Tout ce qui est caché
Quelques jours sont passés depuis sa rencontre avec les Avengers. Gabrielle a repris le cours de sa vie. Elle a mis un peu de temps à digérer tout ce qui a été dit. Elle ne s'est jamais vue comme une menace ou même un super-héros potentiel. Effectivement, ses pouvoirs peuvent être impressionnants. Mais il faut se dire que si elle avait été un ennemi, elle se serait sans aucun doute déjà manifestée. De toute façon, il n'y a pas de crainte à avoir. Ils ne peuvent plus faire de mal à personne depuis quelques années. La rousse a bridé tout ce qu'elle pouvait pour prévenir toute menace. Elle a fait cela car elle n'est pas fière de certains événements de son passé. Pour éviter que les choses ne dégénèrent de nouveau, Gabrielle s'est forgée des barrières mentales. Ces dernières lui permettent de retenir une grande majorité de ces pouvoirs afin qu'elle ne puisse en utiliser qu'une infime partie. De plus, bien qu'elle craigne de nouveau de faire du mal autour d'elle, la médecin a surtout peur de ne pouvoir maîtriser la puissance de son pouvoir.
En effet, outre ses dons de télékinésie et de modélisation de la matière, la jeune femme a développé des capacités télépathiques, décuplant son empathie et lui offrant la possibilité de lire dans les pensées. C'est grâce à cela qu'elle est capable de ressentir les émotions ou que cela décuple ses propres sensations. D'ailleurs, cette compétence lui est très utile dans le cadre professionnel, facilitant les interrogatoires médicaux. C'est pour cela que dans son quotidien, les barrières lui servent surtout à empêcher qu'elle ne succombe à un raz de marée de pensées et autres flux du monde qui l'entoure.
Malgré tout, depuis sa rencontre avec le trio, la jeune femme a une mauvaise impression, une sensation oppressante qui la met mal à l'aise. Comme un poids sur son estomac, une boule dans la gorge qui ne la quitte pas. Pourtant rien n'est venu perturber son quotidien. Ses gardes à l'hôpital se passent bien, s'occupant comme d'habitude de patients parfois hauts en couleur. Elle se demande si l'actualité ne serait pas aussi une cause de son mal-être. Il faut dire que le fameux « soldat de l'hiver », en cavale depuis quelques temps, est récemment réapparu, mettant les Avengers en émoi.
Ce matin, elle est appelée aux urgences. Gabrielle arrive rapidement dans la salle de traumatologie pour soutenir ses collègues déjà en action. Elle enfile une paire de gants et une blouse de protection tout en questionnant la situation.
— Homme d'une trentaine d'années. Blessures par balles. Plusieurs points d'entrées. Aucun point de sortie. Beaucoup de sang perdu sur place. On a déjà demandé 3 poches de 0 neg.
— Comment sont les constantes ? demande la médecin en commençant à l'ausculter.
— Elles ne sont pas bonnes. Le rythme est bas et la tension a 5/8. On l'a mis sous O² a 100%. Malgré ça, le patient est conscient, lui répond une infirmière qui s'active autour d'eux.
— Bonjour monsieur, je suis le docteur Ross. Je vais m'occuper de vous. Vous avez été touché par plusieurs balles. Nous devons essayer de les trouver pour les ôter et réparer les dégâts qu'elles ont pu causer sur votre organisme. Vous comprenez monsieur ?
Le patient attrape sa blouse et la tire vers lui en ôtant son masque à oxygène.
— Ils sont vivants !
— Pardon ?
— La tension chute, alerte l'infirmière.
— Gabrielle, ils sont vivants !
— Mais qui ? Qui est vivant monsieur ?
— Vos parents !
— Il s'enfonce ! hurle l'infirmière en attrapant le chariot de réanimation à proximité. Il bradycarde.
— On le perd, vite ! s'active à son tour le collègue de Gabrielle.
Le patient perd connaissance et lâche la blouse de la rousse. Le médecin attrape les palettes afin de réanimer l'homme, tandis que Gabrielle reste prostrée quelques instants, choquée par ses paroles. Secouée par l'infirmière, elle reprend finalement ses esprits. Alors, pendant de longues minutes, ils s'affairent à faire repartir son cœur. Au bout d'une heure, devant leur échec, Gabrielle et son collègue Mark décident de prononcer le décès. Mais la jeune femme reste perturbée par ce qu'il lui a dit. Elle bugge un peu en regardant le patient décédé sur la table.
