CHAPITRE 7 (2)
— Allez-y, l'encouragea Geffrah, rassurez-le. Il faut qu'il sache que tout va bien se passer...lorsqu'un patient est serein avant son opération, les risques de complications sont considérablement réduits. Il faut qu'il sache que tout va bien se passer, surtout qu'il sera éveillé durant la procédure.
Allison obtempéra et suivit l'infirmière. Elles traversèrent la porte et longèrent un petit couloir qui débouchait sur une salle spacieuse. Là, devant elles, le métis était étendu sur un chariot-brancard. Il faisait frais, à cause de la ventilation qui permettait de garder la pièce stérile. Allison fit trois pas et se retrouva au chevet de Warren. À sa vue, le visage de ce dernier parut s'illuminer.
— Je ne pensais pas que vous viendriez, soupira-t-il.
— Bien sûr que si, sourit Allison derrière son masque chirurgical.
— On pourrait être seuls ? J'ai quelque chose à...vous demander...
Allison leva le regard et demanda à la demi-dizaine de soignants qui avaient colonisé les lieux de leur laisser quelques minutes seuls. Bientôt, la pièce devint aussi silencieuse qu'une morgue.
Allison se demanda si elle ne devait pas profiter de cette aubaine pour en finir avec Warren. Mais elle fit rapidement taire cette idée dans son esprit ; non, ça aurait soulevé beaucoup trop de soupçons.
— Je suis très essoufflé, pardon...
— Ce n'est rien, Warren. Dans quelques heures, ce ne sera plus qu'un mauvais souvenir...
Menteuse pestiférée ! Dans quelques heures, il sera décédé.
— Je tenais à vous remercier...pour tout ce que vous avez fait pour moi jusque-là...je sais, vous allez me dire que vous n'avez...fait que votre travail...mais votre investissement compte énormément pour moi...
— Vous savez, on peut se tutoyer.
— Bien sûr, sourit-il avant d'être pris par une quinte de toux.
— Tout va bien se passer, Warren...mentit-elle en posant la main sur l'épaule du patient.
— Je sais. Je...te fais confiance.
Tout le monde lui faisait confiance, apparemment.
— La vérité, continua le métis, la vérité c'est que je...ne suis pas très doué pour...pour exprimer ce que je ressens. Là, je te regarde, et...tout ce que je vois c'est une magnifique dauphinelle bleue.
Euh...quoi ?
— Savais-tu que cette fleur était la consoude royale des chirurgiens, réputée efficace pour guérir les blessures du corps mais aussi de l'âme ?
— Je crains de ne pas trop m'y connaitre en fleurs, ricana nerveusement la jeune femme.
— Je ne sais pas si je survivrai à l'opération, expliqua le patient, je ne crois plus trop en ma bonne étoile. Si je venais à ne pas survivre, je tenais à ce que tu saches que tu es...l'une des personnes les plus admirables que j'ai croisé dans ma vie, et...je sais bien, qu'on ne se connait pas.
«Mais je n'ai pas besoin d'étudier toutes tes pétales pour savoir que tu es une orchidée rare. Et ces détails minimes m'exaltent...je tenais à ce que tu le saches, Allison.»
Elle ne comprit pas tout de suite ses propos. Ce ne fut que lorsque la main de Warren se posa sur la sienne, qu'elle réalisa ce qu'il venait de dire. Elle sentit un faible courant électrique la traverser à ce contact, mais ne bougea pas. La chaleur de cette main sur la sienne était encore plus douce que ce à quoi elle aurait pu s'attendre.
Elle la sentit brûler sa peau et échauffer ses joues. Elle avait raison depuis le début, il l'aimait. Il était raide dingue amoureux d'elle. Cette idée la traversa comme un tortis noué autour de ses boyaux. C'était si bon, de se sentir si importante, si aimée et désirée.
— Tu es toute rouge, sourit Warren, et ça me donne encore plus envie de t'embrasser. M'embrasserais-tu, Allison ?
Elle ne sut quoi répondre. Pourtant, ce n'était pas l'envie qui lui manquait ! Ce gars était un véritable spécimen rare en voie de disparition. Teint sombre, yeux transparents, cheveux bouclés, sourire tombeur...un véritable spécimen rare.
En plus, il l'aimait. Ce n'était pas un détail qu'elle aurait pu se permettre de négliger. Il l'aimait déjà, même s'il ne voulait pas se l'avouer. Et l'embrasser aurait assurément délié sa langue timide.
