Les Cents Enfants de Madame Ailey
Louise Ailey passait à travers l'entrée, ses pas résonnant dans le silence qui régnerait désormais toujours dans cette maison.
Son mari, avec qui elle avait partagé sa vie depuis qu'elle avait été mariée à l'âge de seize ans, venait de mourir d'une maladie contractée lors d'un voyage à l'étranger. Louise n'avait pas pu le revoir avant qu'il décède.
Il lui avait laissé tout ce qu'il possédait, et comme ils n'avaient pas d'enfants - Louise n'avait jamais pu en avoir, étant stérile- elle n'avait rien eu à partager et était désormais suffisamment riche pour ne pas avoir à s'inquiéter de savoir si elle pourrait vivre décemment.
Le silence qui régnait dans la maison l'étouffait, elle avait l'impression que l'entrée se refermait sur elle, quand bien même elle était assez grande pour être une salle de bal.
Elle ne voulait pas rester inactive, surtout maintenant que son mari Aloysius n'était plus là. Ça avait toujours été lui, la vie de la maison.
Il invitait ses amis pour un dîner improvisé, proposait aux femmes de ces derniers de venir prendre le thé avec Louise, pendant qu'il allait chasser avec eux.
Louise avait toujours été plus en retrait, passait beaucoup de temps seule, à vaquer à ses propres occupations. Aloysius l'avait toujours poussé à sortir de sa zone de confort, à voir du monde et à profiter de sa vie.
Elle avait vécu vingt ans avec lui, à effectuer chaque jour la même routine, à remplir son devoir d'épouse et à s'occuper de la maison, refusant catégoriquement de laisser leurs servants tout faire.
Même la présence de sa dame de compagnie, Claire, ne suffisait pas à alléger la lourde ambiance qui s'était abattue depuis que le maître de maison avait quitté ce monde.
Louise se trouvait désormais perdue. Qu'était-elle censée faire maintenant qu'Aloysius avait rejoint les cieux? Elle était totalement perdue sans les conseils avisés et la régularité que son défunt mari avait apporté à sa vie pendant ces vingts années.
Devait-elle se remarier? Non, à son âge c'était ridicule. Si c'était pour épouser un soixantenaire, ce n'était pas la peine. Elle ne voulait pas un homme comme son père dans son foyer. Et ce n'était pas comme si quelqu'un avait besoin d'un père dans cette maison.
Elle n'avait jamais pu avoir d'enfants, et elle avait toujours pensé que c'était une punition divine pour avoir tenu tête à son père quand ce dernier avait voulu la marier. Son premier mariage avait été annulé au dernier moment, elle avait tout fait pour faire fuir son futur époux, et la tension que ça avait provoqué chez sa mère lui avait fait perdre le bébé qu'elle attendait. Son onzième bébé. Elle en avait perdu cinq, et aurait aimé en avoir sept, mais seuls six avaient survécu. Louise avait deux soeurs et trois frères, mais n'avait plus vraiment de lien avec eux.
Elle ne leur avait pas parlé depuis des années. Depuis qu'elle avait été mariée de force à Aloysius et qu'aucun d'entre eux n'avait daigné lever le petit doigt pour l'aider à échapper à son sort.
Au final, épouser Aloysius n'avait pas été une si mauvaise chose mais elle en voulait à sa famille pour avoir autant forcé les choses.
Elle avait au moins eu la chance de ne pas tomber sur un mari violent. Lilly, sa plus jeune soeur, avait vécu cet enfer. Elle avait fini par s'enfuir et retourner au domicile familial. Leur père l'avait d'abord rejetée, mais quand son mari était venu la chercher à la demeure familiale et qu'il l'avait frappée et humiliée sous les yeux de toute sa famille, il avait décidé que c'était trop. Qu'il fallait protéger Lilly de ce malotru.
Il avait donc pris les choses en main et s'était débarrassé de l'homme qui avait fait de la vie de Lilly un enfer. Elle avait été remariée peu après, et tout s'était ensuite bien passé pour elle. Mais Louise n'en savait pas plus, elle avait perdu tout contact avec sa famille.
Elle était seule maintenant, à devoir prendre soin de la maison, qui était tout ce qu'il restait d'Aloysius. Elle avait beau ne pas avoir choisi de l'épouser, elle restait très attachée à lui - ce qui était évident après autant de temps passé à vivre dans la même maison que lui- et elle tenait à ce que tout soit comme il l'aurait voulu.