— Ça va ? lui demande le deuxième médecin.
— Oui, oui. Ça va aller, essaye de rassurer Gabrielle en ôtant bruyamment ses gants et sa blouse pleine de sang.
— Tu le connaissais ?
— Non, pas du tout.
— Il avait l'air de te connaître, lui. Il t'a dit quoi ?
— Que mes parents étaient en vie.
— Et tes parents... ?
— Sont morts depuis un bout de temps déjà... répond-t-elle en mettant son attirail dans la poubelle.
— Oh ? C'était sans doute une erreur. Il a dû te prendre pour quelqu'un d'autre.
— Sans doute...
Encore un peu décontenancée, Gabrielle essaye de s'occuper. Elle décide d'aider les infirmières à préparer le corps pour le mettre dans la housse mortuaire. En lui faisant les poches, elle trouve son portefeuille et se permets de regarder dedans. Christopher Banks, ce nom ne lui dit rien du tout. Aucune carte professionnelle ou tout autre indice qui aurait pu lui donner quelques renseignements. Dans la dernière poche, elle trouve malgré tout une carte de visite toute noire avec les seules initiales du S.H.I.E.L.D.. Le S.H.I.E.L.D. ? Gabrielle se souvient soudainement que Steve Rogers en a parlé quelques jours plus tôt. Elle n'avait jamais entendu ce nom avant. Étrangement, elle s'y retrouve confrontée pour la deuxième fois en quelques jours. Et cela l'intrigue.
Elle repose le portefeuille dans le sac d'affaires personnelles. En relevant la tête, elle aperçoit un homme habillé de la même façon que le patient décédé qui l'observe depuis la porte. Dès qu'il se rend compte que Gabrielle l'a vu, il disparaît rapidement. Que fait cet homme ici ? A-t-il un lien avec le cadavre ? Et s'il savait de quoi l'homme sur la table a voulu parler ? Peut-être a-t-il des informations sur ses parents ? Elle doit à tout prix lui demander. La médecin se précipite alors et décide de le suivre dans les couloirs de l'hôpital jusqu'à la sortie des urgences. En arrivant dans la rue, il a disparu. Un vrai fantôme. La rousse reste alors plantée au milieu du flux de véhicules, envahie de questions.
Cette histoire la travaille jusqu'à son retour à la maison. Qui est donc cet homme qui prétend que ses parents sont vivants ? Quel est le rapport entre ses parents, cet homme et le S.H.I.E.L.D. ? Quelle histoire ! Ses parents vivants ? Impossible, se convainc la jeune femme.
En effet, Gabrielle a perdu sa mère à cause d'un cancer, et son père est décédé dans un accident de voiture. Il y a presque 20 ans qu'elle est orpheline.
Les événements de cette journée l'ont totalement chamboulée. Elle a besoin de lâcher prise, de confier son inquiétude et ses interrogations. Après une bonne douche bien chaude, elle s'est confortablement habillée d'un leggings et d'un maillot de hockey, souvenir de son adolescence. Gabrielle n'a clairement plus le gabarit qu'elle avait à l'époque. Mais la grande taille de son équipement sportif lui permet aujourd'hui d'y faire entrer son corps, devenu un peu plus charnu avec les années.
Après ce moment de plénitude, elle décide d'appeler son frère Andrew. En réalité, ce n'est que son demi-frère. La rousse est issue d'une famille recomposée. Ses parents se sont connus sur leur lieu de travail. Ils sont tombés amoureux, se sont séparés de leurs conjoints respectifs pour finalement s'unir. Gabrielle est leur unique fille commune. En plus de son frère aîné, elle a un autre demi-frère, Nicholas, et une demi-sœur, Samantha. Bien que la fratrie ait grandi ensemble, et ce, même malgré la grande différence d'âge, la médecin est beaucoup plus proche de son frère Andrew. Après le décès de sa femme, leur père s'est renfermé dans le travail et Andrew l'a plus ou moins remplacé lorsqu'il était absent. Devenant un référent et un modèle, jusque dans le choix de sa carrière professionnelle.
