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Chapitre 15 (final)- La première nuit

La nuit était tombée depuis longtemps sur l'Alba Rupes ; ainsi donc le retour sous une escorte conséquente de Jawaad et des siens dans sa propriété ne passa pas beaucoup plus inaperçu que ne l'avait été la nouvelle, répandue dans toute la ville, de ce qui l'avait retenu au palais de l'Élegio.

Le trot des chevaux tirant la diligence, elle-même escortée de trois gardes montés, claquait sur les pavés, attirant l'attention des hommes et des vigiles postés aux entrées des domaines composant la partie haute du quartier. À peu près tout le monde savait la nouvelle qui courait dans presque tout Armanth ; le précédent drame provoqué par un Chanteur de Loss datait de trois ans et l'on en parlait encore. Ainsi donc, l'intérêt de cette nouvelle histoire dont le contenu enflait en même temps que naissaient de nouveaux détails sordides et formidables n'allait que s'amplifier encore ; et le retour sous escorte du maître-marchand ajouterait d'autres atours épiques au récit.

Dans la diligence, Abba se retenait de pester. C'est pour lui que Jawaad avait accepté l'offre de l'escorte. Il avait pu voir un médecin, pendant que son patron s'expliquait avec le capitaine de la garde du palais de l'Élegio ; mais l'homme de sciences n'avait pu faire grand-chose si ce n'est soulager la douleur et fournir au colosse un élixir qui accentuerait pour quelques jours la faculté de régénération de son symbiote. Il lui était cependant strictement impossible de marcher autrement qu'à cloche-pied ; et, vu sa masse, il aurait fallu compter quatre hommes solides pour porter sa civière. Restait donc la diligence, ce qui avait rallongé le trajet, même au trot. Armanth était une ville d'îles et îlots reliés par des ponts et de terrasses grimpant vers les falaises. Ainsi donc, hormis quelques artères principales, rares étaient les voies assez larges et hautes pour des diligences et carrioles ; ce qui rendait les déplacements malaisés.

Soutenu par Jawaad d'un côté et Damas de l'autre, suivi par Azur, Abba s'extirpa péniblement de la diligence. Depuis la villa se précipitait à leur rencontre une bonne partie de la maisonnée du maître-marchand ; mais celle qui courait le plus vite était Joran. Elle fila vers l'esclavagiste, larmoyante de panique, n'ayant d'yeux que pour son maître. Lâchant l'épaule de Jawaad, Abba attrapa la jeune fille minuscule comparée à sa masse titanesque, qui lâcha une exclamation :

– Mon maître !

Abba lui rendit son accueil d'un bref baiser en prenant ses lèvres, avant de la reposer, grondant de douleur.

– Je vais bien. File nous préparer à manger, mienne.

La petite esclave fit une moue de protestation, prenant un ton suppliant :

– Mais, moi je veux m'occuper de toi, mon maître... S'il te plait !

Abba étira un sourire qui, par sa douceur, tranchait sur son faciès brutal rendu encore plus hostile par la douleur.

– Obéis. File !

Joran n'insista pas et le prit même avec un air joyeux, malgré sa moue, tandis que les habitants du domaine arrivaient tous à l'entrée. Parmi eux Airain, elle aussi angoissée, venait approcher de Jawaad et regarder l'état de son maître. Une petite foule se massait, dont Janisse et Hembar, le couple de palefreniers et, l'air soulagé, Alterma, qui n'avait pas été des moins inquiètes de la maisonnée. Le maître-marchand, après un ébouriffage dans la toison sauvage des cheveux d'Airain, se tourna vers Azur.

– Va avec Joran, que les esclaves l'aident à préparer à tous un repas généreux. Vous mangerez avec nous.

Azur acquiesça et fila vers la villa, à la suite de Joran. Airain resta sur place, venant prêter main-forte, un peu comme tout le monde, d'ailleurs, pour aider le géant noir à clopiner. Le sentier dallé des jardins était en pente douce, mais à cloche-pied, ça n'allait pas être une mince affaire.

Azur était de la maisonnée, la chef des esclaves de Jawaad, que toutes surnommaient avec respect " aînée " ; et c'était sa préférée. Airain, quant à elle, était son éducatrice et la seule des esclaves qui n'obéissait pas au doigt et à l'œil à Azur. Celle-ci avait responsabilité sur toutes les filles de la maison, y compris celles qui appartenaient à ses gens. Bien qu'appréciée pour sa gentillesse et sa générosité, elle était aussi redoutée. On ne peut pas mentir à une psyké ni lui cacher quoi que ce soit et même Airain, qui prenait souvent ses aises avec la discipline des lieux, l'avait regretté une ou deux fois, car la préférée de Jawaad avait aussi le devoir de punir. En l'absence des maîtres, elle n'hésitait pas à le faire.

