Chapitre 7
Namjoon était, comment dire... Légèrement stressé. Mais ce n'était rien comparé au brun à ses côtés.
-On n'est pas obligé d'y aller maintenant Kook, tu sais ...?
Cela faisait une bonne dizaine de minutes qu'ils étaient tous les deux plantés devant la porte immaculée de la maison des Jeon. Ils s'y étaient dirigés immédiatement après leur retrouvaille au café sous la demande du plus jeune, parce qu'il « voulait en finir une bonne fois pour toute ». Mais maintenant qu'ils y étaient, ils n'avaient pas esquissé un geste qui pourrait faire croire qu'ils voulaient pénétrer dans l'habitat leur faisant face, et pourtant ils ne partaient pas. Le cendré attendait simplement que son petit ami se décide à s'avancer définitivement vers cette porte, ou bien faire demi-tour. Vu l'état d'angoisse dans lequel il était, le plus âgé pensait que ce n'était pas une si mauvaise chose de repousser la confrontation.
Mais son cadet pensait autrement.
-C'est comme un pansement : il faut l'arracher d'un seul coup, affirma-t-il.
Il fit un pas en avant, comme pour celer ses dires. Et Namjoon le suivit.
Symboliquement, Jungkook appuya sur la sonnette. Car cette maison n'était plus la sienne. Il y avait été chassé.
C'était dur pour lui, il retenait ses larmes, tentait d'être fort. Il avait fait le choix de démarrer une nouvelle vie sans mensonges et de tourner le dos à tout ce qu'il connaissait. Et la main serrée au creux de la sienne lui soufflait qu'il avait fait le bon choix.
Les secondes s'écoulaient, aussi lentement et sûrement que des centaines d'heures. Un temps infini où la seule chose qu'ils sentaient était leur cœur battant à l'unisson. Jusqu'à ce que la porte ne s'ouvre.
Une femme d'un certain âge leur fit face, petite et ronde, ses cheveux noirs charbon retenue en une queue de cheval bâclée. Ses yeux étaient rouges et cerclés de cernes, comme si elle avait passé une bonne partie de sa journée à pleurer. D'où les coulures de maquillages sur sa peau diaphane.
-Jungkook ?! Oh mon Jungkook, s'exclama-t-elle. Tu es enfin rentré, j'ai eu tellement peur, je-
Elle s'interrompit au milieu de sa phrase quand elle remarqua enfin l'homme qui accompagnait son précieux Jungkook. Sa bouche se referma mais ses yeux parlaient tout autant.
-Bonjour Eomma.
Le brun la fusilla du regard, son visage fermé. Lui aussi avait senti le changement de comportement chez sa mère et cela le mettait hors de lui. Comment pouvait-elle se permettre de juger cette homme qu'elle ne connaissait pas et qui lui avait apporté bien plus d'amour en sept mois que elle en dix-sept ans d'existence ? Lui qui l'acceptait sans rien demander alors qu'elle le mettait à la porte à la première difficulté. Il en avait par-dessus la tête de son comportement.
Il l'a bouscula d'un coup d'épaule, et s'engouffra dans la demeure, laissant derrière lui un Namjoon profondément mal à l'aise et sa génitrice au regard vide.
-C'est... Vous le fameux Namjoon ? murmura-t-elle.
Le concerné se contenta d'hocher lentement la tête. La brune avait l'air réellement secouée et effondrée, et le jeune homme eut de la peine pour elle. Même après le rejet qu'elle avait infligé à son propre fils, Namjoon arrivait à éprouver de l'empathie pour elle. Car c'était dans sa nature, et qu'il détestait voir la tristesse dans les yeux d'autrui.
Elle osa enfin le regarder dans les yeux, mais il ne parvint à déchiffrer totalement ce qu'il y voyait. Du chagrin, c'était certain. La peine immense de celle qui prenait enfin conscience de la réalité, qu'elle avait perdu son fils unique. Une pointe de haine envers cet homme qui lui avait arraché, de cet homme que Jungkook avait choisi contre elle. Une once de remords pour ce qu'elle leur infligeait.
Namjoon fut cependant coupé dans sa contemplation par des voix provenant de l'étage. Une qu'il arriva fort bien à reconnaître comme étant celle de son compagnon, et une autre plus grave, plus masculine, plus autoritaire. Celle de quelqu'un qui imposait le respect.
-Alors tu es enfin revenu à la raison ? Tu t'es enfin rendu compte de la réalité ?
Il lança un regard désolé à la femme toujours en face de lui qui avait baissé le regard. Non, Jungkook ne rentrait pas à la maison.