Assise de travers dans le grand fauteuil posé devant la fenêtre de son salon, Gabrielle attend que les sonneries de son téléphone cessent.
— Allo ? répond une voix grave enjouée.
— Salut Drew, c'est Gaby.
— Hey !!! Comment ça va ?
— Ça va assez bien. Et toi ?
— Oh super ! On vient de rentrer du match de Clarisse, une graine de championne ! Hey, les filles, c'est tata Gaby au téléphone.
Une voix au loin laisse entendre un « Fais-lui un bisou de notre part papa ! »
— Tu as entendu ?
— Oui, repasse-leur surtout.
— Sans faute !
— Drew ? Faut que je raconte un truc. Il m'est arrivé quelque chose et ça me perturbe.
— Qu'est ce qu'il se passe ?
— Aujourd'hui à l'hôpital, j'ai soigné un type pour blessure par balles. Alors que j'étais en train de m'occuper de lui, il m'a tiré vers lui et m'a dit que papa et maman étaient vivants !
— Quoi ? N'importe quoi !
— Drew, il savait qui j'étais. Je me suis présenté comme le Docteur Ross et il m'a appelé Gabrielle.
— Arrête Gaby ! Ce sont des conneries. On a enterré papa et Sally. On était ensemble.
— Je sais. Mais cet homme ne m'a pas menti. Je l'ai ressenti.
— Je sais que ton ressenti se trompe rarement.
— Jamais.
— Oui, jamais. Mais c'est peut-être la première fois...
Émue, Gabrielle ne sait que répondre à son frère. Il est vrai que son pouvoir ne la trahit jamais. Mais il suffirait d'une fois.
— Gaby ?
— De quoi sont-ils morts ? demande-t-elle émue.
— Tu le sais bien. Sally était très malade. On a cru à une rémission, mais sa santé à finalement décliné et elle a disparu du jour au lendemain. Quant à papa, il était en mission. Une collision frontale.
— En mission ?
— Pour le bureau ! Il était dans le New Jersey. Il a eu un accident en pleine nuit avec sa coéquipière. C'était en rase campagne. Je suis allé sur place. Il n'y avait rien, juste une grande ligne droite.
— Ah oui... Mais Papa bossait où ? Au FBI ?
— Pas du tout.
— Ah bon ? J'ai toujours cru ça...
— Non, papa bossait pour le S.H.I.E.L.D..
La rousse manque de laisser tomber le combiné de téléphone. Ce serait donc ça le lien avec la carte qu'elle a trouvé dans le portefeuille.
— Maman aussi bossait là-bas ? s'empresse de questionner la médecin.
— Oui, c'est là qu'ils se sont rencontrés. Mais tu ne te souviens plus ?
— Non ! Non, j'ai l'impression d'avoir oublié des trucs. Surtout concernant papa et maman. Je t'ai dit, je croyais que c'était au FBI.
— Ne te fais pas de soucis. Moi aussi j'ai oublié des choses les concernant. C'est la mémoire qui fait ça... et arrête de te biler. Je pense vraiment que ce gars t'a dit n'importe quoi.
— C'est troublant quand même.
— Allez ma chérie. Prends-toi un petit verre pour te requinquer et n'y pense plus. Je vais devoir te laisser, j'ai l'impression que c'est Tchernobyl avec les jumelles là-haut.
— Oui... Tu as raison. Je suis fatiguée. Je vais aller me reposer. Je t'aime mon frère.
— Moi aussi, je t'aime grenouille.
Troublée, Gabrielle repose le téléphone, oubliant de relever le surnom que lui a donné son frère. Quoi qu'ait pu penser Andrew, son ressenti lui dit le contraire. Et cette sensation d'oppression ne la quitte pas. Elle la sent de plus en plus proche. Comme si on la surveillait.
Très tôt le lendemain matin, malgré la nuit difficile qu'elle vient de passer, la médecin prend sa garde à l'hôpital. Les urgences ne désemplissent pas. Gabrielle est très rapidement réquisitionnée, sans aucun temps de repos. En début d'après-midi, elle se permet une pause de quelques minutes pour sortir se chercher un café salvateur auprès du vendeur de rues du coin.
— Salut Max, un grand allongé s'il te plaît !
— Hey doc ! C'est le bordel aux urgences ce matin !