La seule qui échappait à cette dernière règle était Joran, la timide et adorable préférée d'Abba. La jeune fille, petite perle de beauté à la peau pâle couverte de taches de rousseur, au regard clair d'un vert de printemps, les cheveux roux et ondulants aux reflets orangés, déboula dans la cuisine, empressée de préparer le repas. Azur était non loin et d'une voix autoritaire appelait les quatre autres filles de la maison pour venir prêter main-forte. En un instant la cuisine devint un joyeux désordre, orchestré par la psyké qui insista pour que toutes les esclaves suivent les consignes de Joran. Elle était la meilleure cuisinière de la Maison mais, sans l'autorité d'Azur, la jeune femme n'aurait jamais même osé dire à ses consœurs ce qu'il fallait faire.

Il n'y avait que cent mètres à faire pour aller du portail du domaine à la villa de Jawaad. Ce furent cent mètres fort longs. Damas en riait, tout à l'effort franchement ardu.

– Mais tu pèses le poids d'un âne mort ! Fais quelque chose, je ne sais pas, moi... Maigris ?

Abba râla, mais esquissa un bref sourire, vite effacé par la souffrance ; l'antidouleur du physicien du palais commençait à se dissiper. De ce qu'il avait compris, il avait des ligaments déchirés et une entorse du genou. Bien qu'il n'ait qu'une très vague idée de ce que pouvaient être des ligaments, il en retenait qu'il était très douloureusement handicapé.

– Oui, ben ça va, hein. C'est du muscle, ça pèse lourd, qu'est-ce que j'y peux ?

Jawaad, de l'autre côté, soufflait lui aussi à l'effort pour supporter le poids du colosse ; mais pour la troisième fois, il refusa d'être remplacé... surtout par Alterma, la dernière à se proposer, qui se serait effondrée sous la carrure du géant.

– Merci, mais va plutôt dans la pharmacie, trouver de quoi lui soulager la douleur. Airain, va avec elle !

Autour d'eux fusaient les questions sur ce qui avait bien pu arriver. Hembar avait proposé d'aller chercher un cheval, mais Jawaad avait, là aussi, refusé.

– Il ne pourra pas tenir en selle sans hurler ; et je doute qu'il apprécie que nous l'entendions crier.

Abba aboya, agacé :

– C'est déjà amplement assez humiliant comme ça ! Et puis, c'est quoi des ligaments, hein ? À part un truc qui fait un mal de chien ?

Ce fut un éclat de rire général, qui soulagea aussi bien le moral que les efforts de la petite troupe pour rejoindre enfin la villa et le salon, où Abba fut installé le plus confortablement possible. Damas en rajouta un peu, en soufflant, exténué.

– Cesse de râler, Joran va pouvoir te chouchouter tout son saoul pour quelques jours !

Abba ne put s'empêcher de sourire, entre deux grommellements de douleur, tandis qu'Airain accourait avec le remède trouvé dans la pharmacie.

– Elle n'attend que cela, mais je me serai bien passé de ce mauvais moment pour lui en offrir l'occasion !

Jawaad reprenait son souffle, lui aussi. Mais la question revint, posée par Alterma, curieuse et inquiète :

– Mais que s'est-il donc passé ?

***

L'explication avait pris un long moment. Chacun avait rajouté de son point de vue, mais le récit avait surtout été nourri par Abba et Damas, qui avaient presque rivalisé d'inventions pour revisiter l'événement de manière théâtrale.

Finalement, alors que Joran, suivie d'Azur et du reste des filles, apportait ce qui s'apparentait de près à un vrai banquet improvisé, le récit s'était poursuivi entre les talents de conteur des deux compères. Jawaad les laissa faire en n'intervenant que peu, esquissant un sourire aux jeux d'acteurs de ses deux amis qui captivaient toute sa maisonnée ce soir. Cependant, aucun d'entre eux ne fit jamais mention d'une partie de la discussion avec l'Ordinatori ni sur la manière exacte dont le maître-marchand avait échappé à la mort. Il n'y avait que quatre personnes à savoir clairement que Jawaad était un Chanteur de Loss. Trois d'entre elles se trouvaient à ses côtés ce soir ; quant au quatrième il résidait à Mélisaren, de l'autre côté des mers.

Le banquet fut un succès et un moment de détente qui calma les inquiétudes de la maisonnée. Tout le monde avait pu se régaler et profiter du repas, esclaves compris, installées sur les tapis autour de leurs propriétaires respectifs. Entre bonne chère et bon vin, alors que s'attardait la soirée dans la nuit, ne restèrent bientôt plus que Jawaad, Abba et Damas. Azur rêvassait à demi endormie sur les cuisses de son maître et Joran, blottie comme un chat, était réfugiée sous le bras d'Abba. Jawaad avait dû un peu insister pour renvoyer Alterma afin de rester avec ses hommes de confiance ; mais la comptable, passablement enivrée, avait vite cédé. Damas avait allumé une pipe de genlane et profitait de la fumée doucereuse aux vertus apaisantes, lui aussi affalé autour des tables basses devant les restes du banquet. Maintenant à nouveau entre eux, il décida de briser le silence calme de la nuit en posant la question qui fâche :

– Et maintenant, on fait quoi ?

