Chapitre 54 : Qui passe à table ?
On savoure notre glace sur le balcon de mon appartement en se jetant de petits regards d'amoureux.
Je profite de chacune de ses dernières minutes de répits avant l'apparition de ma tornade parentale. Comme nous n'avons toujours pas déménagé pour un logement plus grand, nous allons devoir leur laisser la chambre et dormir dans le salon : bye bye intimité.
— Ça va bien se passer, m'assure Peter.
— Je ne crois pas...
— Mais si...
— Rappelle-toi bien que tu m'aimes quoiqu'il arrive OK ?
— OK, répondit-il d'un air amusé. C'est promis.
Je glisse ma main dans la sienne alors que l'on sonne à l'interphone.
À peine Joseline a-t-elle passé la porte qu'elle s'affale dans le canapé :
— Bière ! s'exclame-t-elle.
— Je prendrais plutôt un scotch si vous avez ? demande William.
Peter sort une mousse du frigo qu'il tend à ma mère :
— Et le verre ? interroge-t-elle. On n'est pas des sauvages ! Et n'oubliez pas l'ombrelle.
— L'ombrelle ? se moque mon père.
— Oui, le barman au club m'en met toujours une.
— Ça, c'est parce qu'il veut te sauter, commente William.
— Oh oh stop ! ordonné-je. Je sens comme une mauvaise aura tout à coup, qu'est-ce qui se passe ?
— Rien, répondent les deux intéressées comme des ados en froid.
— OK, je vois.
Peter apporte un verre de mousse à Joseline avec un parasol fait maison : un cure-dent et un bout de prospectus.
— Je suis désolé William, mais nous n'avons pas de scotch... On a de la bière, du rhum, du arrangé à la vanille, du ricard et du martini.
— Donnez-moi de l'eau... avec une ombrelle, réclame mon père de mauvaise grâce.
Heureusement pour moi, l'heure du dîner arrive vite.
On se retrouve tous au snack chinois avec Jian, mon serveur-Uber-apprentis psy préféré.
Exceptionnellement, il nous a dressé une petite table à l'écart du long meuble habituel. Au fond de la salle, j'aperçois Amir et Djamila qui tentent d'être discrets.
Peter suit mon regard et leur fait de grands signes de la main pour leur faire comprendre qu'ils ont été repérés.
Tommy entre avec Georges et Joy quelques minutes après, étrangement talonné par Tony et Emel qui vont en direction de mon collaborateur.
Nickel, ironisé-je, comme ça tout le monde est présent pour assister à la fin de ma relation.
Contre toute attente, Tony et sa compagne repartent avec Amir et Djamila. Amir croise mon regard d'un air déçu et désolé.
Lorsque Tony parvient à notre hauteur, il me fait un clin d'œil et échange un check furtif avec Peter.
— C'est toi qui... commencé-je.
— Les potes sont là pour ça, me coupe-t-il fier de son coup.
Visiblement Tony et Peter sont plus proches que ce que je pensais.
Grâce à cette petite intervention, je m'assois un peu plus détendue.
Après les bavardages communs d'usage : les banalités mondaines, le travail, le temps, le décalage horaire, nos plats sur mesures arrivent.
Pour l'occasion, le chef s'est surpassé : un milk-shake hyperprotéiné pour papa, un au collagène pour Tommy, du poulet au miel pour Peter, une andouillette pour maman, rouleau de printemps pour Georges, pièce de bœuf pour Joy et un bagel crème oignon pour moi.
— Je n'avais pas vu tout ça sur la carte, commente joyeusement William.
— Excuse-moi, sollicite Joseline, mais je crois qu'il y a un malentendu...
— Le patron ne fait jamais d'erreur, annonce fièrement Jian.
On pivote tous vers celui-ci. Il est tourné vers nous et hoche subrepticement la tête.
— Mais je ne peux pas avaler ça, s'indigne ma mère.
— C'est quoi ce truc ? demande Tommy. Beurk... Ça pue...
— Allons, c'est de la nourriture française, explique Georges.
— C'est pourtant ce dont vous souhaitez le plus manger, répond Jian en se descend pour parler au plus prêt de son oreille. Il ne faut pas avoir honte, madame... D'avoir... envie... de... quelque... chose... de ....s-a-l-e...
Joseline devient rouge comme une pivoine sous son fond de teint et je comprends de qui je tiens mes picotements au visage.
— Je... ne... vous... permet pas ! s'indigne-t-elle sous l'œil noir de mon père.
— Vous savez c'est mon épouse que vous draguez là, s'offusque-t-il.
Jian rit :
— Il y a méprise, monsieur, s'explique-t-il, madame est une bien jolie femme, mais, sans offense, elle n'est pas mon style.
— Et c'est quoi votre genre ? s'amuse Georges.
— On s'en fout Georges, le gronde, William. Vous pouvez disposer, autorise William à Jian.
