Chapitre 5 - La Chambre des Secrets
— Alors, comment se sont passées ces premières semaines ? l'interrogea Percy à la table du petit-déjeuner quinze jours après la rentrée.
— Bien, mentit Ginny.
Toute sa classe avait appris qu'elle était pauvre dès son premier jour, son frère avait une réputation de vomisseur de limaces, elle n'était pas parvenue à se faire le moindre ami et, apparemment, elle était somnambule, maintenant.
— Les cours ne sont pas trop difficiles ?
Les cours de défense contre les forces du mal étaient une vaste plaisanterie. Lockhart passait son temps à parler des exploits qu'il racontait dans ses livres, se mettant en scène dans des reconstitutions dans lesquelles il invitait des élèves à jouer divers rôles. Colin était ravi de se porter volontaire. Ginny n'avait jamais vu leur professeur faire usage de sa baguette une seule fois, et ils n'avaient pas appris le moindre sort. Parfois, elle croisait le regard blasé de Sally Turner et elle sentait qu'une sorte de connexion s'établissait entre elles, mais elle n'osait pas aller lui parler en dehors de la salle de classe. Les cours de Flitwick étaient beaucoup plus intéressants. Ginny savait désormais allumer et éteindre sa baguette avec Lumos et Nox, et ils apprenaient maintenant à lancer des étincelles, signal d'alerte élémentaire pour indiquer sa position ou une situation de danger. Ils s'exerçaient à changer les couleurs, l'intensité, le bruit. Ensuite, ils apprendraient à enflammer des mèches de bougie, et Flitwick leur avait annoncé qu'en octobre, ils commenceraient à travailler sur le sortilège de Lévitation, ce qui enthousiasmait toute la classe. Toujours assise à côté de Colin, c'était aussi l'occasion pour Ginny de parler à quelqu'un lorsqu'ils s'entraînaient ensemble. Colin était un garçon exubérant, hyperactif, volubile, ami avec presque tous les élèves de première année excepté ceux de Serpentard, tellement sociable que Ginny n'avait guère l'occasion de rester en sa compagnie en dehors de ce cours.
Ginny appréciait également la botanique et l'astronomie, mais l'histoire de la magie l'ennuyait à mourir. Les cours de métamorphose et de potions étaient de loin les plus compliqués. Ginny n'arrivait pas à décider qui elle craignait le plus entre McGonagall et Rogue. Quant aux cours de vol... elle avait décidé de ne plus montrer l'étendue de ses capacités pour ne pas s'attirer les foudres des autres.
— Non, ça va, je me débrouille, assura-t-elle.
— Bien. Mais si jamais tu as besoin d'aide ou de conseils, je suis là.
Percy se lança dans un long discours sur l'importance du travail personnel en dehors des cours et se mit à lui donner un tas de techniques pour étudier efficacement.
— Tu es sûre que ça va ? insista-t-il lorsqu'il se rendit compte qu'elle ne l'écoutait déjà plus depuis un moment. Tu as l'air fatiguée.
Fatiguée ? Oui, elle l'était. Et malheureusement, elle ne pouvait pas seulement blâmer le laïus rasoir de Percy pour ça. Elle avait beau se coucher tous les jours avant tout le monde dans la tour de Gryffondor, elle se réveillait épuisée.
Cela ne s'arrangea pas lors des semaines qui suivirent.
Peu à peu, afin de pouvoir grappiller quelques heures de sommeil supplémentaires, elle commença à bâcler certains devoirs, surtout ceux de défense contre les forces du mal ou d'histoire de la magie, afin de pouvoir se concentrer sur ceux qu'elle devait rendre pour les cours plus exigeants qu'elle ne pouvait se permettre de rater, notamment la métamorphose et les potions. Au début du mois d'octobre, Percy lui trouva une mine si terrible qu'il la força à aller à l'infirmerie pour prendre de la Pimentine, la croyant victime de l'épidémie de rhume qui circulait au château. La Pimentine avait pour très désagréable effet secondaire de faire fumer les oreilles pendant plusieurs heures. Allison Blake ne se priva pas de faire un commentaire tout aussi désagréable, la comparant au Poudlard Express en raison de ses cheveux aussi rutilants que la couleur du train. Ginny se sentait malade, mais elle n'était pas sûre qu'il s'agisse vraiment d'un rhume. Elle se plaignit de la situation à Tom, qui compatit à ses malheurs.