Abba, soulagé de la douleur, attrapa Joran dans ses larges bras et la cala sur lui, ce qui la fit tressaillir de surprise. Elle s'installa cependant de suite, souriante et ravie, venant enfouir son visage contre le torse de son maître, ses mains le caressant avec un plaisir évident. Abba se pencha, le temps de lui poser un baiser sur le sommet du crâne, puis se tourna vers le maître-marchand.

– Il a raison de poser la question. Par les Hauts-Seigneurs, qui sait combien de personnes t'ont vu survivre à ce qui s'est passé ? Entre cela et les mots de ce salopard, la rumeur va se répandre, Jawaad. Tu réalises à quel point tes rivaux vont vouloir sauter sur l'occasion ? Il leur a fourni l'arme et les balles pour t'abattre !

Le maître-marchand acquiesça, caressant doucement la chevelure d'Azur. Airain venait de les rejoindre sans bruit, lui apportant son thé, qu'il réceptionna en tapotant le tapis près de lui, pour lui permettre de venir se blottir à son tour.

– C'était vraisemblablement le second but visé. Le premier était de me voir faire ; mais ce jeune prêtre n'est pas malin...

Damas leva un sourcil perplexe, relâchant une bouffée de fumée.

– Comment cela ? Je trouve que le piège était remarquable, moi !

– Oui, mais il n'en a rien organisé, il n'était que l'appât. Il m'en a trop dit sur les buts de son maître.

Abba fut curieux à son tour.

– Heuuu... explique ?

Jawaad prit son temps, en dégustant son thé. Un vrai thé, ce qui lui arracha un sourire satisfait ; celui-ci était bon :

– Il a dit : " Quelque chose en rapport avec votre passion hérétique pour les artefacts et écrits anciens, dont vous faites collection " ; peu de gens savent ce que je collectionne. Pour les livres, cela ne surprendrait pas grand monde et il y a bien des hommes riches à Armanth à collectionner aussi les vestiges d'avant les Guerres Divines et le Long-Hiver et j'ai toujours été très discret ; mais le mot artefact, qu'il a employé, est la clef...

Le maître-marchand fit une autre pause pour une gorgée de thé. Damas et Abba étaient soudainement fort attentifs. Près de lui, Airain s'était trouvé une place et, dans un soupir tendre, s'était glissée entre le bras de Jawaad tenant son thé et sa poitrine, posant sa tête contre son torse. Il la laissa faire en refermant son bras contre elle, possessif et accueillant. L'éducatrice profitait le plus possible de ces moment-là, et autant elle était attentive à la discussion, autant elle souhaitait aussi pouvoir goûter à la sérénité d'un instant paisible contre son maître. Son travail la forçait à résider et à vivre la plupart du temps au Jardin des Esclaves ; se blottir contre son propriétaire était parfois rare et lui manquait.

Jawaad esquissa un bref sourire en regardant faire Airain et lâcha un peu son thé pour venir caresser la hanche de son éducatrice, tout en reprenant :

– Ne pas forcément vouloir me tuer. Vouloir semer le doute à mon sujet dans Armanth, s'intéresser à mes voyages et à mes collections. S'assurer que je suis bel et bien ce qu'il suppose. Provoquer un drame dans lequel je suis mêlé en pleine foule. Ce Franello ne veut pas ma mort ; il veut quelque chose que je possède. Il pense ne pas pouvoir mettre la main dessus de manière directe, mais il suppose qu'il lui serait aisé de s'en emparer si je venais à perdre mon rang, ruiné.

Damas tiqua, se penchant depuis son fauteuil vers son patron.

– Jawaad, je ne sais pas ce que cet Ordinatori recherche, mais tes collections, un type comme moi, si on lui dit quoi trouver et où, peut mettre la main dessus ; et s'il ne le peut pas, c'est que c'est si bien caché que c'est sur toi qu'il faudrait mettre la main. Ça ne tient pas : il aurait pu te tuer et un cadavre parle mal. Il aurait pu trouver comment t'enlever et t'interroger ; nous ne sommes pas infaillibles et s'il est patient, il pourrait y parvenir.

Jawaad acquiesça.

– C'est pour cela que son autre but tient dans son désir de me discréditer. Il y a un autre projet derrière ce Franello et d'autres hommes ; ce qui s'est passé est juste l'amorce de cela.

– Que veux-tu dire ?

– Que je ne suis pas seul visé.

Abba grommela.

– Et... et quoi ? On se met à la recherche d'autres marchands et nobles à Armanth collectionneurs de vieux trucs, qui auraient froissé l'Église ? Ça peut très bien concerner la moitié de la ville, on ne trouvera jamais. Sans compter que des maîtres-marchands et des aristocrates de ton côté, là, par contre, on ne va pas en trouver des masses !

