Chapitre 52 : Tic et Tac, les loueurs de camions
- Je suis Mister G, répète-t-il calmement en rosissant.
- Non, ça j'ai compris. Enfin je crois... Je veux dire : quand, comment... Tu sais quoi ? Tout bien réfléchi, je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée.
Georges laisse échapper un rire nerveux alors que le serveur dépose nos plats.
Il n'a plus du tout la posture d'un homme confiant, mais plutôt l'allure d'un petit garçon pris sur le fait.
Les épaules rentrées, un pauvre faible regard et il triture sa serviette :
- Tu es fâchée ? me questionne-t-il.
- Hein ? Euh... Non... j'espère juste que tu sais ce que tu fais, finis-je sèchement.
- Je crois que, je n'ai jamais envisagé de garder aucune femme dans ma vie parce que j'ai toujours craqué pour Joy... Depuis tout petit...
- Quand je pense que notre mère m'a demandé si tu étais gay la dernière fois que je l'ai eue au téléphone...
On ricane ensemble puis il reprend :
- Ça ne m'étonne pas d'elle. Bref, pour en revenir à Joy... Je suis... On est sérieux. Je voulais t'expliquer personnellement avant de perdre le contrôle de tout ça...
Comme s'il avait retenu trop de choses pendant trop longtemps, Georges ne peut s'arrêter de parler.
Apparemment, il est amoureux de mon amie réunionnaise depuis leur première rencontre dans la cour de l'école.
Ayant toujours su que cette dernière avait un faible pour Caleb, il avait préféré se taire. Mais devant la succession de mauvais choix de partenaire de Joy et avec l'affaire Francis, son comportement a changé.
Alors qu'il est allé chercher les preuves de l'adultère du mécano chez elle, ils ont eu une discussion musclée.
Georges étant passablement énervé de voir qu'il était amoureux d'une fille aussi mal chanceuse. Devant justifier de sa piètre humeur, mon frère a décidé de lui dévoiler la vérité. Après quoi tous deux se seraient assis dans le canapé pour assimiler ce qui venait d'être révélé.
- Et puis, après... Je ne me souviens pas trop comment on s'est embrassé et tout a... dérapé...
- Ah...
- Et je suis revenu dans le coin plusieurs fois pour qu'on se voie... Mais dans ton dos et je me suis détesté pour ça...
- OK, OK, on se calme, le coupé-je. J'ai besoin d'un moment.
- Oui, bien entendu... Mais tu sais, je ne l'ai pas fait exprès... je
- Mais bien sûr ! Tu as glissé en elle puis tu as essayé de te relever et mince ! Tu es retombé !
- Euh...
- Je t'avais dit qu'il me fallait un instant !
- Oui, pardon...
Pendant quelques minutes, seul le bruit de nos couverts se fait entendre.
Georges me jette des petits regards inquiets et tripote à intervalle régulier sa mèche blonde de devant figée par le gel à coiffer. Un toc qu'il a gardé depuis notre enfance et qui me permet de toujours savoir quand il est nerveux.
- Non, mais tu te rends compte !? finis-je par demander.
- Euh... Oui : si je merde sur ce coup-là, tu vas me tuer, me ressusciter pour me torturer et me retuer.
- Euh... Je ne parlais pas de ça...
Il me lance un regard rempli d'espoir tout mignon, qui me donne l'impression d'être la méchante de la conversation.
Je soupire avant de continuer :
- Je vais devoir vous massacrer tous les deux si ça tourne mal... Double homicide, je vais prendre perpette !
- Ah donc tu es contente pour nous ? me questionne-t-il, les étoiles pleins les yeux.
- Oui... Vous méritez d'être avec quelqu'un de bien... c'est juste que... ça me fait encore un peu bizarre...
- T'inquiète, ça a fait pareil à Caleb et finalement il s'y est vite accommodé, dit-il en buvant une gorgée.
- QUOI !?
Il avale précipitamment et reprend son air de chat botté.
- Caleb l'a su avant moi !?
- Il... Il nous a surpris... Et puis j'avais besoin de quelqu'un pour me couvrir... Un frère d'armes...
- Je vais le tuer, affirmé-je entre mes dents.
À partir de ce moment, j'ai l'impression que tout s'accélère.
On dîne tous les quatre avec Peter et Joy. Tout le monde est fidèle à lui-même, aussi je dois admettre que les choses ne sont pas vraiment différentes. Peter en bon anglais stoïque, n'étant pas très démonstratif en public, les deux tourtereaux s'abstiennent de toute forme d'affection en notre présence.
Rapidement s'en suit les visites d'appartement, auquelle je participe tant tôt avec Joy tant tôt avec la nazgül.