La seule pièce qu'elle n'entretenait pas elle-même, c'était l'atelier de son défunt mari. A ses heures perdues, Aloysius était un talentueux artiste, mais voir ses oeuvres était bien trop douloureux pour Louise qui avait grandement contribué à leur création.
Les souvenirs qu'ils renfermaient renforçaient l'impression de solitude qui l'avait envahi à l'instant où le médecin avait annoncé que Aloysius Ailey était mort. Elle ne pouvait pas affronter ça, à cet instant. Même aller poser un bouquet de fleurs sur la dernière demeure de son mari lui était trop douloureux, et elle laissait d'ordinaire Claire s'en charger.
Cette dernière avait beaucoup apprécié Aloysius, elle aussi. Ce dernier l'avait recueillie quand ses parents l'avaient mise à la rue après qu'elle ait refusé d'épouser un homme qui avait le triple de son âge et qui semblait aux portes de la mort, alors qu'elle venait de perdre son premier époux et leur enfant. Il lui avait offert un travail, une possibilité d'éducation. Et surtout, il lui avait offert avec générosité le gîte, le couvert, avec pour seule requête en échange de tout ça, de tenir compagnie à Louise qu'il savait souvent seule.
Elle lui était encore reconnaissante, vingt ans après, de l'avoir ainsi aidée, et se sentait malheureuse de son départ, mais résignée. Après tout ce qu'il avait fait pour elle, elle devait continuer de vivre et d'agir comme il l'aurait souhaité. Alors elle tenait compagnie à Louise, se montrait présente à travers le deuil partagé qu'elles traversaient.
Elle songeait chaque soir qu'Aloysius serait heureux de savoir son épouse entre de bonnes mains.
Il avait transmis toutes ses possessions à sa femme, mais il avait également laissé beaucoup d'argent de côté pour Claire, et lui avait dit d'en faire l'usage qu'elle désirait. Elle avait décidé de l'utiliser pour acheter des livres, des vêtements et autres possessions utiles et modestes.
Paraître riche n'était pas ce qu'elle souhaitait. Elle voulait être cultivée. Être à la hauteur d'être la dame de compagnie de Madame Ailey.
Louise était sans nul doute plus cultivée qu'elle, malgré tous les efforts de Claire. Elle était issue de bonne famille après tout, et avait reçu une éducation assez stricte. Elle avait eu des précepteurs et autres professeurs particuliers. C'était une chance que Claire n'avait pas eu.
Elle n'en restait pas moins une femme intelligente, et d'ordinaire, Louise prenait grand plaisir à converser avec elle.
Mais depuis le départ d'Aloysius, le silence régnait, hormis pour les nécessités. Elles échangeaient peu, malgré les tentatives de Claire de faire la conversation.
Louise avait besoin de temps pour accepter, pour que son coeur s'apaise. La douleur de l'absence d'un être cher était la pire chose qui existait. Claire était bien placée pour le savoir.
Quand elle avait perdu son mari et leur fils, elle avait cru que son monde s'était arrêté de tourner et que ça ne changerait plus. Mais peu à peu, elle s'était apaisée et avait pu reprendre son chemin. Elle se rendait encore souvent sur la sépulture de son époux et de son fils, avec plus de nostalgie pour ce qu'ils auraient pu être que de douleur qu'ils ne soient plus.
Désormais, elle s'attelait à la tâche de bien respecter toutes les requêtes laissées par Aloysius, à respecter le deuil de Louise tout en se montrant présente, et à être une bonne dame de compagnie et une bonne personne.
Un jour, tout s'arrangerait. Et dans l'autre monde, Louise retrouverait Aloysius, et Claire retrouverait Harold et Isaac.
Il leur fallait juste être patientes, continuer d'avancer et affronter ce que Dieu avait mis sur leur chemin.
Claire était certaine que ce n'était qu'une épreuve à traverser, infligée par un Dieu qui les savait fortes et capables de l'endurer.
Louise, elle, n'était pas vraiment croyante. Elle était baptisée et allait à la messe depuis son plus jeune âge et elle avait continué à le faire avec Aloysius qui était profondément croyant.
