Chapitre 8 - Soupçons
La double agression de Justin et Nick acheva de faire fuir les élèves, qui se ruèrent sur les réservations du Poudlard Express. Celle de Nick, notamment, faisait beaucoup parler. Comme l'avait souligné Sally, personne n'aurait cru possible qu'un fantôme soit pétrifié. Au moins, puisque le château serait presque vide, Ginny serait moins susceptible de s'en prendre à quelqu'un pendant ce laps de temps.
Mais il restait encore presque une semaine entière à tenir avant les vacances. Le quotidien était devenu délicat pour Harry, victime des rumeurs. Fred et George s'amusaient à le précéder dans les couloirs en criant : « Faites place à l'héritier de Serpentard ! Attention, sorcier très dangereux ! »
Percy réprouva leur attitude.
— Ce n'est pas un sujet de plaisanterie, dit-il avec froideur.
— Dégage, Percy, Harry est pressé, répliqua Fred.
— Il doit se rendre dans la Chambre des Secrets pour y prendre le thé avec son serpent préféré, ajouta George.
— À qui tu comptes t'en prendre la prochaine fois, ô Héritier de Serpentard ? demanda Fred.
— Pas à moi, en tout cas ! s'exclama George en brandissant une énorme tresse d'ail. Arrière, vipère !
Harry ne le prenait pas mal et s'en amusait même, mais Ginny ne voulait plus rien entendre.
— Arrêtez ! gémit-elle, au bord des larmes. Ce n'est pas drôle !
Elle les planta là et les devança d'un pas rapide. Derrière elle, elle entendit Percy crier aux jumeaux qu'il allait écrire à leur mère.
Enfin, à son intense soulagement, la semaine toucha à sa fin, et il ne resta plus qu'une poignée d'élèves au château. Tous les Gryffondor étaient partis hormis les Weasley, Harry et Hermione. Ginny avait conscience que cela signifiait qu'il restait au moins une Née-Moldue à l'école, et elle était terrifiée à l'idée de s'en prendre à elle. D'autant plus qu'il ne resterait plus beaucoup de suspects à blâmer... Elle espérait que la personne qui se servait d'elle avait préféré quitter le château pour les vacances, ou qu'elle n'oserait pas s'en prendre à qui que ce soit par crainte d'être plus facilement démasquée.
Le matin de Noël, Ginny ouvrit les cadeaux que sa famille lui avait offert : le traditionnel pull de sa mère, des friandises de la part de Ron, des farces et attrapes de la part des jumeaux, un livre de la part de Percy, un bracelet en écailles de dragon de la part de Charlie et une plume de Bénou de la part de Bill. Elle enfila le pull et le bracelet pour aller dîner dans la Grande Salle, décorée avec magnificence pour le repas de Noël. Pour la première fois depuis longtemps, elle parvint à se détendre. Elle goûta au vin chaud et épicé pour la première fois de sa vie, ce qui lui fit monter le rouge aux joues et lui donna une sensation d'allégresse. Elle reprit les cantiques chantés par Dumbledore avec d'autres élèves et Hagrid, qui avait manifestement bu plus de vin que quiconque. Même les blagues des jumeaux, qui avaient ensorcelé le badge de préfet de Percy pour lui faire dire « Benêt » sans que ce dernier s'en rende compte, lui parurent drôles.
À sa grande déception, Harry quitta tôt la Grande Salle avec Ron et Hermione. Elle avait espéré rassembler le courage de lui adresser la parole, en vain. Percy s'excusa peu après le dessert en même temps qu'une préfète de Serdaigle. Lorsque Ginny remonta dans la salle commune avec les jumeaux, ni Harry, Ron et Hermione ni Percy ne s'y trouvaient. Elle joua à la bataille explosive avec Fred et George jusqu'à avoir les yeux qui se ferment tous seuls et alla se coucher, heureuse pour la première fois depuis longtemps.
***
Le lendemain matin, à la table du petit-déjeuner, Fred demanda :
— Au fait, où est Hermione ?
— À l'infirmerie, répondit Ron.
Ginny leva aussitôt le nez de son assiette avec l'impression qu'une pierre venait de lui tomber dans l'estomac.
— Quoi ? s'exclama-t-elle, alarmée. Elle n'a pas été...
— Non, elle n'a pas été attaquée.
Ron échangea un regard énigmatique avec Harry. Ginny crut y déceler un mélange de culpabilité et d'amusement qui la rassura aussitôt : si quelque chose de grave lui était arrivé, ils n'auraient pas réagi comme ça.
