À l'intérieur
Au milieu d'un brouillard qui s'évapore petit à petit, Gabrielle peine à reconnaître l'endroit où elle se trouve. La pièce lui semble grande et familière. C'est une véranda à la décoration un peu rétro. Le mobilier a l'air démesurément grand par rapport à sa taille. Comme si elle avait rétrécie. Ses propres mains aussi sont plus petites et son style vestimentaire loin de l'époque actuelle.
Une femme entre dans son champ de vision. C'est sa mère, telle qu'elle était il y a de nombreuses années. Ça y est, les choses lui reviennent. La véranda est celle de sa maison d'enfance. Ses vêtements sont ceux qu'elle portait lorsqu'elle ne devait avoir que 5 ou 6 ans. Elle est de retour dans son passé. Un souvenir d'enfance.
Sa mère s'accroupit à sa hauteur tandis que l'enfant tend les mains vers elle, présentant un lapereau inerte, en bien mauvais état.
— Maman, regarde ! Il est blessé !
— Que s'est-il passé ?
— C'est le chat... Maman, il va mourir ?
— Je ne sais pas chérie, mais il a l'air très mal en point !
— Je vais l'aider moi !
Aussitôt, la petite fille enserre l'animal. Une lueur blanche rayonne alors entre ses doigts.
L'intensité de la lumière croît puis cesse subitement. Quasi instantanément, le petit lapin se met à s'agiter, enjouant la petite fille devant la réussite de son action.
— Gabrielle, je t'ai déjà dit de ne pas utiliser tes pouvoirs.
— Mais maman, tu as dit que si c'était nécessaire. C'était nécessaire là ! Il allait mourir...
Le brouillard enveloppe de nouveau les lieux et la scène s'évapore rapidement. Lorsqu'il disparaît enfin, la médecin a changé de lieu. Et de taille. Elle se trouve dans un couloir couvert de lambris clair. Au bout, une porte ouverte laisse apparaître deux adultes qui discutent avec entrain. La femme a l'air de sangloter.
— Elle est morte ! Son mari aussi ! Ils ont été retrouvés égorgés dans leur appartement. David, j'ai peur. Et s'ils s'en prennent à nous ? Aux enfants ?
La voix lui est familière, tout comme le prénom masculin. C'est encore un souvenir. Celui de ses parents surpris en pleine conversation, un soir, quelques années plus tard, lors d'un séjour dans leur maison de vacances.
— J'y ai aussi pensé.
— Ils ne doivent pas découvrir qu'elle a des pouvoirs. Ils la dissèqueraient pour les avoir.
— Tu l'as bien entraîné. Elle sait qu'elle doit faire attention.
— Ce n'est qu'une petite fille ! insiste sa mère avant d'apercevoir Gabrielle et de venir la rejoindre. Alors ma grenouille ? Tu n'es pas encore couchée ?
Le manège recommence. La vapeur l'enrobant et la faisant chavirer vers un autre évènement. Un autre lieu. Un autre souvenir. Cette fois-ci elle reconnait bien l'hôpital où a séjourné sa mère. Ça, elle ne pourra jamais l'oublier. Ni l'odeur qui plane. Son père est accroupi devant elle.
— Pourquoi je ne peux pas voir maman ?
— Je suis désolée ma grenouille, mais ils ont déjà emmené ta maman.
— Ce sont les méchants messieurs qui l'ont emmenée ?
— Quels méchants messieurs ?
— Ceux qui faisaient peur à maman.
— Mon cœur, ta maman est partie. Elle est au ciel maintenant.
— Ce n'est pas vrai ! sanglote l'enfant.
— Mon petit cœur.
— Ce n'est pas vrai. Elle n'est pas morte. Je la ressens encore.
— Sois raisonnable ma chérie. Viens, nous allons rejoindre tes frères et ta sœur, suggère l'homme en attrapant sa fille par les épaules.