Mais elle-même ne croyait pas en tout ce qu'on disait à propos de Dieu.
Si Dieu était amour, pourquoi leur infliger la douleur de la perte d'un être aimé?
Toutes les bonnes choses ont une fin, mais s'il existait un Dieu tout-puissant comme les gens le croyaient, les choses ne se finiraient pas de cette façon.
C'était sans doute juste le côté pragmatique en elle qui parlait lorsque de telles pensées lui traversaient l'esprit. Au fond elle voulait croire qu'Aloysius était au paradis et l'attendait. Elle voulait croire qu'il n'avait pas juste plongé dans un néant éternel, qu'elle le retrouverait, mais quelque chose dans son esprit lui disait que c'était juste se mentir à soi-même.
Elle alla s'asseoir aux jardins, non sans jeter un oeil à l'immense horloge qui ornait l'un des quatre salons du manoir. Il était presque midi, il était grand temps de sortir en ville acheter de quoi manger pour le reste de la journée.
Louise n'en avait aucune envie, et Claire dût presque la traîner hors de la maison.
Mais cette sortie en ville contre son gré allait apporter quelque chose de nouveau à Louise: l'envie d'avoir un impact sur la vie d'autres personnes.
En l'occurence, elle voulait aider les enfants.
Elles déambulaient toutes les deux dans les rues de Londres. C'était assez animé à cette heure de la journée, mais ce ne fut pas ce qui captura l'attention de Louise.
Trois enfants, d'une dizaine d'années, passèrent à côté d'elle, tentant de lui voler ses bijoux. Elle le remarqua mais les laissa lui voler son bracelet. Elle le portait seulement par habitude, il n'avait aucune valeur sentimentale pour elle.
Mais elle avait bien remarqué que ces enfants étaient en haillons et que voler leur était de toute évidence nécessaire pour non pas vivre, mais survivre à la vie qu'on avait quand on était à la rue. Elle voulait les aider et laissa intentionnellement tomber quelques pièces d'or, essayant de laisser ces enfants maintenir le peu de dignité qu'il leur restait.
Elle avait les moyens de les aider, elle le savait bien. Louise pouvait même faire bien plus que juste leur donner quelques pièces. Elle pouvait leur construire un endroit où vivre. Et puisqu'ils n'avaient sans doute pas les moyens de recevoir une éducation, Claire ferait sans doute une excellente institutrice et serait sans doute ravie d'apporter à ces enfants l'aide dont ils avaient besoin.
C'était décidé, l'héritage transmis par Aloysius servirait à faire le bien, pas à jouer les dames superficielles.
Pour qui se ferait-elle belle de toute manière? Et ce n'était pas comme si elle était laide. Elle avait trente-six ans, mais n'avait besoin d'aucun artifice pour plaire. Il était certain que si personne ne l'avait abordée, c'était simplement parce qu'elle portait les vêtements de deuil et qu'il était facile de comprendre qu'elle était veuve depuis peu.
Mais si ça n'avait pas été le cas, elle tout comme Claire auraient été courtisées de tous les côtés. Ce n'était pas rare qu'Aloysius les accompagne quand elles allaient en ville pour cette raison.
Il n'aimait pas qu'on touche à ce qui lui appartenait. En l'occurence, Louise était sa femme et personne n'avait le droit de poser les mains sur elle.
Quand elles franchirent les portes du manoir, les bras chargés de victuailles, une détermination nouvelle se lisait dans le regard de Louise. Elle ferait le bien. En son nom et en celui de son défunt époux.
Elle aiderait ces enfants sans foyer comme si c'était les siens et ceux de Claire, avec générosité et modestie. Elle ne faisait pas ça pour le regard que les gens auraient sur elle, mais pour la satisfaction d'accomplir une bonne action, une vraie, qui aurait un vrai impact.
Claire et elle discutèrent longuement cette nuit-là, de tout ce qu'aider ces enfants impliquait. Il fallait trouver un bâtiment qu'ils pourraient transformer en lieu de vie, et s'ils n'en trouvaient pas, en construire un.
Elles avaient les moyens de le faire, mais ça risquait de prendre du temps. Trop de temps pour que ces enfants soient à l'abri du besoin avant l'hiver. On était déjà en septembre, et une telle construction prendrait des mois, voire des années.
C'est avec les rouages tournant dans la tête que les deux femmes allèrent se coucher. L'excitation d'enfin bouger et quitter ce lourd silence se mêlait à l'anxiété de ne pas réussir à faire ce qu'elle voulait. Si elle finissait par causer plus de tort que de bien à ces pauvres enfants, elle s'en voudrait tellement.
Mais au moins elle essayerait de les aider là où personne ne leur adressait ne serait-ce qu'un sourire. Elle ne vivrait pas en voyant leurs cadavres au sol avec la culpabilité de n'avoir rien fait pour les aider.
La nuit fut courte, dès le lendemain, elle arpenterait les rues de Londres pour trouver un bâtiment qui pourrait faire l'affaire pour offrir à ces enfants un lieu de vie où ils pourraient dormir, manger à leur faim et recevoir l'éducation que tous les enfants devraient recevoir.
Elle passa la journée à arpenter Londres, dans l'espoir de trouver un bâtiment à vendre qui soit suffisamment grand pour en faire un refuge. Et elle finit par en trouver un. Il nécessiterait des rénovations, certes. Mais c'était mieux que rien. Et si elle se faisait aider d'un groupe de personnes compétentes, les rénovations seraient faites d'ici quelques mois.
Les amis d'Aloysius s'étaient proposés pour l'aider dès qu'ils avaient eu vent de ce que Louise préparait. Et l'un d'entre eux connaissait des ouvriers qui justement, aimaient rénover des bâtiments comme celui-là.
En deux mois, le bâtiment était prêt à devenir un orphelinat. Et il y avait déjà du monde au balcon, prêt à aider et à offrir un avenir à ces enfants.
Plus qu'à recevoir l'agrément d'accueil d'enfants, qui était délivré uniquement par la reine elle-même. Et ça, c'était un peu moins une mince affaire. Obtenir une rencontre avec la reine était compliqué. Cette dernière, comme toute souveraine, était bien occupée.
Mais le statut haut placé de Madame Louise Ailey l'aiderait à obtenir une entrevue avec la reine d'ici peu. Aloysius l'avait connue personnellement, et il lui suffirait de dire qu'elle était son épouse pour qu'on la mène à la reine.
Et les choses se déroulèrent exactement ainsi. On la mena à la reine dès qu'elle déclina son identité. Et l'entrevue avec cette dernière démarra sous d'assez bons auspices.
La souveraine était assise dans le sofa qui faisait face à Louise, et indiqua rapidement à cette dernière de s'asseoir.
— Je ne sais pas par où commencer, votre Majesté.
— Victoria suffira, pour commencer. Votre mari était un de mes amis les plus proches, inutile de s'encombrer avec des formalités. J'ai d'ailleurs appris son départ.. Je vous présente mes condoléances, Louise. J'aurais aimé faire quelque chose pour lui.. Mais je n'ai pu que me présenter à ses funérailles sans être vue de personne.
Louise secoua la tête.
— Vous avez fait ce que vous pouviez. Je suis sûre qu'il aurait été heureux de savoir que vous êtes venue.
La souveraine hocha la tête, mais ne dit rien de plus. Louise reprit alors, en venant au pourquoi elle se trouvait là.
— Ce n'est cependant pas la raison de ma visite. A la suite du.. Départ d'Aloysius, j'ai reçu son héritage, presque de suite. Et j'ai décidé d'en faire un bien d'utilité publique. Je veux construire un orphelinat et aider ces pauvres enfants qui sont à la rue. Il y en avait tellement à Covent Garden..
— Je vois. Vous avez donc l'intention de construire un orphelinat?
— Il est déjà construit, en réalité. Les amis d'Aloysius m'ont aidée à rénover un bâtiment abandonné qu'on a racheté. Il est prêt à accueillir les enfants.
— Et le personnel?
— Nous en avons déjà recruté, avec mon amie Claire. Nous avons suffisamment de personnel et de place pour nous occuper de cent enfants.
— Cent enfants? En êtes-vous sûre, Louise?
Elle hocha la tête, et en voyant l'air sceptique de la souveraine, ajouta:
— Absolument certaine, Victoria.
— Je veux voir par moi-même le bâtiment. Je vais donner l'agrément, mais je dois admettre que j'ai des doutes sur la capacité de ce nouvel orphelinat d'accueillir cent enfants.