-Oui, je me rends bien compte de la réalité, lui répondit froidement l'adolescent.
Des pas se firent entendre provenant de l'étage, une valise qui s'ouvre, des vêtements que l'on froisse, des claquements contre le carrelage.
-Alors peux-tu m'expliquer ce que tu es en train de faire ? gronda Mr. Jeon.
-Ce que je suis en train de faire, c'est que je me casse ! Je me barre d'ici, loin de vous et de votre putain d'homophobie à la con !!
Jungkook se déchaînait enfin. Il relâchait la pression et se rebellait. Comme une cocotte-minute, il avait emmagasiné trop de pression, trop de réflexions et d'insultes, de remarques sournoises et de regards dégoutés. Il fallait que ça sorte, que tous sorte. Son copain était heureux, parce que le brun se débarrassait enfin de ses chaînes et de ses barrières.
Il l'entendit d'ailleurs dévaler les escaliers, une valise à la main et son père sur ses talons.
-Je rêve ! Jungkook, ça ne va pas se passer comme ça. Tu vas revenir immédiatement ! Je suis ton père nom de dieu !!
Le brun se retourna immédiatement pour faire face à cet homme qui lui inspirait tant de haine et de colère. Ce petit homme ridicule qui peinait à atteindre les 1m70, avec une calvitie naissante et qui approchait dangereusement de la cinquantaine. Cet homme qui avait tellement de pouvoir sur lui. C'était la première fois qu'il prenait réellement le temps de le regarder. Il le dépassait largement en taille, il était bien plus fort physiquement, alors pourquoi il n'avait jamais résisté à son emprise ? Pourquoi il ne lui avait jamais désobéis ?
Surement parce qu'il lui manquait une raison de le faire, une réelle motivation.
Alors maintenant qu'il l'avait, plus rien ne le retenait à cette personne misérable et creuse, recluse dans son monde gris et terne de préjugés et de faux semblants.
-Je n'ai pas à t'obéir au doigt et à l'œil, expliqua-t-il, lentement.
Et il se retourna vers Namjoon qui lui souriait de toutes ses dents.
-C'est pour lui ?! Pour lui, ce- ce délinquant que tu nous quittes ?!
Jungkook ne prit même pas la peine de répondre et se précipita vers ledit « délinquant » pour l'embrasser. Le cendré ne s'y attendait absolument pas mais se laissa faire sous les yeux ébahis du couple Jeon. Si Jungkook avait décidé que c'était ce dont il avait besoin, alors il lui donnait sans hésitation.
-Je crois que je vais vomir... Mon fils est réellement devenu pédé...
Le concerné sourit grandement, fier de ce qu'il était.
-Tu le regretteras Jungkook ! Les gens comme toi n'ont pas leur place au ciel ! le menaça l'homme grisonnant et maladroit, s'emmêlant dans ses chaussons visiblement trop grands.
-Tant que j'en ai une dans tes bras, murmura le brun à l'oreille de celui qui partagera dorénavant sa vie.
Et il s'écarta, précipitamment, descendit les quelques marches qui le séparait de la rue en une enjambée et se mit à courir sur le goudron. Namjoon s'apprêtait à le suivre mais une main sur son poignet le retint. Mme Jeon qui n'avait pas bougé d'un poil depuis qu'elle avait ouvert la porte le regardait avec des yeux suppliants.
-Prenez soin de lui, s'il vous plait... souffla-t-elle alors que son mari proférait toute sorte d'insulte plus horrible les unes que les autres dans son dos.
Elle referma la porte, laissant le jeune homme abasourdi dans le froid de février.
Mais il ne mit pas longtemps à reprendre ses esprits, et partit à la suite de son petit ami qui avait détalé comme un lapin. Il longea toutes une suite de maison bien propre et bien entretenu, toutes plus identiques les unes que les autre, et tourna en direction de son propre chez lui. Si Jungkook avait décidé de se planquer, alors il ne le chercherait pas, parce qu'il avait sûrement besoin d'un peu de calme et de solitude. Et si jamais il voulait le retrouver, le cas le plus probable était que son compagnon était allé courir se réfugier chez lui.
Et son instinct ne s'était pas trompé puisqu'une dizaine de minutes plus tard, il retrouva la silhouette de son amour recroquevillée sur lui-même au pied de son immeuble. Quand il sentit la présence de son aîné à côté du lui, il releva sa frimousse remplit de larme vers lui.
-Pourquoi est-ce que ça fait si mal ...?
Namjoon ne répondit pas. Parce qu'il n'y avait rien à dire. Ça fait mal, c'est tout.