— Maman ! se met à hurler plusieurs fois la fillette en se tortillant pour rejoindre la porte de la chambre de sa mère. Maman !
Retenue comme il le peut par son père, l'enfant disparaît de nouveau dans une légère fumée blanche. Les voix se font lointaines et les lumières floues. La réalité a l'air de reprendre sa place, effaçant les derniers détails de son esprit. Ce n'étaient que des souvenirs, des choses oubliées depuis bien longtemps.
Envahie par une nausée douloureuse, Gabrielle tente de ravaler le malaise qui la submerge. Sa tête lui fait horriblement mal. Elle voudrait rattacher son regard à un point fixe, mais tout est noir. Ses yeux sont entravés par un bandeau et ses mains solidement attachées dans son dos. Elle ne voit absolument rien mais entend parfaitement les bruits de personnes s'affairant autour d'elle telle les abeilles autour de la reine.
— C'est toujours jouissif de faire aboutir un plan, surtout quand il date depuis de si nombreuses années. Nous avions un peu désespéré de vous trouver un jour, Gabrielle.
Le bandeau sur ses yeux l'empêche de voir à qui appartient cette voix. Bien que ses liens soient très serrés, elle tente de se libérer en gigotant. Mais, pour une raison qui lui est inconnue, elle n'arrive pas à utiliser ses pouvoirs. Elle ne peut qu'écouter l'homme monologuer en tournant autour d'elle.
— Voyez-vous, avec mes prédécesseurs, nous avons toujours souhaité comprendre les mystères de l'univers pour le former à notre image. Pourquoi et comment arrive-t-il à créer des êtres doués de compétences extraordinaires ? Des sortes de dieux ! Ne dit-on pas que l'homme est fait à son image d'ailleurs ? Je ne crois pas en ces balivernes mystiques. Mais je crois en la science. Et grâce à certains d'entre nous qui y croyons aussi, d'autres êtres extraordinaires ont pu être créés. Je crois d'ailleurs que vous avez la chance d'en connaître au moins une...
— Qui êtes-vous ? hurle-t-elle, soudain.
— Je ne suis pas convaincu que ce soit nécessaire que vous connaissiez mon nom. Par contre, je suis convaincu que vous allez totalement coopérer avec nous, mademoiselle Ross..
— Je ne sais même pas ce que vous voulez.
— Mais tout simplement vous ! Votre sang ! Vos pouvoirs !
— Jamais ! Je ne me laisserai pas faire, s'acharne la rousse en se tortillant de nouveau pour libérer ses liens.
— C'est ce que nous verrons. Entnehmen Sie ihm genug Blut, se met à hurler l'homme. Dann will ich seine Kräfte am Werk sehen. Stimuliere sie auf jede erdenkliche Weise. (Prélevez-lui assez de sang. Ensuite, je veux voir ses pouvoirs à l'œuvre. Stimulez-la de toutes les manières possibles.)
Gabrielle n'a rien compris de ce qui vient d'être dit. C'est une langue qui ne lui est absolument pas familière. Néanmoins, l'intonation laisse très bien sous entendre que c'est un ordre. Aussitôt, elle sent des mains l'agripper. La douleur l'accable pour chacune des aiguilles qui vient indélicatement lui transpercer la peau, lui arrachant au passage des plaintes sonores. De grandes poches de sang lui sont prélevées, aggravant son état physique déjà affaibli. La nausée s'amplifie et sa tête tourne affreusement. Être dans l'obscurité l'empêche clairement de tout rendre. Lorsqu'enfin elle sent qu'on la libère de ses pics préleveurs, elle souffle, cherchant un répit dans son mal-être.
Son bandeau lui est soudainement ôté. Les lumières artificielles, projetées directement sur elle, l'aveuglent et l'empêchent de distinguer les détails de la pièce dans laquelle elle se trouve. Ses yeux à demi clos cherchent à trouver parmi les personnes masquées et gantées autour d'elle, qui peut bien être celui qui vient de la menacer.