— M'en parle pas. Je me dépêche de prendre ce café et j'y retourne.
— C'est pour ça que vous avez installé un service de sécurité à l'entrée du parking des ambulances ?
— De quoi tu parles ? On n'a pas de service de sécurité.
— Et eux ? montre au loin le camelot, en désignant du menton, deux hommes massifs qui poireautent devant la bâtisse. Ils sont là depuis ce matin. Y'a aussi cette voiture noire là-bas. Elle n'a pas bougé depuis des heures non plus.
— Ah oui ? Étrange ! Il y a peut-être une personnalité qui se fait soigner à l'hôpital ? s'amuse à répondre la médecin.
— Attention, Beyoncé est dans la place !
— Garde bien l'œil ouvert, tu pourras peut-être avoir un autographe !
— Je penserai à vous, doc !
— Bonne journée Max.
En traversant la route pour rejoindre les urgences, Gabrielle en profite pour observer discrètement les fameux hommes dont a parlé le vendeur de café. Ils sont exactement habillés de la même manière que le cadavre. Coïncidence ? Ils semblent chercher quelqu'un en regardant de tous les côtés. Et si c'était Tony Stark qui la faisait surveiller après son refus ? Cette réflexion la fait sourire en buvant son café.
La jeune femme en profite également pour regarder la voiture. Trop loin pour la voir en détail, elle ne distingue qu'une femme assise côté passager. Étrange, le profil lui semble familier. Gabrielle profite d'un angle de mur pour se cacher et observer la scène à distance. Un homme, dos à elle, se dirige vers le véhicule, s'arrête au niveau de la portière conducteur, regarde de chaque côté et s'engouffre à l'intérieur. Le cœur de la rousse loupe un battement. Ce n'est pas possible... souffle-t-elle. La voiture démarre et passe à proximité de sa position. Elle s'approche de la chaussée et peut alors observer plus en détail le conducteur, tout comme sa passagère... Impossible de se tromper, ou alors la ressemblance des deux est plus que frappante. Elle vient clairement de voir passer devant elle ses parents. Instinctivement, elle court après la voiture, bien qu'elle soit déjà loin dans la rue, en criant Papa !! L'homme a dit la vérité ! Ils sont vivants ! Elle n'a pas rêvé, elle en est certaine. Elle les a reconnus et ce, malgré les années. Les cheveux plus gris mais toujours le même physique. Papa ! Maman ! se répète la jeune femme incrédule.
De l'autre côté de la rue, les hommes en costume regardent également la voiture fuyante et se tournent vers la médecin dès lors qu'ils l'entendent crier. Elle est là ! hurlent-ils en se dirigeant vers elle. Mais Gabrielle n'en a rien à faire. Plus rien n'existe autour d'elle. Revenant s'appuyer avec difficulté sur le mur, elle se met bruyamment à ventiler. Sa tête tourne. Les éléments de la rue dansent autour d'elle dans un brouillard qui efface ce qui l'entoure. Elle panique littéralement, débordée par ses émotions. Un véritable tsunami qui la fait glisser au sol.
Un infirmier passe au même moment et la découvre à terre. En la soutenant, il décide de l'accompagner rapidement à l'intérieur de l'hôpital. La jeune femme a de plus en plus de mal à respirer, se mettant finalement à suffoquer. Bien que soutenue par son collègue, elle sent ses jambes se dérober sous son poids. Elle est rapidement installée sur un brancard par l'équipe médicale alarmée. Une infirmière lui pose un masque d'oxygène avant de la conduire au pas de course dans une des salles de traumatologie du service. Elle pleure, se débat, ne laissant que peu de maîtrise au personnel qui l'a pris en charge. Gabrielle ! Calme-toi ! Respire à fond ! répète inlassablement son collègue Mark.
