Chapitre 7 - Route et Château
Dans le chapitre précédent :
« Tu dois le tuer, » murmura-t-il pour que seules mes oreilles entendent. Je me tus à ces paroles. J'aurais pu lui avouer que jamais je ne pourrais le tuer, et qu'il y ait des chances pour que je ne revienne jamais sur cette terre, mais je préférai garder toutes ces pensées pour moi.
Je fis un sourire contrit, puis le relâchai pour m'éloigner de lui. Nos affaires avaient déjà été montées sur les chevaux. On nous avait dit de ne prendre que le nécessaire, le reste serait acheté sur place.
Malgré les regards pénétrants du Roi et de ses hommes, nous montâmes sur un des chevaux. Claire se hissa d'abord, puis me laissa la place à l'avant pour que je m'y assois. Une fois prête, le Roi fit un hochement de tête qui donna le signal à ses hommes de monter sur leurs montures.
Nous partîmes ainsi, sans un regard en arrière. Le château, les bruits, les personnes de plus en plus loin tandis que les galops nous élançaient vers une terre inconnue.
***
Habillée d'une cape brune m'enveloppant, j'essayai tant bien que mal de tenir les rênes tout en gardant les yeux ouverts. Claire s'était déjà endormie, la tête posée sur mon dos, mais je devais garder l'équilibre pour éviter qu'elle ne chute avec moi.
Le Roi fit enfin une halte pour nous reposer. Je soupirai avant de laisser ma bouche bailler sous la fatigue apparente. Mes yeux se fermèrent et je me laissai tomber vers l'avant sur la crinière du cheval. La tête de Claire suivit mon mouvement, elle ne s'était pas réveillée ce qui montrait son sommeil profond. Dans un sens, j'étais satisfaite qu'elle ne fasse pas de cauchemars. C'était une bonne chose pour l'instant. Si toutes les nuits pouvaient être aussi paisible pour elle, j'en serais ravie.
« Amédé, » entendis-je la voix du Roi. Je l'avais presque oublié.
Soudain, je sentis une présence s'approcher de Claire. Je pris ma dague cachée dans ma ceinture et la déployai sous le cou de l'homme. Le messager s'immobilisa, surpris par mon geste.
« Que faîtes-vous ? demandai-je la voix enrouée par l'adrénaline qui pompait dans mes veines.
– Je voudrais l'allonger plus confortablement au sol, ma Dame, » déclara Amédé, le messager à qui je pouvais enfin mettre un nom.
J'enlevai le couteau et le rangeai pour le laisser faire. Il prit la blonde endormie dans ses bras et l'allongeai sur les couvertures étalées sur l'herbe. Nous nous étions arrêtés dans un bout de terre où les arbres cachaient la vue. Une petit espace de verdure inquiétant tant il était isolé.
Je baillai de nouveau et voulus me pencher sur le cheval pour m'emdormir, mais Adonis s'approcha de moi et me souleva. Je lâchai un cri de surprise avant de m'accrocher à ses épaules.
« Que faîtes-vous ? criai-je presque, bien réveillée.
– Nous allons repartir. »
Une réponse qui ne m'avançait guère sur ses intentions me concernant. Il me plaça sur son cheval noir et monta derrière moi. Je me raidis un instant, mais il ne semblait pas s'en faire. Je jetai des coups d'oeil à Claire pendant le galop. Elle allait sûrement paniquer à son réveil. Installée dans les bras du messager qui semblait s'attacher un peu trop vite à Claire, elle resta dans ses songes.
Ma bouche s'ouvrit une nouvelle fois, et mes paupières s'alourdissaient. Je laissai mon corps s'appuyer sur le torse de l'homme qui était maintenant mon mari en écoutant ses battements de coeur et son souffle apaisant. La fatigue était trop présente pour me sentir embarrassée. Étant donné qu'il ne se plaignait pas, je reposai aussi ma tête sur lui et laissai le sommeil m'emporter.
Plusieurs soleils avaient traversé le ciel tout comme plusieurs lunes nous avaient guidées à travers le noir. Les femmes mangions séparément du troupeau des hommes. Amédé vint à chaque fois nous donner de quoi nous nourrir tandis que mon mari ne bougeait pas de son camp de feu.
J'avais tout d'abord cru que le messager était une sorte de serviteur, mais je vis qu'il venait nous voir avec plaisir et sans demander l'autorisation de son Roi. Je savais qu'il venait exclusivement pour parler et passer plus de temps avec Claire. Et celle-ci devenait rouge rien qu'à l'admirer. Je ne savais pas si ce couple fonctionnerait, mais la jeune blonde était amusante à voir. Cela faisait longtemps qu'elle n'avait pas aussi bien ri en présence d'un homme. Bien sûr, j'étais toujours présente quand elle dialoguait avec Amédé. Je n'avais pas entièrement confiance en ces hommes. Il étaient étranges.
