Bonjour Madame Djitli,

Je vous contacte aujourd'hui de la part de - grâce à - M. Abdessamad AIT AICHA et de Mme Élise COLIN-MADAN. Je suis Thibault Desbordes, lycéen en Terminale Scientifique dans le 78 et lauréat du concours organisé par la FFPU « Les Chemins de la Liberté d'Expression » dans la catégorie expression libre lycée. L'auteur des poèmes que vous avez lus, rassemblés dans le corpus intitulé La Liberté d'Expression, la Poésie, l'Être humain.

Lorsque M. Ait Aicha a dans un premier temps mentionné, lors de la cérémonie de remise des prix le mercredi 3 mai, une journaliste travaillant à France Culture qui avait été particulièrement touchée par mes poèmes, je vous confie que j'ai été touché à mon tour. France Culture ! Une journaliste ! Ait Aicha s'adressait alors à la fois à moi et aux autres personnes assemblées salle Colbert - il s'agissait de valoriser les oeuvres des lauréats en leur remettant leur prix. Ma première réponse fut spontanément : « Vraiment ? »

Je suis extrêmement heureux de la considération et du sentiment que vous avez eu à l'égard de mes poèmes. Je voudrais en cela vous dire, que ces poèmes ne sont pas seuls ; quelques-uns entre autres sont dans le document que je vous envoie ci-joint. De plus, je ne suis moi-même pas seul, ni isolé dans ce fameux monde de la Poésie que l'on croyait aller se desséchant en 2017. J'avance ceci avec en mémoire la réponse que le poète contemporain Jean-Michel Maulpoix avait donnée à mon interrogation sur l'état de ce fameux monde en ce début de notre cher XXIe siècle : il me l'avait décrit « ni très vivant, ni très intéressant ». Ces mots synthétisent je crois un écho mélancolique chez un grand nombre de gens, érudits ou simples amateurs de littérature.

Il s'avère troublant, alors, d'observer un réseau de contacts et d'échanges d'idées se mettre en place de proche en proche en France, liant de jeunes poètes et écrivains - M. Maulpoix s'en verra rasséréné, je suppose...Vous trouverez également ci-joint quatre autres poèmes, qu'autant de jeunes auteurs de ma connaissance m'ont permis de faire figurer.

C'est de cette formidable entreprise, qui n'est née de rien parmi rien et qui ne sort de nulle-part sinon d'aujourd'hui, dont je voudrais vous faire part. Le plus fascinant, peut-être, c'est d'appréhender le bouillonnement hétéroclite d'idées et de styles qui en ressort. Ni ligne directrice, ni chef de file, ni conscience globale ; il ne s'agit pas de prendre l'Histoire pour un jeu de rôle, et nous poursuivons chacun des voies qui nous sont relativement propres.

Il y a seulement ce contact, qui de proche en proche relie de plus en plus de monde ; ces après-midi à griller sous le soleil à Beaubourg en compagnie d'un jeune écrivain ; ces soirées passées au bord du Rhône à quatre puis à cinq ; ces vers beuglés à plusieurs jeunes gens ivres dans la nuit ; cette passion avec une jeune graphiste - et tout cela vécu baskets aux pieds et smartphone en proche, dans la plus grande modernité.

Vous savez, je crois que sanctifier la littérature lui fait beaucoup de tort. Regardez donc comment l'on s'agenouille avec une ferveur christique devant les grands auteurs des siècles passés, comment l'on se gargarise sur leur talent en tournant en rond, comment se dire Poète aujourd'hui en 2017 semble revenir à revendiquer un égo sans nom.

Ainsi, mon engagement pour la Poésie, moi qui me dis Poète à 18 ans, relève de l'enthousiasme qui me vient en voyant ce nouveau-né tentaculaire qui ronronne à l'insu du monde littéraire et culturel, encore à peu de choses près inconscient à lui-même.

Trop jeunes, trop de fautes d'orthographes dans nos mots, trop de précipitation nous ferment très souvent la porte la porte des maisons d'édition - à l'heure ou Hatier édite une énième fois une édition scolaire de l'oeuvre de Rimbaud, qui oserait prétendre faire profit en publiant le recueil commun de deux lycéens qui emploient et maltraitent - ou ne maltraitent pas - leurs propres codes de bienséance ? Pire, nous prenant pour de charmants moines copistes, prendrait-on pour des maladresses la révolte là où nos prédécesseurs en la matière n'en avaient pas pensé la place ?

Alors qu'importe ; il serait absurde de croître en rejet de ce vieux monde littéraire et culturel, malgré que ses maisons d'édition ne s'intéressent pas aux mêmes choses que nous. Il peut tant nous offrir, il a tant à offrir, lui qui secrètement nous espérait - nous imaginant sûrement autrement -, nous, qui ne serions pas contre l'idée de l'investir un peu.

Je voudrais porter à l'oreille des auditeurs de France Culture les éléments que je viens de vous exposer, à savoir l'existence et la pertinence de la Poésie aujourd'hui ainsi que l'existence de ce réseau diffus, jeune et en pleine croissance.

Voyez-vous, ce réseau de jeunes poètes, écrivains, et plus généralement de jeunes artistes, sommeille car hormis quelques constructions communes à l'échelle locale, ses membres n'ont pas ou peu conscience du nombre de leurs confrères d'Art, dû au manque de visibilité de ces derniers. Nombres d'entre eux vont jusqu'à se considérer vivre seuls la Liberté d'Expression, lorsque leur passion pour l'Art n'est pas partagée au même titre par leur entourage.

Or le nombre fait l'émulsion, et la conscience de l'existence d'autres jeunes poètes, écrivains, artistes oeuvrant au jour d'aujourd'hui rendrait possible à ces jeunes gens de se repérer, de se rassembler, et de finalement mûrir encore davantage à travers l'échange.

Enfin, et au vu du nombre de regards fascinés que j'ai vu se poser sur moi lorsque j'annonçais localement à tel ou tel artiste ou homme de lettres contemporain l'existence de ces jeunes passionnés, je crois qu'un message véhiculé à plus large échelle en rassurerait plus d'un quant à la postérité et au renouveau de la Culture, qui se maintient décidément toujours à l'âge d'Homme.

Je me tiens à votre entière disposition. Espérant ne pas avoir été trop long.

Bien cordialement,

Thibault Desbordes,
lauréat du concours "Les Chemins de la Liberté d'expression".

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