Mais à ce moment-là, c'est au-delà de ses forces. Outre ses difficultés à respirer, Gabrielle est surtout envahie par un mélange d'émotions qu'elle n'arrive pas à maîtriser : tristesse, colère, incompréhension, peur. Tout se chamboule dans sa tête. Tel un ouragan. Elle ne se contrôle plus. Ce ne sont pas ses émotions. Ce sont celles des nombreuses personnes qui se trouvent autour d'elle. Ses collègues médecins, infirmiers. Les patients. Les autres visiteurs. Elle sent ses barrières mentales en train de tomber les unes après les autres. Ouvrant son corps aux multitudes de pensées. Transformant ses ressentis en une empathie géante. Le brouhaha des émotions des gens autour d'elle entrent violemment dans sa tête, l'envahissent et s'ajoutent aux siennes. Des images horribles s'incrustent. Des voix font leur apparition telle une énorme cacophonie. Elle ne s'entend plus penser, n'arrive plus à faire la part des choses. Elle est saoulé par le bruit, écœurée par l'activité qui règne dans son cerveau. La nausée la submerge. Elle voudrait que tout s'arrête, que le silence revienne. Qu'elle ne puisse entendre que le son de sa propre voix. Que la douleur qu'elle ressent ne soit que la sienne. Que les gémissements qu'elle pousse ne soient la plainte que de son propre mal être. Sous la violence de ce qu'elle vit, elle finit par lâcher prise, hurlant de douleur comme une écorchée.
C'est alors que Mark enfonce une aiguille dans le bras de la jeune femme, la sédatant presque instantanément. Soulageant sa peine et son calvaire.
Lorsque la rousse ouvre les yeux quelques heures plus tard, elle est seule dans une chambre. Le bip de la machine qui suit son rythme cardiaque emplit le silence qui y règne... oui, le silence. Plus de voix dans sa tête. Elles se sont tues. Plus de trop-plein d'émotions non plus. Plus de douleur, de peine ou de colère. Il n'y a que les siennes. Et le silence ! Quel soulagement pour Gabrielle. Nerveusement, elle se met à rire, laissant de petites larmes s'échapper sur ses joues. Tout est fini et semble revenu à la normale. Les barrières sont de nouveau là. Ouf ! La jeune femme veut essuyer ses pleurs mais elle s'aperçoit que ses poignets sont sanglés. Sans doute pour me protéger de moi-même, pense-t-elle. J'aurai fait la même chose.
Elle ne sait pas depuis combien de temps elle est allongée dans ce lit. Elle se sent surtout fatiguée, sans doute les effets du sédatif qu'on lui a injecté. Ses mains la picotent, comme engourdies par des fourmillements. Une perfusion l'hydrate en continue tandis qu'une paire de lunettes enfoncée dans son nez lui apporte un flux constant d'oxygène. Quelle sensation bizarre de se retrouver de l'autre côté de la barrière pour une fois. Elle se souvient petit à petit de ce qu'il vient de se passer. Même si elle était prise dans son délire, elle a bien vu les hommes en costumes s'alarmer à son cri et courir vers elle. Si son collègue ne l'avait pas ramené dans l'hôpital, qui peut dire ce qu'ils lui auraient fait ? C'est elle qu'ils cherchent. Mais pourquoi ? Maintenant que tout est revenu à la normale, Gabrielle ressent de nouveau ce mauvais pressentiment. Avec un peu plus de précision malgré tout. Une menace pèse. Elle se sent en danger et elle doit partir, vite. Il faut qu'elle tire cette histoire au clair. Comprendre qui sont ces hommes. Et surtout, retrouver ses parents.
Elle ne peut et elle ne veut pas attendre. Elle a la conviction qu'elle doit à tout prix savoir, comprendre ce qu'il s'est passé pour qu'on lui fasse croire qu'ils étaient morts. Comment un énorme mensonge a pu être monté ? Pendant de si nombreuses années ? Détruire une famille ? Et dans quel but ? Et si ce n'était pas eux ? Pourtant la ressemblance était si forte, même après tant d'années. Et l'homme décédé l'a dit, il le savait. S'adressant personnellement à la rousse. Tout ceci ne peut pas être que le hasard. C'est impossible !
Et d'ailleurs, la jeune femme s'interroge subitement en remarquant que tout a commencé juste après sa rencontre avec Tony Stark. Était-ce ses hommes qui la surveillaient ? Ou étaient-ils missionnés par quelqu'un d'autre ? Aurait-il pu dévoiler son secret à quelqu'un d'autre ? Mais dans quel but ? Que peut-on bien lui vouloir ? Elle n'a rien demandé et semble pourtant recherchée. Quelle impression de fou. Une énigme digne d'un film. Trop de questions en suspens et aucune réponse à y associer. Mais il est certain que pour y répondre, il va déjà falloir qu'elle arrive à sortir d'ici ! Et le plus discrètement possible en plus.