— Ah bon ? reprit Fred. Qu'est-ce qu'elle a ? Une indigestion ? Parce que j'ai mangé ce truc hier soir et depuis, je peux vous dire que ça fait de sacrées pirouettes là-dedans...
— Juste un sort qui a mal tourné, l'interrompit Ron en grimaçant.
— Un sort ? s'étonna George. Le soir de Noël ?
— Tu connais Hermione, répondit Ron. Toujours en train de s'entraîner...
Hermione demeura si longtemps à l'infirmerie que Ginny se demanda quel genre de sort elle avait pu lancer. Seuls Harry et Ron avaient le droit de lui rendre visite. Hermione se trouvait toujours à l'infirmerie lorsque les autres élèves revinrent au château, ce qui suscita des rumeurs au sujet d'une nouvelle attaque. L'anxiété de Ginny remonta en flèche avec la rentrée : et si elle attaquait à nouveau quelqu'un ? Elle confia sa peur à Tom, qui lui répondit :
Je suis sûr que tout ira bien. Mais continue de me tenir au courant des évènements. Je veux savoir ce qu'il se passe.
« Je veux savoir ce qu'il se passe. »
Cette phrase lui resta en tête. Tom dédaignait ses confidences lorsqu'elle avait besoin d'aide et se montrait beaucoup plus intéressé par ce qu'il se passait à l'école que par elle. Bien sûr, elle-même s'était montrée peu curieuse à son sujet... Peut-être qu'il en avait assez qu'elle parle toujours d'elle et qu'il attendait qu'elle s'intéresse un peu à lui... Mais lorsqu'elle commença à lui poser des questions, elle se heurta à un mur.
Peu importe dans quelle maison j'étais ou comment c'était à Poudlard à mon époque. C'est le passé. Ce qui m'intéresse, c'est le présent et l'avenir.
Elle fronça les sourcils. L'avenir ? Elle ne voulait pas se montrer insensible, mais pourquoi un mort s'intéressait-il à l'avenir ? Elle tenta d'insister, mais ne reçut que des réponses de plus en plus irritées et expéditives, si bien qu'elle cessa d'écrire. Le journal quitta sa place habituelle dans sa poche et fut relégué au fond de sa valise.
Les premiers jours, ce fut difficile. Écrire à Tom était devenu une drogue. Mais il ne lui était plus d'une grande utilité, et elle se rendit compte jour après jour qu'elle se sentait beaucoup plus reposée, comme si c'était le journal qui lui avait aspiré toute son énergie jusque-là.
Puis vinrent les cauchemars. Chaque nuit, son cerveau lui montrait de l'encre couleur de sang qui bavait des messages effrayants sur les pages du journal : « OUVRE-MOI, GINNY ! » « TU CROIS POUVOIR TE PASSER DE MOI ? ».
N'y tenant plus, elle finit par ouvrir le journal. Des mots apparurent avant même qu'elle ait eu le temps d'en écrire un seul.
Enfin. Ne refais plus jamais ça. Tu as besoin de moi, Ginny. Et j'ai besoin de moi, moi aussi.
Ces mots lui firent l'effet d'une douche glacée.
Pourquoi as-tu besoin de moi ?
Elle attendit une réponse. En vain.
Alors, enfin, elle comprit.
Elle comprit pourquoi elle avait si souvent perdu la mémoire après s'être endormie en écrivant à Tom. Elle comprit qui était l'héritier de Serpentard. Elle comprit qui la manipulait vraiment. Fébrilement, elle ajouta :
Dans quelle maison étais-tu, Tom ? Pourquoi refuses-tu de me le dire ?
Toujours aucune réponse.
Terrifiée, Ginny fourra le journal dans sa poche une dernière fois et courut hors de la salle commune. Elle descendit jusqu'aux toilettes de Mimi Geignarde, là où elle était certaine que personne ne viendrait la déranger.
Elle laissa tomber le journal dans un lavabo et pointa sa baguette dessus :
— Incendio !
Le journal prit feu. Les flammes crépitèrent, mais à la grande horreur de Ginny, ne consumèrent pas le journal. Elles s'éteignirent, le laissant intact. D'un geste fébrile, des larmes coulant sur ses joues, Ginny essaya alors de déchirer les pages, mais celles-ci repoussèrent comme des feuilles d'arbre au printemps en accéléré. En dernier recours, elle jeta alors le journal dans un des toilettes et prit la fuite.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro