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II. Celui qui parle


Arobýn crie. La cuisine sent la fumée, la graisse chaude et le porridge. Tout tangue et roule, la carotte qu'il épluchait tombe à terre alors que lui-même se rattrape comme il peut à la main courante. Il jure. Les commis se bousculent vers la sortie. Cette journée est décidément un bazar sans nom.

À l'autre bout de la cuisine chamboulée, Sølveg observe la scène sans mot dire. Arobýn suppose qu'elle sourit dans sa tête. Cette gamine a toujours été inexpressive. Hermétique. Ses yeux brillent dans son visage lunaire. Il donnerait cher pour savoir ce qu'elle pense. Puis il reconnaît qu'au fond, il préfère ne pas savoir.Elle a sans doute ses raisons, et ses raisons sont sûrement terribles.

Bon. Il est temps de prendre les choses en main.

« Claušen, tu touilles la soupe. Mörgann, épluche les patates. Åliocha, la prochaine fois que je te vois te gratter le nez en cuisine, tu passes par-dessus bord. »

Le chef a parlé. L'ouragan dans la cuisine se calme, les gamins retournent à leur poste, les casseroles vides sont rependues à leur crochet par taille croissante, les bols sont empilés. Sølveg, imperturbable, épluche un nouvel oignon. Elle ne pleure pas. Elle n'a jamais pleuré.

Arobýn a besoin d'air. Les gamins s'occupent de tout, il peut bien s'octroyer une pause. Il sort sur le pont. L'air vif lui fouette les joues. Il ne fait pas froid — à vrai dire, le soleil le brûle —, mais un vent puissant fait claquer les voiles.

Il observe un instant l'équipage qui s'active, enroule les cordages, règle les voiles, crie, s'apprête à la manœuvre, joue aux cartes, rit, tient la barre, surveille l'horizon, s'occupe. Et, au milieu de cette fourmilière à taille humaine, Arobýn se sent observé à son tour.

Sølveg se tient immobile, adossée au bastingage, les mains dans les poches. Le regard vague, elle le fixe, et nul ne sait ce qu'il se passe derrière ses étranges yeux.

« Tu as quitté la cuisine ? »

Elle cille.

« J'avais fini les oignons. On devenait trop nombreux en cuisine. On se gênait. »

Rien de plus. Tout est toujours simple, neutre, rationnel. Mathématique.

« Ça va ? »

Elle cille à nouveau. Hausse les épaules.

« Tu veux en parler ? »

Sølveg esquisse un petit sourire et secoue la tête. Muette, comme toujours.

« Bon. Alors je parle et tu écoutes. Mais tu m'écoutes vraiment, hein ? »

Le sourire revient sur ses lèvres alors qu'elle acquiesce succinctement.

« J'ai atterri ici quand j'étais gosse. Je ne me souviens plus... d'avant. Un peu comme si j'étais né ici, sauf que Clarã (il désigne la capitaine, un peu plus loin, du menton) m'a assuré mille fois que ce n'était pas le cas, et elle a une bien meilleure mémoire que moi.

« Ils m'ont trouvé tout seul sur un bout de caillou en mer. Tout nu et braillard, comme une offrande au dieu des Brumes qu'on aurait oublié d'égorger sur cet autel qui ressemblait assez curieusement à un rocher.

« Ils m'ont recueilli, donc. Et le bateau, quand il t'a accepté, t'en ressors pas, ou alors les pieds devant. Moi, je suis resté.

« J'étais à ta place, en quelque sorte. Les tâches ingrates. Les oignons, la vaisselle, les chaussettes sales. Ce dont personne ne veut, là, c'était pour moi.

« J'ai jamais regimbé. Ce bateau, tu le quittes pas. Il t'accepte, t'es quelqu'un. Tu peux pas juste dire « non merci » et te barrer. Ça marche pas comme ça.

« Alors tu t'accroches. T'apprends. Il y a pas de secret : t'obéis, tu montes en grade, et à un certain moment c'est toi qui commences à donner des ordres à la marmaille.

« Et là encore, c'est pas gagné. Faut te faire respecter, et t'as encore en tête la voix du vieux chef qui te donnait des ordres, et tu sais que tu veux pas lui ressembler, mais il faut, sinon la marmaille s'éparpille et c'est encore à toi d'éplucher les oignons.

« Et l'histoire continue encore aujourd'hui, à cette heure où le vieux chef apprend la voie aux gamins qui n'en demandaient pas tant. La vie est une boucle, Sølveg. J'espère seulement que tu ne répéteras pas mes erreurs.

« File et profite de tes rêves, tant qu'ils sont beaux et pleins d'espoir. Tant qu'ils n'ont encore ni la nostalgie, ni le regret, ni la noirceur des cauchemars.

« Surtout, oublie mes paroles de vieux chef. Et apprends à écouter plutôt qu'à radoter comme moi. »

Arobýn se tourne vers la gamine. Elle a les yeux dans le vague, et deux larmes coulent sur ses joues.

Un sourire fugace traverse son visage.

« Merci. »

C'est tout. Sølveg lui adresse un petit salut militaire et retourne à la cuisine.

Elle est peut-être humaine, finalement. Comme tout le monde, elle essaie de survivre à a vie. Elle s'efforce d'aider, comme elle peut, mutique et efficace.

Il la voit, dans vingt ans, trente ans peut-être, ses longs cheveux noirs flottant au vent, la main sur la barre. Capitaine de ce même bateau, elle recueille les orphelins perdus sur les îlots rocheux. Et elle leur répète ces mots, empruntés à un vieux chef sénile, dans le creux de la vague, quand elle sent que les enfants n'arrivent plus à rattraper le grand train de la vie.

Arobýn secoue la tête. Ce n'est sans doute qu'un rêve.

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