Un autre sujet récurrent de ses confidences était Harry.
Je ne suis même pas capable de me faire des amis, je ne vois pas comment je pourrais attirer son attention. Il doit penser que je suis une gamine incapable d'aligner trois mots, après mon comportement cet été. Il n'y a aucune chance qu'il m'aime un jour, écrivit-elle un jour.
Il ne te connait pas comme je te connais. Tu vas en surprendre plus d'un, j'en suis sûr.
Cette réponse la toucha. Tom disait vrai, elle était loin d'avoir dévoilé sa vraie personnalité à Harry. La Ginny qu'elle avait été cet été n'était pas la Ginny normale.
Personne ne m'a jamais comprise comme toi, Tom. Je suis si heureuse de pouvoir me confier à ce journal. C'est comme si j'avais toujours un ami dans la poche.
Et, en effet, le journal ne la quittait jamais. Elle culpabilisait parfois de préférer écrire à Tom plutôt que se concentrer sur ses devoirs, mais elle avait besoin de ces moments de décompression.
Quelques jours avant Halloween, un dimanche après-midi, alors qu'elle tentait de relire ses notes de métamorphose dans la salle commune, elle s'assoupit dans un fauteuil près du feu de cheminée, bercée par le crépitement des flammes mêlé à celui de la pluie battant contre les fenêtres. Quelqu'un la tira du sommeil en la secouant par l'épaule.
— Dis donc, c'est plus facile de chatouiller un dragon sans mourir que de te réveiller ! commenta Fred.
Désorientée, Ginny regarda autour d'elle et se rendit compte avec l'horreur que la nuit était tombée. Combien de temps avait-elle perdu ?
— Et qu'est-ce que c'est que ça ? demanda Fred en retirant quelque chose de sa robe. T'es tombée dans la volière ou quoi ? T'en as partout !
Ginny regarda la plume que son frère tenait entre ses doigts, puis sa propre robe, parsemée de plumes. Mais elles n'appartenaient pas une chouette ou à un hibou, elle en était sûre. Ça ressemblait plutôt à... des plumes de coq.
— Euh... Oui, c'est ça, répondit-elle, tâchant de dissimuler sa panique. Je suis tombée dans la volière. J'ai oublié de me changer.
Elle se rappela le jour où elle s'était réveillée chez Hagrid. Avait-elle eu une autre crise de somnambulisme ? Qu'avait-elle fait cette fois ? Pourquoi ne se souvenait-elle de rien ?
— En tout cas, tu vas rater le dîner, si tu n'y vas pas tout de suite, indiqua Fred.
Lee et George le hélèrent depuis l'escalier qui menait aux dortoirs des garçons, et il alla les rejoindre. Ginny se hâta à son tour de monter dans le sien, heureusement vide, et retira sa robe avec des gestes fébriles. Elle en extirpa le journal et fourra la robe sous son matelas comme s'il s'agissait de la preuve d'un terrible crime. Puis elle attrapa la plume qu'elle laissait sur sa table de chevet, la trempa dans l'encrier et écrivit avec fébrilité :
Cher Tom,
Je crois que je suis en train de perdre la mémoire. Il y a des plumes de coq sur ma robe et je ne sais pas du tout d'où elles viennent.
Elle attendit la réponse avec impatience.
Tu as sans doute fait une crise de somnambulisme, comme la dernière fois. Cela peut arriver quand on est surmené. La première année peut être très stressante. Tu devrais essayer de te reposer.
Ginny contempla ces mots avec un sentiment de frustration croissant. Tom était d'ordinaire plus utile que cela.
Elle renonça à lui répondre, enfila une nouvelle robe, fourra le journal dans sa poche et descendit dîner.
***
— Ginny ? Tu veux du gâteau ?