Elle n'a pas le temps de l'identifier. Le support qui la maintient entravée se met à bouger,
l'allongeant doucement sur le dos. Sa tête est maintenue bien droite. Seuls ses yeux peuvent s'animer dans toutes les directions possibles. Des bruits métalliques attirent son attention. Fronçant les sourcils, ils ne la rassurent guère. De fines barres de métal s'approchent d'elle, autour de sa tête et de ses flancs.
— Aktivieren Sie den Prozess. Beginnen Sie mit 10 % Last. (Activez le processus. Commencez à 10% de la charge.)
Dès que les pieux en acier touchent enfin la peau de la médecin, un ronronnement s'enclenche. Autour de ce qui semble être un moniteur de contrôle, deux hommes activent de nombreux boutons qui amplifient la nuisance. Puis lorsqu'elle s'est enfin stabilisée, l'un d'entre eux tourne doucement une molette jusqu'au nombre 10. De longues décharges électriques sont aussitôt envoyées par les conducteurs et atteignent Gabrielle sans qu'elle ne puisse rien y faire. Elle hurle de douleur, tout son corps se tend. Elle a beau essayer de se connecter à ses pouvoirs, de créer un champ de force pour se protéger, son acharnement est vain.
— Erhöhen Sie die Leistung. (Augmentez la puissance).
Elle pleure en les suppliant d'arrêter, accablée par la douleur insoutenable.
À bord de l'avion, chacun gère comme il peut la situation. Concentrée, Wanda fait tournoyer ses doigts dans le vide en bougeant la tête de gauche à droite. Elle cherche à retrouver Gabrielle. Natasha, profite du voyage pour passer des coups de téléphone. Bucky assis à ses côtés, ne desserre pas les dents de tout le voyage. Il s'en veut de l'avoir laissée seule. Il aurait pu et dû la protéger. Il ne sait pas trop pourquoi il se sent si coupable. Comme s'il était redevable de quelque chose à la jeune femme. Que sa vie comptait plus que tout. En son fort intérieur, il ressent un réel mal-être, une douleur qui le prend aux tripes. C'est désagréable cette souffrance lancinante qui ne cesse de grandir en lui.
À leur arrivée, Steve et Tony les attendent sur le tarmac.
— FRIDAY a fait chou blanc, lance immédiatement le milliardaire.
— Aucun de mes informateurs n'a été capable de me dire quoi que ce soit non plus.
— Je n'ai pas réussi à établir un contact avec elle, soupire enfin la Sokovienne.
Dans un râle soufflé, le sergent se rattrape à son meilleur ami. La main posée sur son front, il essaye de contenir le mal de tête qui l'accable soudainement et s'amplifie. À chaque vague de douleur, Bucky grimace. Captain s'inquiète aussitôt de l'état de son frère de cœur mais celui-ci n'est pas capable de répondre. Ses genoux finissent par lâcher, tout comme son silence. Enserrant son crâne, il laisse exprimer la souffrance qui le submerge sous l'incompréhension totale de l'assemblée.
— Arrêtez ! Arrêtez, je vous en supplie ! Arrêtez !
Son discours ne semble logique pour personne puisqu'il n'y a qu'eux et qu'aucun n'est en train de s'en prendre au sergent. Mais il continue à supplier de le laisser. Il a l'impression que sa tête va exploser. Que quelque chose cherche à en sortir. Bien que cette sensation lui soit nouvelle, il connaît pourtant ce genre de douleur. Celle qui fait hurler à la mort. Qui parcourt l'ensemble d'un corps. Qui a l'air de s'en prendre à chacun des organes. Qui fatigue tellement qu'elle finit même par anesthésier. Même s'il n'en est pas encore là. Mais il a déjà connu ça. Trop !
