Les cahiers - Transe lucide
Cahier ouvert, posé à plat sur le sol. "Un mois", que tu as déjà peur d'entendre. Un mois. Et neufs autres à attendre. Le cahier s'ouvre au plancher, et les murs dégoulinent du sperme que tu auras craché pour te faire patienter, sale bête... dans l'air flotte un parfum de cocaïne que tu n'as jamais senti, nanti de tes soleils au belvédère des Pères que tous te reconnaissent et qui t'aurais appris
— Cahier ouvert, posé à même le sol. Deux mois d'attente et puis c'est la vie. Un cœur griffonné au formol s'impatiente dans ton lit, oui mais toi tu dégueule et vomis seul tes souvenirs ; crachotant ta mémoire de Lyon à Charleville comme des chevrotines, ta poésie s'abîme seule seule seule et tu prie pour qu'on te la lime, ainsi que ces visions clairvoyantes qui te hurlent de fuir fuir car tu y crois encore, tu ne crèvera pas là dans un nid de foutre de souvenirs et de cancrelats morts — le casque sur les oreilles c'est à l'acide qu'en transe lucide tu t'allonge sur ton lit tu pleure et puis tu sais, c'est pour ça que tu as voulu naître, tu es poète et oui cet été tu as bu des boréales, tu as têté les étoiles, non tu n'avais pas peur mais ta vie s'est arrêtée, tu es prostré là aigri dans le noir tout gris sur tes draps tu t'aveugle tes soleils froids entre les doigts
— Couteau ouvert, vissé au creux du ventre du plancher, le manche planté entre deux de tes neurones, celles du rêve qui peuvent bien te rester ; huit mois ont déjà passé... Tu as déchiré ton cahier ; l'encre afflue, affleure. Sous quelques jours tu t'aboliras, saccagé d'avant et douteux au présent, délaissant la seconde lui allant précédant... Mais maintenant tu es libre, et puis vois tu as écrit avec ce foutu vers qui t'es interdit, l'alexandrin se croyant tout permis... Mais tu as changé. Tu peux fermer tes cahiers au jour d'aujourd'hui.
Thibault Desbordes
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