Ginny cligna des yeux. Le décor de la Grande Salle lui apparut. Les citrouilles flottantes évidées éclairées par des bougies et les chauve-souris qui voletaient sous le faux plafond lui rappelèrent qu'on était le jour d'Halloween. Sally Turner la regardait d'un air interrogateur.
— Euh... non merci, déclina-t-elle.
Elle se sentait déjà rassasiée alors qu'elle ne se souvenait ni avoir mangé le plat principal, ni être entrée dans la Grande Salle pour le festin. Elle se creusa les méninges pour retracer son dernier souvenir solide : elle s'était dirigée vers les toilettes en fin d'après-midi, celles du deuxième étage. Ce qui était étrange, car même la première année fraîchement débarquée qu'elle était savait déjà qu'il ne fallait surtout pas utiliser ces toilettes si l'on ne voulait pas se coltiner Mimi Geignarde. Elle ne se souvenait pas l'avoir vue, pourtant. En fait, elle ne se souvenait de rien du tout après cela.
Elle tendit une main tremblante vers son verre de jus de citrouille à moitié vide et remarqua alors une trace rouge sur la manche de sa robe. Elle paniqua à l'idée qu'il s'agisse de sang, mais lorsqu'elle retroussa sa manche, elle s'aperçut qu'elle n'était pas blessée. Elle craignit alors qu'il s'agisse du sang de quelqu'un d'autre.
Dumbledore annonça bientôt la fin du festin. Impatiente de retourner dans son dortoir pour écrire à Tom, Ginny se leva comme un ressort. Elle suivit la foule d'élèves qui se dirigeait vers les étages. La plupart étaient des Gryffondor et des Serdaigle, mais Malefoy et ses deux acolytes avaient manifestement quelque chose à faire en dehors de leur salle commune avant d'aller se coucher.
Soudain, au deuxième étage, la foule ralentit puis s'arrêta. Ginny parvint à se faufiler au premier rang, mue par un mauvais pressentiment.
Elle découvrit alors Harry, Ron et Hermione au milieu du couloir inondé d'une flaque d'eau. Sur le mur, un message était rédigé en grosses lettres rouges.
LA CHAMBRE DES SECRETS ÉTÉ OUVERTE.
ENNEMIS DE LHÉRITIER, PRENEZ GARDE.
Un long frisson parcourut l'échine de Ginny. L'écriture lui paraissait familière. Mais ce fut surtout ce qui se trouvait en dessous qui la terrifia : Miss Teigne, la chatte de Rusard, était pendue par la queue à une torchère, raide comme une planche, les yeux grands ouverts.
Quelqu'un d'autre se faufila au premier rang.
— Ennemis de l'héritier, prenez garde ! s'exclama Drago Malefoy d'une voix forte. Bientôt, ce sera le tour des Sang de Bourbe !
Il regarda la chatte en souriant.
— Qu'est-ce qui se passe, ici ?
Rusard se fraya un chemin dans la foule. Lorsqu'il vit Miss Teigne, il recula, horrifié, puis hurla :
— Ma chatte ! Ma chatte ! Qu'est-ce qui est arrivé à ma chatte ?
Ses yeux exorbités se posèrent alors sur Harry.
— Vous ! C'est vous qui avez assassiné ma chatte ! Vous l'avez tuée ! Et maintenant, c'est moi qui vais vous tuer ! Je vais...
— Argus !
Dumbledore interrompit la folie meurtrière du concierge. Suivi de McGonagall, Rogue et Lockhart, il décrocha Miss Teigne de la torchère.
— Venez avec moi, Argus. Vous aussi, Mr Potter, Mr Weasley et Miss Granger.
— Mon bureau est juste à côté, Monsieur le Directeur, proposa Lockhart. Si vous voulez l'utiliser...
— Merci, Gilderoy.
Le directeur, les professeurs, Rusard ainsi que Harry, Ron et Hermione entrèrent dans le bureau.
Dans le couloir, les élèves commencèrent à murmurer. Percy ordonna aux Gryffondor de retourner dans leur tour, mais peu semblaient enclins à lui obéir. Ginny accorda à peine attention à ce qui se disait autour d'elle.
Elle n'avait d'yeux que pour le message.
La couleur des lettres était exactement la même que celle sur sa manche.
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