Elle est là, sa grande nécessité. Celle qui l'oblige, à cet instant précis, à faire appel à ses capacités. Un petit mouvement des doigts et les sangles se détachent toutes seules. En quelques secondes, elle est libre. Elles frottent ses poignets douloureux, remarquant la couleur écarlate de sa peau à l'endroit même des picotements qui ne la quittent pas. Se débranchant du scope et de la perfusion. S'habillant avec hâte tout en observant l'entrée par la fenêtre de la porte. Aux premiers abords, il lui semble compliqué de fausser compagnie à ses collègues regroupés autour de l'accueil. Mais cela lui devient encore plus difficile lorsqu'elle voit deux types en costumes discuter avec son collègue Mark. Ils la cherchent, c'est certain. Alors, elle profite du passage de quelques patients pour se faufiler discrètement jusqu'au vestiaire et récupérer ses affaires.
De nouveau, elle jette un rapide coup d'œil par la fenêtre. Sur le parking, les "gorilles" ont été rejoints par d'autres hommes, tirés à quatre épingles également. Grâce à leur gestuelle, Gabrielle comprend qu'ils sont clairement en train d'organiser l'investissement du bâtiment. Son ressenti d'oppression s'amplifie. Elle détecte leur hostilité. Leur attention n'est pas totalement portée sur elle. Ils la suivent, c'est certain. Mais ce n'est pas elle la cible ...enfin pas uniquement elle. Que peuvent-ils bien lui vouloir ? Et surtout, qui sont-ils ? Aucune raison que Tony Stark lui en veuille à ce point. Non, il y a autre chose derrière ça. Mais quoi ?
La jeune femme réfléchit. Comment sortir discrètement d'ici ? Son ami Mark entre au même moment.
— Gaby ?
— Oh Mark !
— Qu'est ce qu'il se passe ?
— Comment ça ?
— Gabrielle, ne me prend pas pour un imbécile. Tu fais une crise de panique il y a moins de deux heures. J'ai même été obligé de te sédater et je n'ai pas mis une petite dose en plus. Et non seulement je te retrouve détachée et déjà debout malgré le traitement de cheval que je t'ai donné mais en plus il y a des hommes louches qui te cherchent.
— Oui, je sais. Enfin, non, je ne sais pas ce qu'il se passe. Je suis désolée mais je n'ai pas le temps, explique-t-elle en enfilant sa veste. Tout ce que je peux te dire, c'est que c'est assez étrange. Je sais juste que je ne peux pas rester là. Je dois à tout prix quitter l'hôpital.
— Mais qu'est ce que tu vas faire ?
— Je ne sais pas encore. Je vais improviser, répond-t-elle en fourrant quelques affaires dans son sac à dos.
— Tu es sûre que ça va aller ?
— Je ne sais pas non plus. Mais je devrais pouvoir me débrouiller. Enfin, j'espère.
— Fais attention à toi surtout ! lui dit-il.
— Je te le promets ! Tu sais où sont allé les mecs qui parlaient avec toi ?
— Oui, je les ai envoyés en psychiatrie. Le temps d'y aller, ils ne vont pas revenir de si tôt.
— Pourquoi as-tu fait ça ?
— Parce que je voulais t'en parler avant. Ils m'ont semblé un peu... louches.
— Merci ! dit la jeune femme.
— Allez, files !
— Merci vraiment Mark !
Il acquiesce en souriant, tandis qu'elle ouvre la porte du vestiaire pour observer les alentours. La voie lui semble vide. Alors, elle s'élance et longe le couloir menant à l'entrée principale de l'hôpital. Elle s'aperçoit rapidement que deux hommes en noir arrivent vers elle. Gabrielle distingue très clairement les armes qu'ils portent sous leur veste. Pour les éviter, elle baisse la tête et bifurque vers une salle d'examen, mais trop tardivement. Ils l'ont repéré. Ils la suivent en pressant le pas. Elle traverse la pièce pour ressortir dans le couloir opposé. Elle se retourne de temps en temps pour vérifier leur progression. Un des hommes garde une main sur son arme sous son manteau, prêt à dégainer. L'inquiétude envahit la jeune femme. Surtout lorsqu'elle est surprise par l'apparition d'un autre duo à un croisement de couloirs. Ils la montrent du doigt et se mettent également à la poursuivre. N'ayant pas d'autre choix pour leur échapper, la médecin prend alors la première porte sur sa droite, l'escalier de service. Elle s'empresse de monter dans les étages. Les voix de ses poursuiveurs résonnent dans les paliers inférieurs.