– Non, Abba, tu as raison, ce serait une perte de temps. Je pense avancer mon départ.

– Quoi ? Tu veux partir avec ce qui s'est passé ?

– Oui, dès demain ; la meilleure manière de laisser les choses se calmer est de laisser l'histoire grossir puis s'essouffler. Entre-temps, Franello devra réviser ses plans ou les avancer ; et si je pense savoir ce qu'il cherche parmi ma collection, je suis curieux de savoir quel est le reste de son projet ; mon absence retire une pièce du jeu et me permet de le regarder de loin.

Abba gronda encore, caressant, avec une tendresse étonnante, la nuque de Joran de sa main libre.

– Ce n'est pas une bonne stratégie ; tu vas laisser la rumeur courir librement, les hommes de l'Élegio vont enquêter et vouloir interroger des témoins et tu es le premier concerné. On ne tue pas une rumeur en la fuyant, qu'est-ce qui va se passer quand le principal témoin sera connu avoir décampé ?

– C'est toi qui va leur répondre. Tu es blessé, donc tu ne risques pas de voyager. Tu es le principal témoin avec moi, de notre côté, et tu es mon second ; quand je ne suis pas là, ma Maison est la tienne. J'ai quelques doutes qu'on ose mettre ta parole en jeu.

– Et je vais dire quoi ? !

– La vérité, dans le sens qui m'arrange le mieux. Le temps de mon voyage, la tension aura baissé et les amateurs d'histoires en auront eu d'autres, plus fraîches, à se mettre sous la dent. D'ici là, j'aurais eu le temps d'échanger quelques lettres avec l'Élegio et ainsi de clarifier les aspects officiels de l'affaire. Entre-temps, tu auras eu le temps de me rejoindre et donc de laisser les rumeurs désenfler.

Damas tirait toujours sur sa pipe. À défaut de n'avoir jamais trouvé – ou plutôt retrouvé ; il en avait possédé une, et cela c'était vraiment très mal fini – une esclave à son goût, il compensait avec quelques plaisirs venus de son peuple et d'autres acquis dans Armanth, où l'on pouvait trouver de tout ; mais il enviait ses deux compères pour la tendresse féminine dont ils étaient entourés, même s'il profitait largement des filles de la maison. Il chassa cette pensée sans intérêt : après tout, il tomberait bien sur la femme parfaite à ses yeux, tôt ou tard ; et puis, il n'aimant guère l'esclavage comme tous ceux de son peuple. Il souffla longuement la fumée, avant de demander :

– Au fait, que chercherait-il d'ailleurs à te prendre ?

Jawaad étira un large sourire, en fixant son maître d'équipage. Sur son torse brillait son pendentif d'argent aux allures d'astrolabe, le seul bijou qu'il arborait jamais.

– Il l'avait sous les yeux.

***

Ortentia perçait les nuages pluvieux de la nuit, déjà largement avancée, quand Jawaad vint rejoindre sa chambre. Une chandelle éclairait la pièce, il fit signe à Airain d'en allumer une autre. Ses deux esclaves l'avaient accompagné et pour la nuit elles dormiraient toutes deux avec lui ; ce qui n'était pas si rare pour Azur, qui dormait toujours au pied de son lit, était cependant un cadeau pour les deux jeunes femmes, qui espéraient bel et bien que Jawaad n'avait pas seulement en tête l'idée de dormir. Elles ne furent pas déçues et leurs cris de plaisir, leurs rires et leurs soupirs résonnèrent tard encore.

***

Sous la lumière bleutée d'Ortentia, la plaine s'étendait à l'infini. Il semblait qu'à l'infini elle était couverte de campements de toiles abritant autant de centaines de milliers d'hommes, de chevaux et de montures, d'oriflammes et de chars. Une armée antique en campagne, attendant la venue du jour.

Lisa pensait rêver, mais ses rêves l'emmenaient toujours sur Terre, dans des cauchemars de culpabilité et de regrets, dans des hurlements de peine et la souffrance de tortures innommables que son esprit réinventait chaque nuit. À cet instant le rêve était trop étranger à ses propres souvenirs, trop net et trop précis. Ho, elle aurait pu s'imaginer reconstituer tout cela à partir des péplums anciens ou récents qu'elle avait pu voir à la télévision, mais elle aurait dû admettre que ceux-ci étaient bien loin de ce qui déroulait à son regard.

