se trouvait rarement sans la compagnie de Ron et Hermione. Cela aurait pu être l'occasion de se rapprocher de lui... Mais manifestement, il n'en avait pas la moindre envie. Il n'était pas difficile de deviner que cette histoire de travail à faire n'était qu'un prétexte pour rester seul...
— Tu veux pas aller lui remonter le moral ? lui murmura Sally d'un ton taquin en lui donnant un petit coup de coude.
De toute évidence, elle n'avait pas oublié l'histoire du poème de la Saint Valentin.
— Oh, la ferme ! répliqua Ginny d'un ton léger.
Sally étouffa un rire.
***
Les élèves qui s'étaient rendus à Pré-au-Lard revinrent au coucher du soleil, juste à temps pour le banquet d'Halloween. Ginny passa une excellente soirée. Les fantômes de l'école leur offrirent un beau spectacle à la fin du repas. La reproduction de la décapitation ratée de Nick Quasi-Sans-Tête, en particulier, remporta un franc succès. Ginny, Sally, Lucy et Neil furent parmi les derniers à se lever de table pour retourner au dortoir, le ventre plein.
— Trop d'escaliers, marmonna Sally. Trop de nourriture. Que quelqu'un me porte jusque là-haut ! Neil, tu veux pas être mon chevalier servant ?
— Non merci !
Lorsqu'ils atteignirent le couloir qui donnait accès à la tour de Gryffondor, ils se retrouvèrent coincés par une foule qui n'avançait pas. Puis la voix de Percy, urgente, s'éleva au-dessus des autres :
— Que quelqu'un aille chercher le professeur Dumbledore ! Vite !
— Qu'est-ce qui se passe ? demanda Ginny.
Quelqu'un avait dû se détacher de la foule pour obéir à Percy, car bientôt, le professeur Dumbledore fit irruption. Les Gryffondor s'écartèrent sur son passage, et Ginny put entrevoir l'origine du problème. Quelques élèves lâchèrent des exclamations de stupeur. Sally sautilla sur place pour essayer de voir par-dessus les têtes alors que la foule se refermait sur Dumbledore.
— J'ai rien vu ! Il se passe quoi ?
Ginny se tourna vers elle.
— La Grosse Dame, elle a disparu !
Sa toile vide était lacérée, ses lambeaux jonchant le sol.
McGonagall, Lupin et Rogue accoururent.
— Il faut absolument la retrouver, déclara Dumbledore. Professeur McGonagall, s'il-vous-plaît, allez tout de suite prévenir Rusard et dites-lui de chercher la Grosse Dame dans toutes les peintures du château.
— Vous aurez de la chance si vous la trouvez ! intervint alors une voix criarde.
Peeves flottait au-dessus de la foule, l'air réjoui. Rien ne lui faisait plus plaisir que le malheur des autres.
— Qu'est-ce que tu veux dire, Peeves ? interrogea Dumbledore.
Le sourire de l'esprit frappeur s'effaça. Dumbledore était bien l'une des rares personnes dont il n'osait pas se moquer.
— Elle a honte, Monsieur le Grand Directeur, expliqua-t-il d'un ton mielleux. Elle ne veut pas qu'on la voie. Elle est dans un état épouvantable. Je l'ai vue courir dans le paysage du troisième étage en se cachant derrière les arbres. Elle pleurait toutes les larmes de son gros corps. La pauvre...
Il avait l'air trop joyeux pour exprimer une réelle compassion.
— Elle a dit qui avait fait ça ? demanda Dumbledore.
— Oh, oui, Monsieur le Chef des professeurs. Il est devenu fou furieux quand elle a refusé de le laisser entrer.
Savourant l'effet qu'il venait de ménager, il fit une cabriole et ajouta :
— Quel sale caractère il a, ce Sirius Black !
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