Il lui tendit la main, pour l'aider à se relever, et le plus jeune s'y agrippa comme si sa vie en dépendait. Ils montèrent l'escalier collés l'un à l'autre, le corps du brun secoué de spasmes dû à ses sanglots. Une fois arrivés à bon port, il balança sa valise dans un coin et s'affala dans le large canapé pour y confier sa peine.
-Je vais te préparer un chocolat chaud.
Et il le fit immédiatement. C'était autant pour préparer un petit remontant pour son cadet que pour lui laisser un peu d'intimité. Il versa du lait dans une casserole et la posa sur le feu en laissant ses pensées s'échapper.
Vers Jungkook en priorité, lui qui avait été tellement courageux de porter ses valeurs jusqu'à chez ses parents pourtant intransigeant, et qu'il était allé jusqu'au bout de ce qu'il avait décrété. Il était fier de lui, mais en même temps désolé envers cet adolescent qui avait dû apprendre à grandir trop vite.
Puis ses pensées se dirigèrent vers Mr. Jeon, qui n'était qu'un amas de haine et de colère. Namjoon se demanda ce qui avait bien pu se passer dans la vie de cet homme pour qu'il devienne aussi fermé d'esprit... Sa vie avait dû être bien triste.
Et enfin, il repensa à Madame Jeon, cette femme qui avait l'air d'aimer tellement son fils, et qui était prête à passer au-dessus de ses préférences sexuelles, parce que l'amour qu'elle portait au brun était plus fort que tout. Namjoon l'avait compris en un regard qu'elle ne le rejetait pas, mais qu'elle n'avait pas assez de force mental pour le soutenir. Il avait réellement de la peine pour cette personne que la vie avait entraînée dans un quotidien trop rassurant pour qu'elle daigne le quitter. Elle était trop lasse, battue par sa propre existence.
Le lait se mit à bouillir, alors il dû quitter la bulle de ses pensées. Il sortit deux tasses de son placard et y versa le liquide maintenant chaud, puis rajouta quelques cuillérées de cacao avant d'amener le tout au salon.
La première chose qu'il remarqua fut que Jungkook s'était redressé et que les larmes avaient cessées de rouler sur ses joues. Il lui tendit une tasse.
-Ça va mieux ?
Hochement de tête.
-Tu veux en parler ?
Nouveau hochement de tête.
Alors Namjoon prit sa propre boisson en main et se glissa sous le plaid qui couvrait déjà les jambes du plus jeune. Ce dernier vint d'ailleurs immédiatement reposer sa tête contre l'épaule accueillante de son aîné.
-Je me sens vide... J'ai été en colère contre eux, violemment. Et la colère m'a quitté. Puis j'ai été triste quand je me suis rendu compte qu'ils ne m'accepteront sûrement jamais, et que je ne les verrai peut-être plus. Mais je n'ai plus envie de pleurer. J'ai été heureux de savoir que tu me soutiendrais et qu'on pourrait enfin vivre tous les deux, mais même ça je ne le sens plus. Je ne ressens plus rien.
Ils prirent tous deux une gorgée de leur breuvage sucré, profitant de l'explosion de saveurs qui se déroulait dans leur palet.
-Je suppose que c'est normal... Il faudra sûrement un peu de temps avant que tu ne passes à autre chose.
Jungkook ramena ses genoux contre sa poitrine tout en se serrant d'avantage au cendré. Il but sa boisson, le regard perdu dans le vide.
-Ca a été une libération de m'en aller, de quitter ce lieu étouffant qu'était devenu ma maison. Mais maintenant je me sens comme orphelin. J'ai abandonné ma vie et je ne m'en suis pas totalement reconstruit une. Je me sens perdu, sans repère à part toi.
-Je comprends. Mais sache que dorénavant, ici sera aussi ton chez toi. C'est vrai que pour l'instant tu ne dois pas vraiment t'y sentir totalement à l'aise, grimaça le plus âgé en se frottant la nuque ; mais on va faire en sorte que ça devienne ta nouvelle maison. Ensemble.
Il lui prit la main un peu brusquement, faisant renverser un peu du lait du plus jeune sur la couverture. Et tandis que Namjoon se confondait en excuse, le brun rit franchement à l'attitude enfantine de son petit-ami.
-Ça sera parfait Namjoon, vraiment.
Ils se sourirent, et la discussion fut close. Et alors que leurs regards se perdaient dans le vide en face d'eux, et que leur boisson se refroidissait entre leurs mains, ils s'endormirent.
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Dernier chapitre, le prochain sera l'épilogue...
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