— Elle est montée, vite !
— Escalier de service. Elle vient vers vous.
La porte du palier sur lequel Gabrielle arrive s'ouvre d'un coup et laisse apparaître un géant de muscle au visage anguleux. Tétanisée par la surprise du moment, la jeune femme ne réagit pas sur le moment et laisse le temps à son assaillant de la frapper du revers de la main. Elle tombe au sol, son arcade ensanglantée. Apeurée, la rousse lui répond d'un geste brusque de la main et l'envoie voler à travers le couloir par lequel il est arrivé. Puis, en se précipitant à quatre pattes, elle referme la porte et la scelle en apposant sa main sur la serrure. Elle se relève et continue sa fuite, haletante et paniquée. Un panneau PARKING AÉRIEN indique une issue. Elle s'y engouffre et parcourt les quelques mètres qui la séparent de l'air frais. Que faire ? Sa voiture ne se trouve pas sur ce parking et impossible de la rejoindre. C'est alors qu'elle aperçoit au bout de l'esplanade une moto stationnée. Une idée lui traverse l'esprit. Elle enfourche l'engin et appose sa main sur le contacteur. Le moteur vrombit. Voyant ses assaillants arriver, Gabrielle passe ses mains sur les flancs de son crâne, dessinant autour de sa tête un casque de moto intégral. Dans un grand coup d'accélérateur, la moto dérape et s'élance rapidement. Telle une fusée, laissant les hommes en noir qui arrivent à leur tour sur le toit de l'hôpital sur le tard.
Si la médecin pense dans un premier temps se cacher chez elle, elle finit par craindre une embuscade. C'est alors qu'elle prend la décision de se rendre chez la personne qui lui a proposé son aide dans un moment perdu, et qui est sans doute en lien avec ce qui lui arrive : Ce cher Tony Stark !
La lumière décroît en cette fin de journée. Gabrielle à roulé un bon moment pour atteindre l'adresse notée sur la carte de visite. Dans un nuage de poussière, la moto s'arrête devant un immense portail. À peine a-t-elle posé le pied à terre, que la rousse est surprise par une voix féminine.
— Vous êtes sur une propriété privée. Il vous est demandé de quitter ces lieux sous peine d'intervention d'une équipe spécialisée.
— Je suis Gabrielle Ross ! Je voudrais voir Tony Stark ! Immédiatement ! hurle la jeune femme, sous tension mais nullement impressionnée par les menaces qu'on lui répète inlassablement.
Gabrielle est prête à faire exploser le portail lorsqu'une masse rouge en métal atterrit lourdement et bruyamment juste à ses côtés. Le masque se replie laissant apparaître le visage de la personne qu'elle attendait.
— Tony !
Elle fait disparaître son casque de la même manière qu'elle l'a fait apparaître et descend de la moto après l'avoir éteinte par magie.
— Fascinant !
— Tony ! sanglote Gabrielle en s'approchant de lui.
Elle s'accroche à sa taille pour pleurer. L'homme, contraint par son armure, garde ses bras ouverts et ne sait pas vraiment comment réagir.
— Je ne savais pas que nous avions déjà atteint ce degré d'intimité.
La rousse se détache, les joues pleines de larmes et de traces de sang séché.
— Que vous est-il arrivé ?
— Des hommes... On m'a... Et puis... Mes parents... J'ai eu tellement peur...
Une faiblesse dans les genoux manque de la faire tomber. Tony la retient juste à temps.
— Allons à l'intérieur, nous serons mieux pour discuter... Il faudra que vous m'expliquiez comment vous faites ça... Avec vos mains. Franchement, je suis fasciné.
La médecin pouffe légèrement et se laisse emporter dans les airs vers le complexe. Le simple fait d'être avec Iron Man lui procure un réel sentiment de sécurité. Comme s'il ne pouvait rien lui arriver.
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