C'était une armée de coalition, aux étendards et aux couleurs bariolés, comme si on avait rassemblé des hommes de tous les horizons. Elle pouvait voir – et elle savait n'en avoir jamais vu – des ghia-tonnerres, des griffons de guerre dressés et au loin, au sol et dans le ciel, des dragens. Des animaux de Loss, bien d'autres plus exotiques et impressionnants encore, dressés à guerroyer et à servir l'homme dans la bataille. Elle les reconnaissait, ces mammaliens aux allures si proches des dinosaures terrestres, en étant bien sûr persuadée que jamais on ne les lui avait décrits. Et elle sut immédiatement le nom, dans la brume spectrale de l'horizon, de la ville qui dressait ses murs face à cette armée : Antiva.

– Mais qui es-tu ?

La voix était aussi autoritaire que perplexe. Lisa se retourna, réalisant qu'elle se tenait sur une butte face à la plaine sans fin. À ses côtés, semblant surprise en pleine contemplation depuis les hauteurs, se tenait une grande femme d'une quarantaine d'années, toute en noblesse et en assurance. De presque deux têtes de plus que Lisa, elle était vêtue d'une tunique courte et plissée que recouvrait une solide cuirasse lamellée, les tibias et les avant-bras ceints de protections métalliques. Une lourde cape rouge tombait de ses épaules en venant lécher le sol et, à sa ceinture pendait un court glaive riche et orné. Il n'aurait manqué que le casque d'hoplite pour parfaire le tableau d'une guerrière hellène, mais son absence rendait encore plus flagrant le roux flamboyant de ses longs cheveux bouclés, retenus en catogan. Sur son visage clair aux traits racés brillait un regard vert profond et acéré. Lisa riva son regard sur la guerrière antique. L'air semblait flotter autour des deux femmes comme une brume impalpable voulant signer la nature onirique de cette rencontre. Il était évident qu'elle rêvait, mais il y avait tant de détails qu'elle appréhendait déjà qu'elle se souviendrait de tout à son réveil ; c'était une évidence.

– Je suis... Lisa hésita un bref instant pour choisir le nom qu'elle allait donner : Je suis Lisa ; et c'est mon rêve ici, je crois...

La noble femme rousse dressa le menton, sourcils froncés.

– J'ai la même impression de rêver ; pourtant, je sais ce que nous regardons, mais il n'y a que dans un rêve que je verrai une jeune femme vêtue comme toi.

Lisa tiqua et pencha le nez pour se regarder : un jean élimé et troué, des baskets qui avaient vu dans le lointain de meilleurs jours, et l'esquisse d'un tee-shirt noir flanqué du logo d'un groupe de symphonique-métal qu'elle appréciait : elle avait tout d'une terrienne, tout de la normalité qu'elle avait perdue depuis plus de trois mois. Elle retint un sanglot, ravalant ses larmes.

– Ma manière de me vêtir chez moi, sur Terre. Cela ne vous dit sans doute rien, je suppose...

La femme fronça encore les sourcils, fixant la scène de l'immense camp militaire aux pieds des deux femmes, courant sur la plaine, avant de revenir à Lisa.

– Je saisis le concept. Nos ancêtres venus des étoiles ont eu de nombreux noms pour notre monde passé, d'où parfois viennent encore des êtres perdus, parfois des tribus entières ; mais je ne devrais pas comprendre ce mot. Nous rêvons bel et bien, toi et moi.

– Mais où sommes-nous ?

– Tu ne le sais pas ? C'est le siège de la plus grande et longue des batailles de mon temps. Antiva est la cité imprenable contre laquelle nous luttons depuis presque trente ans. Une coalition qui m'a confié le commandement de ses armées : Parcia, Eremanth, Nadesiva, Noïqomos, et tant d'autres, qui refusent le joug barbare et cruel du Cercle des Mages d'Apollon. Une guerre devenue aveugle et qui doit cesser ce soir, car je me refuse encore à sacrifier des milliers et des milliers de soldats...

La noble femme fit brusquement un pas vers Lisa, perplexe, presque menaçante :

– Mais tu ne sais donc pas qui je suis ?

***

Lisa rouvrit les yeux, perdue, alors que le jour venait lécher le fond de la chambre de Jawaad. En lieu et place de cette plaine onirique dont les détails lui échappaient mais qui, comme elle l'avait pressenti, restait si claire dans son esprit, elle était dans le lit du maître-marchand. Affalée sur sa poitrine, il la tenait fermement serrée avec, d'un côté et de l'autre, ses deux esclaves dormant paisiblement blotties contre lui. Elle n'avait aucun souvenir de la manière dont elle était arrivée là, le rêve flottant encore aux franges de son esprit ensommeillé. Elle ignorait qu'elle avait été légèrement droguée la veille par Airain, sur ordre de Jawaad, pour dormir plus calmement. Elle l'aurait su, elle aurait sans doute pu penser que ce rêve si frappant venait de là, mais l'explication n'aurait pu la convaincre. Elle n'aurait pas pu inventer ces animaux qu'elle n'avait jamais vus et ces noms qui ne lui disaient rien mais qu'elle savait réels.