Il avait espéré ne jamais le revivre. Que cette page soit tournée. Que loin de ses tortionnaires, cela ne pourrait jamais recommencer. Alors comment cela pouvait-il arriver ? Maintenant ? Sans aucune machine de torture ? Pourtant il voit bien les détails de l'endroit où on le fait souffrir dès qu'il ferme les yeux. Cette grande pièce aux murs sales et aux lumières agressives dirigées vers lui. Il sent bien qu'il ne peut bouger. Que ses mains sont liées. Que des pics le transpercent à divers endroits sur son corps.
— Steve ! arrive-t-il à prononcer en attrapant son col.
— Qu'est ce qu'il t'arrive Bucky ?
— Je ne sais paaaaaaaaahhhhhh... J'ai mal ! Dis-leurs d'arrêter !
— À qui ? Il n'y a personne.
— Mais si, je les vois, dit-il en fermant de nouveau les yeux. Ils sont autour de moi. Ils s'en prennent à moi.
— Bucky, regarde-moi ! Bucky ! lui assène le Captain pour l'encourager à ouvrir de nouveau les yeux. Il n'y a personne. Regarde, il n'y a que nous.
— Je ne veux pas y retourner Steve !
— Ce n'est pas vrai. Tu n'es pas en train de vivre tout ça. Tu es en train de rêver.
— Non ! C'est réel. C'est en train de se passer en ce moment. Je le vois. Je le sens. Ils s'en prennent à moi.
— Mais ce n'est pas toi ! Tu es avec nous, en sécurité.
— Mais pourtant, je ressens tout !
Horrifiés, les autres super-héros se sentent désemparés devant la scène. Les larmes baignent les joues du soldat et la peur se lit dans son regard. Personne ne comprend non plus ce qu'il lui arrive. Il semblait aller bien dans l'avion. Pourquoi, tout à coup, il se met à hurler de douleur ?
— C'est le flux inversé ! crie soudainement la sorcière rouge.
— Qu'est-ce que c'est que ça encore ? interroge Tony.
— Le flux inversé ! Celui qui sort. Au lieu de rentrer.
— Dans certaines circonstances, vos propos pourraient être mal interprétés, commente le milliardaire
— Roh mais non ! Bon, vous savez que Gabrielle ressent les émotions ? Ça lui arrive comme des flux d'informations. Sauf que ces derniers temps, c'est le bazar dans sa tête.
— Et c'est quoi le rapport ?
— Laissez-la terminer, Stark ! coupe l'espionne.
— Un des flux de Gabrielle s'est inversé. C'est-à-dire qu'au lieu de recevoir les émotions des autres, ce sont les siennes qui vont vers quelqu'un d'autre, détaille Wanda en montrant le sergent.
— Bucky ? questionne Steve en continuant de soutenir son ami toujours à terre mais qui semble s'être apaisé.
— Oui ! Enfin, je crois. Tout porte à croire que la connexion s'est faite avec lui quand elle t'a touché le bras la première fois.
— Ce n'est pas possible, souffle le principal intéressé alors qu'il essaye de reprendre ses esprits après la salve de douleur qui l'a accablé.
— J'aurais pensé la même chose, effectivement. Mais étrangement, elle n'arrivait plus à te ressentir.
— En clair, elle n'a plus son pouvoir et il l'a récupéré ? essaye de comprendre Tony.
— Non, non. On croit que le flux est juste inversé avec lui. On a commencé à avoir des doutes, juste avant qu'on ne parte pour Portland. Elle a dit que ça lui semblait étrange que Bucky arrive toujours à dire le bon truc au bon moment, comme s'il savait ce qu'elle ressentait. Elle avait peur, il lui disait "n'aie pas peur".
— Ça peut être le hasard, ça, commente le philanthrope.
— Oui, ça pourrait. Mais le fait est qu'il ferait bien les choses ce hasard.
— Parles pour toi ! lâche Bucky en s'asseyant difficilement.
— Comment te sens-tu ? lui demande la russe en se mettant à sa hauteur.
— Mieux. Enfin, je crois.