Il ne leur faut que quelques semaines pour dénicher leurs bonheurs, je les trouve bien pressés, là où je freine des quatre fers. Peter ne m'a d'ailleurs plus fait aucune proposition dans ce sens, mais je sais qu'il est épuisé par les allées retour.
- Tu m'écoutes ? me questionne mon amie en pétrissant sa pâte à pain.
- Mm... Non, répondis-je avec honnêteté.
Joy pousse un soupir alors qu'elle remet en place une mèche de cheveux qu'elle enfarine par la même occasion.
- J'ai appelé hier pour louer un fourgon pour le déménagement.
- Ah...
- Le type au téléphone était très bizarre.
- Ah bon, comment ça ?
- Ben je lui ai demandé si je pouvais réserver un camion pour le 12 et il a dit : uuuuuh madame, c'est compliqué vous savez, finit-elle avec une grosse voie et un accent sarthois.
- Il a vraiment lâché ça comme ça ? m'amusé-je.
- Ouais et attends, après il a convoqué à son collègue, un certain Bernard qui a repris : uuuuuh on va faire au mieux, mais bon ça va être compliqué, dit-elle avec le même accent.
- C'est une blague ces types !? rigolé-je.
- J'espère bien qu'ils s'ennuyaient et qu'ils m'ont fait une plaisanterie, se détend Joy après avoir violenté sa pâte. J'ai tellement hâte : j'en ai marre d'apercevoir les affaires de monsieur dans les valises... j'ai l'impression qu'il va partir d'une minute à l'autre...
- Mm... fis-je songeuse.
- Non et puis je pense qu'on a déjà assez attendu, complète-t-elle en recouvrant sa farce de pâte.
- Tu fais quoi ? demandé-je.
- Un pithiviers, c'est technique.
- Je vois ça.
- Ce que je veux dire, c'est qu'on a mis un moment à vraiment se rencontrer, à se comprendre et c'est donc normal de passer à l'étape supérieure.
- Mm...
- Enfin, je dis ça pour nous... Parce... euh... ben... tout le monde est différent et euh... tente-t-elle en se rendant compte de sa maladresse.
J'échappe un gloussement :
- Tu te verrais...
- Quoi ? s'amuse-t-elle.
- Tu es là en train de te trouver des excuses pour aménager avec mon frère ! Mon frère et tu as plein de farine dans les cheveux...
- Ah où ça ? demande-t-elle en rajoutant encore plus de blanc sur sa coiffure.
Je ris doucement et lui faisant signe d'arrêter. Je chasse la poudre avant de lui avouer :
- J'y pense également à tout ça : passer à l'étape supérieure... L'ennui c'est que, je ne sais pas comment faire pour cesser d'avoir peur comme ça...
- Ah bah... Ça... Comme je te le disais la dernière fois, moi aussi j'ai la frousse... Surtout que c'est ton frère ! Tu te rends compte ! Mais bon... Il faut qu'on tente le truc...
« Saisir sa chance » cette idée tourne dans la tête tout le reste de la soirée. Je n'en parle pas à Joy, mais quand je la vois toute joyeuse et pleine d'excitation à l'idée de ce qui va suivre, quelque part je l'envie.
Je regrette presque d'avoir rembarré Peter le mois dernier parce que maintenant, je vais devoir tout faire toute seule.
Quand j'y songe : Joy et Georges ! Improbable ! C'est d'ailleurs une idée que je partage avec Caleb. Lui non plus n'avait pas aperçu l'éléphant rose dans le couloir.
J'essaye de distraire mon esprit avec ce concept et malheureusement mes pensées se retournent bien vite ma première réflexion.
Lorsque je quitte mon amie dans l'après-midi, c'est toujours en fond dans ma tête.
Moi aussi je veux faire des plans sur la comète, je souhaite également sourire d'une oreille à l'autre. Tous les voyants sont au vert avec Peter alors qu'est-ce qui m'entrave ?
Juste moi, tout simplement.
Dans l'appartement, Peter dort sur le canapé, c'est une habitude qu'il a prise quand je m'absente. Il doit penser qu'il sera réveillé à mon retour et que ça passera ni vu ni connu.
Il ne se plaint jamais d'être fatigué, mais je ne peux m'empêcher de me demander s'il le serait autant si on habitait ensemble à mi-distance.
Voilà que je me mange à nouveau le cerveau pour pas grand-chose. Les autres y arrivent bien donc moi aussi je devrais pouvoir le faire, il n'y a pas de raison.
J'observe mon charmant brun sexy en train de dormir, son buste se lève tranquillement aux rythmes de ses respirations. Son visage est apaisé, beau et empreint de beaucoup de douceur. Je sais qu'il a beaucoup d'amour à donner et en cet instant : je prends la décision muette de l'accepter.