Ce dernier le salue d'une courbette dans un geste provocateur avant de se diriger vers le bar d'un pas nonchalant.
— Je n'aime pas ce type, affirme William. Il se croit où !?
— Bois ton milk-shake, intime Joseline.
— Et toi ! Tu te laisses faire comme ça ! Tu vas voir ce que tu vas prendre...
— Pour ça, il faudrait déjà que tu puisses me prendre, monsieur j'ai les couilles en pruneaux à cause du dopage.
— Waouh ! Waouh ! Tout le monde se calme ! les stoppé-je sous le regard très amusé des autres convives.
— Rachète-toi des piles, chérie, continue mon père.
— Tu devrais penser à me les offrir, après tout c'est ta faute si on en est là...
— Tu ne disais pas ça tout à l'heure dans les toilettes de l'avion !?
— Pfff tu parles, ça a duré à peine 2 minutes, je n'ai presque rien senti.
Tommy explose de rire alors que les autres font de leur mieux pour ne pas le suivre. Dépitée, je me venge tristement sur mon bagel.
C'est à ce moment-là que Jian passe furtivement me déposer une bonne portion de frites.
— Il est vraiment au top Jian, me glisse Joy. Je me demande c'est quoi son type ?
— Très franchement, je m'en fiche. Cette soirée est un véritable fiasco...
— Non, ne dis pas ça ! s'exclame Joy. Connaissant tes parents, ça aurait pu être bien pire.
— À t'entendre, on croirait que tu as hâte d'en faire partie...
— Mm, il va falloir y penser en effet, me coupe-t-elle en caressant son ventre.
Je mets quelques secondes à comprendre avant de me redresser et de m'enthousiasmer :
— Nooon ! Non !?
— Et si ! affirme-t-elle en riant. Ce n'est pas vraiment prévu au programme, mais on s'est dit que c'était très bien comme ça : ça nous ressemble bien, finit-elle en glissant sa main dans celle de Georges en souriant.
Comme s'ils avaient convenu d'un signal, Georges se lève et intime tout le monde au silence. Puis il annonce l'arrivée d'un bébé, leur petit dans notre famille.
Je vais être tata, me notifié-je sous le choc alors que Tommy demande :
— Ah parce que vous êtes ensemble ?
Je n'écoute pas le reste des réactions, j'ai l'impression d'être dans un bocal. Moi qui suis fiancée sans date de mariage et en recherche d'appartement sans avoir fait une seule visite depuis presque deux mois maintenant.
Peter ayant perçu mon trouble m'envoie discrètement le message suivant sous la table :
Ça va ? Tu es toute pale...
Je suis choquée, répondis-je.
J'avoue que je ne m'y attendais pas du tout, mais c'est une bonne chose, non ?
Oui... sûrement...
Alors qu'est-ce qu'il y a ?
Je ne sais pas trop... Je ne sens bizarre... C'est nous qui sommes lents ou eux qui sont rapides ? Voire beaucoup trop ?
Charline, il n'y a pas de comparaison à avoir. Chacun fait comme il veut. Je te l'ai déjà dit.
Oui, je me rappelle, mais... Tu es là le week-end prochain ?
Oui pourquoi ?
On visite des appartements.
Cupcake, c'est puéril.
C'est vrai. Et du coup, tu viendras ou pas ? demandé-je.
Pour toute réponse, Peter m'envoie un bonhomme qui se marre.
À la fin du repas, j'ai la bonne surprise de découvrir que mes parents se sont rabibochés sans passer pas les sanitaires cette fois.
De retour à l'appartement, tout le monde se couche après avoir fait sa toilette. Je fais fi des gloussements de ma mère dans la salle de bain lorsqu'elle croise mon père.
Mais il est difficile d'ignorer les grognements de William qui imite le roi des animaux dans la chambre.
— Ce n'est pas bientôt fini ce bordel, m'indigné-je en ouvrant la porte à la volée.
— Cupcake s'offusque Joseline nue devant le lit.
Sur le matelas, je vois mon père à quatre pattes faire littéralement le lion, l'appareil trois pièces pendouillant.
— Oh boy ! (*oh bonne mère) m'exclamé-je en me couvrant les yeux. On vous entend très nettement et je suis sûre que les voisins aussi, alors calmez-vous.
Je sors en trombe de la chambre pour rejoindre Peter.
Il est assis sur le canapé déplié en lit, il affiche son air stoïque habituel bien que des larmes coulent toutes seules sur ses joues.
En m'apercevant, il relâche toute la tension qu'il a pu accumuler et explose de rire. Je finis par le suivre un peu à contrecœur.
— Ne te moque pas de moi... demandé-je
— Non, mais tu es la plus mignonne des licornes énervées que j'ai jamais vue, répondit-il.