— Dis-voir Bucky, est-ce que dernièrement tu as ressenti des émotions que tu ne maîtrisais pas ? Qui n'étaient pas en lien avec ce que tu vivais ? Qui ne te ressemblaient pas ?
— Non !
— Arrête ! tanne le blond. Tu t'es mis à rire l'autre jour et tu ne savais même pas pourquoi. Et juste après, tu t'es énervé. C'est arrivé au même moment où Gabrielle était en colère contre son frère. Et puis, on voit bien que tu es différent ces derniers temps. Tu es sociable, tu fais de l'humour.
— J'ai toujours été drôle !
— Je te rappelle que ce n'était pas trop ça ces derniers temps.
— Oh merde ! Je ne voulais pas qu'elle entre dans ma tête, alors qu'en fait c'est moi qui suis dans la sienne, réalise tristement le sergent.
— Ce n'est pas ta faute !
— Je sais bien... Alors ce ne sont pas mes émotions que je ressens ?
— Pas seulement les tiennes, rassure-toi.
— Et du coup, maintenant qu'on sait que Terminator est une sœur Halliwell, on fait quoi ? ironise le milliardaire comme à son habitude.
— Il faudrait essayer de trouver un moyen de retrouver Gabrielle par le biais de leur connexion.
— Et comment on fait ça ?
— Je n'en ai pas la moindre idée.
— Ah ben super ! grogne Tony.
— Oh ça va ! J'ai pas la science infuse non plus !
— C'est toi qui a parlé de flux inversé.
— J'ai fait une supposition ! Quand j'ai vu Bucky souffrir comme ça, et vu ce qu'il racontait, je me suis dit qu'il ressentait peut-être ce que vivait Gabrielle en ce moment même.
— Donc on doit trouver un moyen de connecter deux esprits sans que l'on soit certain qu'il y ait un lien entre eux ?
— Je suis quasiment certaine que Bucky reçoit ces émotions !
— Quasiment, ça laisse tout de même une chance proche de zéro ! critique le milliardaire agacé.
— Est-ce que... commence le sergent.
— Oui ?
— Non, c'est idiot.
— Vas-y Buck', dis-nous, supplie Steve.
— Wanda, je me demandais si tu pouvais aussi entrer dans ma tête ?
La question du brun aux yeux bleus surprend chacun des super-héros présents. Devant l'incompréhension de son auditoire, l'homme cherche rapidement à se justifier.
— Si ce qu'elle dit est vrai... Alors je veux qu'elle aille voir dans ma tête. Je veux qu'elle aille voir si je reçois bien le flux de Gabrielle.
On ne sait même pas si c'est vrai. Ce ne sont que des suppositions, s'agace le milliardaire.
— Je m'en fous ! C'est peut être le seul moyen de l'aider.
— Et si ça ne fonctionne pas ? Ou que ça te détraque toi ? s'inquiète le Captain.
— Je suis prêt à prendre le risque.
— Et tu penses que ça peut fonctionner Wanda ? l'interroge l'espionne russe.
— Je ne sais pas. Mais ça vaut le coup d'essayer.
— Dans ce cas, allons-y ! encourage Bucky.
Avec l'idée d'établir une connexion forte et durable avec la mutante pour la localiser, la Sokovienne et le soldat s'assoient face à face. En lui prenant les mains, elle lui intime l'idée de se concentrer et de se détendre.
— Tu promets de ne rien me faire de bizarre ?
— Ce n'est pas mon intention.
Bucky respire un bon coup et ferme les yeux. Wanda soulève de quelques centimètres ses paumes au-dessus de celles du sergent. Elle sonde dans un premier temps ses pensées pour y trouver le fameux lien avec la médecin. L'esprit complexe du soldat ne facilite pas le cheminement de la sorcière.