— Vous verrez que l'orphelinat que j'ai créé peut tout à fait accueillir autant d'enfants.
— Nous verrons.
La souveraine se leva et se prépara à partir, ordonnant à ses servants d'envoyer un garde les protéger durant le trajet. Elle se fit aussi discrète que possible, ne souhaitant pas être reconnue. Si on ne savait pas que c'était elle, c'était impossible de la reconnaître.
Le trajet se ferait à pied, l'orphelinat n'était pas bien loin du palais. Et elles seraient escortées et en sécurité.
Louise reconnut le garde qui les escorterait dès qu'il entra dans la pièce. C'était un vieil ami d'Aloysius, un certain Horace. Elle le savait compétent. En tout cas il n'était jamais rien arrivé à Aloysius en sa présence.
Et sa simple présence était intimidante et commandait le respect, alors Louise doutait que quiconque tente de les attaquer ou même de les approcher.
Le trajet se déroula sans encombre. Tout se passait sans encombre. Louise avait obtenu l'agrément, la reine elle-même venait voir les lieux, et les enfants allaient enfin avoir un toit et une éducation.
Quant à Louise elle-même, prendre soin de ces enfants allait sans doute devenir une raison de vivre. A défaut d'avoir ses propres enfants, ou de pouvoir prendre soin de son mari, elle pouvait aider ces enfants et leur offrir un avenir meilleur.
La souveraine avait parue satisfaite du travail fait dans les locaux de l'orphelinat. Il était bien assez grand pour cent enfants, en effet. Et le personnel semblait prêt à s'investir. Elle délivra l'agrément sans plus de formalités.
Une nouvelle aventure commençait pour Louise et Claire.
Une aventure qui occuperait tout leur temps et toute leur énergie ces quinze prochaines années.
Les premiers enfants étaient arrivés à l'orphelinat quelques jours plus tard, et le travail commençait réellement pour Louise et Claire.
Les enfants récemment arrivés étaient en haillons. Claire ne se fit pas prier pour leur offrir des vêtements et les aider à se laver. Ils étaient si petits qu'ils ne pourraient sans doute pas le faire correctement seuls.
Les plus âgés d'entre eux furent capable de donner leur identité et celle de leurs frères et soeurs, ce qui facilita grandement la tâche à Alice, la jeune femme chargée de l'admission administrative de ces enfants.
Elle put ainsi déterminer qu'ils étaient tous de la même famille, et inscrire leur nom dans les dossiers de l'orphelinat.
Pendant ce temps, Louise menait les enfants vers leurs dortoirs, et Claire commençait à préparer la salle de classe. Il y aurait sans doute beaucoup de travail à accomplir avec ces enfants. Il y avait de grandes chances qu'ils soient tous incapables de lire et d'écrire.
Ils avaient tout à apprendre, et Claire s'assurerait de leur apporter l'aide dont ils avaient besoin.
Ces enfants semblèrent perplexes quand ils arrivèrent dans leur dortoir, comme s'ils ignoraient ce qu'était un lit. N'avaient-ils jamais vu une chambre de leur existence?
L'aîné de ces enfants confirma bientôt que non, ils n'avaient jamais connu le luxe de dormir dans une chambre de toute leur vie.
Louise se demandait comment ces enfants avaient pu survivre aussi longtemps dans la nature, à dormir dans les rues de Londres et à survivre de ce que le peu de gens qui leur offrait la charité leur donnait.
L'une des fillettes remercia longuement Louise. Elle n'avait jamais imaginé que quelqu'un puisse être aimable au point de leur offrir un lieu où dormir, de la nourriture et une éducation.
L'enfant était très maigre, d'une pâleur maladive, et Louise en était alarmée. Tous les enfants de cette famille étaient comme ça, mais ça n'en devenait pas moins inquiétant pour autant. Elle la regarda longuement avant de prendre la parole.
— Bethany, aide tes frères et soeurs à se changer et change toi aussi. Je reviens vous chercher pour le repas dans quinze minutes.
L'enfant, sans doute âgée d'à peine onze ans, hocha docilement la tête et s'attela à la tâche. Louise quitta la pièce, leur laissant leur intimité, et retourna auprès de Claire qui venait d'en finir avec le rangement de la salle de classe.