Leurs carrurres imposantes montraient qu'ils se battaient à outrance tout comme les cicatrices entremêlées de tatouages tribales qu'ils ornaient sur les bras et le crâne pour ceux qui étaient rasés. De plus, les silences dans leurs pas et leur habilité déconcertante pouvaient nuire à l'élégance d'une femme. Il s étaient rapides, forts, et silencieux. Si la guerre avait eu lieu, j'aurais été certaine qu'ils auraient pu nous tuer avec facilité.
Peut-être que mes doutes les concernant étaient infondés, mais mon instinct me criait qu'ils nous cachaient une information importante. Pour l'instant, ils ne nous avaient fait aucun mal. Au contraire, peu de ces hommes habillaient de cuir nous parlaient et osaient nous adresser un regard.
Ce manque d'attention ne me déplaisait pas, mais était suspect. Et mon mari... Je n'arrivais pas à le déchiffrer. Faisait-il attention à moi ou pas ? Me voyait-il seulement ? Il n'avait jamais enlevé son masque encombrant son visage. J'espérai sincèrement qu'il me dirait la cause de ce port inhabituel.
De loin, on pouvait enfin apercevoir le château. Des remparts qui seraient bientôt ma prison. La demeure se situait sur une colline bien haute. L'accès difficile était un moyen de décourager les ennemis les plus faibles.
Nous en étions encore loin et la fatigue se fit de nouveau ressentir. Penser à ce qui m'attendait consommait toute mon énergie. De nouveau, je m'endormis dans les bras de mon mari tandis que le cheval nous élançait vers sa maison.
Plus tard, je me réveillai sous les éclats de rire d'hommes. Je clignai des yeux et aperçus que j'étais allongée au sol sur une couverture. Je m'assis et vérifiai mes cheveux. Un réflexe bête. Bien sûr que cette touffe blonde serait emmêlée et désordonnée. Je soupirai et commençai à enlever un à un les épingles qui retenaient mon chignon en place. Je me demandai comment j'avais réussi à dormir avec cette coiffure.
Les yeux toujours baissés, j'étais toujours dans les brumes du sommeil. Après avoir enfin libéré mes cheveux blonds de ses épingles, je les peignai de la main. Satisfaite, je me levai, mais l'intérieur de mes cuisses ne criait que douleur. Je retombai platement sur mes genoux.
Quand je levais les yeux, je vis qu'il n'y avait qu'Amédé qui me regardait. Je me rendis aussi compte que tous les hommes étaient assis autour d'un feu à quelques mètres de ma couche sommaire, et m'avaient fixée puis avaient détourné leurs regards sans plus d'inquiétude.
Seul Amédé semblait compatissant depuis le début, tandis que ces hommes semblaient fiers, voire arrogants. Rien qu'avec leurs yeux, je voyais bien qu'ils ne feraient pas attention à ma personne. S'ils ne me respectaient pas quand j'étais seule avec eux, qu'est ce que ce serait quand je serais devant tous ses sujets.
« Vous allez bien, ma Dame ? demanda Amédé.
– Oui, ne vous en faites pas. Où est Claire ? demandai-je en tapant mes cuisses et jambes pour faire circulant le sang.
– Elle dort encore. »
Le messager me montra du menton la couche de la jeune femme qui se trouvait derrière moi. Elle était roulée en boule, mais ne bougeait pas comme dans un sommeil agité.
Je me relevai, et mes jambes semblaient tenir sous mon poids. Elles esquissèrent quelques pas pour m'y habituer. Le paysage alentour n'était fait que d'écorces d'arbres. Bien que j'aimais la nature, j'en faisais une petite overdose. Je pris mes cheveux et les tournai pour en faire un chignon négligé et rapide.
Je me retournai vers les hommes, mais ne vis pas mon mari. Soudain, une légère panique afflua dans mes sens. C'était étrange, mais je préférai qu'Adonis soit là, plutôt que ces hommes, alors que je ne le connaissais pas du tout. Un sentiment de protection émanait de cet homme. Comme un envoûtement.
Amédé sembla comprendre ma panique et m'annonça que mon mari était parti faire le tour des environs. J'acquiesçai de la tête et me mordis la joue, parce que je voulais aller aux toilettes. Mais le dire à ces hommes était embarrassants. De plus, comment devais-je le demander ? Je voudrais aller faire pipi ?