Pour essayer d'amplifier le signal, elle demande à Bucky de focaliser son esprit sur Gabrielle. Il se remémore les moments passés ensemble, son regard doux quand il l'avait surpris en train de le regarder dormir, leur drôle de discussion sur le balcon l'autre soir, sa sensation apaisée quand il était avec elle, ses yeux rieurs. Et surtout sa gentillesse envers lui. Son cœur se sert. Il a soudainement très peur pour elle.
Ce sont d'abord des souvenirs de la rousse qu'elle voit dans son esprit. De jolies images de la femme, des instants joyeux. Puis, les choses se font plus sombres. Elle se retrouve dans un endroit qu'elle ne connaît pas. Des hommes fourmillent autour d'elle. Une odeur âcre et ferreuse envahit ses narines. Comme le fait le sang. La lumière aveuglante et le bruit assourdissant empêchent Wanda de prendre réellement conscience du lieu exact où elle se trouve. Elle se rend compte qu'elle observe la scène aux travers des yeux qui ne sont pas les siens. Il semble qu'elle ait réussi à établir une connexion avec quelqu'un. Elle espère juste que c'est bien avec la mutante.
La médecin profite d'un court instant de repos laissé par ses tortionnaires. Elle reprend difficilement son souffle. Tout son corps la fait souffrir. Dans le bruit ininterrompu de la salle, elle entend tout à coup une voix qui l'interpelle. Elle met quelques secondes à se rendre compte que cette voix n'est pas avec elle physiquement, mais dans sa tête. Elle croit reconnaître la voix.
— Gabrielle ? susurre une voix féminine. Gabrielle, tu m'entends ?
— Wanda ?
— Oui, c'est moi.
— Mais comment est-ce possible ? Je deviens folle ?...
— C'est grâce au flux inversé. Bucky m'aide à te localiser. As-tu une idée de l'endroit où tu te trouves ?
— Aucune. Je me suis réveillée ici avec un bandeau sur les yeux. Wanda, j'ai peur ! Ils me torturent. Je n'arrive même pas à utiliser mes pouvoirs pour me protéger. J'ai tellement mal à la tête. Je voudrais dormir...
— J'ai besoin que tu tiennes le coup pour te localiser.
— Lass uns das nochmal machen ! claironne l'homme, activant de nouveau son équipe. Erhöhen Sie die Leistung um eine weitere Stufe. (Recommençons ! Augmentez encore la puissance d'un cran.)
— Non !!!!!! hurle Gabrielle lorsque les décharges se remettent en route. Arrêtez !!!!!
L'intensité du moment est telle que même la jeune Sokovienne ressent l'électricité la parcourir, et lui fait rompre la connexion. Dans la gestion de la douleur sur l'instant, Bucky tente à son tour de parler à la mutante. Profitant de la connexion magnétique, il s'efforce de lui parler.
— Gabrielle ? C'est moi. C'est Bucky. Gabrielle ? Est-ce que tu m'entends ?
Bien qu'elle souffre, le médecin essaye de se concentrer pour l'écouter.
— Ne cherche pas à me parler, juste écoute ma voix. Je sais ce que tu ressens, je l'ai aussi ressenti à une époque de ma vie. On me faisait subir des tortures mentales et physiques pour me lobotomiser. J'étais un vrai pantin, ils me faisaient faire toutes les missions les plus horribles. J'ai tué de sang-froid tout opposant à Hydra, criminel comme innocent. Toutes les nuits, ce sont leurs visages qui me hantent... Mais tu avais raison. Parfois, une autre personne peut nous aider à avancer. Et je crois que je l'ai trouvé ce qui me donne envie d'aller de l'avant...
La rouquine n'a pas réussi à comprendre la moitié de son discours. Elle a fini par se concentrer uniquement sur le timbre de sa voix. Il parle doucement et sa voix légèrement grave l'apaise. Elle a la sensation de pouvoir se créer une bulle dans laquelle son esprit trouve refuge, où elle peut se dissocier de ce qui l'entoure. Malheureusement, cet échappatoire d'apaisement ne dure qu'un temps.
