4.
Now
Tu as secoué la tête en t'asseyant à côté de moi. On a regardé le soleil qui apparaissait derrière les nombreuses rangées d'immeubles.
Au début, on est resté silencieux. Je crois que ni toi ni moi ne savions comment commencer cette conversation. Te connaissant tu attendais surement que je parle. Après tout, c'était moi qui t'avais envoyé ce message. Le problème c'est que moi je te l'avais envoyé quand j'étais complètement défoncé, l'esprit en vrac et le cœur remplit de ton manque. C'est atroce le manque, tu sais ?
J'ai tourné la tête vers toi et j'ai eu mal à la poitrine tant tu étais beau avec le soleil qui colorait ta peau d'or.
« Je pensais pas que t'allais me répondre. »
Tu as tourné la tête vers moi et je n'ai pas pu soutenir ton regard.
« Contrairement à ce que tu sembles penser, as-tu alors soufflé, je ne t'ai jamais oublié, Jisung. »
J'ai basculé la tête en arrière, mon cœur battait la chamade, je sentais une goutte de sueur dégouliner le long de mon dos. J'ai coincé mes mains sous mes cuisses pour les empêcher de trembler.
« T'as continué ton traitement ? »
J'ai secoué la tête doucement. J'ai arrêté de prendre mes cachets après notre rupture. Souffrir me faisait du bien. Je ne savais plus comment vivre sans souffrance. Comme si c'était devenu ma norme.
Tu t'es levé et tu as disparu dans un couloir. Je t'ai entendu ouvrir des placards et râler dans ta barbe. Tu es revenu une dizaine de minutes plus tard et tu m'as tendu un verre d'eau et une petite pilule que je connaissais par cœur. J'ai relevé la tête vers toi, tu fixais le soleil, refusant de rencontrer mon regard. N'étions-nous pas ridicules comme ça, à éviter le regard de l'autre tout en le cherchant désespérément ?
Then
Les yeux injectés de sang de Hyunjin sont posés sur Jisung. Il le regarde, ses lèvres pincées, la mâchoire serrée. Ils peuvent entendre la musique de la fête en arrière-plan, au loin. Pas sûr que Jisung la perçoive cependant. Il est assis par terre, ses bras entourant ses genoux repliés contre son torse, le dos appuyé contre le lit. Il a posé son front sur ses genoux, cherchant tant bien que mal à retrouver une respiration normale. Son corps tout entier le fait souffrir, ses épaules sont trop tendues, ses doigts crispés, ses pieds glacés et ses orteils sont recroquevillés au fond de ses chaussures. Ses oreilles sifflent, ses dents claquent. Il a froid, tellement froid.
Il relève la tête, son regard tombant sur Hyunjin qui se tient en face de lui, lui aussi a replié ses genoux contre son torse et les a entourés de ses bras.
Leurs regards se rencontrent et Jisung veut dire quelque chose mais seul un gémissement s'échappe de ses lèvres. Hyunjin tressaille. Il ouvre la bouche, la referme. Jisung le fixe, l'implorant du regard de faire quelque chose sans même savoir ce qu'il veut.
« Ji'... »
Simple murmure qui a su sortir de la barrière des lèvres de Hyunjin.
Jisung le fixe toujours, le regard larmoyant, suppliant.
« Tu veux que je m'approche ? »
Il ne sait pas. Il voudrait être seul. Il voudrait que Hyunjin sorte, qu'il ne le voit pas dans cet état, qu'il ne garde dans son esprit que l'image du Jisung fort, taquin et rempli de bonheur. Mais les yeux rouges de Hyunjin l'en dissuadent. Jamais quelqu'un ne l'a regardé avec autant de douceur. Et jamais Jisung n'a eu autant envie qu'on prenne soin de lui. Alors, difficilement, il hoche la tête.
Hyunjin cligne des yeux et s'avance à quatre pattes vers Jisung qui a de nouveau laissé tomber son front sur ses genoux. Le blond s'arrête à côté de lui et, sans rien dire, entoure ses épaules de son bras. Les larmes dégoulinent le long des joues de Jisung qui se met à trembler dans les bras de Hyunjin. Hyunjin qui ne sait pas quoi faire alors il se contente de le serrer d'autant plus contre lui.
La soirée avait commencé comme chaque soirée auxquelles il participait. Beaucoup d'alcool, beaucoup de gens, musique très nulle très forte, des groupes de gens en train de fumer dehors. Hyunjin était parti danser avec Félix. Il s'était bien amusé jusqu'à ce que Seungmin débarque devant lui et l'entraîne plus loin.
« Qu'est-ce qu'il se passe ? avait demandé Hyunjin.
- Je crois que Jisung fait un bad trip.