« Amédé ? l'appelai-je, hésitante.
– Oui ? » demanda-t-il de suite alors qu'il était toujours debout en face de moi. Il fixait tous mes moindres faits et gestes comme s'il m'étudiait.
« Pourrais-je me rafraîchir ? Je n'irai pas loin, lui demandai-je son approbation.
– Oui, » s'exclama-t-il en me guidant vers un ruisseau non loin du camp. Il repartit en me laissant de l'intimité.
Soulagée, je fis mes besoins, et lavai mon visage de toute fatigue. Je m'essuyai sur un bout de ma longue robe. Enfin rafraichie, je retournai au camp et repris mes épingles toujours à terre. Je les plantai au hasard sur ma chevelure et repliai les draps sur lesquels j'avais dormi.
Amédé prit les couvertures et les fixa sur la selle de son cheval. Je le remerciai et vis enfin mon mari arriver de je ne sais où. Je le regardai, étonnée. J'avais envie de lui demander où il était parti. Il était mon mari quand même, j'avais le droit de savoir. Mais il ne me semblait pas aisé de parler avec lui. Il avait cette aura de puissance autour de lui. Une aura trop forte et intimidante. Mais protectrice. Que de contradictions...
Je me tus et l'ignorai tout comme il m'ignora. Je m'approchai de notre cheval et vérifiai que la sangle de la selle était bien attachée. Satisfaite, je mis un pied dans l'étrier et m'appuyai sur celui-ci tout en levant l'autre jambe. Une fois sur le cheval noir, je me mis vers l'avant pour que mon mari s'installe derrière moi.
« Non, restez derrière, » déclara sa voix.
Quand je le regardais de manière confuse, il ne me donna aucune explication et attendait que je m'exécute. Je me retins de lui demander la raison et me déplaçai vers l'arrière. Comme la première fois, il retira la selle et l'attacha à un autre cheval.
Je ne dis rien et le laissai monter devant moi avec une aisance impressionnante. Il fit attention à ne pas me toucher et prit les rênes. Le cheval avança dès qu'il tapa du pied sur son flanc. Nous étions encore au trot. Je ne savais pas où je devais poser mes mains. Aussi les mis-je sur ses larges épaules. Aussitôt fait, mon mari donna le signal pour accélérer la cadence. Je me tins plus fermement et déposai mon front sur son dos. Je pouvais sentir ses muscles se contracter. Je souris, parce que même s'il ne montrait pas d'intérêt pour l'instant, il n'était pas indifférent à mes touchers.
Nous sortîmes enfin des bois et je pus apercevoir les immenses remparts du château. Je restai émerveillée par la vue. Les hommes eux, sourirent à l'approche de leur foyer.
Nous traversâmes le village avec des habitants inexistants. J'étais surprise de ne trouver personne acclamant le retour de leur roi. À bien y regarder, les maisons en brique étaient bâties de manière étrange. Elles étaient grandes. Trop grandes pour de simples personnes. Peut-être que toute une famille vivait ensemble...
Je ne connaissais pas encore les coutumes de ce pays. Si au moins quelqu'un pouvait m'instruire sur les mœurs du royaume, mais je ne pensais pas que j'aurais cette chance. Les hommes paraissaient traiter les femmes comme des êtres inférieurs. Je devais gagner ma place auprès d'eux. Une tâche laborieuse, mais que je comptais réussir.
Je continuai à observer les alentours vides. Le vent commençait à se lever tandis que la nuit s'éveillait à travers le ciel. Nous avions pris plusieurs jours pour arriver jusqu'ici. Et j'espérai sincèrement qu'il ne plaisantait pas quand il m'avait certifié que je pourrais revoir mon frère.
Soudain, je sentis comme une force se propageant en moi. Je me figeai un instant avant de réveiller mes sens en alerte. De la magie. Les vieilles femmes nous avaient prévenus qu'on pourrait sentir la magie. Et en ce moment, je sentais cet arôme magique en provenance de l'immense château.
Le château était rempli de magie. De cela, j'en étais convaincue. Mais ces hommes étaient-ils des sorciers utilisant de la magie ou étaient-ils eux mêmes composés de magie comme des créatures fantastiques ?
J'espérai sincèrement qu'ils étaient de simples mages usant de pouvoirs sinon ce mariage était une très mauvaise décision de ma part. Une décision qui coûterait à mon vrai frère.
Les inquiétudes en tête, je m'approchai de ce château qui serait ma prison pour un temps.
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