Comme s'il était au fait que je le regarde, rapidement il papillonne avant de se redresser :
- Salut toi... me dit-il avec son accent anglais en se massant le cou.
- Coucou...
Il me sourit timidement en se mettant en position assisse pour me faire de la place. Aussitôt je me glisse, naturellement, au creux de son épaule. Sans un mot, il rabat ses bras dans une étreinte rassurante. Je me sens parfaitement en sécurité contre son corps chaud et musclé.
Je ferme les yeux un bref instant puis déclare :
- Je t'aime Peter, de ma voix la plus douce.
Il resserre sa prise sur moi avant de répondre :
- Je suis heureux de l'apprendre, moi aussi.
- Tu en doutais ? m'amusé-je.
Il ricane en se couvrant la bouche. Il adopte sa plus belle teinte d'écrevisse et il me semble que sa main tremble légèrement.
Il s'écarte un peu, me fixe intensément puis m'embrasse avec ferveur.
Ce baiser est de ceux qui me font décoller : doux, lent, progressivement passionné pour finir par me déclencher des frissons dans le dos.
- Mon petit cupcake... me chuchote -t-il à l'oreille.
Je souris, heureuse d'avoir rompu la barrière, de lui avoir dit, de le voir autant ému et de me sentir aussi bien.
Je sais que j'ai fait le bon choix et que Peter attendait que ça.
On se raconte nos journées tout en restant collés l'un à l'autre et en se caressant du bout des doigts.
Je lui parle de Joy et de son déménagement fixé pour le 12 avec mon frère. Bien sûr, il se propose de venir aider puis il bascule rapidement sur ses histoires de bricolage avec les voisins.
Je l'imagine bien monter un stand de réparation devant son garage un de ces quatre. Naturellement, en tant que femme d'affaires aguerrie, je serais à la caisse pour compter le butin.
Après cette soirée, bizarrement, je nous trouve beaucoup plus détendus que soit dans notre relation ou dans nos échanges ou même et surtout lors de nos ébats.
C'est donc toute guillerette que j'accueille le 12 du mois.
Je rejoins une Joy toute stressée aux loueurs de camions pendant que les garçons commencent à démonter les meubles.
- Bonjour, dit-on joyeusement, en cœur, en rentrant dans l'échoppe.
Nous tombons nez à nez avec un homme dans la cinquantaine, les yeux louchant légèrement, le nez recouvert par une énorme tache de vin violette, les dents du bonheur, une chemise hawaïenne et l'air très surpris de nous voir.
Sans se laisser démonter, Joy approche du comptoir et on peut lire « Bernard » sur son badge. C'est donc l'un de ceux que mon amie a eu au téléphone.
Après lui avoir remémoré brièvement pourquoi nous sommes là, il se passe une main sur le visage en s'exclamant :
- Uuuuuh, ça va pô être facile madame, avec un accent sarthois.
Moi qui n'avais pas voulu croire Joy, je réprime un rire.
- Je ne vois pas pourquoi, réplique Joy. J'ai appelé pour réserver un fourgon, il y a quinze jours...
- Mm... fait-il vaguement alors que la cloche de la porte retentit.
Un deuxième homme de la même tranche d'âge entre, vêtu d'un vieux blouson en cuir et d'un chapeau à la Indiana Jones.
- Ah Didier, se réjouit Bernard, tu tombes bien ! Cette dame a besoin d'un camion.
- Uuuuuh, répondit-il avec un accent similaire, ça va être compliqué, madame.
Il fait le tour du comptoir pour rejoindre son camarade et à les observer l'un à côté de l'autre, je me surprends à penser à deux personnages de cartoon de mon enfance.
Joy loin de trouver la situation comique, s'agace :
- C'est quoi le problème ?
- Ben ma p'tite dame, c'est qu'il faut voir s'il y a des retours...
- Comment ça !?
- Ben comme on fait une réduc' aux professionnels et qu'en plus ils s'en foutent d'être majorés vu que ça passe dans leurs frais d'entreprise...
- Mais alors pourquoi vous ne m'avez rien dit au téléphone ?!
- Mon collègue a dû vous dire que ça allait être compliqué, dit Didier. Ben voilà.
- Et c'est tout !? Pour vous ça vous suffit ?
Je vois les deux autres se regarder en mode : elle est bête celle-là où quoi. Je rirais bien de la situation, mais mon amie au bord du désespoir c'est pourquoi je décide de prendre les choses en main :
- Nous aussi nous sommes autoentrepreneuses et nous comptions vraiment sur ce camion aujourd'hui. Est-ce que vous pourriez nous dépanner ?
Tic et tac se communiquent en silence et je crois apercevoir de la compassion dans leurs yeux.