La panique la saisit quand elle réalisa où elle se trouvait et elle manqua se débattre dans les bras de Jawaad. Elle était bien entendue nue – complètement d'ailleurs ; elle ne portait même plus de collier – et l'homme aussi. Le maître-marchand ouvrit les yeux à son tour, la fixant, en apparence clairement éveillé. Son regard noir et calme posé sur la jeune femme, son visage proche du sien. Lisa se mit à trembler, et Jawaad murmura, sans la lâcher.

– Chuuuut. Ne les réveille pas.

Lisa eut le réflexe de s'arquer sur ses bras, mais d'une simple pression Jawaad la plaqua à nouveau contre lui, lui interdisant de se défiler. Elle renonça, tremblante, le regard embué par les larmes. Il reprit :

– Tu sais qui je suis ?

Lisa eut une impression douloureuse de déjà-vu. Depuis son réveil, elle était à nouveau hantée par les cris de sa sœur et par sa culpabilité ; elle aurait tout donné à cet instant pour retourner s'abandonner dans les bras rassurant de la plus passive catatonie, mais quelque chose d'autre la forçait à l'attention et à la plus vive conscience. C'était l'odeur de cet homme, qui la captivait : une odeur qui lui arrachait malgré elle un frisson incontrôlable et doux.

– Un... un maître ?... Le... maître ?

Jawaad fit un non léger de la tête. Lisa déglutit, la panique arrivait à toute vitesse ; pourtant, elle ne pouvait pas y céder : il y avait toujours cette odeur, toujours cette fascination. Elle resta rivée au regard sombre qui ne la lâchait pas-

– M... Mon maître ?

– Et toi, qui es-tu ?

Jawaad parlait à voix basse, gardant ses yeux noirs sur l'esclave dont il détaillait le visage, découvrant avec intérêt la facilité avec laquelle celle-ci exprimait tout par le regard, sans rien pouvoir cacher. Un livre ouvert d'émotions à l'état brut. Lisa balbutia :

– Une... une esclave, mon maître...

Le maître-marchand répondit encore par un non de la tête, mais ne laissa pas le temps à la jeune rousse de tenter de se rattraper.

– Quel est ton nom ?

– Selyenda...

Jawaad fixa encore un instant sa nouvelle acquisition. Son regard était dur, son visage froid et illisible, ses yeux suivaient les détails du visage de son esclave, puis vinrent après un passage à ses formes amaigries, se river à nouveau au regard de jade vert tremblant de peur, humide de larmes, de la jeune femme.

– Tu n'en as plus. Je te donnerai un nom quand tu auras mérité ce cadeau. Qui suis-je ?

– Mon.... mon maître...

Lisa trembla en prononçant ces simples mots. Elle sentit l'étreinte du marchand se resserrer autour d'elle au même moment et son corps lui échappa dans un élan de plaisir et de chaleur, alors qu'elle se blottissait sans pouvoir se retenir contre le large torse de son propriétaire. Un sanglot qu'elle ne parvint pas à retenir la fit hoqueter ; l'instant d'après, elle pleurait de toutes ses forces, secouée par les larmes. Elle réveilla Azur et Airain, un peu brutalement. Jawaad souriait, lui. Il parla encore à voix basse.

– Tu es mon esclave et tu apprendras à aimer l'être.

Jawaad laissa pleurer Lisa contre lui un bref moment, avant d'embrasser ses deux autres filles en guise de bonjour et de les pousser doucement hors du lit, les envoyant, pour Azur préparer son petit-déjeuner, pour Airain son bain.

Le temps de se couvrir la taille d'une serviette, il revint vers Lisa toujours recroquevillé sur son lit, sanglotant encore doucement. Lui attrapant le poignet, il la tira vers lui. Il n'eut pas besoin d'être brusque, mais le geste ne souffrait pas d'être contredit et Lisa se laissa entraîner, docile et apeurée, le visage en larmes, pour finir debout contre son maître. Il baissa les yeux sur elle.

– Tu as encore un jour pour pleurer ta sœur.

Il ne rajouta rien et, tirant son esclave par le poignet, prit la direction des bains de la villa.

À peine plus modestes que ceux de Priscius, les lieux, attenants aux appartements du maître-marchand, étaient autrement plus confortables et douillets, nanti de douches et de robinetteries de cuivre, en plus du grand bassin où Airain, trônant debout, l'attendait nue, superbement féline et provocante. Elle avait apporté pour son maître des vêtements propres et préparé le nécessaire de bain. Elle allait pouvoir encore profiter du privilège, mais surtout, pour elle, du plaisir de laver son maître ; et son sourire aussi bienheureux que dévoué trahissait son bonheur de le servir ainsi ; mais elle ne put retenir une moue légère de jalousie un peu dédaigneuse en voyant la jeune barbare que le maître-marchand tirait derrière elle, si frêle, si maigre, si pitoyablement peureuse. Jawaad jeta un regard vers son éducatrice.

– Jalouse ?