- Hein ? Il est où ?? » s'était affolé le blond et Seungmin lui avait indiqué l'étage.
Il avait grimpé les escaliers à toute vitesse, sautant deux marches à chaque fois et avait trouvé Jisung assis par terre, le front luisant de sueur et les bras serrés autour de ses jambes. Chan était avec lui, les mains sur les genoux, essayant de lui parler, sans grand succès.
« Hyung ? »
Chan s'était retourné vers Hyunjin et lui avait offert un sourire triste avant de se pencher vers Jisung et de lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Hyunjin avait vu le garçon aux cheveux bleus hocher la tête de manière presque imperceptible et Chan s'était redressé pour s'approcher de Hyunjin.
« Il a juste besoin d'une présence, lui avait-il dit en posant une main sur son épaule. Ne l'abandonne pas, Hyunjin. Sinon je t'assure qu'on te tombera dessus avec Changbin. »
Hyunjin avait déglutit, et voilà où il en est maintenant. Incertain de ce qu'il devrait faire, dans l'incompréhension la plus totale. Ce n'est pas un bad trip, ça c'est clair, mais qu'est-ce qu'il se passe alors ? Une crise d'angoisse ? Une attaque de panique ? Il n'est même pas sûr de savoir la différence entre les deux.
Sans vraiment savoir pourquoi, Hyunjin s'est mis à tapoter le bras de Jisung à intervalle régulier. Il s'est dit que ça permettrait peut-être à Jisung d'avoir un rythme sur lequel se caler, lui qui passe sa vie en musique. Il lui offre un tempo à suivre, et il finit par se calmer, par arrêter de trembler. Il relève la tête de ses genoux pour la poser sur l'épaule de Hyunjin qui le laisse faire sans rien dire.
« Ça va ? lui demande-t-il en repoussant les mèches de cheveux moites de sueur du front du plus petit.
- Hum...
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
Le silence lui répond.
« Pardon, t'es pas obligé de répondre.
- Je sais pas, souffle Jisung d'une voix faible.
- Tu... Tu veux en parler ?
- Je sais pas.
- On n'est pas obligé. On peut parler d'autre chose si tu veux. On peut aussi aller dormir. Ou on peut redescendre. Enfin, l'alcool c'est fini pour toi ce soir. »
Jisung pouffe dans son cou et renifle en se collant encore plus (si c'est possible) contre lui.
« C'est... complexe, dit-il dans un souffle. J'ai des problèmes avec mes parents. Je suis venu ici pour me changer les idées mais je suis tombé sur un vieil ami avec qui ça s'est mal fini. »
Il se tait et Hyunjin passe une main dans son dos, le caressant gentiment par-dessus son tee-shirt.
« Je t'ai cherché mais je ne t'ai pas trouvé.
- J'étais en train de danser, murmure Hyunjin.
- Je me doute. J'ai trouvé Chan et Seungmin. Tu savais qu'il se passait quelque chose entre eux, d'ailleurs ?
- Je savais pas non. Il s'est passé quoi ensuite ?
- J'avais... Mal au cœur.
- Mal au cœur ?
- J'ai l'habitude tu sais.
- Ça t'arrive souvent ?
- De temps en temps.
- T'as un traitement ? »
Silence.
« Jisung ? T'as un traitement ? »
Le souffle de Jisung caresse la peau du cou de Hyunjin qui frissonne.
« T'en a un, n'est-ce pas ?
- J'aime pas le prendre.
- Pourquoi ?
- Parce que mes crises me rappellent que la vie est courte. Je ne me sens pleinement vivant que lorsque j'arrête de respirer. »
La main de Hyunjin se fige dans le dos du plus jeune qui se recroqueville de plus belle. Il n'avait pas conscience que c'était à ce point-là. Il ne savait pas que Jisung était aussi prêt du gouffre.
« Ji ? »
Le blond se dégage gentiment du plus petit et pose ses mains sur ses joues qu'il apprécie tant. Les yeux dans les yeux, ils se dévisagent, se contemplent, s'admirent. Ils brillent de mille feux en regardant l'autre.
Hyunjin embrasse Jisung.
Ou alors peut-être que c'est Jisung qui embrasse Hyunjin ?
Ils s'embrassent, Hyunjin le tire sur ses genoux, l'entoure d'une étreinte puissante. Ils s'embrassent, les choses dérapent, Jisung est à bout de souffle mais c'est bien différent de quelques minutes plus tôt. Ils se séparent et Jisung garde la bouche entrouverte, haletant.
« Tu t'es sentit vivant là ? »
Le rappeur hoche la tête sans un mot.
« Alors quand tu sens que la mort te rattrape, viens me voir. Je te ferai perdre le souffle pour que tu retrouves ton humanité. »
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