Une soirée
C'est un corridor qui donne l'impression d'être enfumé, éclairé de lampions qui trouvent à être aveuglants, tranchant avec un plafond qu'on ne voit pas ; une pancarte blafarde luit, accrochée au mur, découpant le noir d'un idéogramme massif. Sur la droite, un comptoir saille et court. À peine la place pour passer, à peine l'espace de s'y poser. On y mange des tranches de porc sautées, des pousses de bambou et ce qu'on appelle à tort "nouilles chinoises", le tout dans une large sauce à base de sésame. De l'autre côté, les cuisiniers s'activent des chalumeaux à la main.
C'est un restaurant japonais ; vous entrez, néophyte et — profane — vous vous évoquez Pékin.
Des exclamations que vous ne comprenez pas vous prennent de toutes parts. Des clients partent ; "arigatō gozaimasu !" semblent les héler les employés parmi les clients — les sortants hochent distraitement la tête, sur le seuil. Ce sont des bruits de toutes les odeurs.
Vous quémandez à un cuisinier : "pardon, que voulez-vous dire ?"
Le type, seul à être européen comme vous, vous prend en pitié.
"Arigatō gozaimasu. Merci beaucoup" ajoute-t-il dans un demi-sourire où pointe une aimable condescendance.
Vous n'avez pas entendu. Le cuisinier coupe son chalumeau.
"Arigatō–gozaimasu" articule-t-il en vous regardant comme si déjà vous l'importuniez. Il s'était écoulé quatre secondes.
"Merci beaucoup" vous entendez encore. Avant que les bruits de toutes les couleurs, extrême-orientaux, en vous s'engouffrent pour de bon.
Thibault Desbordes
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