Airain fit la moue.

– Non, mon maître, pas vraiment. Je ne vois pas en quoi je devrais être jalouse d'elle.

C'était un petit mensonge, à dire vrai, mais dans les faits la comparaison entre l'éducatrice teranchen, féline et sculpturale, aux formes généreuses et au ventre ferme, et la jeune terrienne amaigrie, si fragile et menue, ne pouvait que la rassurer. Jawaad qui n'était pas dupe de la possessivité de son esclave, esquissa un rapide sourire.

– Alors, ne fait pas cette tête et vient me laver.

Lisa tremblait, forcée de suivre les mouvements du maître-marchand qui retenait toujours son poignet. Elle se retrouva elle aussi sous le jet de la douche, mais Jawaad ne se souciait ni de ses crispations ni de sa peur et se laissa savonner par Airain, profitant des soins de son esclave autant qu'elle profitait de ses attentions et des gestes tendres et sensuels qu'il lui prodiguait de sa main libre. Puis, sans prévenir, il tira Lisa à lui et, prenant l'éponge des mains d'Airain, il se chargea de la laver lui-même, sans jamais lâcher son poignet. Loin de la douceur attentionnée de son éducatrice, il était plus rude, mais sans aucune brutalité. La jeune terrienne dut se laisser faire, tressaillant avec par moment des hoquets de panique seulement contenus par l'effet langoureux que pouvait avoir le contact et la proximité avec cet homme.

Airain regardait son maître faire, s'étant éloignée pour préparer, au bassin, quelques huiles et savons pour laver les cheveux de Jawaad. Elle finit par observer la scène, sourcils froncés et attentive. Elle était éducatrice et regardait les femmes avec un œil acéré et entraîné à deviner et conclure de ce qu'elle pouvait noter. Le temps du bain, elle avait déjà une idée assez claire de ce que la nouvelle acquisition avait vécu et enduré et des causes de son état, ce qui la toucha, malgré ses élans de jalousie. C'est donc plus tendre et patiente qu'elle vint aider son maître à laver Lisa qui avait fini par se remettre à pleurer, les nerfs à vif ; mais la jeune rousse ne se débattait pas et se laissa faire avec un besoin évident de se blottir contre le marchand quand celui-ci la retint dans ses bras, assis dans le bassin, aux soins d'Airain qui lui lavait les cheveux.

Une voix venant de l'entrée du bain interrompit ce moment de calme retrouvé. Alterma se tenait derrière les rideaux et n'aurait bien entendu pas avancé ; la simple éventualité de voir son patron nu l'aurait fait passer de son teint clair à un parfait rouge pivoine à la seconde.

– Jawaad ? Je suis navrée de vous déranger. J'ai un message de Damas, il veut vous prévenir que la Callianis sera prête à prendre la mer pour la marée du premier quart de nuit.

Le maître-marchand répondit d'une voix sèche.

– Cela pouvait attendre que je sorte de mon bain.

– Ho... heu, oui, je sais... mais pas moi. Nous avons peu de temps pour régler vos affaires courantes, maintenant et c'est avec vous que je dois lister et faire acheter et embarquer à bord tout le nécessaire et le confort que vous désirez. Le bateau ne devait partir que dans deux semaines.

– Je te fais confiance, tu es payée pour savoir tout ça.

Il y eut un rire. Alterma avait une voix joyeuse, qui désarmait souvent ses interlocuteurs.

– Ca, je le sais, Jawaad, mais je serai contrariée si j'omettais dans la liste quelque chose qui vienne à vous manquer. Je vous attends, merci d'avance !

Jawaad étira un sourire, se délaçant à nouveau sous les mains expertes et tendres d'Airain. Il appréciait l'humeur de sa comptable et sa fronderie toujours polie. Il ferma les yeux, caressant doucement la chevelure de Lisa qui cessait un peu de trembler, alors qu'Airain s'était mise à chanter. Il songea qu'au-delà de son agacement de voir son second et ami blessé, au-delà aussi des problèmes engendrés par les derniers événements, qu'il serait forcé de gérer au mieux, que son adversaire qui venait de parvenir à déstabiliser son quotidien orchestré avec soin devenait de plus en plus passionnant...

***

La cave était silencieuse et sombre. Elena avait ravalé ses larmes depuis un moment déjà et ruminait sa colère, la seule chose, ô combien fragilisée, qui ne l'abattait pas encore complètement après qu'on lui ait arraché sa sœur. Elle avait mal partout et surtout au dos. Priscius l'avait fouettée lui-même, après qu'elle ait été battue à la suite de ce qui c'était passé ; et depuis la veille elle était enfermée à nouveau dans cette cage détestable, dans l'obscurité et le silence.