— Il faut préparer la salle à manger. Ces enfants ont besoin de manger, peu importe si c'est l'heure du repas ou non. Et le mieux serait de commencer les classes dès demain.
Claire acquiesça. Elle était d'accord. L'heure du repas importait peu pour des enfants aussi affamés et dénutris. En les voyant ainsi, elle prenait d'autant plus conscience de la chance qu'elle avait d'avoir été aidée par les Ailey. Elle aurait pu subir le même sort.
Et elle était bien décidée à offrir à ces enfants la même bonté que ce que les Ailey avaient fait pour elle. Elle leur devait bien ça. Ces enfants seraient comme les siens.
Elle fila rapidement préparer la salle à manger. Il fallait que tout soit prêt quand Madame Ailey reviendrait avec les enfants. Ils avaient besoin de manger, et s'ils pouvaient ne pas attendre à table, c'était idéal.
Louise ne resta pas longtemps à regarder Claire mettre la table. Elle passa au bureau d'Alice, voulant connaître les noms de tous ces enfants.
Elle lut leurs noms les uns après les autres. Ils étaient sept: Bethany, Elsie, Lily, Nellie, Lyle, Levi et le nouveau-né fermement tenu par sa soeur aînée Rhys.
Rhys, Lily et les jumeaux Lyle et Levi allaient être ceux qui leur demanderaient le plus de travail et d'attention. Ils étaient encore petits et peu autonomes.
Rhys était un nouveau-né de quelques semaines, voire peut-être même quelques jours, Lily ne devait pas avoir plus de quatre ans, et les jumeaux avaient peut-être six ou sept ans. Ça allait être un travail de longue haleine.
Ces enfants resteraient probablement ici jusqu'à l'âge adulte. Leur mère n'était pas en capacité de leur offrir une vie décente, de toute manière. Elle ne pourrait revoir ses enfants qu'en venant les voir à l'orphelinat.
Et Louise était presque certaine qu'elle ne viendrait pas. Elle serait sans doute trop occupée à essayer de survivre pour se préoccuper de ce que devenaient ses enfants qu'on avait emmenés du jour au lendemain.
Louise s'occuperait elle-même des plus jeunes, et laisserait à Claire le soin d'apprendre aux plus âgés à lire et à écrire.
Bethany et Elsie étaient les plus âgées de la fratrie. Elles avaient respectivement 9 et 12 ans. Et éduquer un enfant de cet âge pouvait être bien compliqué. Éduquer un enfant illettré était d'autant plus difficile. C'était exactement la même chose que faire cours à un enfant de six ans. Voire même plus difficile.
Il fallait faire cours comme à un enfant de six ans, mais en faisant en sorte que l'enfant en question ne se sente pas bête ou infantilisé, sinon il n'aurait pas envie d'apprendre.
Claire l'avait elle-même expérimenté. Elle était illettrée quand elle était entrée au service des Ailey, et il avait fallu trois précepteurs différents avant de trouver celui qui l'aidait le mieux.
Elle avait ensuite rapidement progressé et rattrapé son retard, et elle était persuadée qu'elle pourrait faire la même chose avec ces enfants.
Cependant, l'heure n'était qu'au repas et à l'adaptation de ces petits bouts de chou.
Tout sembla bien se passer. Pour le moment, elles géraient bien la situation.
Mais les jours, les mois, les années s'écoulaient, et plus les enfants se faisaient nombreux, et plus la charge de travail était lourde.
Malgré tout, Louise et Claire n'étaient pas près d'abandonner ces pauvres enfants. C'était comme leurs enfants. Louise, en tout cas, les voyait comme les siens.
Et elle serait avec eux tout leur vie durant. Claire serait là pour l'épauler, et qui sait, elles aussi un jour, pourraient avoir droit à un vrai happy ending?
Alors, c'est ma première nouvelle originale dans ce genre, je sais pas trop quoi en penser? C'était cool de tester de nouvelles choses mais je suis pas sûre que l'historique ce soit fait pour moi 😅mais de nombreux autres projets arrivent très bientôt.
J'ai également une annonce à faire concernant les oeuvres que je sortirai à l'avenir, mais ça, ça attendra encore un peu!
En attendant, prenez soin de vous!
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