- Bon Didier, qu'est-ce qu'on a ?
- Uuuuuh Bernard tu sais que...
- Ça va être compliqué, je suis avec toi, répondit-il en hochant la tête à la manière d'un expert.
- J'ai pu retrouver un camion plateau qu'on avait perdu ce matin, mais...
- Mais quoi ? demande avidement Joy.
- Ben c'est pô le plus ergonomique. Il n'y a pas de haillon, la marchandise est exposée et c'est un vrai veau.
- On prend, affirme mon amie qui voit l'heure défiler.
- Uuuuuh, elle a des couilles la dame.
- Je suis encore là, commente Joy entre les dents.
On récupère donc le véhicule plateau avec reduc' direction l'appartement sur la route, je lâche un fou rire histoire de me détendre.
Joy rit jaune puis finit par me suivre :
- Uuuuuh madame, fait-elle en les imitant.
- En plus, ils ressemblaient à Tic et Tac...
- Les ranger du risque ! Mais oui maintenant que tu le dis !
- T'as vu !
- Grave.
On se marre encore un moment dans notre camion pétaradant avant d'arriver chez Joy.
Sur place, les garçons nous attendent de pied ferme pour commencer le chargement.
- C'est quoi ce camion ? demande Georges avec un sourire en coin.
- Uuuuh ça c'est compliqué, monsieur, répondis-je alors que Joy explose de rire.
- On vous racontera à la pause, dis-je pour ne pas perdre trop de temps.
On passe un déménagement plutôt agréable, il ne fait pas trop chaud, pas trop froid. Je peux contempler Peter, manches retroussées, chemise ouverte, se baisser et se relever avec une charge lourde. Il est tellement sexy avec un peu de sueur sur le front et ses bretelles qui se tendent en fonction de ses mouvements.
Après le déjeuner, je vois qu'il a compris mon manège et il fait exprès d'adopter des poses pour se mettre en valeur. Il se redresse plus lentement, il roule des épaules avant de prendre quelque chose et surtout il me jette des regards empreints d'intention charnelle.
Bien que le temps reste constant, ma température grimpe d'un cran durant l'après-midi.
En début de soirée, alors que toutes les affaires de Joy sont dans l'appartement. Celles de Georges arriveront demain. Le lit monté et le frigo branché ; j'aperçois mon amie sur le balcon en train de contempler l'horizon.
Je m'apprête à la rejoindre pour admirer la vue de banlieue, mais Georges me devance.
L'un, l'autre ne sont pas très démonstratifs, aussi lorsque mon frère se glisse dans le dos de Joy, j'ai l'impression d'observer quelque chose d'interdit.
Georges passe ses bras autour de Joy qui tourne la tête vers lui en souriant.
Je me rapproche du chambranle de la baie vitrée comme pour y disparaître.
- On va être bien ici ? demande-t-elle.
- Assurément... Mon amour, répond Georges d'une voix extrêmement douce qui je ne lui connais pas.
Joy se retourne et je les vois se chercher quelques secondes avant de s'embrasser fougueusement. Georges soulève Joy qui lève une jambe en mode pin-up tout en encadrant le visage de Georges de ses mains.
Ils se détachent, elle continue à dessiner le contour de son profil en souriant comme jamais. Joy a toujours été une très belle femme, mais en cet instant elle me paraît tellement magnifique, rayonnante de bonheur.
Une patte tombe sur mon épaule me faisant sursauter. Je me tourne vers Peter qui fait « non » de la tête en se moquant de moi.
On s'écarte des amoureux et c'est le visage brûlant que j'essaye de me justifier :
- Je voulais dire un mot à Joy et...
Peter affiche un air rieur et l'envie de rigoler me gagne :
- Quoi ? demandé-je.
- Ne sois pas jalouse, je vais m'occuper de toi, me promet-il en me caressant lentement le bras.
- Peter ?
- Mm... dit-il en me regardant avec désir.
- Je crois que je suis prête pour l'étape supérieure, dis-je tout de go.
Il se fige, il déglutit en fronçant les sourcils alors que je ne peux m'empêcher de vider mon sac :
- Tu sais habiter ensemble à mi-distance et tout...
- Charline... Il faut que je t'avoue un truc... dit-il en se passant nerveusement la main dans le cou.
Oh boy*... (*Oh bonne mère)
***
Coucou tout le monde !
J'espère que vous allez bien.
Alors Tic et tac ont les aiment ou pas ? (≧▽≦)
A la semaine prochaine pour la révélation de Peter, qui a peur ? (ꏿ﹏ꏿ;)
Xoxoxo
Cam
PS : la pensée du jour est pour les sarthois bien entendu (*˘︶˘*).。*♡
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