Elle savait qu'elle allait sûrement passer au moins un ou deux jours au fond de la cave. Elle se demanda aussi ce qui était arrivé à Cénis, qui avait tenté de prendre sa défense et avait elle aussi pris des coups de la part de l'esclavagiste fou de colère ; et bien sûr, elle se demandait quel sort vivait sa sœur. Elle ne cessait même d'angoisser à le craindre, hantée par ses cris et ses larmes.

Elle ravala des sanglots brûlants.

Un bruit léger lui fit redresser la tête, se figeant. Elle ouvrit des yeux ronds de surprise ; dans la pénombre se dressait la silhouette aisément reconnaissable de Sonia, debout devant elle. Elle resta interdite. Elle était persuadée que l'éducatrice avait elle aussi été jetée dans une cage puante dans une autre des geôles de Priscius, le temps qu'il décide de son sort. Sonia étira un sourire vicieux, comme si elle devinait les pensées d'Elena ; elle s'adressa à elle dans un français particulièrement honorable :

– Il ne sait pas fermer un cadenas convenablement.

Passé la stupéfaction, Elena se redressa de son mieux. La cage lui interdisait d'être plus qu'à genoux.

– Fais-moi sortir ! Aide-moi !

Sonia se pencha sur elle et s'accroupit face à son élève ; son sourire ne la quittait pas.

– Et quoi, avec ton athémaïs balbutiant, ton accent affreux, tes talents de petite citadine d'une ville confortable de ton monde ? Tu n'as rien appris encore et rien compris non plus. Tu n'es qu'une idiote, ici, un animal stupide.

– Fais-moi sortir ! Ou je hurle jusqu'à ce que j'arrive à attirer Priscius et croit-moi que je lui dirais sans hésiter que tu veux fuir !

Sonia secoua la tête, l'air faussement désolé, affichant une moue amusée.

– Et tu ruinerais une chance que je donne à ta sœur ? Tu serais aussi stupide que cela ?

Elena ouvrit des yeux ronds.

– Que veux-tu dire ? Explique-moi, sale pu...

Elle arrêta là ses mots, blêmissant presque. L'instinct venait de la forcer à retenir prudemment, presque respectueusement, son injure devant l'éducatrice qui l'avait si savamment torturée et dressée pendant des semaines, ce qui ne fit que rendre Sonia plus satisfaite.

– Je vais veiller sur elle, sauf si bien sûr je finis enchaînée, en attendant le supplice que me réservera Priscius si jamais tu criais pour lui révéler que je peux sortir de ses cages comme je le veux et que je me prépare à m'enfuir.

Sonia se pencha encore sur Elena, de l'autre côté des barreaux, et elle approcha sa main pour venir caresser doucement la joue de la terrienne, son regard bleu brillant lugubrement.

– Toi, ici, tu n'es rien ; une esclave qui n'a aucune chance de survivre même si elle pouvait s'enfuir. Tu serais rattrapée et suppliciée pour l'exemple et c'en serait fini de ta vie sans valeur ; alors, reste dans ta cage. Restes-y, et retiens la leçon de tout ce que je t'ai appris.

Elena finit par repousser la main de Sonia d'un geste de colère, la voix sourde.

– Pourquoi fais-tu cela ? Pourquoi ? Tu prends ton pied à me torturer ?

Sonia se redressa. Le temps manquait et elle devait faire vite, elle allait devoir prendre des risques bien plus dangereux que lors de sa précédente escapade et cette fois, elle devrait pratiquement tout improviser ; mais elle fixa un bref moment l'aînée de Lisa, avant de répondre :

– Parce que tu es peut-être aussi intéressante que ta sœur. Pour le vérifier, il te faut de l'espoir ; désormais tu en as un et toutes les leçons nécessaires pour t'en servir. Il ne manque qu'une chose...

Sonia lâcha dans la cage une petite tige de métal. À peine plus grande qu'une aiguille à coudre, l'objet semblait d'un argent très brillant.

– Caches-le bien, ne le perds jamais ; tu sauras vite à quoi ça sert si je ne me suis pas trompée. Adieu, Elena.

L'éducatrice planta là Elena, à sa surprise ébahie, disparaissant dans la pénombre. Sonia avait employé son prénom d'origine ; de sa part, cela semblait simplement impensable.

Elena attrapa la petite écharde d'argent, se demandant comment elle allait la dissimuler, bien que la solution, pour peu agréable qu'elle puisse être, lui apparut rapidement évidente. Elle mit longtemps à tenter de comprendre les mots de l'éducatrice, dans le silence de sa cellule exiguë. Elle en pleura de colère, faillit céder à l'envie, par pure vengeance, de se briser la voix à hurler pour la dénoncer. Elle frappa les barreaux de sa cage et cria bel et bien de rage, deux ou trois fois ; mais finalement, alors que le jour mourait et qu'elle était plongée dans un noir d'encre, elle comprit.

Sonia ne le saurait jamais, mais elle murmura, presque comme une prière, pour la femme à demi-folle, cruelle et insensible, qu'elle détestait tant :

– Merci...

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