Je ricane en réalisant que, effectivement, du point de vue extérieur, la scène devait être drôle.
Moi agacée en combinaison pilou-pilou licorne contre mes géniteurs en mode adolescent découvrant les joies du sexe.
Le reste de la nuit se déroule plus calmement. Après un câlin dodo bien mérité, je pars rejoindre mon amant de tous les temps : Morphée.
Le lendemain, mes parents étant en plein jetlag, nous sommes tranquilles.
Lorsque Peter se réveille, je suis déjà sur le pied de guerre : un café noir et la tablette à la main.
Il dépose un baiser sur mon front sans que je sourcille. Il se penche un peu plus pour regarder l'écran :
— Tu es vraiment sérieuse ? me demande-t-il amusé en voyant les annonces d'appartement.
— Oui, très ! Et depuis hier soir, je pense même qu'il nous faudra deux chambres : pour être tranquille quand on reçoit !
— Mm... Je crois que tu as pris assez de café, commente-t-il en s'emparant avec douceur de ma tasse.
— Bah, ce n'est que le troisième...
— Mm, se marre-t-il.
C'est ainsi que je remplis progressivement le planning de notre week-end prochain avec des recherches de logements.
Je survis du mieux que je peux à la visite de ma famille. Mes parents se comportent comme des adolescents en chaleur pendant tout le reste du séjour. Je pense d'ailleurs brûler les draps et purifier ma chambre avec de la sauge après leurs départs.
On alterne la garde avec Georges, Tommy n'est pas beaucoup plus facile à gérer. Égoïste et égocentrique, un jour il nous ramène même une conquête rencontrée il y a moins d'une heure. Une autre raison pour carboniser la literie et désinfecter l'appartement.
La seule soirée que j'apprécie vraiment et celle que nous avons passée tous ensemble au Lido. Nous avons pu voir Tony et sa copine danser ainsi que toute la troupe. Le spectacle était là ! Un show de l'espace, mais je suis un peu restée sur ma faim question nourriture.
Heureusement qu'il y a les kebabs 24h/24h à Paris.
C'est ainsi qu'après avoir mis tout ce joli petit monde dans un avion pour les états unis, nous arpentons la capitale et sa banlieue pour trouver notre nid.
Après avoir été confronté à l'arnaque de l'appartement photographié avec un grand angle, le logement où il y a une seule prise électrique qui fonctionne, celui qui est moisi, celui où le propriétaire à vu dans la salle de bain, celui qui est en fait un sous-sol et celui qui est à côté d'une station d'ambulance, celui qui ressemble à une décharge, je commence à fatiguer.
— Je ne me souvenais pas que c'était aussi dur de chercher un apparemment, commenté-je.
— On fait une pause ? Propose Peter avec son air habituel.
— Volontiers...
— Il nous reste beaucoup de visites ? demande-t-il d'une voix douce.
— Non, c'était le dernier, répondis-je dépitée.
— Ce n'est pas grave, me rassure-t-il. Apéro ?
— Allez...
Il nous aura fallu, deux mois, une trentaine de rendez-vous, attendre que le ventre de mon amie s'arrondissent d'un petit-neveu, énormément de frustration et plus d'une cinquantaine de mojitos pour trouver notre petit nid de bonheur.
Un phénoménal duplex entièrement à rénover.
Je n'en reviens toujours pas de cette folie. Nous qui étions partis pour un appartement en commun, nous voilà propriétaires et donc sans un sou.
Aussi, je pense que notre union ne sera pas pour tout de suite parce que j'ai tapé "mariage gratuit" dans Google et les résultats n'étaient pas vraiment à la hauteur de mes espérances.
Je ne souhaite pas faire un énorme événement qui transpire le fric, mais je compte bien marquer le coup quand même.
Je trouve qu'il y a un moment dans la vie où tout semble s'accélérer autour de nous : déménagement, mariage, grosses, naissance.
J'ai l'impression qu'on est en plein dedans : Tessa et Caleb, aussi, ont aménagé ensemble. Pour me remercier de les avoir mis en relation, ils m'ont promis d'appeler un de leurs futurs enfants Charline ou Charly.
Pour notre emménagement tout notre entourage parisien était là : Tony, Emel, Georges, Joy, Amir, Djamila fraîchement diplômée, Jian et Simon.
L'événement marquant de la journée, la seule chose dont tout le monde se souviendra pendant longtemps et dont personne n'était prêt a eu lieu en début de soirée.
***
Coucou tout le monde !
j'espère que vous allez bien et que votre été se passe bien.
Qui a aimé les parents de Charline ? Qui attend d'en savoir plus ? (ʘᴗʘ✿)
A la semaine prochaine (≧▽≦)
Xoxoxo (*˘︶˘*).。*♡
Cam
PS : la pensée du jour est pour mes lecteurs romantique qui prennent le temps (◍•ᴗ•◍)✧*。
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