Mais...
Mais elle avait une mission à accomplir, et cette mission ne lui permettait pas de s'éprendre de Warren. Parce qu'elle devait le tuer. Même s'il l'aimait, et même s'il était d'un charme mortifiant.
Elle devait le tuer, pas l'embrasser.
— Embrasse-moi...réitéra-t-il, son regard pétillant de désir.
— Je suis désolée, Warren...
***
Emma soupira de lassitude en levant le regard vers la grande horloge du laboratoire. Il était treize heures six. L'été était caniculaire à Londres, et elle dût se tamponner le visage pour éliminer les gouttes de sueur qui y coulaient.
Elle sentit son dos la gratter d'impatience et dût s'adosser contre le mur couleur crème pour calmer ses démangeaisons. Elle ne pouvait attendre plus longtemps avant de découvrir ce que contenait cette mystérieuse seringue qu'elle avait trouvée sous le lit de Warren Eastwood.
— Docteur Sabongui ! s'énerva-t-elle. Je n'ai pas toute la journée, figurez-vous. Mes résultats ! ça fait trente minutes que j'attends sur ce banc.
— Bah, attendez trente-et-une minutes ! répliqua froidement un grand noir efféminé en ajustant les lunettes devant ses yeux. Emma s'offusqua, alors que le docteur McFarland, assis en face d'elle, s'esclaffait d'hilarité.
— Ce n'est pas drôle, s'irrita l'infirmière.
— Non, en effet. Veuillez me pardonner, soupira-t-il. Je me présente, docteur Gérôme Labrume, chirurgien esthétique à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Je dois assister l'escarrotomie du docteur Hardwick.
L'infirmière ne répondit pas et se contenta de jeter un autre regard impatienté vers l'horloge. Sans s'en rendre compte, elle battait du pied. Il fallait qu'elle obtienne ces résultats. Cette seringue était plus que suspecte, et la blonde était persuadée qu'elle contenait quelque chose de potentiellement dangereux.
C'était peut-être ce qu'il lui fallait pour incriminer une fois pour toutes le docteur Mortensen. Il lui fallait ces résultats. Ce qu'elle ignorait, c'était que le docteur assis en face d'elle était là avec pour objectif de subtiliser les résultats qu'elle attendait avec tant d'impatience.
Yan savait que ça allait être compliqué, surtout à cause de la perspicacité dont Emma faisait preuve depuis la veille. Sa menace n'avait en rien déstabilisé la jeune femme...elle avait un sang-froid qu'il était astreint d'admirer. Assurément, elle aurait fait un très bon agent. Rien ne lui faisait peur, pas même l'inconnu.
— Une escarrotomie ? s'écria une docteure assise près d'Emma et que personne n'avait remarquée jusque-là. Bon sang, vous avez de la chance. Je dois me contenter d'une appendicectomie aujourd'hui...encore...
Yan dévisagea la chirurgienne des pieds à la tête. Elle avait de longs cheveux noirs de jais et les yeux bridés. Aux traits de son visage, on pouvait facilement deviner qu'elle était asiatique. Sa blouse blanche masquait à peine une chemise rayée violette et un pantalon tailleur à pattes évasées.
— Je suis le docteur Mei Xiang, se présenta-t-elle.
— Gérôme Labrume, répliqua Yan.
Au même moment, on interpella ce dernier pour lui notifier que ses résultats étaient prêts. Il se leva et se présenta devant le docteur Sabongui, qui lui tendit l'enveloppe, non sans narguer ouvertement Emma. Cette dernière faillit crever de rage, ce qui amusa à nouveau Yan.
— Non, ça suffit ! tonna-t-il entre deux rires. Rendez-lui ses résultats maintenant ; je pense que vous l'avez suffisamment fait mariner.
— Comme vous voulez, soupira le docteur Sabongui en tournant les talons.
Il revint plus tard avec une nouvelle enveloppe scellée, clamant que les infirmières devaient avoir un peu plus de respect pour les laborantins. Il tendit les résultats d'analyse à Emma, mais Yan intercepta l'enveloppe avant de la tendre à l'infirmière, l'air de vouloir lui épargner le déplacement jusqu'au guichet. En réalité, il venait d'échanger les résultats. Et personne ne s'en était rendu compte...
Enfin, presque...
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