Une à une, les barrières mentales se brisent. Laissant entrer en elle l'ensemble des pensées et des émotions qui se trouvent autour d'elle. Envahissant son cortex par le biais de soubresauts encore plus douloureux que les décharges. Elle n'entend même plus la voix du sergent. C'est une foule, un brouhaha de paroles et de langues différentes qui la submergent. Gagnant petit à petit en puissance, tout comme la douleur. Jusqu'à ce que son corps lâche prise et qu'elle s'effondre, inerte.
Ce sont de fortes claques qui la réveillent enfin. Gabrielle est déboussolée. Que ce soit par le lieu, le temps qui a dû passer mais qu'elle ne peut estimer ou même par les milliers et de voix qui continuent à raisonner dans son crâne. Néanmoins, en ouvrant les yeux, elle découvre enfin le visage de son tortionnaire. Un homme d'une quarantaine d'années aux cheveux noirs et au teint blafard. Il porte une blouse d'opération et des grands gants en latex. Ses yeux sont cachés par une paire de lunettes fumées.
— Ah ! Frau Ross. Vous nous faites enfin l'honneur de revenir parmi nous. Il a été très difficile de vous réveiller. Non seulement vous vous évanouissez, mais en plus, vous luttez pour ne pas montrer vos pouvoirs... Ttttttttt ce n'est pas raisonnable ! J'avoue que sans votre démonstration pour sauver un Avenger, nous n'aurions jamais imaginé que nous pourrions vous retrouver. Vos parents ont vraiment tout fait pour vous protéger. Mais notre organisation connaissait votre existence avant même qu'ils pensent que vous pourriez être menacée. Pendant longtemps, nous vous avons cherché. Et même leur mort n'a pas été utile. Nous avons aujourd'hui assez de matériel génétique pour travailler sur un sérum de synthèse qui pourra répliquer vos pouvoirs à l'infinie !
L'effet dramatique que voulait donner l'homme à son discours disparaît immédiatement lorsqu'un signal sonore se met en route. La pièce prend des teintes rouges et des lumières se mettent à clignoter. Les personnes présentes dans la pièce semblent paniquer. L'inquiétude se lit sur leur visage. Gabrielle la ressent aussi. Son empathie se charge de toutes les émotions négatives environnantes. Elle n'a même plus la force de crier. Elle lutte pour rester éveillée. Pourtant, elle n'a qu'une envie. Dormir. Éteindre les sons. Couper les flux. Abandonner.
— Je crois que vos amis vont arriver trop tard. Aucune raison de vous laisser souffrir comme ça, murmure l'homme à son oreille. Merci pour votre collaboration Docteur. Dommage que nous n'ayons pas eu le temps de voir en représentation l'ampleur de vos pouvoirs.
Une douleur vive au ventre lui coupe la respiration. Il vient de lui planter une lame dans l'abdomen. Un couteau bien aiguisé qu'il maintient en place en la regardant dans les yeux de longues minutes.
— Ah quel gâchis... Auf Wiedersehen Frau Ross !
Par quelques paroles autoritaires en allemand, le quadragénaire ordonne à ses équipes de quitter le lieux. Mais la porte du laboratoire n'a pas le temps de s'ouvrir qu'un faisceau de lumière jaune la projette au milieu de la pièce, emportant avec elle les personnes qui se trouvaient devant.
Sur son socle de torture, la rousse sent son tee-shirt s'humidifier. Elle sait ce que cela signifie. Un hoquet lui fait remonter le goût du sang dans la bouche. Totalement consciente du type de blessure qu'elle a subie et du peu de force qu'il lui reste, Gabrielle se dit que sa fin est proche. Que son abandon ne devrait pas tarder. Elle a l'impression de se déconnecter, de ne plus être elle. Ni physiquement, car son corps se meurt. Ni mentalement, car son esprit est totalement envahi. Elle n'arrive plus à tenir et préfère arrêter de se battre dans une lutte qu'elle sait qu'elle ne gagnera pas.
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